Quand Yeshoua déclare “Celui qui m'a vu a vu le Père”, il traduit simplement le fait qu'il est la preuve vivante de l'existence d'Elohim en tant que son envoyé et ambassadeur, son “représentant”.(p.134)
“Sh'ma Israël”, paru aux éditions du Panthéon, est un essai sur la figure du Messie au prisme de la double culture judo-chrétienne de l'auteur Elie Venat (Il a passé 15 ans dans le protestantisme et 18 au sein du judaïsme libéral).
La réflexion présente, richement documentée, intègre les dernières données en la matière (sur le web notamment) et, en fin connaisseur des écritures, l'auteur balaie et référence toute la tradition et culture occidentale, de la genèse à l'eschatologie.
La thèse principale promeut deux natures messianiques. La première partie relate celle de la descendance de Joseph, le fameux “Messie souffrant” annoncé par le prophète Isaïe et incarné par Jésus le juif en tant que figure humaine exceptionnelle et sacrificielle. Ce Messie est le ciment et l'union plausible et possible entre les deux frères en religion, les signes historiques récents (la réunification des diasporas en Israël et le pardon de l'église catholique envers le peuple juif taxé de déicide) viennent appuyer cette réconciliation entre une “nation-prêtre” et le “représentant” de Dieu sur Terre, Yeshoua.
La seconde partie évoque le Messie de la descendance de David, plus guerrier, celui qui “restaurera la royauté de sa lignée et guidera l'humanité vers sa prospérité morale, spirituelle et matérielle” (p.41). Cette partie s'avère plus confuse, moins étayée et moins complète puisqu'elle n'inclut pas la figure du Messie coranique. Ce second Messie divise selon l'auteur, Juifs (le Messie des juifs ?) et chrétiens (la parousie de Jésus) par sa fonction ou mission alors qu'il avance en amont l'idée intéressante d'une évolution de celle-ci au cours de l'incarnation, comme ce fut le cas pour Jésus après chaque baptême d'eau et de feu. Ainsi les deux messies ne feraient qu'un à des périodes ou épreuves différentes.
Par ailleurs Elie Venat ne creuse pas assez la notion du Retour, commun aux chrétiens et musulmans, en évoquant par exemple un plan divin en deux étapes : une graine plantée et son éclosion dans un second temps lors d'un mûrissement de l'époque, et dont le liant serait justement Jésus...Quid du Paraclet également, procédant de l'Esprit de Jésus, de sa nature et de son essence ?
La visée de cet essai est un ancrage en Jésus-Yeshoua, Messie à “la force surnaturelle, au discernement exceptionnel, à la connaissance profonde provenant de l’Éternel et à la crainte de son Nom” (p.119) et dont “l'humanité a bien été inscrite dans sa destinée” (p.134), séduisante perspective qui contenterait de surcroit les musulmans à défaut des fervents chrétiens. Sa double origine non pas humano-divine mais historico-essentielle pourrait coïncider avec celle de l'Apocalypse, à la fois agneau (de Dieu) et lion (de la tribu de Juda).
L'unité entre les religions serait à ce prix de ne reconnaître dans les prérogatives divines que des fonctions de la nature humaine, mais Dieu est plus savant...