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avril 2021

  • Entre montagnes et sirènes

    ce qu'il y a entre le ciel et les montagnes,jean-charles berthier,actes sud junior,avril 2021,orques,résidentes du sud,nomadland,chloé zhao« C’est vrai qu’on riait plus fort qu’eux, parfois. Je savais qu’ils parlaient de nous entre eux, qu’ils nous trouvaient bizarres. Qu’ils se rassurent, eux aussi étaient bizarres pour moi. D’après Maman, chacun d’entre nous est le bizarre de quelqu’un  ».

    Partir à l’autre bout du pays, en famille, Grand-père compris, avec les montagnes puis l’océan pour horizon, sans contrainte de temps (ou presque) à respecter, sacrément gonflé voir frustrant en ces temps de pandémie. À moins que l’auteur ait eu l’idée de cette épopée en Wesfalia en rêvant de grands espaces. Jean-Charles Berthier a réussi son coup puisque rien que le titre Ce qu’il y a entre le ciel et les montagnes, chez Actes Sud junior, donne déjà envie d’aller s’aérer la tête, de plonger dans un lac revigorant et de regarder les oiseaux passer au-dessus de nos têtes. Bon, sauf qu’il n’est pas vraiment question de volatile dans ce roman mais plutôt d’orques. Énormes mammifères marins noirs et blancs qui ont longtemps été des attractions dans des parcs aquatiques pas vraiment à leur taille. Ici, ces animaux sont à nouveaux libres mais sont-ils pour autant hors de danger ?

    « Les bassins étaient en place depuis pas mal d’années, mais y avait des gens pour dire que c’était pas juste. Qu’elles souffraient de rester ici, qu’elles partageaient avec nous des émotions que .. qu’nous autres on soupçonnait même pas ».

    Le voyage vers ces « monstres » ou « sirènes », ça dépend du point de vue, sert de prétexte à un rapprochement familial entre filles et mère, petite-fille et beau grand-père. Chacun fuit ou fait face à ses deuils, ses questionnements, ses rêves. Ellie, en pleine adolescence, s’interroge sur les gens autour d’elle et particulièrement son « Grandpa ». Lui cache-t-il des choses comme elle le fait elle-même avec sa petite sœur Tacha ? Pourquoi s’entend-t-elle mieux avec une fille qu’elle connaît à peine, à la vie si éloignée, qu’avec ses camarades de classe ? Le road trip modifie en profondeur les habitudes et croyances de cette équipée. Et c’est lorsque les personnages croisent des gens vivants toujours sur les routes, dont on n’entend jamais parler, que le roman fait écho au film Nomadland de Chloé Zhao (récompensé aux Oscars).

    « L‘un ou l’une, de temps en temps, se retournait pour surveiller les petits dans l’obscurité. Il y avait celui qui nourrissait le feu dès qu’il le réclamait, plus vite qu’on nourrit un bébé qui pleure. Car si le feu s’éteignait, quand il s’éteindrait, ce serait fini »

    Je ne peux vous en dire plus sans dévoiler les derniers rebondissements de l’aventure mais cela donne envie de réveiller l’ado fatigué qui sommeille en nous et de boucler ses valises pour … euh … le Canada peut-être … ou tout simplement l’océan Pacifique. Comment ça, c’est pas possible ? Heureusement, il reste tant de livres à parcourir pour découvrir le monde. Ce n’est certainement pas Jean-Charles Berthier qui dira le contraire.

    Image: Actes Sud Junior

  • La jonction judéo-chrétienne

    Souvent, la meilleure preuve d'une théorie reste son pouvoir explicatif et quand dans la recherche académique, on arrive à proposer une théorie unique qui soudainement unit et rend compte d'un ensemble de données autrement sans relations apparentes entre elles et inexplicables, c'est souvent un indice selon lequel on a rejoint la vérité”. (p.173)

     

    John Bergsma,Jésus et les manuscrits de la mer Morte-révélations sur les origines juives du christianisme,Bayard éditions,Qumrân,esséniens,Jean-Baptiste,Maïtre de Justice,étude biblique,Avril 2021Il existe des liens évidents entre “Jésus et les manuscrits de la mer morte” découverts au siècle dernier. Les écrits de Qumrân appartenaient aux esséniens, une secte juive contemporaine de Jésus, qui prônait une vie communautaire pieuse et sainte. Radicaux dans leurs rites proches des textes de l'ancien testament, ils attendaient la venue de deux messies (sacerdotal et royal) pour une fin des temps imminente, sous la direction du Maître de justice ( qui faisait office de grand prêtre).

    Le bibliste et spécialiste de ces manuscrits, John Bergsman a scruté pour ce livre paru chez Bayard éditions, quelques détails du nouveau testament qui ne sauraient s'expliquer sans l'influence essénienne.

    Bain rituel, baptême, eucharistie, effusion de l'Esprit-saint...autant de rites communs avec le christianisme naissant, issus du judaïsme ancien. L'organisation même de l'église des premiers temps ou les pouvoirs sacerdotaux des apôtres sont calqués sur des habitus déjà existants.

    L'auteur avance l'hypothèse de l'éducation essénienne de Jean-Baptiste et l'appartenance à la secte du rédacteur de l'évangile de Jean pour mieux saisir certaines subtilités ou incohérences des évangiles (le jeune homme nu vêtu de lin au jardin des oliviers, le déroulement de la cène dans un quartier et selon le calendrier essénien...).

    Farouchement opposé aux saducéens ou pharisiens, Jésus aurait pu compter sur l'assistance des esséniens pour accomplir sa mission mais la construction de son royaume tout intérieur lui est propre comme la taille des pierres brutes de l'édifice ecclésial que sont les cœurs circoncis de ses disciples.

    Singulier également le message du Christ qui unifie les fonctions de prêtre et de roi, dont la nature lui sera reconnue comme divino-humaine et qui s'inscrit comme le Rédempteur de l'humanité pécheresse, alpha et oméga de la Création.

    Le livre est plaisant avec de courts chapitres thématiques et des résumés synthétiques. L'auteur passe en revue la recherche et les chercheurs récents sur les manuscrits de la mer morte et convoque les auteurs de théologie influents du point de vue américain. Il réfute également certains poncifs (l'authenticité de la lettre de Paul aux éphésiens notamment) et éclaire d'un angle neuf l'origine juive de certaines pratiques du christianisme (la symbolique du mariage ou le célibat des prêtres, une mythologie commune ténèbres vs lumière...).

    L'ouvrage insiste plus sur les rites alors que la matière des manuscrits de Qumrân est plus large. Leur philosophie est aussi et surtout d'inspiration prophétique et à forte teneur eschatologique (Melchisédech est attendu à la fin des temps). La figure et l'identité du Maître de Justice sont par ailleurs juste évoqués et des parallèles avec Jésus (inspiration, rôle et légitimité, discernement prophétique...) auraient pu être menés...peut-être le sujet d'un prochain essai ?...

     

  • L'essence du masculin

    "(Aujourd'hui) Avec ses deux parents présents et disponibles, l'enfant n'est pas enfermé dans une relation exclusive à la mère et bénéficie dès les premiers jours d'un référent masculin et d'un référent féminin. Le jeune garçon peut dès lors accéder tout en douceur à l'étape de la masculinisation sans besoin d'un rituel ou de s'opposer au féminin". (p.99)

    Des hommes en chemin-vers un masculin conscient,DIdier de Buisseret,identité masculine,Editions Massot,Robert Bly,Yin-Yang,Jung,archétype,inné-acquis,tantra,Avril 2021Les éditions Massot publient un essai-manifeste sur l'homme de demain : "
    Des hommes en chemin - vers un masculin conscient" .
    Lassé du faux débat patriarcat versus féminisme qui tente d'opposer à nouveau les sexes, le thérapeute psycho corporel belge
    Didier de Buisseret place son analyse de la masculinité 2.0 sous l'angle du Yin et du Yang, deux polarités qui s'interpénètrent et se complètent dans le fameux symbole taoïste.
    Le modèle masculin le plus couru actuellement est en effet dans un excès de Yang. C'est l'homme rationnel, compétitif, confiant dans un mental sous tension qui souhaite performer mais qui a tendance à réduire l'autre sexe comme objet de ses fantasmes.
    A l'opposé, la polarité Yin investigue l'émotionnel, l'interrelation. Ce qui compte mieux c'est l'échange cœur à corps, la présence rassérénante et les qualités du féminin intérieur inhérentes : accueil, sensibilité, réceptivité ou capacité relationnelle.
    L' identité de l'homme reste encore tiraillée entre des raisons ou postulats socio-éducatifs (le privilège du sexe fort, le modèle du mâle alpha dominant) mais aussi biologiques : de la fusion avec la mère pour le garçon, à la nécessaire opposition- différenciation et de facto au rejet des qualités Yin, féminines, à l'adolescence.
    L'américain Robert Bly (que l'auteur trouve passéiste) partait d'un conte pour dresser le portrait de l'avenir du genre masculin dans les années 90 (dans "
    L'homme sauvage et l'enfant"). Ici l'essai est parsemé de cas pratiques, témoignages et citations à propos (Guy Corneau, Paule Salomon, Jacqueline Kelen,...),  qui viennent ponctuer des clés de compréhension d'un changement de paradigme car désormais les femmes travaillent, les pères sont plus câlins et les modèles sont changeants comme les rôles prédéfinis.
    Écrit par un homme pour les hommes en quête de mise à jour socio-culturelle,
    Didier de Buisseret nous convie, et sa pratique thérapeutique y a largement contribué, vers un "masculin conscient", présent et ouvert de cœur pour que la femme soit pleinement.
    Il ne s'agit pas de renier sa puissance ou force énergétique Yang qui sécurise la femme mais de l'équilibrer par sa complémentarité Yin, dont l'archétype est féminin, en vue d'une unité spirituelle chère au psychiatre zurichois
    Jung (le processus d'individuation).
    Ce livre qui cerne un peu plus et actualise le mystère de l'identité masculine, est aussi une porte d'entrée aux profondeurs de la psyché pour l'homme prenant la peine de s'aventurer sur le chemin de la réalisation intérieure, unisexe en son essence.

     

  • Une lecture chrétienne d'Ezéchiel

    Une fois l'Esprit venu, il ne manque plus rien à la vie bienheureuse...Pour la plus grande partie, ils ont quitté la terre et les choses terrestres, et ils se tournent désormais vers le ciel et vers la vie qu'on y mène, car le Sauveur les a rendus tels pour sa part à Lui”. (p.81)

    Ezéchiel, prophète de l'Incarnation,Nicolas cabasilas,Marie-Hélène Congourdeau,Les Pères dans la foi,Migne,Editions du Cerf,Avril 2021Ézéchiel, prophète de l'Incarnation” est un travail de recension et de synthèse de trois exégèses d'un théologien byzantin du 14ème siècle, Nicolas Cabasilas, sur des versets attribués à Ézéchiel et effectué par Marie-Hélène Congourdeau (docteur en histoire et chercheur au CNRS en histoire byzantine) aux éditions du Cerf, dans la collection “les Pères dans la foi” qu'elle dirige.

    Les trois textes sont distants dans le temps et montrent bien l'affinage de la réflexion chrétienne (fond et forme) de son auteur (d’exégèse à catéchèse pour le dernier commentaire) ainsi que l'évolution de sa foi. Avec les années, l'Incarnation prend poids et cause dans le cœur et l'esprit de Nicolas Cabasilas, et il devient lui-même observateur participant en tant qu'homme nouveau, rené en Christ, la distanciation s'estompe.

    Le travail minutieux de madame Congourdeau donne à lire les textes dans leur version de l'époque avant d'aborder leur explicitation. Son introduction et guide thématique de lecture sur ces trois fragments (elle est aussi responsable de la traduction et des annotations) sont une invite à découvrir l’œuvre majeure de Nicolas Cabasilas, “La vie en Christ”, en 4 volumes. Intérêt et curiosité naissent pour cet auteur méconnu.

    Moins connu également qu'Isaïe, le choix et l'originalité de l'étude : le grand prophète Ézéchiel. Si le premier convoque le “serviteur souffrant”, on doit au second des symboles forts comme le “tétramorphe” (le char constellé d'ailes et d'yeux du premier chapitre) ou les “ossements desséchés” (chap 37,1 à 14), signes de la résurrection.

    L'interprétation de ces versets clés est ici résolument christo-centrée, reprenant la nature divino-humaine du Sauveur. Plus selon l'auteur, tout concoure à l'Incarnation et à la révélation ou parousie du Fils de l'homme, à la fois dans l'entièreté de la Bible et dans les signes extérieurs apparents. Le temps de l'Histoire sainte se confond avec l'histoire de l'humanité. In fine la matière se spiritualise puisque l'Esprit se corporalise (idée chère à Henry Corbin), afin que l'homme soit, sur le modèle du Christ.

    Selon Nicolas Cabasilas toujours, les prophètes sont parmi les élus de Dieu, christophores avant l'heure (du Jugement dernier). Ils partagent une même identité et une même communion ou communication céleste, verticale, hors espace-temps, là où le Verbe prend forme.

    A relire les textes prophétiques, insufflés, il s'avère difficile malgré les lectures historico-critiques, de démêler le temps de la prophétie et leur adresse. L'inspiration d'un verset peut en effet être à la fois temporelle et universelle car toute symbolique : révélation passée qui parle d'un futur par une vision dans l'éternité de la Présence...

    Néanmoins et pour résumer, ce petit opuscule est riche de promesses et vérifie l'adage selon lequel le salut de l'âme (religieuse par nature) et l'éveil de la conscience passent notamment par le déchiffrement de l’Écriture et la perception aigüe de ses images ou symboles prophétiques. (analogies, associations et méditation).

     

  • L'esprit du Tibet animé

     

    Invincibles-900x1278.jpgLe bouddhisme tibétain vise la conversion des cœurs plutôt que le ressentiment ad nauseam. La compassion et le pardon sont les maîtres-mots de ce manga à destination de la jeune génération, la dernière selon le Dalaï-Lama à pouvoir sauver notre planète de son extinction, par la force de l'esprit et avec des actes qui partent du cœur. Le titre "Les invincibles" qualifient leur grandeur d'âme (endurance, empathie...)
    Depuis l'ingérance (ou colonisation) de la Chine sur le Tibet en 1959 (1/6ème de la population décimée) beaucoup ont fui en Inde dans l'espoir un jour de retrouver leur patrie et son chef spirituel. Ce dernier, s'il prie pour ses persécuteurs, s'est fait moine errant pour défendre la cause, en édifiant un Potala intérieur, en souvenir du palais de Lhassa, demeure des lamas.
    De tout cela il est question dans cette BD écrite par Sofia Stril-Rever qui se met en scène dans une histoire inspirée de faits réels. Elle commence par la rééducation physique et mentale de Maya, qui vient de perdre une jambe dans un attentat terroriste. L'héroïne va ainsi découvrir et s'intéresser à la tragédie tibétaine à travers la méditation. Cela la conduira jusqu'en Inde et au delà vers une renaissance et une aventure humaine à déplacer les montagnes. L'histoire touche même au merveilleux (les pouvoirs secrets) et à l'invisible (la prescience du massothérapeute Bernard Dubreuil) par le biais ingénieux et intelligent de cette anime-action dessinée en(tre) ombre et lumière par la mangaka Kan Takahama (merveilleuse auteure de La lanterne de Nyx et Le dernier envol du papillon, à découvrir). Il y a une certaine fraîcheur à voir le dalaï-lama et son histoire, ainsi croqués, à destination d'un lectorat plus jeune ( de 14 à 90 ans...), à l'initiative de Massot éditions.
    On mesure également à la lecture de ce roman graphique, l'importance de l'alliance franco-tibétaine, pays proches en philosophie spirituelle et conception des droits de l'homme. Une forte mobilisation sur les réseaux sociaux a permis de faire connaître et avancer la cause tibétaine, un exemple de dépassement de soi en vue d'un meilleur vivre ensemble.

     

  • Ludovig, un Pot-en-ciel

     

    "Il y a 1% de schizophrènes dans notre monde mais quelle est la véritable folie ? N'est-elle pas celle de se couper de l'unique sens de nos existences, i.e suivre Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie ?...Peut-on trouver plus de 1% de personnes qui fassent vraiment l'effort transformant de cette métanoïa ?...Dieu se cache mais si peu sont disposés du fond du cœur à le rechercher...Mettre le Christ à la première place m'a relevé de terre, a brisé les chaînes de mes dépendances, m'a lavé de toute cette d'échéance, et m'a fait sortir de l'obscurité à Sa lumière”. (p.158)

    3D_schizo.jpgLes éditions Docteur Angélique publient un court témoignage autobiographique poignant et sincère de Ludovig Pot, "De la schizophrénie à Dieu".
    Il s'agit ici presque d'une reconsidération de l'état de malade  psychique en une forme de possession démoniaque (entendre des voix suicidaires, défaitistes et négatives à souhait), au sens où l'entendait Jésus thaumaturge à l'époque de sa vie publique.
    Même si l'auteur est à présent stabilisé avec un traitement préventif, rien ne le distingue d'une personne saine lambda si ce n'est qu'intérieurement gîte un Homme nouveau. Combien d'années de combat (chutes et rechutes), d'ascèse (vœux de pauvreté et chasteté), d'épreuves (la plus grande étant l'écart du monachisme), ou de solitude pour finalement solidifier et cristalliser en son intériorité un Moi que le chrétien identifie au Christ en soi, à la couleur de Paul : "Ce n'est plus moi mais le Christ qui vit en moi"
    D'excentré excentrique (les mauvaises fréquentations, les addictions, les blasphèmes en tous genres), le plus souvent inconscient et, tel un fantôme, absent de soi, Ludovig a su s'apaiser, se réconcilier, se reconstruire, persuadé d'avoir été aidé en l'œuvre par son ange protecteur. En quête de sa "véritable maison" ( une voix parmi d'autres au début) c'est son identité de croyant véritable qu'il a trouvé et la vocation christique de se donner pleinement à autrui et aux plus démunis, en charité et grâce.
    Un discernement trie désormais ces voix, opère une distanciation d'avec les néfastes et sait reconnaître et diffuser la lumière du Verbe qui est amour et miséricorde, pour soi, son vécu (c'est l'intérêt principal de l'ouvrage) et l'humanité entière (le fameux Plan divin !...)
    C'est presque une lutte eschatologique qui se livrait dans sa psyché "malade" (puisqu'à son insu), comme écartelé entre être la réincarnation du messie ou celle de l’antéchrist... Il a eu la prescience, pour guérir ou tout au mieux se sentir équilibré, d'aller puiser aux paroles des sages et saints (le livre en est émaillé) afin de s'insérer au sein de la hiérohistoire en tant que témoin lumineux soumis à des forces ténébreuses. Et Dieu sait que la bataille est loin d'être terminée !
    Le Christ appelle toujours mais combien souhaitent in fine le statut si peu envié car parsemé d’embûches, d'élu ?
    Ludovig Pot s' inscrit sur cette longue liste, sous le patronage de l'église, de ses rites et de ses lieux de pèlerinage : Jérusalem, Medjugorje, Compostelle. On lui souhaite bien évidemment bon vent.

     

  • La face occultée de Dieu

    "L'islam aujourd'hui plus qu'à toute autre époque, se caractérise par une inflation des lectures normatives centrées sur l'interdit et le permis, l'amputant ainsi de toute dimension spéculative ou mystique" (p.37)

    Poussée par un impérieux devoir de mémoire depuis la mort de son père,
    Kahina Bahloul s'est appropriée un cheminement spirituel singulier, celui de la voie ésotérique soufie, pour transmettre à son tour des valeurs et attributs hérités d'un joli brassage religio-culturel (Son père berbère de lignée maraboutique et sa mère française, de confession judéo-chrétienne).
    Fière de ses origines (c'est la première partie de l'ouvrage), elle a approfondi l'histoire de son prénom (une célèbre prophétesse berbère résistante) et le statut politico-spirituel de son patronyme ( digne du mythique fou-sage Mullah Nasreddine) pour entrer de plain pied dans la tâche d'imame, la première de France, une fonction difficile à imposer au sein d'un Islam actuel majoritairement plutôt rétrograde, littéraliste et patriarcal (elle rappelle au passage qu'au temps fantasmé, une femme mandatée par le Prophète, Oumma Waraqua, dirigeait la prière dans la deuxième mosquée de Médine).
    kahina.jpgDans ce premier livre personnel et plutôt rationnel, "
    Mon islam, ma liberté", paru chez Albin Michel, elle évoque sa position sur le voile, rappelant qu'il n'est ni l'apanage de l'islam ni une prescription coranique. Une traduction plus intériorisée proposerait de "voiler le regard"...
    Elle revient également sur les années noires qu'à connu l'Algérie de son enfance et les persécutions subies par les femmes au nom du surenchérissement (ou inflation) d'un masculin vertueux conforme à une origine à la fois faussée (on est loin de l'esprit égalitaire auquel l'envoyé de Dieu a appelé l'humanité) et dépassée (le monde  a profondément changé depuis les interprétations des premiers juristes musulmans) .
    La jeune autrice et imame milite enfin et surtout pour un islam spirituel et libéral, à l'image des mystiques soufis "
    dont la plupart des penseurs furent et sont en faveur du pluralisme religieux et du salut universel", Ibn Arabi le premier (La dernière partie du livre tente une exégèse de sa pensée). Prenant aux mots le Coran elle ne peut qu'imaginer un Dieu immanent, se révélant et contenu dans le cœur de ses amants-es.
    Le texte sacré mérite selon elle une lecture historico-critique pour dépoussiérer certains versets d'un contexte passéiste révolu, doublé d'une vision intériorisée et non littérale. On sait qu'Ali fut le dépositaire-témoin des sept versions d'un même verset coranique mais la science de l'écriture ne se révèle qu'aux amis (wali) et rapprochés de Dieu, ceux qui empruntent un chemin de sainteté en purifiant leur cœur de toutes les scories empêchant le Réel d'advenir. Après
    Delphine Horvilleur ou Anne Soupa, c'est au tour de Kahina Bahloul de bousculer avec force, courage et brio, l'institution religieuse dans ses fondements stéréotypés pour imposer une version toute féminine, sensible et ouverte d'un Dieu Miséricordieux et doté de matrices.