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  • Dissection de l'angélisme

    Ce retrait des affaires du monde n'est pas une fuite des responsabilités ni des soucis de la vie en société. C'est un certain détachement qui permet une distance, celle d'un esprit désapproprié, désintéressé, pour tenter de voir les choses en Dieu, c'est a dire telles qu'elles sont, et donc d'avoir un regard juste. (p.10)

     

    soeur catherine ermite,manuel de vigilance spirituelle,éditions du Relié,analyse introspective,emprise psychologique,ego spirituel,Octobre 2024Soeur Catherine publie aux éditions du Relié un "manuel de vigilance spirituelle" pour "éviter les problèmes de l'esprit". Fortifiée par trente années d'érémitisme, l'autrice fait preuve d'une saine raison, aiguisée sur les mécanismes psychologiques à l'œuvre dans les cas d'emprise notamment. On sent le vécu dans un milieu spirituel où abondent les faux gourous, le pseudo éveillés ou  les fraîchement élus. C'est le silence et le retrait du monde qui a sans doute permis  à sœur Catherine une certaine distanciation et humilité sur le chemin relationnel vers dieu afin d'éviter l'inflation égotique.
    Ce manuel peut constituer une boussole psychico-spirituelle (savoir où l'on en est sur le chemin) même s'il focalise sur des cas extrêmes quasi possessifs. Il se veut en outre un complément théorique à son précédent ouvrage La Joie du Réel, apportant aussi sa part d'outils pratiques, de jalons et d'indices (la joie plénière !) sur un voyage forcément personnel et singulier.
    Peut être plus dans le domaine religieux qu'ailleurs, l'angélisme est une ombre qui, si l'on ne la conscientise ou ne la combat pas, risque, et on l'a vu à travers siècles, de néantiser les efforts étriques de ceux qui illuminent jusqu'à la noirceur de l'être humain. 

     

  • Un monde désenchanté

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    Blanche-Neige a été sauvée par le Prince, tout va bien. Fin de l’histoire ! C’est plus ou moins ainsi que se termine le conte puisqu’ils vivront heureux jusqu’à la fin des temps. N’est-ce pas Walt Disney ? Les frères Grimm ? Oui, mais non, apparemment ça ne se passe pas exactement comme ça ensuite. Enfin d’après Marie Dilasser l’autrice de Blanche-Neige, histoire d’un prince, mis en scène par Michel Raskine au Théâtre de la Croix-Rousse (Lyon). Ici le Prince a engloutit le royaume à force de chasse, de banquets et de fêtes. Les nains sont au nombre de 101 et triment du matin au soir pour le bien-être du Patron. Quant à Blanche-Neige, elle a beau être enfermée par le Prince « pour la protéger » , elle continue de grandir jour après jour … et de dépérir. Ce monde est sens dessus-dessous : les autoroutes de bitume ont remplacé la forêt enchanteresse des nains, Souillon aux cheveux jaunes (ou Cendrillon) la servante et Monsieur Seguin s’invitent sur scène et Blanche-Neige chante « J’ai demandé à la lune ».

    Les trois excellents comédiens Magali Bonnat (Le prince), Rémy Fombaron (Blanche-Neige), Alexandre Bazan (Souillon aux cheveux jaunes) s’en donnent à cœur joie dans ce conte désenchanté. Michel Raskine semble s’être inspiré de l’univers de Tim Burton : costumes et maquillage, personnages décalés, drôles, flippants et attendrissants à la fois. Le metteur en scène évoque surtout May B de la chorégraphe Maguy Marin et le peintre Egon Schiele comme références. Sur scène, Souillon aux cheveux jaunes parle peu mais transforme discrètement le décor mécanisé en tirant sur des cordes et actionnant des manettes*. Le metteur en scène rend un hommage discret au réalisateur et illusionniste Georges Méliès. La lune parle, la neige tombe, les nains apparaissent et le public est enchanté.

    Blanche-Neige et Souillon sont jouées par des hommes, le Prince, par une femme. Au-delà de la drôlerie du jeu, apparaît en creux le questionnement de la place de chacun dans le conte originel, les références explicites de l’autrice à Barbe-Bleue ou à la charge mentale de Blanche-Neige renvoient aux questions actuelles (et éternelles) sur le genre, la condition des femmes et le patriarcat (savamment entretenu dans de nombreux contes). Michel Raskine laisse le public en prendre conscience et déjoue les codes avec Marie Dilasser. De même, la forêt dévastée, les animaux qui disparaissent rappellent les dégâts causés par l’humain et l’impression de fin du monde tant dans le conte que dans la vraie vie. À la fin de la pièce, c’est à Blanche-Neige de décider de la vie qu’elle veut mener : magie, illusion, réalité, vérité ?

    Et le public, qu’a-t-il vu ? Du théâtre, miroir déformant, grossissant et passionnant ...

    * Décors: Stéphanie Mathieu, Objets mécaniques : Olivier Sion

    Image: Théâtre de la Croix-Rousse.com