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actes sud junior

  • Plus doux qu’un conte 

    Praline Gay-Para,  Julien Billaudeau,  Le feu au sommet de la montagne et autres contes , Actes-Sud Junior, janvier 2022, Paris d’exil ,  Syrie, Érythrée, Éthiopie, Soudan, Afghanistan, écriture arabe,  amharique, tigrinya,  pashto« Elles arrivent devant une ogresse monstrueuse qui attise les flammes avec un arbre qu’elle vient de déraciner. Elle a des dents énormes et acérées et des yeux rouges comme les braises. »

    Découvrir un conte est comme déballer un cadeau. On ne sait pas ce qu’on va trouver, nous sommes curieux mais souvent un peu inquiets de ce qu’on va recevoir. Qu’elle soit effrayante ou sublime, la surprise est toujours au rendez-vous. Avec Le feu au sommet de la montagne et autres contes de Praline Gay-Para, illustrés par Julien Billaudeau et publié aux éditions Actes Sud Junior, difficile d’être déçu. Tout d’abord parce que Praline Gay-Para est une experte des contes, elle en a publié une demi-douzaine, ensuite parce que ceux-ci, venus du monde entier, nous ouvrent les portes de l’ailleurs, propice à l’imaginaire.

    « - Mon village et les miens me manquent. Je me languis de ma femme. Tu me paierais mon salaire ? Le propriétaire lui donne trente pièces d’or. »

    À l’image des illustrations et de la couverture, réalisés par Julien Billaudeau, ces histoires sont colorées, inattendues, sombres et joyeuses. Elles viennent de Syrie, d’Érythrée, d’Éthiopie, du Soudan et d’Afghanistan. Chacune a été traduite depuis sa langue d’origine ou à partir de l’anglais. Pour plus de cohérences, les contes ont été vérifié et enrichi par des natifs des pays en question. Par ailleurs, tous les textes sont retranscrits dans leur langue d’origine, notée en dessous du français. Les lecteurs peuvent donc découvrir l’écriture amharique (Éthiopie), tigrinya (Érythrée) et pashto (Afghanistan) moins connus que l’arabe (Syrien et Soudanais) mais tout  aussi calligraphique.

    « II pose tour à tour à ses filles la même question. La troisième répond : « tu es plus doux que la mélasse ». La quatrième répond en riant : « Plus doux que le sucre d’orge ».

    Venez donc à la rencontre de Fatma la Belle, qui affronte bien des dangers pour être libre, l’homme de Damas heureux de suivre Les trois conseils, la princesse dont le père est Plus doux que le sel, Bizuneh, fraîchement mariée, qui doit affronter Les moustaches du lion ou Arha, jeune domestique, qui cherche Le feu au sommet de la montagne. Petit coup de cœur pour les deux derniers contes qui réchauffent l’âme mais tous méritent le détour. Des contes à lire, chacun son tour, à partager, à déguster tout en cherchant la fève cachée entre les pages.

    Un don est reversé à l’association Paris d’exil pour chaque achat.

    Image: Actes Sud Junior

  • La danse de la Liberté

    Joséphine Baker, non aux stéréotypes, Elsa Solal, Ceux qui ont dit non, Actes sud junior, décembre 2021, ségrégation raciale, droits civiques, danseuse, Panthéon français, résistante, féministe, Martin Luther King, Général De GaulleAprès Angela Davis, non à l’oppression , Olympe de Gouge, non à la discrimination des femmes et Frida Kahlo, non à la fatalité, il était naturel qu’Elsa Solal se penche sur une biographie de Joséphine Baker, non aux stéréotypes dans la superbe collection Ceux qui ont dit non (et celles) chez Actes Sud Junior.

    D’abord parce que Joséphine Baker s’est battue contre l’oppression des noirs tout au long de sa vie, contre la discrimination des femmes qui ne sont pas toutes « des écervelées superficielles » et surtout contre la fatalité ! En effet, elle est née dans une famille pauvre subissant la ségrégation raciale dans le Minnesota, faisant des ménages à 11 ans pour aider sa famille. Qui aurait parier que la jeune Joséphine allait s’embarquer pour la France à 13 ans grâce à ses talents de danseuse et comédienne, qu’elle deviendrait une star des nuits parisiennes, lutterait pour les droits civiques au côté de Martin Luther King ou deviendrait résistante pendant la Seconde Guerre Mondiale ? Ensuite parce que Joséphine Baker est la sixième femme et la première femme noire à entrer au Panthéon en novembre dernier. Difficile donc de passer à côté de l’icône et de son histoire qui ne peut qu’inspirer les jeunes autant que les adultes.

    Dans ce petit livre, Elsa Solal revient sur différents moments essentiels de sa vie d’artiste, si riche d’expériences. L’histoire débute évidemment par son enfance où les lynchages envers les personnes noires sont fréquentes et où leurs enfants embauchés par des blancs sont encore traités comme des esclaves ne valant rien. Le lecteur suit Joséphine dans son arrivée à Paris et son succès immédiat. L’auteure nous fait revivre sa rencontre avec Colette, Ernest Hemingway et son amitié avec le poète noir Langston Hugues. C’est en côtoyant ces artistes si différents, en vivant des expériences multiples dans deux pays distincts que la conscience politique de Joséphine Baker naît. Petit à petit l’afro-américaine, devenue française, se confronte aux stéréotypes sur les femmes, les noires, les danseuses …

    Le rythme est trépidant à l’image de la vie de Joséphine, entraînée dans un tourbillon. Elle achète un château, répond à l’appel du Général De Gaulle, adopte 12 enfants du monde entier. Impossible donc de lâcher le livre avant la fin. Elsa Solal retranscrit la personnalité bouillonnante et déroutante de la jeune fille du Minnesota, qui, jusqu’à la dernière heure, remonte sur scène. En refermant la biographie, on est bien loin de la vision de la ceinture de banane restée dans l’imaginaire des français. C’est l’image d’une résistante, d’une féministe, d’une artiste intrépide qui transparaît aux enfants d’aujourd’hui.

    Image: Actes Sud Junior

  • Eden, fille sans amarres

    Eden, fille de personne, Marie Collet, actes sud junior, septembre 2021, adoptionPlusieurs existences dans une seule. Toutes ratées. Celle que je vivais depuis deux ans était la pire. Et je l’avais bien méritée.

    Ce qu’elle préfère ? Parler avec Michelle Obama et Léonardo Di Caprio, ses parents imaginaires. Ils ont toujours de bons conseils et ne la lâcheront jamais, eux. Pas comme les nombreux parents adoptifs d’Eden, fille de personne, l’héroïne du nouveau roman de Marie Collet aux éditions Actes Sud junior.

    J’avais senti ma chance d’habiter dans un cadre aussi splendide, entre cette terre chaude et ce lac rafraîchissant. Avec ma famille.

    L’histoire de l’adolescente de 16 ans, vivant désormais dans un foyer social est sombre et désespérante. Le lecteur se demande par quel miracle elle tient encore debout dans une Amérique qui autorise les réadoptions comme on échangerait un pantalon trop grand. Hypersensible, nous aurions presque envie de refermer le livre de peur que l’atmosphère s’épaississe encore. Oui, mais, voilà, quelque chose nous retient. Est-ce une curiosité malsaine, un besoin d’être rassuré sur son avenir, de ne pas croire à la malchance éternelle ou l’écriture fluide de l’auteur qui tient en haleine ?

    Ses yeux étaient cernés et surmontés de longs cils si noirs qu’ils semblaient maquillés. Son nez était retroussé, son profil loin d’être parfait. Sauf pour moi.

    Et puis si personne ne s’attache à cette fille paumée, en colère contre ce monde injuste, nous, on ne peut pas s’en détacher. Et on fait bien car Eden trouve petit à petit des éclaircies sur sa route. Une manière de rappeler que même dans la souffrance la plus profonde, quelqu’un ou quelque chose peut nous aider à remonter la pente. Un nouvel ami peut toujours surgir au bord du chemin au moment le plus inattendu. L’auteure ne se départit jamais d’une bonne dose d’humour qui dédramatise les situations.

    - Appelle-nous James et Karen. Pas de chichis entre nous, tu nous tutoies, d’accord ? Il me parlait comme si on se connaissait depuis longtemps. Il était naturel et je l’enviais d’être si simplement lui-même.

    Un roman qui ne laisse pas indemne et nous donne envie d’adopter deux chiens et quatre chats sitôt refermé.

    À partir de 14 ans

    Image: Actes Sud Junior

  • Entre montagnes et sirènes

    ce qu'il y a entre le ciel et les montagnes,jean-charles berthier,actes sud junior,avril 2021,orques,résidentes du sud,nomadland,chloé zhao« C’est vrai qu’on riait plus fort qu’eux, parfois. Je savais qu’ils parlaient de nous entre eux, qu’ils nous trouvaient bizarres. Qu’ils se rassurent, eux aussi étaient bizarres pour moi. D’après Maman, chacun d’entre nous est le bizarre de quelqu’un  ».

    Partir à l’autre bout du pays, en famille, Grand-père compris, avec les montagnes puis l’océan pour horizon, sans contrainte de temps (ou presque) à respecter, sacrément gonflé voir frustrant en ces temps de pandémie. À moins que l’auteur ait eu l’idée de cette épopée en Wesfalia en rêvant de grands espaces. Jean-Charles Berthier a réussi son coup puisque rien que le titre Ce qu’il y a entre le ciel et les montagnes, chez Actes Sud junior, donne déjà envie d’aller s’aérer la tête, de plonger dans un lac revigorant et de regarder les oiseaux passer au-dessus de nos têtes. Bon, sauf qu’il n’est pas vraiment question de volatile dans ce roman mais plutôt d’orques. Énormes mammifères marins noirs et blancs qui ont longtemps été des attractions dans des parcs aquatiques pas vraiment à leur taille. Ici, ces animaux sont à nouveaux libres mais sont-ils pour autant hors de danger ?

    « Les bassins étaient en place depuis pas mal d’années, mais y avait des gens pour dire que c’était pas juste. Qu’elles souffraient de rester ici, qu’elles partageaient avec nous des émotions que .. qu’nous autres on soupçonnait même pas ».

    Le voyage vers ces « monstres » ou « sirènes », ça dépend du point de vue, sert de prétexte à un rapprochement familial entre filles et mère, petite-fille et beau grand-père. Chacun fuit ou fait face à ses deuils, ses questionnements, ses rêves. Ellie, en pleine adolescence, s’interroge sur les gens autour d’elle et particulièrement son « Grandpa ». Lui cache-t-il des choses comme elle le fait elle-même avec sa petite sœur Tacha ? Pourquoi s’entend-t-elle mieux avec une fille qu’elle connaît à peine, à la vie si éloignée, qu’avec ses camarades de classe ? Le road trip modifie en profondeur les habitudes et croyances de cette équipée. Et c’est lorsque les personnages croisent des gens vivants toujours sur les routes, dont on n’entend jamais parler, que le roman fait écho au film Nomadland de Chloé Zhao (récompensé aux Oscars).

    « L‘un ou l’une, de temps en temps, se retournait pour surveiller les petits dans l’obscurité. Il y avait celui qui nourrissait le feu dès qu’il le réclamait, plus vite qu’on nourrit un bébé qui pleure. Car si le feu s’éteignait, quand il s’éteindrait, ce serait fini »

    Je ne peux vous en dire plus sans dévoiler les derniers rebondissements de l’aventure mais cela donne envie de réveiller l’ado fatigué qui sommeille en nous et de boucler ses valises pour … euh … le Canada peut-être … ou tout simplement l’océan Pacifique. Comment ça, c’est pas possible ? Heureusement, il reste tant de livres à parcourir pour découvrir le monde. Ce n’est certainement pas Jean-Charles Berthier qui dira le contraire.

    Image: Actes Sud Junior