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marie-louise von franz

  • Petit mais costaud

    Le manque de foi conduit à la rationalisation, à l'adhésion aveugle et sécurisante à des théories établies, et inversement l'intellectualisation, parce que coupée des racines vitales, amène son cortège de doutes et la tentation "psychologique" pour les exorciser...Cette collectivisation de la pensée va à l'encontre de toute création libre et individuelle. (p.33)

     

    Isabelle lifran,Du jeu de sable à l'esprit d'enfance,la Fontaine de Pierre,Jung,Marie-louise von Franz,Francine Perrot,contes,imagination active,pueraeternus,individuation,Soi,guérisseur intérieur,Le livre d'Isabelle Lifran, "Du jeu de sable à l'esprit d'enfance" que publie la Fontaine de Pierre, est en soi un exercice d'unification de la psyché.
    Initiée par des héritières de C.G Jung (Francine Perrot, Marie-Louise Von Franz...) à la voie des profondeurs, cette ancienne enseignante s'est reconverti dans l'accueil d'enfants "turbulents" par le truchement du jeu de sable. De véritables processus d'individuations miniatures ont lieu en sa présence, par un abaissement mental et une re-connexion à l'être créatif et guérisseur en Soi et chacun.e.s.
    La grosse première partie du livre de poche est émaillée d'exemples dont celui d'Adeline et de son processus de clarification du chaos psychique vers la lumière intérieure. Isabelle Lifran dévoile ensuite son lien magique avec l'oeuvre de Georges Sand (qui signifie sable en anglais), pétrie de l'esprit d'enfance, pour ouvrir ensuite sur la figure archétypique ambivalente du puer aeternus (l'enfant intérieur à la fois libre et sous emprise).
    Dans les pas de ses pairs, l'ouvrage apparaît solide, mature et complet, telle une œuvre d'art ou l’œuvre d'une vie. Le thème choisi rend la lecture plaisante et vivifiante, avec une plume comme irriguée par ce magma créatif propre à l'imagination de l'enfant.
    La parole ou le texte fait frémir l'âme mais n'empêche pas toute pratique de connexion à l'imaginal ou univers des symboles et archétypes, grâce a l'attention onirique, la méditation ou une activité manuelle de création. C'est en tous cas l'envie qui naît à la lecture dudit livre, de ne jamais se satisfaire d'un état d'être et de savoir rester souple et ouvert à toute irruption de l'Un conscient, pour mieux se différencier (d'une personne, d'une famille, d'un groupe, d'une nation) et devenir un individu entier.

     

  • Se réapproprier le féminin mythique

    "Les antécédents des romances médiévales populaires sont plus larges que concentrés autour de l'individu et de sa guérison possible. Ils parlent d'un monde dans lequel la puissance et la sagesse féminine ont été perdues, dans lequel la nature a été violée et les trésors de l'Autre Monde ont été pillés, un monde devenu une Malterre. La quête du Graal, le principe féminin, la donneuse et gardienne de vie, n'est pas simplement une quête pour nous restaurer personnellement, c'est une quête pour restaurer le monde". (p.319).

     

    femmes 1.jpgDans "Femmes enracinées-femmes qui s'élèvent" de Sharon Blakie, publié chez Véga-Trédaniel, le constat est amer mais la solution est amour, comme toujours.
    La planète agonise, les hommes et leur quête héroïque ont accéléré le processus de destruction, le statut inférieur des femmes est une des causes du désenchantement du monde...et l'autrice projette de donner des clés pour que le féminin refleurisse et ensemence fertilement la planète, pour ce qui peut encore être sauvé.
    Sur près de 500 pages s'entremêlent son vécu, ses rencontres avec des femmes fortes et inspirantes et quelques histoires et légendes celtes mythiques, dans une forme de psychologie narrative. On pense à des pionnières du genre comme Clarissa Pinkola Estès ou Marie-Louise Von Franz mais Sharon Blackie veut pousser plus loin le curseur de l'explication archétypale rationnelle classique, en convoquant le mystère irrationnel de la pleine incarnation charnelle et sensation-elle. Elle questionne les terres habitées ou visitées en se rapprochant des éléments  (saisons, paysages, folklore, mythes et légendes...) pour retrouver le sens profond et la magie de la connaissance intuitive ou "iomas" qui provient de l'Autre monde, l'imaginal évoqué par H. Corbin, la hiérohistoire éternellement présente dans l'instant, l'esprit hors espace-temps.
    A la différence pourtant d'un Joseph Campbell et de sa "quête du héros", Sharon Blackie propose un parcours résolument féminin, non calqué sur celui de l'homme, car ce parcours rend la femme amnésique de ses valeurs, de ses atouts (son corps  et sa matrice plus que sa tête et son mental) et de son rôle depuis toujours dévolu de sage, gardienne et protectrice de la Terre, bien avant que les religions et leur Dieu ne vienne compliquer les choses et spolier leur génie (La "Malterre").
    Dans ses conclusions cependant, même si une forme d'animisme est préférée au monothéisme "masculin", l'autrice évoque un sain courroux, une miséricorde matricielle envers créatures et création ou encore une forme de co-naissance intuitive, proche du verbe insufflé, autant de preuves que le Dieu des textes sacrés est autant et c'est dommage, méconnu sous son aspect féminin et universel.
    Faire œuvre féminine c'est donc se réapproprier sa souveraineté et son énergie bien souvent accaparées. C'est aussi descendre en corps et creuser les souvenirs du cœur jusqu'aux instants d'un pacte contre (sa) nature pour survivre dans un monde apparaissant parfois comme inhospitalier. C'est enfin s'ancrer où les pieds portent et en ce centre si typiquement féminin des matrices pour à nouveau rayonner de soi. Autant de chemins que de prises de consciences, autant de jalons que de retours à l'enfance.
    Le récit est plaisant et enchanteur. Le style coule de source alternant moments intimistes et coups de projecteurs sur une altérité nourrissante et riche en créativité.
    La selkie, Cerydwen, Rihanon  n'auront plus de secrets pour vous, vous saurez ce qu'est une Elder, une "Cailleach" ou la "bean feasa" en vous plongeant dans ce livre fleuve qui se lit comme un bon roman, avec cette idée que la descente en soi, le désencombrement de ce qui ne nous appartient pas ou plus, la quête du centre dans un corps souvent égocentré, permet de s'alléger et de s'élever spirituellement et moralement, afin de ne pas passer à côté de sa vie...et retrouver ce qui sourd comme potentiel intérieur trop souvent méprisé, occulté ou jalousé.

     

    "La femme sage est l'héroïne, de retour de voyage, ancrée enfin dans sa souveraineté intérieure et dans la Terre où elle vit. Elle est prête à offrir son savoir et ses cadeaux à la communauté" (p.374).

     

  • La légende du Graal ressurgit de la Fontaine de Pierre

     

    La légende du Graal,La Fontaine de Pierre,2018, Emma Jung,Marie-louise Von FranzMerlin, Arthur, l'épée dans le roc, les chevaliers de la table ronde...qui ne connaît pas la légende arthurienne ? Celle du Graal est peut-être moins connue mais tout aussi passionnante : les aventures de Perceval le gallois qui est rapidement mis en présence d'une procession hors temps dans un château hors espace, où loge un roi pécheur blessé et qui devient le témoin oculaire d'une coupe, le Graal ; d'une Lance qui saigne et d'un Plateau rectangulaire...

    Bouche bée devant ce spectacle numineux, il oublie de poser les questions qui auraient pu délivrer le roi de sa malédiction, ce qui conditionnera tout le reste ses mésaventures.

     

    C'est Chrétien de Troyes qui, au Moyen-Age, popularisa la légende et fit de cette vision féerique l'énigme de toute une quête chevaleresque : Que représentent symboliquement ces objets et comment guérir le vieux roi ?

    L’œuvre demeura inachevée par la mort de l'auteur mais connut plusieurs suites et continuateurs (Wolfram Von Eschenbach, De Boron...). Plus près de nous, Emma Jung, la femme du célèbre psychanalyste zurichois, consacra une bonne partie de sa vie à replacer la "Légende du Graal" dans une grille de lecture empruntée à la psychologie des profondeurs. Également inachevé à sa mort, Marie-Louise Von Franz (proche disciple de Jung) hérita de son travail et le mena à terme. Étrange parallèle et signe, s'il en fallait, que ces recherches représentent une somme inégalée en la matière.

    C'est ce livre, longtemps épuisé, que réédite la Fontaine de Pierre. Un petit lifting lui a été apporté : nouvelle mise en page, notes en bas de page mises à jour, bibliographie actualisée et ajout d'illustrations originales.

    Le texte lui, reste inchangé et souffre par moments de quelques longueurs par souci peut-être d'être le plus complet sur "les" légendes du Graal, mais il se lit comme un bon roman, captive et ne déçoit pas quant à la conclusion sur l'énigme originellement posée.

    Le changement d'auteure se fait sentir en cours de lecture, le style de M.L Von Franz étant plus condensé et intellectuel mais il foisonne de pistes d'interprétation. Le crédit de cette dernière apporte un regain de science et une belle conclusion certes orientée (dans le sens du processus d'individuation et de la réunification des contraires) mais qui ouvre sur des perspectives nouvelles et notamment à qui le Graal est-il destiné ?

     

    Le livre possède un souffle et une justesse dans l'amplification de thématiques connexes mais aussi dans la relecture intériorisée qu'il propose. Il est aussi pionnier dans le domaine de l'interprétation symbolique de contes ou mythes (ici une légende) afin d'en dégager des clés pour une meilleure connaissance de soi. Je pense ici aux livres magiques de même acabit que seront à sa suite "l'homme sauvage et l'enfant" de Robert Bly, "la femme dans les contes de fées" de M.L Von Franz ou encore "Femmes qui courent avec les loups" de Clarissa Pinkola Estes.

    La force de la théorie Jungienne est de faire passer l'énigme en apparence collective (fruit des préoccupations d'une époque) sur un plan individuel et de la rendre actuelle.

    Au même titre que les mythes ou contes, les légendes ont ceci d'universelles qu'elles hantent encore nos rêves et notre inconscient collectif.

    L'homme complet est appelé, selon Jung, à un perfectionnement, une élévation personnelle qui passe par une solide construction psychique dont l'intégration de symboles numineux ou parfois religieux fait partie.

    Sans rentrer en détail dans les concepts archétypiques dessinés par Jung (qu'il n'est pas nécessaire de maîtriser pour lire ce livre) on peut dire que toute projection extérieure nécessite d'être réintégrée en soi afin de tendre vers l'unification (ou divinisation qui est le but d'un processus d'individuation), ce qui constitue le travail de toute une vie.

     

    Au final cet opus s'adresse à tout chercheur de vérité, coutumier de Jung ou pas, croyant ou pas, désireux d'en apprendre plus sur la symbolique du Graal et sa légende.

    Le Graal est-il un vase ou une pierre ? S'adresse t-il aux chevaliers chrétiens du Moyen Age ou aux religieux contemporains et/ou adeptes d'un cheminement intériorisé ?

    Qui est le véritable destinataire du Graal ? Quelle est sa mission ? Qui l'assistera ?

    Que vient faire Judas dans l'histoire et pourquoi l'Apocalypse est-elle convoquée ?

    Des ébauches de réponses pertinentes ont été données par des cliniciens de la psychologie des profondeurs. Il serait dommage de ne pas entendre leur message...