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anima

  • Rhizome du Soi

     

    Deux livres de poche section psychologie de Carl Gustav Jung sont réédités par Albin Michel en cette fin d'année. Il s'agit de "Aïon" et de "l'Âme et le Soi", qui révèlent une méthode d'interprétation (par amplification) de contenus psychiques symboliques présent dans l'âme humaine. Le Soi est à l'honneur, se révélant pour le coup comme agent de transformation et de transmutation unitif pour accompagner le moi conscient vers un Centre plus intégratif d'où il provient.

     

    "Les vérités psychologiques ne sont pas des assurances métaphysiques mais bien plutôt des modes de pensée, de soutien et d'action qui se révèlent à l'expérience comme appropriées et utiles". (p. 54)

     

    9782226469663-j.jpgDans Aïon qui ressort en édition poche, C.G Jung alors âgé de 75 ans, est un puits de connaissances, une montagne d'érudition qui illustre de façon magistrale le Tout contenu dans le Soi, archétype de l'union des contraires.

    Son terreau de jeu, l'inconscient, étant un monde caché et obscur, il s'intéresse ici à des sources "apocryphes" (gnostiques) ou occultes (l'alchimie ou les écrits cathares) pour amplifier le sens et augmenter la signification de symboles duels présents dans l'imaginaire chrétien des premiers siècles. Ainsi du Poisson, de la Pierre philosophale, du Christ et de l'Antéchrist ou du problème du mal qui n'est pas que la privation du bien. D'après lui, ces hérétiques de tous temps avaient compris et assimilé des vérités de la psychologie des profondeurs, telle la lumière véritable tapie dans la profondeur des ténèbres.

    Les symboles religieux n'étant plus opérants à notre ère (sens de Aïon), désacralisés, il ressuscite des vérités psychiques d'études oubliées pour refaire le lien et rendre conscient des concepts dissociés ou ambivalents mais pourtant complémentaires ou issus d'une même pièce, ainsi de l'Antéchrist qui à l'origine n'est que le "jumeau" du Christ, son alter ego maléfique.

    Ses réflexions sont foisonnantes, parfois alambiquées (à vouloir trop cautionner un modèle), parfois proches d'une vérité ou révélation métaphysique comme la pêche au poisson-Léviathan en soi qui est nourriture eucharistique ou la Pierre philosophale assimilable au Soi et pourtant grain de sénevé...

    L'auteur et fondateur de concepts fondamentaux de la psychologie analytique (l'ombre, l'animus-anima ou le Soi) présentés et résumés en préambule nous livre pêle-mêle le fruit de ses découvertes savantes (astrologie, alchimie, eschatologie, philosophie des premiers Pères...), tisse des liens, bâtit des schémas synthétiques sans véritablement convaincre ou emporter l'adhésion.

    Moins découvreur que rassembleur sur la fin de sa vie, Jung fait néanmoins preuve d'une vitalité et d'une curiosité hors norme, marquant à jamais tous ceux qui croisèrent son chemin de son vivant. 

     

     

    "Les -ismes politiques et sociaux de notre temps prêchent, certes, tous les idéaux possibles, mais poursuivent sous ces apparences trompeuses un but qui est d'abaisser le niveau de notre civilisation en restreignant, voire en annihilant purement et simplement les possibilités d'épanouissement individuel. Ils le font en partie en produisant un chaos maîtrisé par la terreur, un état primitif donc qui ne concède plus qu'une possibilité de simple survie ; un état pire que les pires époques de "ténèbres' du Moyen-Âge. Il reste encore à savoir si de l'expérience d'un asservissement déshonorant naîtra un jour une plus grande aspiration à la liberté de l'esprit". (p.123)

     

    9782226469670-j.jpgLes ouvrages de C.G Jung sont inégaux en qualité d'universalité, l'âme et le Soi qui constitue un patchwork de thématiques (un processus d'individuation analysé au centre avec 25 belles illustrations couleur, des articles sur la transformation intérieure, une digression sur la sourate de la caverne dans le Coran, la fonction transcendante et l'imagination active, le spiritisme, le phénomène ovni) oscille entre fulgurances et informations de seconde main ou d'arrière plan, à l'image des préoccupations de l'analyste zurichois, centrales ou périphériques comme le point et le cercle.

    Ce petit livre réédité présente néanmoins un double intérêt.

     On y ressent l'évolution de la pensée de Jung entre le début et la fin de sa carrière, de rationaliste froid à une réflexion irriguée et nourrie d'amplifications livresques ou expérimentales dans le domaine des Sciences humaines (les textes sacrés comme le Coran, l'alchimie toujours avec ici les écrits de Boehme, des sujets de réflexion développés à partir de l'étude de cas cliniques), avec toujours la rigueur scientifique qui le caractérise et le cautionne.

    D'autre part l'analyste élevé au rang de mythe par sa stature de pionnier de la voie des profondeurs, nous est rendu plus humain et accessible avec l'âge par le fait qu'il touche à tout pourvu qu'un lien se tisse à l’âme et l'inconscient (redéfini le "domaine des rêves, des morts et des ancêtres"), avec des préoccupations a la fois élitistes (un processus d'individuation nécessite une forte érudition ) mais aussi plus populaires (spiritisme, ovni...). 

    Dans l'esprit de Jung, ses continuateurs sont sans doute moins ceux qui le divinisent tout en calquant sa méthodologie à la lettre que ceux qui, par cercles concentriques et disciplines connexes, s'approchent du mystère de l'Être et de la vérité, sans estimer qu'elle se trouve forcément dans les matières nobles du terme.

     

  • L'Amour , notre destinée

     

    Petit entretien écrit avec Pierre Trigano, qui vient éclairer quelques passages de son dernier livre "Des sexes et des genres, des amantes et des amants" paru chez Réel Editions.

     

    *Votre réflexion mûrie d'un travail sur l'inconscient marque profondément le sujet conscient avec le temps : il s'agit ici d'évoquer l'existence d'un virus actif dans la psyché et transmis depuis des siècles... A qui d'ailleurs imputer la responsabilité de cette “souffrance immémoriale des femmes” ? L'homme doit-il s'amender ?

    Dans l’inconscient collectif de l’humanité se condense toute son histoire depuis les origines et nous naissons déterminé-e-s par celle-ci à la naissance sans en être conscients. Cette histoire résonne de ce que j’ai appelé la souffrance immémoriale des femmes, et cette histoire est déjà préformée par nos ancêtres préhumains primates, totalement marqués par la compétition entre les mâles, la maltraitance exercée sur les femelles, et la guerre systématique entre les clans. On ne peut pas dire que les hommes d’aujourd’hui sont a priori coupables de cette situation car ils ne font qu’en hériter mais ils sont fondamentalement responsables pour en prendre conscience et changer cette histoire en s’ouvrant à leur féminité intérieure, à remettre en question le règne du masculin unilatéral pour vivre une relation harmonieuse entre masculin et féminin, qui est amour. Les hommes, mais bien sûr les femmes aussi sont appelés à ce grand rendez-vous et reçoivent une interpellation que nous pouvons lire dans leurs rêves nocturnes. L’enjeu pour l’avenir de l’humanité sur cette terre est qu’ils acceptent d’entendre l’interpellation.

    *C'est souvent après coup que l'on sent que l'archétype genré était présent dans un échange. Comment se manifeste t'il concrètement ? Quand sait-on que l'on a affaire avec l'animus ou l'anima ?

    Il faut comprendre que l’animus dans l’inconscient des femmes est comme un homme et que l’anima dans l’inconscient des hommes est comme une femme. En tant que masculin, l’animus est puissance d’affirmation, pensées, principes, logos. Le problème est qu’en tant qu’il est un archétype de l’inconscient collectif, c’est une énergie collective, trans historique, transgénérationnelle. Il n’est donc pas au commencement de la vie d’une femme sa puissance d’affirmation personnelle et il ne fait que l’enfermer ou la réduire aux stéréotypes et aux rôles qui se sont condensés dans l’histoire de sa famille et de sa société, l’enfermer dans des attitudes de soumission ou au contraire de colère et de meurtrissure de toutes sortes, en inflation ou en déflation.

    L’anima, en tant que féminin, relève du domaine de l’affect, de l’humeur, du sentiment, de l’éros, de l’intériorité. Mais, tout comme pour l’animus, elle est une énergie inconsciente collective, transhistorique, transgénérationnelle. Dès lors, au commencement de la vie d’un homme, cette énergie ne lui est pas personnelle et ne se manifeste pas pour son épanouissement mais en étant conforme aux rôles qui se sont condensés dans l’histoire de sa famille et de sa société. Elle peut prendre la forme d’un éros aliéné, dysfonctionnel, dans sa vie, qui le détourne sous mille et une formes possibles (allant de l’inflation à la déflation) du véritable amour.

    Je me souviens d’un film d’il y a quelques années qui s’intitule, si je me souviens bien « La dispute ». Pas vraiment un très bon film, mais très intéressant pour donner un exemple vivant. Ce film montre d’abord un couple qui s’est constitué par amour et qui s’aime vraiment. Un soir, ils reçoivent à diner toute la famille de la femme. Une fois celle-ci partie, l’homme saute impulsivement sur la femme et lui dit « chérie, viens allons faire l’amour ! ». Mais la femme, tout aussi impulsivement, le repousse en lui disant : « non ! Fais la vaisselle d’abord ! ». Cette opposition de points de vue va dégénérer au long du film en une dispute terrible sur plusieurs jours qui va détruire leur couple, alors qu’ils s’aiment vraiment. On reconnait dans cet affrontement un duel meurtrier entre l’anima de l’homme qui est impulsivement éros et l’animus de la femme qui est impulsivement position de principe abstraite et donc logos. Les deux, anima et animus, ne sont pas dans cette histoire des expressions personnelles de leur amour, mais comme des dieux au-dessus de leurs têtes qui les manipulent et n’ont que faire de leur bonheur réel. L’anima, ici n’est pas l’expression personnelle de l’éros de l’homme et l’animus, l’expression personnelle du logos de la femme, mais des énergies de l’inconscient collectif façonnées dans l’histoire qui les ignorent impitoyablement en tant qu’individus.

     

    *Chaque genre (hétéro, homo, trans) porte en sa psyché un archétype du genre opposé avec lequel, à terme, il est juste et bon de s'unir (mariage symbolique) pour mener une vie harmonieuse. Le poids de cette souffrance semble être la même pour tous et partagée entre tous, une souffrance mémorielle de l'humanité en quelques sorte ?

    Tout être humain, quelle que soit sa condition sexuelle, est traversé dans sa psyché par ce que j’appelle « une pulsion de mariage intérieur » et que Jung appelle le Soi. Cette pulsion travaille dans l’inconscient à la confrontation entre le moi de la femme et son animus et le moi de l’homme et son anima. L’enjeu de ce travail intérieur est que les deux pôles conscient et inconscient se rencontrent, se reconnaissent et se transforment jusqu’à s’aimer et devenir des amants intérieurs de telle sorte que se réalise l’individuation, l’unité de l’être, son ouverture à l’amour. Pour les trans la modalité semble différente, je l’étudie dans mon livre avec un exemple de rêve à l’appui mais en réalité, c’est toujours cette ouverture à l’amour qui se cherche.

    L’enjeu est que anima et animus ne soient plus dans la psyché d’un individu des « dieux » étrangers et indifférenciés mais deviennent des manifestations personnelles de leur être réel, les ouvrant à l’amour. On cultive et renforce le travail de cette pulsion du mariage intérieur dans une psychanalyse centrée sur les rêves, en suivant le chemin initiatique qui se déroule pour l’analysant de rêve travaillé en rêve travaillé. Ce qui se découvre au cours de ce cheminement, c’est la souffrance immémoriale des femmes, la souffrance de la féminité, qui s’est condensée au cours de l’histoire humaine, et qui affecte aussi bien les femmes, les hommes, leurs animus et anima. L’enjeu d’une telle psychanalyse est de favoriser dans leur vie l’arrivée de synchronicités positives ouvrant à l’amour, pas seulement sous la forme d’un couple, mais aussi comme amour de la vie, réconciliation amoureuse avec la vie, quel que soit l’âge du sujet.

     


    *L'essence du Soi est féminin dites-vous. Il nous veut en relation (Intérieure ou extérieure), l'inverse du repli sur soi en fin de compte ?

    C’est le rêve étonnant d’une contemporaine, que je relate dans mon livre, qui présente le Soi comme féminin. Il délivre un enseignement qui nous montre que le Soi désire aujourd’hui se faire reconnaitre centralement comme féminin, d’abord pour relever la féminité depuis si longtemps marginalisée, mais aussi parce que l’archétype féminin est précisément l’archétype de la relation, de l’ouverture à l’altérité, de l’union. Or, c’est précisément l’union harmonieuse entre le masculin et le féminin que vise le Soi. Ce qui nous permet de comprendre que forcément, cette union est d’essence de féminine, de même que sur le plan concret de la sexualité, l’union du sexe masculin et du sexe féminin se fait dans le sexe féminin.

    *Que nous dit ce nouveau symbole du Soi sur le dieu monothéiste ? A t'on occulté Sa part de féminin (qualités, valeurs) ? Plus, son essence est-elle féminine ? On peut même se poser la question du creuset du Verbe, de son origine symbolique ?

    Dans la spiritualité biblique, le Verbe, c’est le Saint Esprit, et le mot « esprit » en hébreu, rouah’, est féminin. Et pour les premiers chrétiens, le Saint Esprit était féminin. Ce n’est qu’au 4eme siècle après Jésus-Christ que l’Eglise a décrété que le Saint Esprit était masculin ! D’autre part, Jésus appelait Dieu abbah. Je démontre dans mes livres précédents que c’est un mot féminin, un Père divin féminin, centré sur l’amour

    *Comment panser le féminin blessé ? Le verbe ou l'Intellect y est-il pour quelque chose ? Quid des autres centres (sensation, intuition ou sentiment) ? Peuvent ou doivent-ils participer à la guérison ?

    Toutes les fonctions psychologiques interviennent bien sûr dans ce grand-œuvre du mariage intérieur qui réunit en harmonisation toute la psyché humaine. Mais est-ce que vraiment le but est de « panser » le féminin blessé ? Je crois plutôt qu’ils se « panse » lui-même lorsque l’on devient conscient que la féminité n’est pas « une pauvre petite chose » toute faible, qui aurait toujours besoin d’un masculin fort « de gros bras », mais qu’elle est ce qui fait qu’un être humain est réellement humain, dans la mesure même ou la caractéristique de l’être humain dans la nature est précisément sa capacité à s’ouvrir à l’altérité, ouverture féminine par essence.

     

  • Le retour du refoulé

     

    La source collective de toutes ces contradictions se situe selon moi dans l'expérience de l'être femme telle qu'elle s'engramme dans l'inconscient collectif comme souffrance immense liée à un statut multiséculaire d'infériorité et d'humiliation”. (p.30)

     

    genres.jpgSous l'angle psychanalytique, une relation entre deux personnes est beaucoup plus riche qu'on ne le croit puisque des “archétypes” sont à l’œuvre dans la psyché de chacun (la persona, l'ombre, l'animus...), sans compter les esprits des ancêtres et autres anges gardiens pour peu que l'on soit croyant...c'est dire la complexité d'un couple.

    Pierre Trigano, analyste et philosophe, revient avec une bonne nouvelle en la matière sous forme d'un petit livre précis et pointu de Réel Éditions : “Des sexes et des genres, des amantes et des amants – une approche jungienne”. Il focalise sur l'archétype du genre opposé en chacun de nous (animus et anima ou schématiquement notre représentation idéalisée de l'autre sexe présent dans la psyché) et poursuit la réflexion entamée sous l'égide d'Agnès Vincent sur “l'âme des femmes” en s'intéressant cette fois-ci à la “souffrance immémoriale” de ces dernières à travers l'histoire, les civilisations, la culture et les modèles historico-générationnels.

    Si ces dernières portent en elles dans leur psyché un “animus” en partie blessé (archétype du genre masculin avec ses qualités d'affirmation, de pénétration et de logos) par des siècles de répression et d'humiliation, il en va de même chez l'homme dans sa part d'”anima” (archétype du genre féminin avec ses qualités d'accueil, d'ouverture et d'éros) puisqu'à preuve du contraire l'homme nait d'une femme et que l'inconscient collectif (sorte de matrice universelle d'où sont notamment issus les rêves) regorge de l'histoire symbolique de l'Humanité.

    Ce qui pourrait s'apparenter à un scénario relationnel sans fin et traumatique à souhait présente cependant, aux vues des données cliniques, une éclaircie salvatrice puisqu'il semblerait selon l'auteur, que le Soi (ou sorte d'imago dei qui unifie les contraires) présent également en chacun, veille à ce que l'amour triomphe in fine, en clarifiant ou pansant ce déni du féminin dans l'animus/anima transgénérationnel. Des images ou symboles numineux finissent par apparaître dans les rêves ou visions qui amèneront, chez la personne en travail sur soi, une réconciliation positive avec sa part claudicante ou inférieure.

    Le genre (hétérosexuel, homosexuel ou trans) est parfois directement en lien avec une part de cette psyché non reconnue ou déniée (par réaction ou rébellion) et l'identité sexuée, si elle est naturellement pleinement assumée, n'empêche en rien ce travail de se dénouer activement en conscience par la mise à plat et l'interprétation du matériel onirique. Les rêves, voie royale de l'inconscient , évoquent souvent des alliances avec des figures, comportements ou attitudes qui sauraient combler des manques, qu'ils soient inflationnistes (colère), déflationnistes (haine ou déni de soi) ou conformistes (reproduction d'un schéma familial). Le livre est d'ailleurs agrémenté de rêves, y compris certains intimistes de l'auteur.

    Pierre Trigano rappelle en outre que le Soi n'est symboliquement pas androgyne en essence mais plutôt féminin puisque sa fonction est d'être l'”Avec”(il apparait comme un sexe féminin dans certains rêves).

    Le féminin est donc doublement évoqué et mis à l'honneur dans cet opus (et dans toute l’œuvre de l'auteur) puisqu'il s'agit à nouveau de ne pas s'opposer frontalement et mentalement aux forces et énergies d'expression du féminin intérieur. Les mouvements sociaux récents (revendications féministes, me too, représentation minoritaire...) ne sont que le reflet d'un mouvement naturel de la psyché trop longtemps bafoué ou méprisé à qui il convient désormais, en accord avec un Centre de nature matriciel, de rendre ses lettres de noblesse et son rang ou génie, par l'homme trop souvent usurpé.


    L'enjeu intrapsychique pour tous les êtres humains sans exception, hétérosexuels, homosexuels et transgenres, est que se réalise une union intérieure harmonieuse en eux-mêmes, “un mariage sacré” entre leur moi (féminin ou masculin) et les figures de genre opposé dans leur inconscient. A cette condition, redisons-le, leur moi peut devenir libre et entier pour l'amour et aussi attirer les synchronicités positives du ou de la partenaire de l'amour”. (p.61)

     

  • Le numineux langage de l'âme

    "Comprendre que la Bible et tout le corpus dogmatique sont écrits dans un langage symbolique, témoignant d'expériences intérieures compréhensibles en termes psychologiques, peut conduire à un renouveau de la vie religieuse".(p.24)

    "
    Pour Jung, le christianisme est un aboutissement, un mûrissement d'intuitions religieuses très anciennes, datant d'époques très reculées, inscrites au plus profond de notre inconscient collectif et toujours vivantes en nous".(p.63)



    Jung-et-le-christianisme.jpgJean-François Alizon signe avec "Jung et le christianisme - un regard nouveau", paru chez Empreinte éditions, un ouvrage sérieux, profond et synthétique sur l'apport de C.G Jung à la religion chrétienne, notamment par sa lecture symbolique, reflet de l'âme, dont il était un clinicien hors pair (Il restaure ainsi la trilogie corps-âme-esprit).
    Lus, médités et mis en pratique depuis plus de trente ans, les écrits du célèbre psychanalyste ont trouvé un écho favorable chez ce protestant formé à la théologie (Il fut néanmoins professeur de flûte traversière) avec pour élément déclencheur de sa "
    religion intérieure", un Christ pouvant été assimilé au "Soi" jungien, à la foi centre physique et psychique de l'homme équilibré (d'aucuns évoqueront le fameux Hara oriental ou centre de l'être selon la terminologie de Graf Durkheim) et socle commun à toute l'humanité dans sa fonction de complétude ou de réunion des opposés (on pense aussi au Tao ou à la nature androgyne de la psyché).

    "Le Soi connaît notre destinée profonde et le sens de notre existence sur la terre. il nous appelle à réaliser notre essence véritable dans une démarche laborieuse, patiente et obstinée, qui avec le temps finit par aboutir...et restaurer un sens" (p.179).

    Pour l'auteur, la capacité d'aimer est notre vraie nature, le lien avec notre âme consolidé.
    Le livre est assez complet, érudit et peut sûrement servir de référent sur le sujet par la maîtrise et la clarté rationalisante qui s'en dégage. On retrouve les concepts phares de Jung (archétypes ou énergies latentes, anima, Soi...) appliqués à l'épopée christique et cette lecture moderne de la psychologie analytique, toute intériorisée, proche du courant soufi ou de la kabbale, semble coller à la réalité des images (rêves, œuvres culturelles, symboles) remontant des profondeurs de l'âme humaine.
    Cet "ésotérisme" quasi scientifique (car expérimental) sied plus aux natures introvertis de prime-abord qu'aux adeptes des rites, dogmes et communautés de croyances mais la foi fait force dans les deux cas grâce notamment à l'eucharistie qui cristallise aussi le Christ en chacun de ses adeptes.
    Autre éclairage intéressant, le retour du féminin refoulé en plusieurs étapes, d'abord projeté sur autrui (l'anima ou archétype féminin de perfection) puis réintégré lors d'une re-naissance spirituelle matricielle, que Jung associe à la naissance en souffle et esprit, celle de l'homme nouveau.
    Enfin, parmi les nombreuses richesses dont regorge ce livre (un dossier complet et complémentaire y est aussi consacré sur le site de l'éditeur), la redéfinition du péché comme rupture avec la totalité de notre être ou Soi. Tiraillé dans ses profondeurs depuis la sortie de l'Eden intra-utérin, l'homme n'a d'autre choix que l'équilibre de ses paradoxes en saisissant la voix, parfois imagée, de l'harmonie (des contraires) par l'attitude juste ou appropriée à chaque étape de sa vie.

     

  • La légende du Graal ressurgit de la Fontaine de Pierre

     

    La légende du Graal,La Fontaine de Pierre,2018, Emma Jung,Marie-louise Von FranzMerlin, Arthur, l'épée dans le roc, les chevaliers de la table ronde...qui ne connaît pas la légende arthurienne ? Celle du Graal est peut-être moins connue mais tout aussi passionnante : les aventures de Perceval le gallois qui est rapidement mis en présence d'une procession hors temps dans un château hors espace, où loge un roi pécheur blessé et qui devient le témoin oculaire d'une coupe, le Graal ; d'une Lance qui saigne et d'un Plateau rectangulaire...

    Bouche bée devant ce spectacle numineux, il oublie de poser les questions qui auraient pu délivrer le roi de sa malédiction, ce qui conditionnera tout le reste ses mésaventures.

     

    C'est Chrétien de Troyes qui, au Moyen-Age, popularisa la légende et fit de cette vision féerique l'énigme de toute une quête chevaleresque : Que représentent symboliquement ces objets et comment guérir le vieux roi ?

    L’œuvre demeura inachevée par la mort de l'auteur mais connut plusieurs suites et continuateurs (Wolfram Von Eschenbach, De Boron...). Plus près de nous, Emma Jung, la femme du célèbre psychanalyste zurichois, consacra une bonne partie de sa vie à replacer la "Légende du Graal" dans une grille de lecture empruntée à la psychologie des profondeurs. Également inachevé à sa mort, Marie-Louise Von Franz (proche disciple de Jung) hérita de son travail et le mena à terme. Étrange parallèle et signe, s'il en fallait, que ces recherches représentent une somme inégalée en la matière.

    C'est ce livre, longtemps épuisé, que réédite la Fontaine de Pierre. Un petit lifting lui a été apporté : nouvelle mise en page, notes en bas de page mises à jour, bibliographie actualisée et ajout d'illustrations originales.

    Le texte lui, reste inchangé et souffre par moments de quelques longueurs par souci peut-être d'être le plus complet sur "les" légendes du Graal, mais il se lit comme un bon roman, captive et ne déçoit pas quant à la conclusion sur l'énigme originellement posée.

    Le changement d'auteure se fait sentir en cours de lecture, le style de M.L Von Franz étant plus condensé et intellectuel mais il foisonne de pistes d'interprétation. Le crédit de cette dernière apporte un regain de science et une belle conclusion certes orientée (dans le sens du processus d'individuation et de la réunification des contraires) mais qui ouvre sur des perspectives nouvelles et notamment à qui le Graal est-il destiné ?

     

    Le livre possède un souffle et une justesse dans l'amplification de thématiques connexes mais aussi dans la relecture intériorisée qu'il propose. Il est aussi pionnier dans le domaine de l'interprétation symbolique de contes ou mythes (ici une légende) afin d'en dégager des clés pour une meilleure connaissance de soi. Je pense ici aux livres magiques de même acabit que seront à sa suite "l'homme sauvage et l'enfant" de Robert Bly, "la femme dans les contes de fées" de M.L Von Franz ou encore "Femmes qui courent avec les loups" de Clarissa Pinkola Estes.

    La force de la théorie Jungienne est de faire passer l'énigme en apparence collective (fruit des préoccupations d'une époque) sur un plan individuel et de la rendre actuelle.

    Au même titre que les mythes ou contes, les légendes ont ceci d'universelles qu'elles hantent encore nos rêves et notre inconscient collectif.

    L'homme complet est appelé, selon Jung, à un perfectionnement, une élévation personnelle qui passe par une solide construction psychique dont l'intégration de symboles numineux ou parfois religieux fait partie.

    Sans rentrer en détail dans les concepts archétypiques dessinés par Jung (qu'il n'est pas nécessaire de maîtriser pour lire ce livre) on peut dire que toute projection extérieure nécessite d'être réintégrée en soi afin de tendre vers l'unification (ou divinisation qui est le but d'un processus d'individuation), ce qui constitue le travail de toute une vie.

     

    Au final cet opus s'adresse à tout chercheur de vérité, coutumier de Jung ou pas, croyant ou pas, désireux d'en apprendre plus sur la symbolique du Graal et sa légende.

    Le Graal est-il un vase ou une pierre ? S'adresse t-il aux chevaliers chrétiens du Moyen Age ou aux religieux contemporains et/ou adeptes d'un cheminement intériorisé ?

    Qui est le véritable destinataire du Graal ? Quelle est sa mission ? Qui l'assistera ?

    Que vient faire Judas dans l'histoire et pourquoi l'Apocalypse est-elle convoquée ?

    Des ébauches de réponses pertinentes ont été données par des cliniciens de la psychologie des profondeurs. Il serait dommage de ne pas entendre leur message...