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Voyage

  • Une connaissance empirique

    Notre tâche n'est pas de désherber, mais de cultiver et de transformer la pousse qui est en croissance jusqu'à ce qu'elle puisse jouer son rôle dans la totalité de la psyché (p.117).

     

    Inconscient_collectif-619x908.jpgPour les 150 ans de la naissance de C.G Jung (1875-1961), la Fontaine de Pierre publie un recueil de textes inédits et chronologiques  du psychiatre zurichois publiés entre 1918 et 1951 et dont le liant est l'Inconscient Collectif. Cette notion est propre à Jung (comme l'ombre ou l'animus) et se distancie de la théorie freudienne toute sexuelle et infantile, puisqu'elle stipule l'existence d'archétypes innés et collectifs (à une nation ou à l'humanité) au sein des psychés saines ou "malades". Cette hérédité ancestrale commune aux humains se retrouve, si on ne la porte pas à la lumière de notre conscience (par les rêves notamment ou l'imagination active), dans des psychoses propres aux masses, où l'émotion archaïque prime, amenant violence, cupidité et rejet, comme dans les régimes totalitaires.
    Tout cela est évoqué dans ces vingt nouveaux écrits contextualisés de Carl Gustav Jung, qui se densifient en clarté à mesure du temps et l'on perçoit sa finesse d'appréhension de la psyché européenne de l'époque ainsi que son souhait utopique (?) d'avoir, dans le futur, des chefs d'État alertes ou à jour de l'analyse des profondeurs.
    Autre notion esquissée, le Soi ou principe de totalité, qui est la finalité entrevue, afin de laisser émerger un centre ou Moi plus juste (dans l'équilibre des contraires) au contrôle des individus car plus riche, conscient et connaissant de la nature humaine.
    Cet ouvrage plutôt académique permettra de saisir la spécificité de la psychanalyse jungienne qui, émaillée de cas pratiques, s'adresse à des lecteurs plus ou moins chevronnés de psychologie pratique ou/et de connaissance de soi.

  • L'amour en partage

    La voie de Swami Prajnanpad est une invitation constante à émerger du monde de l'enfant, submergé par ses émotions, ses peurs, ses fausses croyances ("je ne suis rien, personne ne m'aime, on est toujours trahi, je serai de nouveau abandonné..."), pour vivre enfin  dans le monde de l'adulte, en phase avec la réalité telle qu'elle est...Grâce à Lee et aux circonstances dont il avait su habilement tirer parti, je n'étais pas impuissante face au monde de l'enfant, j'avais la capacité d'en sortir et de me situer tout autrement (p.106).

     

    La Parole Retrouvée - un voyage avec Lee Lozowick,Veronique Desjardins,éditions le Relié,Swami Ram Das,Yogi Ramsuratkumar,Arnaud desjardins,Castaneda,Gurdjieff,soufisme,Bazar sacré,artefacts,Swami Prajnanpad,Janvier 2025Avec La Parole Retrouvée - un voyage avec Lee Lozowick, Véronique Desjardins replace l'instructeur américain à sa hauteur de tâche. Elle décrit les liens unissant son enseignement (dans la lignée de Swami Ram Das et Yogi Ramsuratkumar) et celui d'Arnaud Desjardins dont elle fut élève et épouse, leur solide amitié et la spécificité originale et atypique de Lee Lozowick, à la fois chanteur rock, brocanteur (le bazar  sacré), chef de clan et enseignant spirituel.
    La complémentarité des deux "gurus" permit, pendant et après leur mort distante de neuf mois, des échanges de disciples pour une meilleure compréhension des mécanismes de défense avec un point de vue extérieur autre.
    Véronique Desjardins nous fait partager avec délectation ses tourments intérieurs dans son road trip américain et l'on perçoit mieux la convergence des voies (voie du rêve avec Castaneda, 4eme voie avec Gurdjieff, soufisme...) et leur résonance en France avec les éditions du Relié ou de la Table Ronde (les chemins de la sagesse), qu'elle dirigea pendant 17 ans.
    Enfin ce livre est aussi l'émergence d'une parole féminine dans un milieu très masculin et les difficultés inhérentes pour affirmer son rang, sa place et sa différence. Anecdotes de choix, jalons ou pistes de réflexions parsèment avec mesure ce nouvel essai, écrit avec clarté d'esprit, le rendant fluide et captivant.
    Souvent derrière, parfois avec ou en présence de guides spirituels, Véronique Desjardins est à l'initiative d'un groupe de femmes intéressées par l'enseignement de Swami Prajnanpad, depuis la disparition d'Arnaud Desjardins. On l'espère prochainement autonome et sereine dans la guidance de disciples hommes comme femmes, pour illuminer l'époque de torches vivantes !

  • Un guerrier du bitume

    solo.jpgSolo publie Note mon nom sur ta liste (un des premiers hits du crew Assassin) aux éditions Massot. D'abord danseur de break émérite (Paris City Breaker), il fut le fondateur du groupe mythique Assassin (avec Mathias Cassel Aka Rockin Squat), pilota la B.O du film La Haine, fut DJ pour les soirées Toxic dans les années 2000 et multiple champion du monde de Jiu-jitsu brésilien depuis.
    Il nous raconte l'effervescence de ces années où l'émulation artistique fut bouillante, entre Paris et New-York, concernant le mouvement rap, incluant tag et graff, smurf et breakdance, scratchs et beatmakers.
    On y côtoie leaders et architectes de ce style musical désormais majeur, tels Afrika Bambaataa, Joey Starr, JonOne, J.F Bizot ou Mr Freeze, mais aussi les figures féminines influentes et gravitant autour de la nébuleuse rap comme Sophie Bramly ou Laurence Touitou. Solo réserve une part conséquente du récit à ses petites amies et ses déboires (embrouilles, dépendances aux drogues) d'une vie menée tambour battant. Il revient aussi beaucoup sur ses attitudes passées, ses comportements héroïques ou peu reluisants, ses victoires comme ses échecs, donnant également généreusement tribune à quelques autres acteurs clés. Ce témoignage de premier plan infiltre l'odyssée du Hip Hop de l'intérieur, sans concession, et rééquilibre des vérités. On y prend conscience du pont artistique reliant Paris à New York, de la difficulté systémique d'avoir du succès ou de réussir pour un jeune banlieusard mais aussi d'une incroyable foire aux égos, seuls capables à l'époque de se hisser aux premières loges d'une industrie en germe. C'est aussi l'autobiographie d'un jeune fougueux cherchant sa voie et de ses difficultés à devenir adulte dans un monde parfois opportuniste.
     

  • Les guerriers d'Iktomi

     

    crazy.jpgLes éditions Vega - Trédaniel rééditent en poche le dernier livre de Bernard Dubant (1947-2006) sur Crazy Horse, chamane et guerrier (première édition posthume en 2014). Catholique traditionaliste intéressé par l’œuvre de René Guénon, il s'intéressa ardemment dans les années 80 au chamanisme amérindien et à la défense des religions naturelles, conversion affichée dans certains passages à charge, dudit livre. L'ouvrage est par ailleurs à la fois historique, ethnographique (us et coutumes) et cosmogonique, traitant des pratiques spirituelles amérindiennes (du symbolisme aussi) jusqu'à inclure l'enseignement Yaqui relaté par Carlos Castaneda.
    On y découvre un guerrier oglala, sioux, lakota, hors du commun, évoluant avec la "baraka" depuis son adolescence, c'est à dire guidé par une vision, accompagné d'un esprit, protégé par une médecine (à l'épreuve des balles jusqu'à la toute fin).
    Les colons fraîchement débarqués nouèrent d'abord des liens d'entraide avec les autochtones, avant de légiférer avec eux puis de les piller, puis les conditionner (par les réserves et l'éducation catholique) ou les exterminer, en vue de s'approprier toutes leurs terres et ressources naturelles (l'or notamment). Avec Sitting Bull, Little Big Man et tant d'autres, le livre (dont la lecture est un peu heurtée) retrace une autre histoire que celle relatée dans les westerns , celle des grands guerriers vaincus mais dont certains noms ou esprits demeurent encore bien vivants, tant ils défendirent jusqu'au bout avec cœur et courage, l'âme de tout un peuple. Le parti pris de Bernard Dubant l'empêche parfois cependant de voir le liant entre chamanisme et mysticisme, message monothéiste originel et esprit sioux, avant que l'homme avide et intéressé ne se mêle de religion, bien évidemment. Une vision tripartite de l'homme (corps, âme et esprit) partagée.

     

  • Poli son

    dominique A,quelques lumières,cinq7,Quelques lumières est un double disque de compilation très original de Dominique A, paru chez Cinq7. Deux galettes d'une heure chacune, l'une symphonique, l'autre en trio acoustique, retracent 30 ans de sa carrière musicale. On le savait puissant et massif sur scène, dégageant une force tranquille en formation rock, on le retrouve interprète, voix fluette et textes littéraires chiadés, emplis de poésie.
    L'orchestre de chambre de Genève (David Euverte pour les arrangements et orchestrations) apporte plus qu'une ponctuation, une narration émotive tantôt légère et joyeuse, tantôt pesante ou mélancolique mais porteuse d'espoir. Malice, intelligence et inventivité accompagnent les classiques sous un nouvel angle, une inclinaison. La mémoire neuve, Eléor, Immortels et tant d'autres sont sublimés et apparaissent en leur éclat.
    Coté trio, accompagné de Sébastien Boisseau (contrebasse) et Julien Noël (piano), Dominique A surprend là aussi par sa douceur, sa délicatesse et sa sensibilité à fleur de peau, après juste quelques notes pour draper l'atmosphère et deviner la chanson. Le dépouillement instrumental porte véritablement le texte et l'on redécouvre un formidable conteur, un regard aiguisé mais tendre sur la vie, un contemplatif soucieux d'intériorité et de lumière, en soi et alentour. Ce geste absent, Quelques lumières, l'inédit l'Humanité...l'auteur compositeur et interprète propose là des chansons moins connues mais réarrangées pour le bonheur de tous.
    En somme, un bien bel ouvrage, conçu et orchestré comme une redécouverte, par un pilier discret de la chanson française. Merci Monsieur Ané !

     

  • Se dévoiler neuf

    Changez le rêve et vous changerez le futur. (p.33)


    Gislaine Duboc,La prophétie de l'espoir,Vega éditions,guy tredaniel éditions,La prophétie de l'espoir, paru chez Véga éditions, de Gislaine Duboc, pourrait s'assimiler à une relecture inspirée des mythes fondateurs de l'occident (Genèse et Apocalypse), fruit d'un dialogue chamanique.
    l'autrice distingue Adam d'Eve dans leur appréhension du monde, en tant qu'esprit imaginatif pour l'un et corps sensible pour l'autre, dans leur aperception verticale ou horizontale de l'information également, qui confère à l'avènement d'un collectif en meute ou en tribu.  
    L'avènement d'Eve dans notre monde agonisant est la prophétie de l'espoir, comme elle fut son initiatrice et guide intérieur.
    Son vécu et destin de chamane lui confère en effet une sensibilité accrue au vivant qui s'exprime par une reliance vibratoire dans et hors du corps. Cette capacité de dialogue infini avec d'autres mondes (esprits ou mémoire akashique) apporte une richesse réflexive pour cheminer du "multiple à l'un" et s'approcher de la vérité sans l'asséner. Elle rappelle que ce don de (clair-)voyance, désignant bibliquement parlant un prophète, ne vaut que par l'écoute d'un scribe  ou d'un disciple audiant. Ce livre captivant est donc avant tout une rencontre entre deux univers (multivers même), ceux du lecteur et de  l'auteur, plébiscitant implicitement un être relié plutôt que connecté ou augmenté, soit l'être pleinement humain face à l'homme-dieu ou voulu tel.
    Chamane d'instinct et de tâche (sa seconde naissance), Gislaine Duboc évoque l'état de co-naissant avec la capacité à connecter la Source de toute sagesse. "Se laisser vivre" débarrassé du diktat de la mort, comme "aimer ce qui nous détruit" (le feu qui transforme la matière ou la souffrance, par exemple) sont d'autres mantras qu'elle a fait siens et qui font sens dans son quotidien.

    Une vision somme toute très christique de la vie après un long voyage de déconstruction et de réinterprétation de l'archétype divin présent et advenant en soi (au masculin ou au féminin) et demandant à n'être que nouveau, dépoussiéré de l'ancien filtre. 

  • Des pierres sur le chemin

    François Grunwald,Un chemin hors de l'exil - de Freud à Gurdjieff,Tome 1,éditions l'originel Antoni,Arnaud Desjardins,Charles de Gaulle,seconde guerre mondiale,rencontre avec des hommes remarquables,Aout 2024Un chemin hors de l'exil - de Freud à Gurdjieff, premier volume paru chez L'Originel Antoni, relate des mémoires de François Grunwald jusqu'à la mort de G.I Gurdjieff en 1949. Le livre insiste beaucoup sur la période de la seconde guerre mondiale et les pérégrinations de l'auteur, de prisonnier à combattant en Afrique du Nord. En filigrane se dessine un destin et une soif de vivre, autant de signes sur son chemin qui l'amèneront à des rencontres impromptues mais clés, jusqu'à la découverte de l'enseignement du sage caucasien.
    Élève authentique (il animera par la suite en Allemagne des groupes spirituels), il reconnaîtra clairement à travers Gurdjieff et quelques un(e)s de ses disciples, cette patrie de l'intériorité entr'aperçue par quelques éclaircies symboliques, parlant clairement de naissance à un "Je" véritable, avant laquelle il se sentait étranger à lui même et aux événements fortuits.
    Handicapé de guerre (à la main) et père de quatre enfants, il exercera plusieurs professions (dont exploitant agricole) avant de devenir psychiatre sur le tard, fonction qui ne tranche nullement avec son acuité psychologique et sa foi en l'homme malgré les épreuves subies.
    Ce vécu riche et passionnant esquisse une époque où la soif succéda  à la pénurie, au sens littéral comme allégorique. Cet épais témoignage insistant sur la vie intérieure déborde en contrepoint de vitalité extérieure, comme le foisonnement vibratoire d'après guerre. C'est aussi un livre de rencontre avec des hommes remarquables (dont de Gaulle) qui sauront le guider vers un chemin d'élévation. 
    Un second volume retrace ses pérégrinations en Inde, pour parfaire son initiation, avec deux maîtres spirituels, dans les traces d'un Arnaud Desjardins qui pratiqua aussi un temps les groupes Gurdjieff.