Je crois que notre génération doit savoir que la Bête de l'événement est là et elle arrive. Et qu'il s'agisse de terrorisme, de cette grande pandémie ou d'autres chocs, il faut la combattre quand elle arrive avec ce qu'elle a de profondément inattendu, implacable...
E. Macron. Vidéo financial Times du 16 Avril 2020.
Joël Schnapp, enseignant chercheur au parcours atypique, publie un essai censé, sourcé et décalé (avec beaucoup d'humour) chez Piranha Banc, intitulé Chroniques de l'Anti-Christ - crises et apocalypses au 21eme siècle.
Il se sert d'une cartographie apocalyptique traditionnelle pour décrypter ses occurrences politico-culturelles récentes, du Covid au trumpisme en passant par la guerre en Ukraine, les séries TV comme Son Of Anarchy ou le changement climatique.
Il révèle l'imaginaire et la syntaxe médiatique utilisés pour décrire la finance, l'environnement ou les mouvances religieuses sectaires, également le discours politique teinté de messianisme et de références à la Bête de l'apocalypse pour conjurer l'ennemi.
Plusieurs considérations en découlent :
La culture ou conscience apocalyptique est présente partout en surface mais sans véritable racines symboliques ou traditionnelles. Sans implication sincère on ne manipule que des concepts.
Le mythe du sauveur est plus valorisant humainement que celui d'"ennemi impie" mais c'est sans connaître le fameux adage "qui fait l'ange fait la bête", qui recouvre une réalité du symbole bivalent.
Longtemps bouc émissaire, le peuple juif, messianique, est remplacé par les musulmans "terroristes" alors que l'eschatologie est véritablement le ciment du Coran, d'où la conscience qui en découle.
Au final, l'auteur estime la crainte ou l'espoir apocalyptique moyenâgeux et y range les déçus du mondialisme dans une case sectaire (évangéliques fondamentaux par exemple) d'idéologie extrême. Or ce réductionnisme n'englobe pas les veilleurs, croyants, êtres consciencieux ou guerriers sociaux et spirituels de tous bords, pour qui l'approche d'un futur lumineux (exempt de vices, corruptions, inégalités...), versant originel de la Révélation (c'est le sens étymologique de l'Apocalypse), est une bonne nouvelle.
Par ailleurs, et ce n'est qu'une piste, l'Anti-christ pourrait aussi désigner l'impie en soi, le mental affabulateur qui divise par exemple (le dia-bolos) et qu'il conviendrait de soumettre à plus grand que lui...
Ce court essai probant et bien ficelé mériterait donc un plus grand développement, une profondeur de champ que les médias n'ont ni le temps ni l'envie de délivrer.