Asante grommelle intérieurement en saisisant le verre et le porte lentement à ses lèvres. Sa mère l’observe, attend quelques secondes qu’il se mette soudainement à parler, puis, comme tous les matins, pousse un gros soupir déçu.
Asante ne s’exprime pas. Pour quoi faire puisque les autres le font pour lui ? Pas besoin d’ouvrir la bouche pour comprendre les cours ni pour jouer au foot avec Jordan et Karim ses potes de toujours. Même avec sa mère, qui est seule à l’élever, il suffit d’obéir sans broncher. En sixième tout le monde le sait et personne n’y fait plus attention. Seulement dans le roman Le garçon qui ne voulait pas parler écrit par Cassandra O’Donnell et édité par Flammarion Jeunesse, l’arrivée de Morgane va tout chambouler.
Toutes les têtes se tourne vers elle. Asante entend quelques élèves murmurer : - Elle a regardé Google ? - Elle se prend pour une prof ? - Elle veut participer à Question pour un champion ou quoi ?
Elle est une nouvelle voisine qui vient d’emménager, ne connaît personne au collège et a atterrit dans la même sixième que lui. Morgane est brillante, Morgane est souriante, Morgane porte des pulls démodés. Bref, pour les gens de la classe, cette fille est bizarre. Ils ne manquent pas de lui rappeler et se moquer d’elle devient le jeu favoris des élèves. Asante ne dis rien, comme toujours, et pourtant il n’en pense pas moins. Mais que se passe t-il dans sa tête exactement ? Quel avis a-t-il sur Morgane ? Que perçoit-il de la situation ? Cela reste un mystère puisqu’Asante n’ouvre plus la bouche depuis longtemps. Pourtant ne serait-il pas temps de s’exprimer dans cette histoire ? De faire un pas vers l’autre ?
- C’est toi qui ne parle pas et c’est moi qui suis bizarre ? Rigole Morgane en lisant sa réponse. « Moi c’est pas pareil, j’ai une excuse », écrit-il avec humour.
Dans ce court roman, pour les 10-13 ans, Cassandra O’Donnell aborde subtilement les thématiques du harcèlement, des traumatismes de l’enfance et de l’affirmation de soi à l’adolescence. Appartenir à un groupe est souvent plus important que de défendre sa propre opinion, sans doute pour éviter de se retrouver comme Morgane, rejetée. En effet, tout à chacun peut devenir harceleur ou harcelé sans forcément de raison apparente autre que sa place au sein d’une classe ou d’un collectif.
Ce livre peut donc servir de base à une réflexion au collège avec des élèves. Il est d’autant plus d’actualité qu’il y est question des réseaux sociaux, notamment snapchat, du droit à l’image* puis à la vie privée que les enfants ne connaissent pas et qui reste, encore aujourd’hui, assez flou pour les adultes. Malgré un ou deux clichés sur la banlieue et ses habitants ce roman est à découvrir pour les futurs et les nouveaux collégiens ainsi que leurs familles.
*On ne peut diffuser la photo d’une personne sans son autorisation sur Internet, que l’on soit à l’origine du cliché ou qu’on le partage. Toute personne dont la vie privée est exposée sur Internet sans son consentement peut obtenir réparation du préjudice subi et demander le retrait immédiat du contenu diffusé.
Image : Flammarion Jeunesse