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abd al malik

  • Ils sèment

    wallen.jpg

    C'était la deuxième date d'un. spectacle symphonique éphémère venant couronner 25 années de mariage (et de collaborations) entre Wallen et Abd Al Malik qui s'est déroulé hier aux nuits de Fourvière.
    L'arène était bigarrée comme jamais, "arc-en-ciel" comme le cœur de ces deux tourtereaux dont la religion est l'amour et la poésie la passion commune. Ces vers d'
    Ibn Arabi entourent le spectacle qui sera plus un tour de chant alternatif qu'un ensemble de duos. Chacun des artistes interprète ses classiques accompagné de choristes pour Wallen et de l'orchestre à rayonnement régional de Lyon. L'équipage du Beni-Snassen est presque au complet avec le frère Bilal à la production, Matteo Falcone en featuring sur deux titres, et un vrai groupe scénique créé pour l'occasion, rappelant l'unité de groupe de ces artistes pour des projets récents comme la BO du film qu'Allah bénisse la France.
    Cette famille pionnière de l'histoire du hip-hop français jouit d'un grand capital de sympathie et d'écoute (la première partie Saräb, sorte de fusion jazz, arabe, rock fut bien accueillie) même si le public en grande partie féminin était venue acclamer et accompagner au chant, avec une ferveur intacte, la reine de la soirée
    Wallen, véritable icône de toute une génération.
    La poésie fût aussi célébrée tout du long, avec des extraits de textes d'
    Aragon, René Char ou Rumi mais on s'aperçoit qu'elle imprègne en filigrane chacun des hits des deux artistes (Soldat de Plomb, l'Olivier, Miséricorde, Gibraltar ...).
    Un album commun fera apparemment suite mais on ne sait si sa composition sera une création  nouvelle (dont la dernière en date était plutôt électro) ou une célébration de classiques revisités (Dona, les Autres, Celle qui a dit non, Mes rêves...).
    L'amour fût le maître-mot, pour l'être aimé, les proches, les collaborateurs ou pour Dieu (le couple semble très pieux). Chacun put projeter ses propres sentiments dans la prestation donnée qui néanmoins se rapprocha d'une ode toute féminine.

     

  • L’écolier nomade

    Du voyage, Emmanuel Bourdier, Flammarion jeunesse, Thomas Baas, novembre 2021, enfants du voyage, école, EFIV, Abd Al Malik« Nous voilà donc devant les grilles. Le vent cingle mes oreilles, celles des autres joueurs sont au chaud, là-bas, à l’autre bout de ce monde. Dans l’autre monde. Le nôtre ».

    Petite lecture bonheur de la semaine, Du voyage d’Emmanuel Bourdier chez Flammarion jeunesse qui nous conte l’histoire de Geronimo. Ce n’est pas un indien des plaines mais un enfant voyageur. En effet, sa famille déménage plusieurs fois dans l’année à bord de sa caravane. Cela ne l’empêche pas de se rendre à l’école, à chaque fois une nouvelle. Évidemment rien n’est simple quand on est le nouveau, un peu étrange, voire « étranger » pour certains, qu’on change d’instit’ comme de chemise, et qu’on est le seul du campement à franchir le portail de l’école. Oui parce que la maman de Geronimo insiste pour qu’il y aille même si elle a peur autant que lui.

    « Je lève les yeux à mon tour et je l’entends avant de le voir. Il faudrait que quelqu’un explique aux deux génies que ce n’est pas un moineau mais un rouge-queue. D’ailleurs, pas besoin de voir la couleur, son petit chant l’explique bien tout seul ».

    Un p’tit bonhomme avec une tête bien faite qui, contrairement aux idées reçues des enfants et souvent des adultes, sait lire, écrire et s’intéresse à tout. Son nouveau maître sait briser les préjugés, tout comme Emmanuel Bourdier qui invite les jeunes lecteurs à voir les autres d’un œil différent. Ici, chacun doit s’adapter. On a tous eu cette impression que le nouveau ne veut pas s’adapter, qu’il fait exprès d’être décalé ou bien qu’il est trop idiot pour changer. En lisant cette nouvelle, on comprend par combien d’étapes difficiles et angoissantes doit passer Geronimo pour se sentir un tout petit peu «à l’aise » dans un environnement déjà soupçonneux. À l’image de la petite Méloa qui range immédiatement sa gomme quand l’enfant du voyage s’installe à ses côtés.

    « -Bien. Tu as un cahier de suivi ? - Oui. - Tu sais lire ? Cette question … Est-ce que Stevie sait chanter ? - Oui, je sais. - Parfait. Si tu as du mal, demande-moi ou demande à Méloa ».

    Cette histoire tout en douceur, avec des chapitres clairs, à lire à partir de 8 ans, est sublimée par l’illustration de Thomas Baas. En refermant le livre, on ne peut s’empêcher de fredonner quelques paroles de la belle chanson d’Abd Al Malik : « Si l’enfant savait voudrait-il encore grandir ? Mais on a tous les âges quand on est enfant des gens du voyage ».

    Image: Flammarion jeunesse

  • L'unité célébrée au Woodstower

     

    Yseult remplacée au pied levé par le prometteur Obi, invité du joyeux Gaël Faye, qui prit au corps un public enthousiasmé par la proposition artistique d'Abd Al Malik, telle fut la soirée du Mercredi 25 Août au festival Woodstower !

    Woodstower post-covid garde un charme fou, avec une jauge réduite, une seule et grande scène (au lieu de trois), et un aménagement de l'espace restauration bien pensé, convivial et aéré pour les groupes d'amis.
    La nourriture est toujours aussi éclectique, on consomme pratique et original avec une vraie réflexion écologique (jusqu'aux toilettes sèches)

    woodstower,mercredi 25 aout 2021,obi,gaêl faye,abd al malik,le jeune noir à l'épée,lundi méchant,festival,lyon,parc miribel jonageCôté scène, Obi (réfugié nigérian issu d'un squat de la Croix-Rousse) fut la révélation malgré lui (à deux reprises donc), titillant l'oreille par sa voix à réveiller les morts (Il faut dire qu'il revient de loin !) ragga-dancehall-rap et ses mélodies entêtantes,d'un public ouvert aux vibrations positives et aux phénomènes artistiques, en remplacement d'Yseult enrouée.
    Les frères
    Fayette-Mikano, Abd Al Malik et Bilal, programmeur (avec leur ami d'enfance Mattéo Falkone en featuring) ont marqué lourdement les esprits avec un show chorégraphié par 4 danseurs qui en imposent (Du burkinabé Samia Sanou), imagé et théâtralisé (L'ombre de Gérard Jouannest, pianiste de Brel et époux de J. Gréco plane sur le set), version live du livre-cd concept "Le jeune noir à l'épée". De cœur à cœur le message passe : "Peut-on dire que le monde a changé si ta couleur de peau te met encore en danger ?" (Tirailleur tiraillé). L' art et la culture ont créé ce pont entre artiste et public pour une écoute totale à laquelle le rappeur issu de Strasbourg-Neuhof fut sensible, lui l'homme blessé qui prêche désormais l'amour salvateur.woodstower,mercredi 25 aout 2021,obi,gaêl faye,abd al malik,le jeune noir à l'épée,lundi méchant,festival,lyon,parc miribel jonage
    La formule unitive longtemps cherchée semble payer et la foule parfois novice est toute réceptive à l'art poétique. "
    Nous sommes un", clamera t'il après sa performance cathartique.
    Sa voix puissante et vibrante résonne et émeut encore longtemps après...

     

    Gaël Faye arrive à point nommé pour relâcher la tension tout en étant sur la même longueur d'ondes. Cette fois c'est la fièvre de la bougeotte, de la joie, des rythmes qui t'emportent et te portent. L' artiste, enjoué et détendu, est ici en terrain conquis, sur ses terres paternelles. Une petite heure pour dérouler ses tubes de l'année écoulée : Histoire d'amour avec Samuel Kamenzi, Chalouper, Boomer avec OBI donc, Respire ou Lundi méchant sans oublier quelques pépites de son répertoire rap des débuts.
    C'est l'espoir d'un beau monde heureux et réconcilié et les mots de
    Christiane Taubira se gravent dans nos têtes : " Et vos enfants joyeux et vifs feront rondes et farandoles avec nos enfants et leurs chants et s'aimant sans y prendre garde vous puniront en vous offrant des petits-enfants chatoyants" (elle a écrit la chanson Seuls et vaincus).
    woodstower,mercredi 25 aout 2021,obi,gaêl faye,abd al malik,le jeune noir à l'épée,lundi méchant,festival,lyon,parc miribel jonageMême si le dernier album de
    Gaël Faye enregistré à New-york prend un virage plus pop et mélodique, il garde son équipe motivée (Guillaume Poncelet aux claviers-trompette  et l'exubérant Louxor aux rythmiques) à ses côtés et nous embarque dans des contrées plus colorées et romancées aux rythmes afro-carribéens.
    Le public danse, chante, en redemande. L'auteur de Petit pays est aussi venu pour rappeler que la musique est essentielle après ces temps contraints, heureux de retrouver ici, à Woodstower, un semblant fugace de liberté.

    @crédit photos :  Justine Targhetta - @iam_justeen

  • Réconciliations : L'énergie de l'espoir

     

    “Selon les soufis, chaque femme et chaque homme sont le théâtre d'un combat, de ce jihad intérieur, qui voit s'affronter au quotidien, dans nos poitrines, l'âme charnelle – qui ne cesse de se débattre toujours tournée sur elle-même et attirée finalement par le seul plaisir égoïste – contre l'esprit supérieur – magnifiant à chaque instant la beauté et l'unité de tous les êtres – aimanté vers le monde spirituel” (p.102)

     

    abd al malik.jpgLa République peut compter sur Abd Al Malik pour imaginer et construire “le monde d'après” : un monde souhaitable, apaisé et réconcilié, ce fameux monde unifié du discours politique qui n'en a malheureusement pas la prétention.

    Réconciliation” paru chez Robert Laffont est un essai-manifeste court mais concis dans lequel on retrouve l'artiste plus engagé que jamais et à maturation d'Homme (au sens relié à l'Esprit).

    Jeune adulte, avec son groupe N.A.P, il “priait en attendant la fin du monde”, pratiquant alors un Islam peu conventionnel et moralisant. Depuis, il a œuvré lourdement d'abord en solo, explorant des univers à priori irréconciliables et tissant des ponts entre chanson française et scansion. Puis il s'est mis à l'écriture, la mise en scène et la réalisation cinématographique, déployant totalement son univers dans plusieurs couleurs politico-poétiques.

    La reconnaissance vint tôt mais ce sont véritablement deux mains tendues qui l'amenèrent à une révolution intérieure, une résilience et une renaissance, un regard neuf sur le monde : Juliette Gréco et sa foi en l'humanité, le maître soufi Sidi Hamza et son Amour équanime envers toute créature.

    Ces deux piliers-béquilles ne sont plus physiquement présents mais intégrés au plus profond d'un cœur qui souhaite désormais “faire peuple”, fort de sa réconciliation d'avec soi-même, son passé, ses origines et ses rancœurs passées si peu fortuites.

    La période sanitaire actuelle a ravivé des fractures que l'on croyait d'un autre âge mais qui n'ont jamais disparu et c'est avec une certaine hauteur de vue (bel équilibre trouvé entre avoir et être, entre intériorité et action extérieure) qu'Abd Al Malik s'érige non pas en donneur de leçons mais frère de la nation, multipliant sa présence sur les fronts : Contre le fanatisme de pseudos musulmans, pour la marche des libertés et donc contre la loi de “sécurité globale” aux cotés d'Aïssa Traoré...toujours en réflexion-médiation et force de propositions malgré l'impact financier négatif notoire sur les projets culturels en cours (annulation de la tournée-spectacle Le jeune noir à l'épée).

    Depuis l'irruption durable du virus la parole n'est plus qu'aux professionnels du verbiage et l'on déplorait la présence chaleureuse et ô combien précieuse des artistes taxés un temps de “non-essentiels”.

    Avec ce livre on sait qu'ils patientent, fulminant, dans l'attente d'irradier le monde de demain de leur lumière évanescente, celle trouvée dans la profondeur de l'ombre.

     

    “Je crois véritablement aux artistes, je crois sincèrement que ce sont eux, nous, qui changeront véritablement le monde parce qu'on travaille directement les imaginaires. Justement parce qu'on a pas peur de nos émotions, parce qu'on sait précisément d'où elles viennent et quoi en faire. Et, finalement, on est dans trois tendances qui marquent nos sociétés, l'empathie, la tendresse et la spiritualité. Les artistes pourraient diriger le monde et réussir.” (p.139)

     

  • L'épopée fidèle d'Abd Al Malik

    "...La rue on a surmonté, maintenant on magnifie l'humanité, mon rap est un roman national..."(to be or not to be)

     

    abd al malik,le jeune noir à l'épée vol 1,présence africaine,editions flammarion,musée d'orsay,le modèle noir,de géricault à matisse,charles baudelaire,wallen,bilal,mattéo falkone,mars 2019Nouveau projet artistique généreux pour Abd Al Malik qui depuis quelques années est en fait sur disque un quatuor d'artistes avec sa femme Wallen, son frère Bilal et son ami Mattéo Falkone.

    Il s'associe ici avec l'exposition "Le modèle noir de Géricault à Matisse" au musée d'Orsay (Exposition jusqu'au 20 Juillet 2019) et Présence Africaine.

    Le jeune noir à l'épée vol 1 est un beau récit poétique et moderne paru chez Flammarion dont la source est la contemplation de quatre tableaux de l'exposition. Une fiction, des photos et des textes de rap/chansons poétiques font de ce livre cartonné un bel objet. Quatre parties qui retracent le parcours parfois compliqué mais riche et complexe de l'auteur-chanteur-créateur.

    Un nouveau CD de 9 titres originaux s'y ajoute (on peut se le procurer seul) et le tout (livre et CD) est entrecoupé de poèmes de Charles Baudelaire, dont la muse Jeanne Duval fut noire ou métissée.

     

    De poésie il est en effet question comme art de vivre sa vie d'adulte, comme manifeste d'aimer malgré tout, comme sens à la contemplation de ce monde aux aspects parfois chaotiques.

    L'auteur évoque la laborieuse reconstruction de l'estime de soi, préalable nécessaire pour s'octroyer les moyens de créer du beau et trouver sa place dans un monde qui peut parfois nous en laisser peu. Le parallèle et l'analogie avec les migrants ("la vida negra") ou les gens du voyage (titre éponyme) est condensé et synthétisé dans le magnifique a capella "eux" qui clôt l'album.

    Après un dernier opus métissé moyennement convaincant (scarifications) produit par Laurent Garnier, deux albums collectifs (Beni-Snassen), un film et sa B.O (L'adaptation de l'autobiographie "qu'Allah bénisse la France"), l'artiste prolifique multi-casquettes pose une pierre de taille à son œuvre, une pierre précieuse multi facettes et cohérente qui, on lui souhaite, renouera avec le(s) succès.

     

    Abd Al Malik a beaucoup expérimenté ces dernières années, quitte parfois à s'éloigner d'un public hip-hop originel pour aller vers une reconnaissance médiatique et institutionnelle. MC Solaar ou Soprano ont suivi des parcours similaires et il faut reconnaitre que, loin de s'être vendus, ils ont amené la musique urbaine à une autre échelle, à un autre niveau. D'aucuns considéreront qu'en chemin ils ont perdu leur âme, d'autres estimeront qu'ils la confinent à l'universel (La vida negra, tirailleurs ou encore le jeune noir à l'épée)

    Malik avec cet album résolument hip-hop dans son concept et exigeant, dont le prélude est le titre musical "justice pour Adama" se replace dans une optique universelle (la quête d'identité, l'acte créateur, l'émancipation de ses chaines mentales, la stigmatisation de la différence) en amenant sa communauté (religieuse, ethnique et géographique) dans un ailleurs pacifié, libre et en rayonnement, l'état d'être.

    C'est aussi une des dernières apparitions de Gérard Jouannest (Jacques Brel, Juliette Gréco) qui a co-écrit plusieurs titres (dont les magnifiques Strasbourg et les gens du voyage) et qui était devenu un ami précieux dans l'école de la chanson française (au-delà de tout étiquetage), tout simplement.

    Vivement le volume 2 !