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Littérature - Page 9

  • Eden, fille sans amarres

    Eden, fille de personne, Marie Collet, actes sud junior, septembre 2021, adoptionPlusieurs existences dans une seule. Toutes ratées. Celle que je vivais depuis deux ans était la pire. Et je l’avais bien méritée.

    Ce qu’elle préfère ? Parler avec Michelle Obama et Léonardo Di Caprio, ses parents imaginaires. Ils ont toujours de bons conseils et ne la lâcheront jamais, eux. Pas comme les nombreux parents adoptifs d’Eden, fille de personne, l’héroïne du nouveau roman de Marie Collet aux éditions Actes Sud junior.

    J’avais senti ma chance d’habiter dans un cadre aussi splendide, entre cette terre chaude et ce lac rafraîchissant. Avec ma famille.

    L’histoire de l’adolescente de 16 ans, vivant désormais dans un foyer social est sombre et désespérante. Le lecteur se demande par quel miracle elle tient encore debout dans une Amérique qui autorise les réadoptions comme on échangerait un pantalon trop grand. Hypersensible, nous aurions presque envie de refermer le livre de peur que l’atmosphère s’épaississe encore. Oui, mais, voilà, quelque chose nous retient. Est-ce une curiosité malsaine, un besoin d’être rassuré sur son avenir, de ne pas croire à la malchance éternelle ou l’écriture fluide de l’auteur qui tient en haleine ?

    Ses yeux étaient cernés et surmontés de longs cils si noirs qu’ils semblaient maquillés. Son nez était retroussé, son profil loin d’être parfait. Sauf pour moi.

    Et puis si personne ne s’attache à cette fille paumée, en colère contre ce monde injuste, nous, on ne peut pas s’en détacher. Et on fait bien car Eden trouve petit à petit des éclaircies sur sa route. Une manière de rappeler que même dans la souffrance la plus profonde, quelqu’un ou quelque chose peut nous aider à remonter la pente. Un nouvel ami peut toujours surgir au bord du chemin au moment le plus inattendu. L’auteure ne se départit jamais d’une bonne dose d’humour qui dédramatise les situations.

    - Appelle-nous James et Karen. Pas de chichis entre nous, tu nous tutoies, d’accord ? Il me parlait comme si on se connaissait depuis longtemps. Il était naturel et je l’enviais d’être si simplement lui-même.

    Un roman qui ne laisse pas indemne et nous donne envie d’adopter deux chiens et quatre chats sitôt refermé.

    À partir de 14 ans

    Image: Actes Sud Junior

  • Disparition rébellion

    Sable bleu, Yves Grevet, Syros, août 2021«- On peut m’expliquer ce qui se passe ? Demande ma mère d’un air agacé. Je voulais prendre mon traitement mais la boite a disparu. »

    Plus de pétrole, plus de charbon, plus de produits chimiques, à première vue le monde dans lequel vit Tess fait plutôt rêver. Sauf que, dans Sable bleu, nouveau roman d’Yves Grevet chez Syros, ces phénomènes ne viennent pas de la prise de conscience des humains mais d’évènements étranges qui se produisent simultanément. « Maladie du pétrole », charbon inutilisable et médicaments qui disparaissent du jour au lendemain dans des pharmacies ou chez des particuliers dans tous les coins de la planète. Les autorités sont persuadées que c’est un coup de ces jeunes écolos de « Planet Reboot » considérés comme les nouveaux terroristes par les gouvernements. Manque de pot pour Tess, la jeune fille milite au sein du mouvement depuis son entrée au lycée et intrigue les policiers. De fait l’adolescente ne se sent pas très bien depuis quelques temps, ressent d’étranges sensations, est la proie de visions dont elle n’ose pas parler.

    Et moi, de mon côté, qu’est-ce que je fais avec ce que j’ai vécu cette nuit ? Avec qui puis-je partager mon expérience sans passer pour une mythomane ?

    Ceci n’est pas une dystopie mais plutôt une utopie. Dans ce roman la nature va mieux, les humains n’ont plus besoin de tranquillisant et l’amour empreigne chaque page. Pourtant quelque chose se trame sur cette planète et des jeunes gens commencent à disparaître. Difficile de savoir jusqu’à la dernière page si ce qui arrive est une bonne ou une mauvaise chose. On suit Tess, avec joie et appréhension, dans son cheminement. Cette héroïne nous réconforte et donne l’espoir d’un monde meilleur. Ici la protection de la nature va de pair avec l’entraide, l’acceptation de l’autre, l’adaptation et le combat pour la vérité. L’auteur aborde aussi, toujours subtilement, les questions de légitimité et de radicalité dans la sauvegarde de la planète, le retour à l’agriculture « saine », pas toujours facile mais aussi la difficulté d’être différent (homo, adopté, hypersensible, etc.) dans une société trop rigide.

    « Et bien … Ils observent tous, depuis plusieurs mois, une très nette diminution de la pollution de l’eau de mer par les plastiques ! Le combat n’est pas encore gagné mais l’amélioration est spectaculaire. »

    Les personnages d’Yves Grevet, sont tous singuliers et attachants, la science-fiction flirte avec le réel et le livre, passionnant, se lit d’une traite. Adolescents et adultes peuvent aisément s’y retrouver et y puiser des idées pour le monde de demain. Bref, ça fait du bien !

    Image: Éditions Syros

  • La hiero-histoire de France

    Coran 16,2 : "Lui qui fait descendre des anges avec l'Esprit, de Sa sphère sur celui qu'Il veut parmi Ses adorateurs : "Donnez l'alarme : il n'est de Dieu que Moi ; prémunissez-vous donc envers Moi !"" (Trad. J. Berque)

     

    "Oui, tout est consommé de la vie antérieure, de mes combats politiques, de mes œuvres polémiques. Reste ceci : comme j'étais agenouillé auprès du Saint, la tête dans ses draps, il posa sa main sur mon crâne. Une vive et délicieuse brûlure  s'empara de moi tandis qu'une voix très douce descendit dans mon être : "le plus court chemin vers le divin est l'humain." (p.286)

     

    l'ile d'or.jpgRoman testament que l'Île d'or de Henry Bonnier (21.02.1932/14.04.2021) paru chez Erick Bonnier éditions.
    Note finale pleine de foi et d'espérance, après son autobiographie "nuits de lumière" (2018), une vie sociale richement menée (écrivain, critique, directeur de maisons d'éditions), une vie intérieure sous le signe de l'ouverture et de la vision pacifiée. Ami d'André Chouraqui ("un prophète parmi nous"), initié à l'Amour par Catherine Delorme, seule européenne portant le titre honorifique soufi de "connaissant(e) par Dieu", amoureux du Maroc et de la France, de leurs cultures et civilisations, il voyait à l'instar d'un Louis Massignon, le Christ Jésus comme le rédempteur de l'humanité et sa parousie proche.

    Dans ce roman, son personnage phare Louis Chaumeil, chancelier de l'Institut de France et proche du Président Macron va subir en quelque sorte une métanoïa tardive, fraîchement décoré de la grande-croix de l'ordre de la légion d'honneur, en se rendant en des contrées marocaines sur l'île d'or, une ziggourat entourée de verdure, pour suivre un séminaire à l'initiative d'une confrérie soufie.
    Les rencontres (Le docteur Soulier, Sidi Achraf, Nour, frère Damien, le Saint) , la teneur et le niveau des conférences (l'ADN cosmique, le rapprochement de la science et de la Religion révélée...) lui ouvriront l'âme à une dimension spirituelle de l'Histoire qui mettra à mort en lui le "vieil homme" éduqué dans l'esprit des lumières et fervent défenseur agnostique de la laïcité française, soit le système actuellement dominant.
    Mélange de fiction et de réalité (l'île d'or n'existe que dans l'imaginal comme l'Atlantide d'ailleurs), cette fable n'est que prétexte convenu pour espérer toucher quelques consciences influentes et provoquer un effet boule de neige en se souvenant du rôle primordial de la France sur l'échiquier des temps derniers.
    On voyage à travers l'histoire sainte des rois de France jusqu'à la révolution, en parallèle avec le royaume de droit divin bâti et prolongé par Mahomet au Maghreb, on se remémore les visites symboliques de François d'Assise et du sultan Al-Khamil il y a 8 siècles, celle plus récente du pape François et du grand Imam d'Al-Azhar en 2019.
    Et l'on rêve d'une union des religions révélées autour de la figure de Jésus, le liant, qui passe par une réinterprétation du fameux verset 4,157 du Coran sur sa crucifixion fantôme ; un souhait d'unité également entre musulmans de tous bords et avec leurs frères juifs et chrétiens.

    Homme de concorde et de paix, non pas au-dessus des dogmes mais dans l'esprit de la révélation, Henry Bonnier nous lègue un dernier texte humaniste, empreint de cœur, de sensualité et d'envie, à l'image de l'Homme nouveau. Saisirons-nous le message à temps ?

     

  • Du silence éclot le Verbe

    "Pendant ce temps les justes abandonnés dans le désert tiennent ferme, malgré leur propre désarroi et leurs heures d'agonie dans la nuit du néant...leur souci premier reste en permanence d'aider ce Dieu démuni, de consoler ce Dieu répudié, de lui trouver de nouveaux abris : l'innombrable cœur humain. Car celles et ceux qui se tiennent à genoux au profond de leur être dépouillé à l'unisson de Dieu, sentent bien que ce Dieu souffre d'être rejeté par tant de ses enfants fugueurs, rebelles, voleurs et fratricides"...(p.101)


    9782226454324-j(1).jpgAlbin Michel réédite dans sa collection poche "espaces libres" un court essai de Sylvie Germain initialement paru en 2006 : les échos du silence.
    L'autrice sonde le silence de Dieu, plus particulièrement dans ces décennies passées, sur le théâtre du monde et en soi.
    Elle convoque aussi la Bible, Job bien évidemment, Élie et Jésus mais aussi plus proche de nous la poésie littéraire avec les personnages de Shakespeare, le moins connu Paul Célan, ou encore les mystiques Thérèse de Lisieux et Etty Hillesum.
    Sa réflexion-méditation suit une logique de renoncement-effacement du Créateur. D'abord le "tsimtsoum" ou retrait de Dieu de Sa création pour en couronner ses créatures et en faire des êtres libres et autonomes. Puis l'impuissance de ce dieu "désarmé" presque mendiant une place dans les cœurs où sa présence n'est plus, qu'il est louable d'aider avant qu'Il ne s'oublie soi-même.
    Sylvie Germain scrute les signes laissés ça ou là par écrits, tente une synthèse  pour mieux déjouer un silence que l'on sent en elle pesant, lourd de questionnements sur la qualité d'amour que l'on est susceptible de LUI donner, sans souvent ne rien attendre en retour.
    "Les échos du silence" c'est un verbe qui se cherche, qui se fait poétique parfois, léché et érudit, en quête de beauté esthétique. Une écriture qui ne manque pas de souffle et de vérité mais qui ne trouve pas de réponse en soi, qui n'étanche pas notre soif de co-naissance. La relation (à dieu) ne semble pas s'être véritablement nouée sans quoi des trésors de paroles seraient entendues et retranscrites de facto pour clamer qu'à jamais le verbe se fait chair ici-bas et que le silence n'est d'or que pour les nantis de preuve, afin de garder le mystère éclairant intact.
    Un livre personnel, intime, qui laisse transparaître une souffrance ou incompréhension sourde à travers ses lignes, celle-là même qui peut confiner à l'universel pour tous ceux qui doutent de l'existence en soi du Vivant, Source inépuisable de réconfort.

     

  • Oeil d'ange, coeur léger

    "C'est qu'à la différence du devin, le pro-phète "parle devant", il devance, il précède. C'est un lecteur et un déchiffreur d'aujourd'hui. Il n'est pas hors du temps mais très enraciné au contraire, imprégné par la culture et la sensibilité de ses contemporains. Et c'est là son originalité. Pleinement présent à son époque, il la pénètre avec une telle intensité qu'il en fait surgir une vérité qui la dépasse et souvent la dérange". (p.15)


    9782226462329-j.jpgVa où ton cœur te mène est une livre de et sur la transmission. C'est aussi un manifeste de la prophétie d'hier à aujourd'hui, au sens d'"éveilleur de souffle".
    Gabriel Ringlet évoque en des pages d'amour sublimé, la relation particulière qu'il a noué avec son filleul Élie, notamment pendant l'épisode covid. Émerveillement, contact avec l'Enfant intérieur (le puer aeternitus des alchimistes), caractère précieux de l'instant ou encore conscience accrue des paysages et de la beauté des éléments
    Ce livre, paru chez Albin Michel est une sorte de cadeau-testament qu'il lui lègue, profitant de l'occasion pour ressusciter la figure du prophète Élie dans son contexte hiéro-historique. Il nous parle de ses miracles, de ses rencontres avec un Dieu changeant, de transmission aussi d'avec le jeune Élisée par le truchement d'un manteau magique.
    Il relate également de sa recension dans les évangiles ou le Coran et de la symbolique hébraïque de son nom.

    Au-delà du prophète c'est aussi sa fonction qu'il interroge en convoquant ses nombreux amis poètes ou écrivains contemporains (André Chouraqui, Jean Grosjean, Sylvie Germain, Christian Bobin...), le fameux souffle inspiré accessible à tous, qui définit aussi Le Dieu polymorphe de la Bible : “la voix subtile du silence, le bruit d'une brise légère...”
    Gabriel Ringlet opère également une digression sur Qohélet et Syméon, deux autres figures testamentaires en lien avec la jeunesse et le sacré (Il tint le petit Jésus blotti dans ses mains) pour mieux célébrer le miracle de la vie et de cette génération lumineuse qui ensemence le monde pour un possible renouveau. L'apex de l'histoire biblique, la naissance du Messie et l'évocation de l'ange accompagnateur sont un prétexte allégorique pour définir l'espoir qu'il porte dans ce petit être encore chétif et qu'il espère farouchement libre d'aimer pleinement en déraison en grandissant.
    Cet essai touche et fait mouche. Tout est montré sous un jour neuf, mis à niveau dans un souffle poétique et énamouré. Le Verbe porte fruits et le germe éclot renouvelé.

    Élie, un si petit nom pour un si grand destin...quand tu grandiras, ne te crois pas obligé d'habiter cette désignation prophétique et d'embarquer partout son étymologie...J'espère que tu te sentiras libre, vraiment, y compris libre de Dieu.(p.132)

     

  • Un coeur ouvert à l'amour

    Je ne suis pas fort en méditation, mais j'ai réalisé à quel point la pratique était importante, Cela n'empêche pas que j'aime aussi regarder le sport, faire du basket et regarder des dessins animés. J'adore la malbouffe et parfois j'aime les blagues salaces. Je suis en amour avec la vie”. (p.147)


    jay 1.jpgJarvis Jay Masters est dans le couloir de la mort à San Quentin aux U.S.A depuis plus de trente ans pour le meurtre prémédité d'un maton qu'il nie. 4% des détenus du couloir sont innocents. En fait-il partie ? Notre rôle n'est pas de juger et son karma ou ses fautes passées (première condamnation en 81 pour braquage, alors âgé de 19 ans) ne regardent que lui.
    L'intérêt de son livre traduit en français pour le courrier du livre, "
    Méditations d'un condamné" vaut pour son écriture pleine d'humanité et de compassion pour ses codétenus, souvent victimes d'une enfance violente, et qui ne peuvent ou n'ont pas les outils pour apaiser leur cœur ou leur mental emplis de colère, de rancune ou de rage.
    Jarvis Jay Masters a entrepris une petite révolution intérieure à partir de sa cellule : pratiquer la méditation bouddhiste tibétaine enseignée par ses maîtres et amis Chagdud Tulku Rinpoché (1930-2002) et Pema Chödrön, qui postfacent et préfacent ce livre.
    Cette ascèse quasi quotidienne lui a permis d'épurer ses émotions et mémoires douloureuses et de mieux accueillir la souffrance, en soi et chez autrui, quand elle survient.
    Devenu un homme respecté dans sa prison d'état, personnage public par son combat pour être innocenté (freejarvis.org) et ses écrits étudiés à l'école, il est un parfait exemple de libéré vivant ou en voie de l'être (si le temps ou Dieu le permet), retrouvant "
    la nature pure de l'esprit" dans l'ici et maintenant, en communion avec ses frères méditants.
    Ses anecdotes de vie en prison sont pétries d'humour et d'amour pour le prochain, lucides quant au mal qui ronge les êtres ou les institutions, miséricordieuses quand il s'agit d'essayer de se voir sans concessions.
    Il s'agit aussi d'un témoignage sur les conditions de vie dans un centre pénitentiaire rude abritant souvent des détenus à perpétuité, leurs codes et règles de survie, leurs fragilités, les touches d'espoir mais aussi quelques perles de sagesse.jay 2.jpg
    Au-delà de toute étiquette, l'auteur reste un écrivain doué pour l'écriture (réalisme, talent de conteur, épure du style), libérée ici de son pesant pour ne garder que la légèreté des êtres.
    Méditations d'un condamné” reste un ensemble de textes poignants, une façon de survivre pacifié dans un monde ultra violent et une belle leçon d'humilité.


    “Le temps doit toujours être apprécié, à chaque moment de nos vies, comme si c'était le dernier instant. Quand nous sommes capables de faire cela véritablement - être constamment dans le présent et voir ce moment dans tout ce que nous sommes, sans avoir le temps d'abriter de la haine, de garder de l'amertume dans nos cœurs, ou d'apporter de la souffrance ou de la douleur aux autres - chaque instant de nos vies peut être apprécié totalement, maintenant, et non demain. Parce que notre existence demain n'est pas assurée”. (p.169)

     

  • L'odyssée du souffle

    Une second souffle, Gilles Marchand, Jennifer Murzeau, Rageot éditeur, août 2021, littérature jeunesse, Greta ThunbergRespirer. Un mouvement naturel et instinctif pour les humains. On n’y prête peut-être plus attention depuis un certain virus. Pour Ulysse et ses camarades cela relève de l’exploit. Enfermés depuis leur naissance dans un centre qui les protège ils doivent vivre avec leur asthme, leur inhalateur et leur toux à répétition. Impossible de franchir les murs, au dehors tout est pollué, brûlé, gris, nature évaporée. Ils rêvent du monde d’avant qu’ils n’ont jamais connus et se consolent avec de vieilles brochures de voyages.

    « Une vague salle de sport pour nos corps déglingués, des lits relativement confortables, des médecins pour s’occuper de nous et des livres datant pour la plupart du XXe et du du début du XXIe siècles. Dehors, tu chopes un rhume, tu meurs dans la journée ».

    Ava, elle, vit dans ce monde d’avant. La jeune lycéenne aimerait que ça bouge, que ça change , que les adultes se réveillent. Cela semble peine perdue. Le climat qui déraille, le désert qui avance, la fonte des glaces, les inondations, les pandémies, les animaux qui disparaissent… Franchement qui ça intéresse excepté Greta Thunberg et Nour sa meilleure amie ? À part en vouloir à la terre entière, Ava ne sait pas quoi faire.

    « Ils étaient devenus des vieux bourgeois cyniques, à l’aise sur l’asphalte, ne cherchant la plage qu’à l’autre bout du monde, après dix heures d’avion qu’ils effectuaient chaque année sans état d’âme malgré mes exposés répétés sur les conséquences de leur mode de vie. Et ça m’a foutu un seum pas possible »

    Dans le roman ado Le second souffle publié chez Rageot ces deux-là ne vivent pas dans le même monde et pourtant une même rage les anime, peut-être l’énergie du désespoir. Ils ne veulent plus se faire dicter leur conduite par les profs, les conseilleurs d’orientation, les parents, les infirmiers, les médecins. Ava et Ulysse cherchent une porte de sortie, une idée brillante pour sortir du brouillard.

    Les auteurs Gilles Marchand et Jennifer Murzeau transportent le lecteur dans leur univers apocalyptique qui ressemble étrangement au nôtre. D’ailleurs n’est-ce pas le même ? Son futur ? Son passé ? Une chose est sûr. Impossible de rester indifférent à la colère d’Ava, de ne pas vouloir s’enchaîner avec elle pour lutter contre le dérèglement climatique. Impensable de laisser Ulysse dépérir dans cette prison aseptisée, de ne pas l’aider à chercher la faille dans le mur malgré la Bête qui rode. Un thriller prenant, à la fois flippant et rassurant, romantique et sombre, qui respire le bon air marin et le vide-ordure.

    Un second souffle vibrant et nécessaire, tant qu’il est encore temps.

    Image: Rageot éditeur