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l'inventaire des rêves

  • La grâce de Chimamanda

    L'inventaire des rêves, Chimamanda Ngozi Adichie, roman, 2025, Gallimard, Nafissatou Diallo, Americanah, L'hibiscus pourpre, Etats-Unis, Nigéria, GuinéeComme une longue attente, avec l’espoir des retrouvailles au bout. C’est l’effet que produit l’absence de romans écrits pas Chimamanda Ngozi Adichie. Lorsque L'inventaire des rêves, chez Gallimard, apparaît, et que nous nous délectons des premières pages, cela nous saute au visage. C’est vrai, on se retrouve en terrain connu, les personnages, l’atmosphère, les mots nous avait manqué et nous les guettions, sans nous en rendre compte ! Pourtant les protagonistes sont différentes, leurs caractères et leurs expériences aussi mais nous avons la sensation de les connaître et sommes immédiatement happés par leur grâce. C’est peut-être là le point commun entre les vies que crée l’autrice, quel que soit le roman. Cette grâce coule dans les veines de Chiamaka, Zikora, Omelogor et Kadiatou. Nous aimerions qu’elles existent vraiment. D’ailleurs, la dernière héroïne est inspirée de Nafissatou Diallo et de son histoire. Chimamanda Ngozi Adichie précise que seul le récit de son agression est raconté, tel qu’ « elle l’a relaté » mais que le reste du personnage de Kadiatou est issu de son imagination.

    Ainsi, à l’instar du cheminement d’Ifemelu dans Americanah ou de celui de la jeune Kambili dans l’Hibiscus pourpre (premier roman) nous suivons et vivons les trajectoires de chacune, comme une amie intime, que nous soutenons par notre lecture. Cette sensation de proximité se construit petit à petit. En effet, nous découvrons d’abord Zikora, Kadiatou et Omelogor à travers la vision de Chiamaka, respectivement meilleure amie, patronne et cousine de celles-ci. Notre regard change ensuite en adoptant le point de vue de Zikora et en apprenant son histoire, puis celle de Kadiatou et enfin Omelogor. C’est amusant d’entendre parler cette femme d’affaire nigériane d’un des petits amis de sa cousine. On ne se souvient plus d’avoir lu le récit de cette relation. Nous nous précipitons au début du livre pour essayer de retrouver une anecdote « croustillante » que nous aurions loupé avant de nous rendre compte que Chiamaka l’évoquera plus tard, puisque c’est son personnage qui ouvre et conclut le livre.

    Elle nous parle au moment du COVID en se remémorant, entre autres, les différentes histoires d’amour qu’elle a vécue. Cette nigériane, installée aux États-Unis évoque aussi en filigrane sa relation avec sa famille, ses amis, la richesse, le décalage entre générations, traditions, visions africaines et américaines. Chiamaka vit mal le fait de devoir se conformer à la tradition de se trouver un mari tandis que sa meilleure amie, Zikora, également nigériane et américaine est au contraire désespérée de ne pas trouver chaussure à son pied. Kadiatou, guinéenne, employée de Chiamaka, n’imaginait pas un seul instant vivre aux États-Unis et flotte constamment entre reconnaissance et malaise persistant. Omelogor, si sûre d’elle en apparence, tombe des nues en s’inscrivant à l’université américaine et en essayant de communiquer avec ses nouveaux camarades, si éloignés des ses fidèles amis du Nigéria et sa chère ville d’Abuja.

    Ces quatre-là semblent traverser la vie avec autant de courage que de fragilité. Leurs maux nous émeuvent, nous révoltent, nous culpabilisent et agrandissent notre ouverture aux autres. À l’heure où les convictions de chacune et chacun semblent se figer et les ponts entre les communautés s’effondrer aux États-Unis et partout dans le monde, le roman de Chimamanda Ngozi Adichie nous projette les deux pieds dans le vrai monde, celui où nous faisons L’inventaire de nos rêves et où nous les réalisons !

    Image : Gallimard.fr