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flammarion

  • Valeur versus valeurs

    "En l'éjectant de la matrice, les élites dirigeantes ont anéanti le socle culturel qui incarne et fait vivre les valeurs de toute civilisation. L'éloignement dans les périphéries géographiques et culturelles de ceux qui portent ce système de valeurs est le démarrage du processus de dévitalisation puis de décivilisation. Préférant détourner le regard sur ce bug originel, on accuse l'extérieur, les autres". (p.183)

     

    depossedes.jpgA l'instar d'un Philippe Guillemant qui ne croit plus au "foutur" transhumaniste et mondialisé souhaité, le géographe Christophe Guilluy prédit dans les dépossedés, paru chez Flammarion, la fin d'un système politico-médiatisé et socio-géographiquement structuré dont la représentation mentale se mord la queue ou est, selon lui, à bout de souffle. Il milite en vérité pour un rééquilibrage des forces en présence, considérant vraiment les humains comme ressource plutôt que produit rentable.
    Il décrit avec minutie et précision l'émergence de notre monde numérique, de libre échange et d'hyperconsommation (les lieux de villégiature, le tourisme tout azimut...) qui ne profite qu'à une élite fortunée et dont une majorité subit la violence physique (exclusion des hypercentres, précarité de l'emploi...) ou verbale (les jugements stéréotypés méprisants...).
    L'auteur oppose ce "bloc populaire" qui vote anti-système ou s'en abstient en masse, aux "segments markétés" que courtisent les partis traditionnels, puisqu'ils désirent tous deux ce monde nouvellement hyperconnecté avec une promesse à terme d'immortalité des corps.
    Ces "dépossédés" jusqu'à l'existence médiatique (pour preuve l'émergence subite des gilets jaunes sur la scène) feraient front dans les périphéries, selon l'auteur, en proposant une alternative humaine et solidaire au moloch monétaire (les circuits courts, la monnaie locale, l'échange par exemple).
    Le clivage ne nous semble pourtant pas si évident sauf si la donnée spirituelle enrichit les données. Beaucoup parlent au nom du ou pour le peuple (rappeurs comme politiques) mais ce dernier existe t'il uni et hétéroclite ? Les valeurs humaines suffisent t'elles à se sentir reliés et donc moins égocentrés ? Ces valeurs sont-elles l'apanage d'une communauté plutôt pauvre (un fameux peuple élu ? ) ou celles d'un "commun hôte", toutes classes confondues, avec pour fondement le souci de l’altérité, l'Autre, le Tu, l'absence de repli sur soi ?
    Christophe Guilluy parle peut être en son nom avant tout, nous signifiant qu'il n'est plus possédé par une vision tronquée du réel. Même s'il voit le danger partout (Netflix par exemple) sans demi-mesure et dresse moins le portrait des dépossédés que celui (obsessionnel presque) des nantis, il donne avec cet essai riche, clair et brillamment rédigé, quelques clés pour prendre du recul et de la hauteur, à partir des territoires où nous habitons, pour disséquer la matrice dysfonctionnelle dans laquelle nous sommes  conditionnés.