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  • L'homme et sa double origine

     

    Caïn n'est donc plus la figure du méchant par excellence, c'est au contraire celle de l'homme dans son plein épanouissement, l'homme ayant assumé la totalité de son être. Il est à la fois le meurtrier mais aussi le créateur de la civilisation, le fondateur. En lui, les pulsions de vie et de mort cohabitent, sans se nier l'une, l'autre.” p.81


    Si l’œdipe est un arbre (vertical), le Caïn est un rhizome, proliférant dans toutes les directions, charriant haine et amour mêlés, d'un horizon à l'autre.” (p.171)

     

    Gérard Haddad,A l'origine de la violence - d'oedipe à Caïn, une erreur de Freud ?,Salvator éditions,Freud,Lacan,Bible,mythes,Christ,Janvier 2021Les éditions Salvator publient “A l'origine de la violence – d'Oedipe à Caïn, une erreur de Freud ?”.

    Dans ce livre consensuel et synthétique (il regroupe des éléments épars de ces trois derniers ouvrages), Gérard Haddad aborde le complexe de Caïn (définition et crédit), l'origine de sa réflexion (les attentats islamistes dont beaucoup sont commis par des frères), ses ramifications (les traces du complexe laissées par Freud et Lacan) et son importance pour le mouvement psychanalytique futur. Il apparaît en effet vital d'appréhender et interpréter autrement le drame humain que par le seul parricide. Et intégrer le “Caïn refoulé” permettrait, selon l'auteur, à l'institution psychanalytique, de progresser sans s'entredéchirer.

    A travers l'étude de la genèse biblique (“la société humaine et sa culture surgissent à travers un fratricide”) et de quelques auteurs classiques (Shakespeare notamment) , il cautionne son intuition première et adjoint au célèbre complexe d'Œdipe celui plus collectif et souterrain de Caīn et de la violence fraternelle. Car si l'Oedipe se résout généralement dans l'amour par la mort ou castration symbolique du sujet, le Caïn lui nous accompagne plus longuement et peut devenir source de guerres sur un plan extérieur mondialisé (“un fratricide à grande échelle”)...
    Il donne également des exemples de pacification et de pardon (Joseph et Isaac/Ismaël bibliques, Mandela, Gandhi, Yitzhak Rabin...) avant de proposer un chemin de guérison, “un chemin idéal de sainteté et de justice”.

    Caïn est le double (“Il naît de l'angoisse primordiale du double”), l'ombre tapi dans notre inconscient, l'autre en devenir ou potentiel, peut-être celui que les ésotéristes de tous bords nomment l'”être”(par opposition à l'égo), d'origine céleste, en tout cas obéissant à d'autres lois, de la reconnaissance à la co-naissance ? Sa non-réalisation ferait tomber l'humain dans une forme de fanatisme que seule la loi et la peur du gendarme stopperait.
    Le Christ est pour certains ce frère lumineux, rançon de Caïn et fin de la malédiction, de la violence extérieure. Au-delà des chapelles ils Le reconnaissent comme l'archétype de l'esprit, né d'en haut et à qui il est louable de céder la place dans une attitude respectueuse, le Connaissant étant relié à la Source, Il est naturellement d'un rang plus élevé.

     

  • Réconciliations : L'énergie de l'espoir

     

    “Selon les soufis, chaque femme et chaque homme sont le théâtre d'un combat, de ce jihad intérieur, qui voit s'affronter au quotidien, dans nos poitrines, l'âme charnelle – qui ne cesse de se débattre toujours tournée sur elle-même et attirée finalement par le seul plaisir égoïste – contre l'esprit supérieur – magnifiant à chaque instant la beauté et l'unité de tous les êtres – aimanté vers le monde spirituel” (p.102)

     

    abd al malik.jpgLa République peut compter sur Abd Al Malik pour imaginer et construire “le monde d'après” : un monde souhaitable, apaisé et réconcilié, ce fameux monde unifié du discours politique qui n'en a malheureusement pas la prétention.

    Réconciliation” paru chez Robert Laffont est un essai-manifeste court mais concis dans lequel on retrouve l'artiste plus engagé que jamais et à maturation d'Homme (au sens relié à l'Esprit).

    Jeune adulte, avec son groupe N.A.P, il “priait en attendant la fin du monde”, pratiquant alors un Islam peu conventionnel et moralisant. Depuis, il a œuvré lourdement d'abord en solo, explorant des univers à priori irréconciliables et tissant des ponts entre chanson française et scansion. Puis il s'est mis à l'écriture, la mise en scène et la réalisation cinématographique, déployant totalement son univers dans plusieurs couleurs politico-poétiques.

    La reconnaissance vint tôt mais ce sont véritablement deux mains tendues qui l'amenèrent à une révolution intérieure, une résilience et une renaissance, un regard neuf sur le monde : Juliette Gréco et sa foi en l'humanité, le maître soufi Sidi Hamza et son Amour équanime envers toute créature.

    Ces deux piliers-béquilles ne sont plus physiquement présents mais intégrés au plus profond d'un cœur qui souhaite désormais “faire peuple”, fort de sa réconciliation d'avec soi-même, son passé, ses origines et ses rancœurs passées si peu fortuites.

    La période sanitaire actuelle a ravivé des fractures que l'on croyait d'un autre âge mais qui n'ont jamais disparu et c'est avec une certaine hauteur de vue (bel équilibre trouvé entre avoir et être, entre intériorité et action extérieure) qu'Abd Al Malik s'érige non pas en donneur de leçons mais frère de la nation, multipliant sa présence sur les fronts : Contre le fanatisme de pseudos musulmans, pour la marche des libertés et donc contre la loi de “sécurité globale” aux cotés d'Aïssa Traoré...toujours en réflexion-médiation et force de propositions malgré l'impact financier négatif notoire sur les projets culturels en cours (annulation de la tournée-spectacle Le jeune noir à l'épée).

    Depuis l'irruption durable du virus la parole n'est plus qu'aux professionnels du verbiage et l'on déplorait la présence chaleureuse et ô combien précieuse des artistes taxés un temps de “non-essentiels”.

    Avec ce livre on sait qu'ils patientent, fulminant, dans l'attente d'irradier le monde de demain de leur lumière évanescente, celle trouvée dans la profondeur de l'ombre.

     

    “Je crois véritablement aux artistes, je crois sincèrement que ce sont eux, nous, qui changeront véritablement le monde parce qu'on travaille directement les imaginaires. Justement parce qu'on a pas peur de nos émotions, parce qu'on sait précisément d'où elles viennent et quoi en faire. Et, finalement, on est dans trois tendances qui marquent nos sociétés, l'empathie, la tendresse et la spiritualité. Les artistes pourraient diriger le monde et réussir.” (p.139)

     

  • Le mystère de la foi absolue

     

    Coran 50,16 : Nous avons effectivement créé l'homme et Nous savons ce que son âme lui suggère et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire.

     

    Jacqueline Kelen,Mise au tombeau,Editions Salvator,Janvier 2021Avec “Mise au tombeau” paru chez Salvator éditions, la prolixe Jacqueline Kelen renoue avec un exercice de style quasi lyrique qui fut couronné de succès critique avec “l'histoire de celui qui dépensa  tout et ne perdit rien”. Une mise au tombeau est en effet un statuaire composé de 7 personnes “immobiles et muettes” entourant le Christ à sa descente de Croix, que l'autrice “a eu envie de faire parler, afin qu'elles expriment nos sentiments divers face à ce drame unique et témoignant d'une foi qui transcende tout”.

    Férue de symbolique (33 chapitres) et amie de Jésus, Jacqueline Kelen donne donc vie et âme à ces pierres vivantes que sont sans nul doute les 7 témoins fidèles du Christ en croix : Marie sa mère, Marie-Madeleine, Marie-Cléophas la sœur de Marie, Marie-Salomé la mère de Jean l'évangéliste, Jean, Joseph d'Arimathie et Nicodème.

    Chacun des protagonistes est auparavant replacé dans un contexte apocryphe ou de légende et ce qui était figé devient subitement interactions et fruit de méditations.

    Comme les 7 dormants d’Éphèse, légende commune au christianisme et à l'Islam, ces 7 “pierres” (ou prières oserais-je dire) ressuscitent après 7 siècles et se mettent à parler, sur et à propos de l'Homme du huitième Jour, dont le retour ou en tous cas les signes de ce dernier, se font de plus en plus sentir...mais cela reste peut-être affaire de foi intérieure.

    Symbolique encore avec ce chiffre rond et infini du huit, que l'on retrouve souvent dans les contes ou les rêves et qui vient marquer une complétude ou unité, étant également le nombre du Ressuscité. Le psychanalyste C.G Jung, spécialiste en interprétation des songes donna une méthode psychologique pour en dénouer les fils : considérer chaque personnage comme une sous-personnalité de soi, masculine ou féminine.

    A travers ce prisme interprétatif, J. Kelen donne à voir beaucoup de sa part intime et de son lien à Jésus et se/nous questionne sur la nature de sa/notre relation avec Lui : disciple ou ami véritable ?

    Par ailleurs se dessinent en filigrane des perspectives méditatives propres à tout chercheur-se de vérité : de quel mystère se pare l'homme-dieu dans sa mort ignominieuse ? Que symbolisent les attributs de la passion, la couronne d'épines notamment ? Sur quel “imago dei” poser sa foi, celle du supplicié à mort ou celle de sa résurrection ? Quel est l'archétype du Christ en Croix ?...

    A l'épreuve du temps, il semble bien que le paradoxe soit l'apanage du chrétien sincère. Sa relation vécue en profondeur rend plus proche qu'on ne le croit, la figure fraternelle ou sororale du Christ.

    "Mise au tombeau" pourrait aisément s'intituler "sortie de tombeau" tant l'épanchement d'un cœur croyant et fervent pourrait aisément renverser (et combien une assemblée de fidèles) une montagne de pierres...ou rendre une statue bel et bien vivante.

     

  • Révolution spirituelle : ma part de réflection

     

    Rien dans ce mot d’Esprit,

    Au sens où je le dis,

    Qui serait forcément religieux,

    Rien qui obligerait à croire en un dieu,

    Je ne parle pas en effet d’une croyance,

    Juste d’une expérience,

    Que nous faisons parfois

    Lorsque notre petit moi

    Se sent relié à l’infiniment plus grand que soi :

    Une Réalité incomparablement plus vaste que

    nos vies,

    Une Réalité qui n’est qu’unité, harmonie,

    Une Réalité que nous percevons seulement

    Par instants,

    Dans nos moments

    De plus claire clarté,

    De plus intense intensité,

    Et que dès lors on peut nommer

    Esprit,

    Parce qu’elle nous saisit

    Pour nous communiquer

    La Présence,

    La Conscience,

    La Jouissance

    De l’Infini…(p.86 et 87)


    bidar.jpgAbdennour Bidar revient avec un court manifeste poétique (rimé et rythmé) et politique “Révolution spirituelle” paru aux éditions Almora, forme par laquelle il espère toucher, si ce n'est plus de monde voire un autre public, tout au moins le cœur de ses futurs lecteurs.

    L'auteur s'adresse de manière originale à la nouvelle génération, celle qui se doit de réenchanter le monde, le “régénérer, le transfigurer”. Il se présente comme un “optimiste conscient”, pragmatique et mitoyen entre les prophètes de malheur et ceux du meilleur à venir. Adepte de la fin du temps (le lâcher prise de l'ego sur le monde) il récuse la fin des temps et, comme mû par une vision du futur,

    Car voici ces enfants d'un nouveau temps, dont je redis et le devine, le passé n'est plus l'origine”

    il s'érige en grand frère qui, fort de ses expériences spirituelles et de son discernement de philosophe, connaît les pièges et forces à mobiliser pour changer en profondeur un système matérialiste et opportuniste à souhait, qui ne cherche qu'à perdurer à travers l'histoire.

    Par le passé, nombreux furent les êtres éveillés ou politisés qui cherchèrent une porte de sortie pour se libérer d'un système trop contraignant voire tyrannique à certains égard, en s'y cassant les dents.

    Abdennour Bidar propose que les uns s'allient désormais aux autres dans une culture unifiée de “méditants engagés” et de “militants éveillés”.

    Il salue au passage les “infiltrés” et les “exilés” de bonne volonté qui tentent par l'intérieur ou l'extérieur du système, de panser le monde de sa folie. A l'action juste et efficiente, il y adjoint la force de l'Esprit, qu'il décrit et dont il témoigne, sans qui rien de concret et de solide ne peut advenir. On pense ici au “Roc” des corps saints selon la terminologie chrétienne.

    Je veux que mon expérience mystique devienne chemin initiatique

    De culture musulmane, Abdennour nous livre en effet aussi ici, dans ce jet d'un seul souffle, une de ses deux expériences mystiques qui le transporta, enfant, dans un ravissement sans nom avec l'infini pour seul horizon. Plus tard il l'assimilera au Soi cher à Iqbal ou au fana (anéantissement ou extinction de l'ego) des grands mystiques soufis, ce fameux instant d'éternité.

    Militant d'une spiritualité hors dogmes, Abdennour Bidar ne propose ni plus ni moins qu'une science pour se relier, au sens “religare” de la religion et dans le but de créer un corps collectif (la somme des individus reliés) unifié pour contrer l'emprise (un temps souhaitée) d'une entité étatique qui n'a plus rien d'universel.

    On comprend mieux le titre de cet ouvrage “Révolution spirituelle”, véritable ode à la vérité intérieure et dont la conclusion, méditative et prophétique à souhait, mérite à elle seule l'attention portée à ce texte engagé.

     

    Coran 40,15 : Celui qui est élevé au plus haut degré de gloire, qui est assis sur le trône sublime, envoie son esprit à ses élus, afin qu'ils prêchent la résurrection (trad. Savary)

     

  • Vipassanà ou la miséricorde incarnée

     

    vipassana.jpgAlain Durel nous fait partager dans “Vipassanà - la pratique de la vision pénétrante”, paru aux éditions du Relié, sa découverte de Godwin Samararatne (1932-2000), un sage laïque Srilankais mondialement connu pour sa pratique du Bouddhisme Théravada.

    Même s'il ne l'a pas connu directement, il a vu de ses yeux les fruits de cette pratique ancienne auprès de fidèles et pour lui-même, en ce qu'elle recèle de pragmatique, d'accessible et de bon aloi.

    Cette ascèse du “petit véhicule” est la seule à ne pas avoir été éradiquée par celle plus connue du grand véhicule (on peut y voir un parallèle avec les sunnites envers les chiites en islam), quand on se réfère aux enseignements de Bouddha sur les causes de la souffrance et les quatre noble vérités.

    Concrètement, Godwin, en tant qu'ami spirituel insistait sur la concentration et sur la respiration, notre principale amie jusqu'à notre mort (samadhi), dans la pratique de la méditation qui se focalise et prête attention sur ce qui se passe dans notre esprit, concernant les phénomènes physiques et mentaux (Vipassanà).

    L'idée principale et innovante est une attitude d'amitié bienveillante envers nos pensées, émotions ou sensations, qu'elles soient agréables ou désagréables. Il s'agit d'accueillir ce qui vient sans s'en saisir (l'identification) ni le juger (en attribuant des bonnes ou mauvaises notes) et pour les plus alertes de se dissocier du corps et du centre penseur, du corps-mental égocentré.

    Godwin, en fin connaisseur des processus internes de production psychique (on pense ici à Krishnamurti) insistait sur les pensées destructrices (liées à un conditionnement culturel) génératrices de souffrances émotionnelles comme la culpabilité ou l'attachement éducationnel à ce qui est mal fait ou dit plutôt qu'à l'inverse.

    Avec ce livre, Alain Durel présente le premier livre en français consacré à l'enseignement de Godwin Samararatne, avec des traductions de quelques-une des questions-réponses simples, joyeuses et pratiques dont il était coutumier après des séances collectives de méditations et chants.

    Le Boudhisme Théravada apparait comme moins complexe et plus ancré dans des considérations concrètes du quotidien que ses autres banches. En ce sens il rend la méditation claire, concise et même ludique, avec des résultats rapides et directement observables.

    L'auteur évite cependant de rappeler la lenteur du progrès spirituel qui contraste avec les recettes toutes faites. Ici néanmoins on campe sur de bonnes bases, des outils qui perdureront efficacement tout au long du chemin, après ou même au cours d'un réel changement en profondeur.

    Une attitude somme toute miséricordieuse (pardon, non-jugement, amitié...) envers nos imperfections humaines.