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Littérature - Page 10

  • Oeil d'ange, coeur léger

    "C'est qu'à la différence du devin, le pro-phète "parle devant", il devance, il précède. C'est un lecteur et un déchiffreur d'aujourd'hui. Il n'est pas hors du temps mais très enraciné au contraire, imprégné par la culture et la sensibilité de ses contemporains. Et c'est là son originalité. Pleinement présent à son époque, il la pénètre avec une telle intensité qu'il en fait surgir une vérité qui la dépasse et souvent la dérange". (p.15)


    9782226462329-j.jpgVa où ton cœur te mène est une livre de et sur la transmission. C'est aussi un manifeste de la prophétie d'hier à aujourd'hui, au sens d'"éveilleur de souffle".
    Gabriel Ringlet évoque en des pages d'amour sublimé, la relation particulière qu'il a noué avec son filleul Élie, notamment pendant l'épisode covid. Émerveillement, contact avec l'Enfant intérieur (le puer aeternitus des alchimistes), caractère précieux de l'instant ou encore conscience accrue des paysages et de la beauté des éléments
    Ce livre, paru chez Albin Michel est une sorte de cadeau-testament qu'il lui lègue, profitant de l'occasion pour ressusciter la figure du prophète Élie dans son contexte hiéro-historique. Il nous parle de ses miracles, de ses rencontres avec un Dieu changeant, de transmission aussi d'avec le jeune Élisée par le truchement d'un manteau magique.
    Il relate également de sa recension dans les évangiles ou le Coran et de la symbolique hébraïque de son nom.

    Au-delà du prophète c'est aussi sa fonction qu'il interroge en convoquant ses nombreux amis poètes ou écrivains contemporains (André Chouraqui, Jean Grosjean, Sylvie Germain, Christian Bobin...), le fameux souffle inspiré accessible à tous, qui définit aussi Le Dieu polymorphe de la Bible : “la voix subtile du silence, le bruit d'une brise légère...”
    Gabriel Ringlet opère également une digression sur Qohélet et Syméon, deux autres figures testamentaires en lien avec la jeunesse et le sacré (Il tint le petit Jésus blotti dans ses mains) pour mieux célébrer le miracle de la vie et de cette génération lumineuse qui ensemence le monde pour un possible renouveau. L'apex de l'histoire biblique, la naissance du Messie et l'évocation de l'ange accompagnateur sont un prétexte allégorique pour définir l'espoir qu'il porte dans ce petit être encore chétif et qu'il espère farouchement libre d'aimer pleinement en déraison en grandissant.
    Cet essai touche et fait mouche. Tout est montré sous un jour neuf, mis à niveau dans un souffle poétique et énamouré. Le Verbe porte fruits et le germe éclot renouvelé.

    Élie, un si petit nom pour un si grand destin...quand tu grandiras, ne te crois pas obligé d'habiter cette désignation prophétique et d'embarquer partout son étymologie...J'espère que tu te sentiras libre, vraiment, y compris libre de Dieu.(p.132)

     

  • Un coeur ouvert à l'amour

    Je ne suis pas fort en méditation, mais j'ai réalisé à quel point la pratique était importante, Cela n'empêche pas que j'aime aussi regarder le sport, faire du basket et regarder des dessins animés. J'adore la malbouffe et parfois j'aime les blagues salaces. Je suis en amour avec la vie”. (p.147)


    jay 1.jpgJarvis Jay Masters est dans le couloir de la mort à San Quentin aux U.S.A depuis plus de trente ans pour le meurtre prémédité d'un maton qu'il nie. 4% des détenus du couloir sont innocents. En fait-il partie ? Notre rôle n'est pas de juger et son karma ou ses fautes passées (première condamnation en 81 pour braquage, alors âgé de 19 ans) ne regardent que lui.
    L'intérêt de son livre traduit en français pour le courrier du livre, "
    Méditations d'un condamné" vaut pour son écriture pleine d'humanité et de compassion pour ses codétenus, souvent victimes d'une enfance violente, et qui ne peuvent ou n'ont pas les outils pour apaiser leur cœur ou leur mental emplis de colère, de rancune ou de rage.
    Jarvis Jay Masters a entrepris une petite révolution intérieure à partir de sa cellule : pratiquer la méditation bouddhiste tibétaine enseignée par ses maîtres et amis Chagdud Tulku Rinpoché (1930-2002) et Pema Chödrön, qui postfacent et préfacent ce livre.
    Cette ascèse quasi quotidienne lui a permis d'épurer ses émotions et mémoires douloureuses et de mieux accueillir la souffrance, en soi et chez autrui, quand elle survient.
    Devenu un homme respecté dans sa prison d'état, personnage public par son combat pour être innocenté (freejarvis.org) et ses écrits étudiés à l'école, il est un parfait exemple de libéré vivant ou en voie de l'être (si le temps ou Dieu le permet), retrouvant "
    la nature pure de l'esprit" dans l'ici et maintenant, en communion avec ses frères méditants.
    Ses anecdotes de vie en prison sont pétries d'humour et d'amour pour le prochain, lucides quant au mal qui ronge les êtres ou les institutions, miséricordieuses quand il s'agit d'essayer de se voir sans concessions.
    Il s'agit aussi d'un témoignage sur les conditions de vie dans un centre pénitentiaire rude abritant souvent des détenus à perpétuité, leurs codes et règles de survie, leurs fragilités, les touches d'espoir mais aussi quelques perles de sagesse.jay 2.jpg
    Au-delà de toute étiquette, l'auteur reste un écrivain doué pour l'écriture (réalisme, talent de conteur, épure du style), libérée ici de son pesant pour ne garder que la légèreté des êtres.
    Méditations d'un condamné” reste un ensemble de textes poignants, une façon de survivre pacifié dans un monde ultra violent et une belle leçon d'humilité.


    “Le temps doit toujours être apprécié, à chaque moment de nos vies, comme si c'était le dernier instant. Quand nous sommes capables de faire cela véritablement - être constamment dans le présent et voir ce moment dans tout ce que nous sommes, sans avoir le temps d'abriter de la haine, de garder de l'amertume dans nos cœurs, ou d'apporter de la souffrance ou de la douleur aux autres - chaque instant de nos vies peut être apprécié totalement, maintenant, et non demain. Parce que notre existence demain n'est pas assurée”. (p.169)

     

  • L'odyssée du souffle

    Une second souffle, Gilles Marchand, Jennifer Murzeau, Rageot éditeur, août 2021, littérature jeunesse, Greta ThunbergRespirer. Un mouvement naturel et instinctif pour les humains. On n’y prête peut-être plus attention depuis un certain virus. Pour Ulysse et ses camarades cela relève de l’exploit. Enfermés depuis leur naissance dans un centre qui les protège ils doivent vivre avec leur asthme, leur inhalateur et leur toux à répétition. Impossible de franchir les murs, au dehors tout est pollué, brûlé, gris, nature évaporée. Ils rêvent du monde d’avant qu’ils n’ont jamais connus et se consolent avec de vieilles brochures de voyages.

    « Une vague salle de sport pour nos corps déglingués, des lits relativement confortables, des médecins pour s’occuper de nous et des livres datant pour la plupart du XXe et du du début du XXIe siècles. Dehors, tu chopes un rhume, tu meurs dans la journée ».

    Ava, elle, vit dans ce monde d’avant. La jeune lycéenne aimerait que ça bouge, que ça change , que les adultes se réveillent. Cela semble peine perdue. Le climat qui déraille, le désert qui avance, la fonte des glaces, les inondations, les pandémies, les animaux qui disparaissent… Franchement qui ça intéresse excepté Greta Thunberg et Nour sa meilleure amie ? À part en vouloir à la terre entière, Ava ne sait pas quoi faire.

    « Ils étaient devenus des vieux bourgeois cyniques, à l’aise sur l’asphalte, ne cherchant la plage qu’à l’autre bout du monde, après dix heures d’avion qu’ils effectuaient chaque année sans état d’âme malgré mes exposés répétés sur les conséquences de leur mode de vie. Et ça m’a foutu un seum pas possible »

    Dans le roman ado Le second souffle publié chez Rageot ces deux-là ne vivent pas dans le même monde et pourtant une même rage les anime, peut-être l’énergie du désespoir. Ils ne veulent plus se faire dicter leur conduite par les profs, les conseilleurs d’orientation, les parents, les infirmiers, les médecins. Ava et Ulysse cherchent une porte de sortie, une idée brillante pour sortir du brouillard.

    Les auteurs Gilles Marchand et Jennifer Murzeau transportent le lecteur dans leur univers apocalyptique qui ressemble étrangement au nôtre. D’ailleurs n’est-ce pas le même ? Son futur ? Son passé ? Une chose est sûr. Impossible de rester indifférent à la colère d’Ava, de ne pas vouloir s’enchaîner avec elle pour lutter contre le dérèglement climatique. Impensable de laisser Ulysse dépérir dans cette prison aseptisée, de ne pas l’aider à chercher la faille dans le mur malgré la Bête qui rode. Un thriller prenant, à la fois flippant et rassurant, romantique et sombre, qui respire le bon air marin et le vide-ordure.

    Un second souffle vibrant et nécessaire, tant qu’il est encore temps.

    Image: Rageot éditeur

  • Se réapproprier le féminin mythique

    "Les antécédents des romances médiévales populaires sont plus larges que concentrés autour de l'individu et de sa guérison possible. Ils parlent d'un monde dans lequel la puissance et la sagesse féminine ont été perdues, dans lequel la nature a été violée et les trésors de l'Autre Monde ont été pillés, un monde devenu une Malterre. La quête du Graal, le principe féminin, la donneuse et gardienne de vie, n'est pas simplement une quête pour nous restaurer personnellement, c'est une quête pour restaurer le monde". (p.319).

     

    femmes 1.jpgDans "Femmes enracinées-femmes qui s'élèvent" de Sharon Blakie, publié chez Véga-Trédaniel, le constat est amer mais la solution est amour, comme toujours.
    La planète agonise, les hommes et leur quête héroïque ont accéléré le processus de destruction, le statut inférieur des femmes est une des causes du désenchantement du monde...et l'autrice projette de donner des clés pour que le féminin refleurisse et ensemence fertilement la planète, pour ce qui peut encore être sauvé.
    Sur près de 500 pages s'entremêlent son vécu, ses rencontres avec des femmes fortes et inspirantes et quelques histoires et légendes celtes mythiques, dans une forme de psychologie narrative. On pense à des pionnières du genre comme Clarissa Pinkola Estès ou Marie-Louise Von Franz mais Sharon Blackie veut pousser plus loin le curseur de l'explication archétypale rationnelle classique, en convoquant le mystère irrationnel de la pleine incarnation charnelle et sensation-elle. Elle questionne les terres habitées ou visitées en se rapprochant des éléments  (saisons, paysages, folklore, mythes et légendes...) pour retrouver le sens profond et la magie de la connaissance intuitive ou "iomas" qui provient de l'Autre monde, l'imaginal évoqué par H. Corbin, la hiérohistoire éternellement présente dans l'instant, l'esprit hors espace-temps.
    A la différence pourtant d'un Joseph Campbell et de sa "quête du héros", Sharon Blackie propose un parcours résolument féminin, non calqué sur celui de l'homme, car ce parcours rend la femme amnésique de ses valeurs, de ses atouts (son corps  et sa matrice plus que sa tête et son mental) et de son rôle depuis toujours dévolu de sage, gardienne et protectrice de la Terre, bien avant que les religions et leur Dieu ne vienne compliquer les choses et spolier leur génie (La "Malterre").
    Dans ses conclusions cependant, même si une forme d'animisme est préférée au monothéisme "masculin", l'autrice évoque un sain courroux, une miséricorde matricielle envers créatures et création ou encore une forme de co-naissance intuitive, proche du verbe insufflé, autant de preuves que le Dieu des textes sacrés est autant et c'est dommage, méconnu sous son aspect féminin et universel.
    Faire œuvre féminine c'est donc se réapproprier sa souveraineté et son énergie bien souvent accaparées. C'est aussi descendre en corps et creuser les souvenirs du cœur jusqu'aux instants d'un pacte contre (sa) nature pour survivre dans un monde apparaissant parfois comme inhospitalier. C'est enfin s'ancrer où les pieds portent et en ce centre si typiquement féminin des matrices pour à nouveau rayonner de soi. Autant de chemins que de prises de consciences, autant de jalons que de retours à l'enfance.
    Le récit est plaisant et enchanteur. Le style coule de source alternant moments intimistes et coups de projecteurs sur une altérité nourrissante et riche en créativité.
    La selkie, Cerydwen, Rihanon  n'auront plus de secrets pour vous, vous saurez ce qu'est une Elder, une "Cailleach" ou la "bean feasa" en vous plongeant dans ce livre fleuve qui se lit comme un bon roman, avec cette idée que la descente en soi, le désencombrement de ce qui ne nous appartient pas ou plus, la quête du centre dans un corps souvent égocentré, permet de s'alléger et de s'élever spirituellement et moralement, afin de ne pas passer à côté de sa vie...et retrouver ce qui sourd comme potentiel intérieur trop souvent méprisé, occulté ou jalousé.

     

    "La femme sage est l'héroïne, de retour de voyage, ancrée enfin dans sa souveraineté intérieure et dans la Terre où elle vit. Elle est prête à offrir son savoir et ses cadeaux à la communauté" (p.374).

     

  • Au delà des noix de Coco

    Corentino, Benjamin Lesage, Editions courtes et longues, mai 2021, Colombie, immigration, noix de coco« Il me racontait comment il était venu ici, il avait parcouru toutes les Caraïbes, toutes, toutes les ïles, tu sais combien d’îles il y a dans les Caraïbes ? Il me disait. Je disais non, bien sûr. Sept mille il disait, et tu sais combien de plages, de criques comme celle-là ? Je disais non encore. Des millions il disait, des millions de criques, et parmi toutes, c’est celle-là que j’ai choisie ».

    Après les étoiles qui meurent dans le ciel, c’est le nouveau roman de Benjamin Lesage aux Éditions courtes et longues : Corentino.

    Il ne veut pas fuir la guerre, ni des trafiquants. Corentino n’est pas seul au monde, ne travaille pas dans des mines et n’est pas exploité par la mafia. Pourtant, il veut partir, découvrir le monde et surtout Paris d’où est originaire son grand-père. Le jeune Colombien rêve d’autre chose que ses arbres à noix de coco à perte de vue dans lesquels il grimpe pour rapporter de l’argent à sa famille. Celle-là même qui a fondé cette exploitation de cocotiers. Cette idée vient de son grand-père, toujours lui. S’il a réussi à venir jusqu’en Colombie, à s’installer et a fonder Milcoco sur une large plage déserte, pourquoi son petit-fils ne pourrait pas faire de même ? Le chemin inverse en somme. Sauf qu’ici les gamins savent tous qu’ils reprendront le travail de leur père, y'a pas à discuter. Et avec le padre de Corentino, encore moins la peine d’en parler. D’ailleurs ils ne communiquent pas ou presque.

    « Le père ravale ses mots, son visage s’est fermé, ses joues flasques se sont tendues, ses mains sont fermement accrochées au volant. Corentino se penche par la fenêtre, il regarde les voitures qui circulent lentement sur l’avenue surchargée, les fondas sur le bord de la route, les talacherias avec des dizaines de pneus entassés devant les portes, […] Au loin les tours de Carthagène, ils arriveront bientôt ».

    L’adolescent nous entraîne dans son histoire insensée. Un roman prenant pour les lecteurs qui doivent se dire : Quelle imagination de la part de l’auteur. Oui et non puisque Benjamin Lesage s’inspire d’une histoire vraie, et ça paraît encore plus incroyable ! N’attendez pas de révélation dans cette chronique sur ce que va vivre Corentino et de quelle manière ceci est arrivé jusqu’aux oreilles de l’auteur. Allez, laissez-vous glisser dans le quotidien de Milcoco, pas loin de Carthagène en Colombie. Benjamin Lesage lève le voile sur un pays peu décrit dans les romans ados. De même, il n’ est pas question des FARCS ou d’histoire de drogue qui colle généralement à la peau de la Colombie. Quand au parcours d’émigration, il est assez inhabituel et évite les clichés du genre tout en montrant l’envers du décor.

    A la fin du roman, on a juste envie de connaître la suite, de discuter avec Corentino autour d’un bon jus de coco … ou pas !

    Image: Editions courtes et longues

  • Un oasis plus vrai que nature

     

    READY_PLAYER_TWO_poster.pngWade et ses amis sont de retour pour une nouvelle aventure romanesque aussi haletante mais plus riche, complexe et contraignante dans ce "Ready player two" imaginé par le très entouré Ernest Cline et paru chez Michel Lafon.
    Auréolé de son succès planétaire avec le carton du premier tome et son adaptation cinématographique signée Steven Spielberg, il démontre avec brio par cette digne suite réussie qu'il n'a rien perdu de sa créativité narrative.
    La lecture s'apparente à une connexion matricielle virtuelle et visuelle à l'Oasis mais donne aussi accès au monde organique fou, fantasque et délirant auquel Ernest Cline est relié.
    Wade WATTS, son alter ego, est désormais riche et célèbre. Il a non seulement hérité de la fortune, maison et empire de James Halliday en résolvant l'énigme de l'Oasis (une plateforme d'edutainment virtuelle mondiale) mais il a surtout décidé avec ses acolytes associés (Shoto, Aech, Art3mis), de commercialiser le premier casque immersif (première interface cerveau-ordinateur non invasive) légué et conçu par Halliday avant sa mort.
    L'humanité est plongée depuis en majorité dans ce monde plus vrai des avatars et de la réalité augmentée, au sein duquel une nouvelle quête occupe le temps, retrouver les 7 fragments de l'âme de la muse d'Oasis, Kira, femme du meilleur ami du créateur (Og), en vue de ressusciter son esprit digital. Une contrainte temporelle s'ajoute à cette nouvelle quête quand l'IA d'Halliday, Anorak, menace d'exterminer les gamers si on ne lui restitue pas ces fragments à temps.
    L'auteur propose une exploration totale et déjantée, sur fond d'énigmes à déjouer, de sept mondes inspirés de la pop culture geek d'avant le 21eme siècle où tout est enregistré avec netteté, précision (souci du détail), émerveillement et profond respect. On passe d'un jeu vidéo vintage à l'univers mythique de Prince (le paradis des fans, très drôle) en survolant la culture télé éducative des années 80, l'univers de Tolkien ou le cinéma de John Hugues (la folle journée de Ferris bueller, maman j'ai raté l'avion...).
    Le roman pèse le danger et les atouts de la technologie numérique : le casque ONI s'il permet de se mettre et de vivre une expérience sensorielle totale dans la peau d'autrui (le corps physique peut "hiberner" 12 heures au maximum avant séquelles) souffre de failles sécuritaires et peut mettre en danger mortel ses millions d'utilisateurs. De même pour l'intelligence artificielle qui peut rendre un esprit éternel (souvenirs, caractère, aspect physique...) et augmenté mais aussi provoquer sa rébellion comme l'ont dénoncé de.nombreux films de SF.
    Cette idée d'un monde parallèle subtile et aux ressources infinies rejoint celui commun à toute métaphysique où l'esprit flirte avec l'immortalité. Ce temps et ce monde est celui de l'éternel présent où tout est possible, vivant, connecté. Pour retrouver son âme de guerrier intrépide et séduisant ainsi que son esprit enfantin, curieux de tout et intuitif, il est bon de trouver et de se connecter à la Source, qui de tout temps aura fait couler beaucoup d'encre et dont Ernest Cline connait apparemment le chemin.

     

  • Entre montagnes et sirènes

    ce qu'il y a entre le ciel et les montagnes,jean-charles berthier,actes sud junior,avril 2021,orques,résidentes du sud,nomadland,chloé zhao« C’est vrai qu’on riait plus fort qu’eux, parfois. Je savais qu’ils parlaient de nous entre eux, qu’ils nous trouvaient bizarres. Qu’ils se rassurent, eux aussi étaient bizarres pour moi. D’après Maman, chacun d’entre nous est le bizarre de quelqu’un  ».

    Partir à l’autre bout du pays, en famille, Grand-père compris, avec les montagnes puis l’océan pour horizon, sans contrainte de temps (ou presque) à respecter, sacrément gonflé voir frustrant en ces temps de pandémie. À moins que l’auteur ait eu l’idée de cette épopée en Wesfalia en rêvant de grands espaces. Jean-Charles Berthier a réussi son coup puisque rien que le titre Ce qu’il y a entre le ciel et les montagnes, chez Actes Sud junior, donne déjà envie d’aller s’aérer la tête, de plonger dans un lac revigorant et de regarder les oiseaux passer au-dessus de nos têtes. Bon, sauf qu’il n’est pas vraiment question de volatile dans ce roman mais plutôt d’orques. Énormes mammifères marins noirs et blancs qui ont longtemps été des attractions dans des parcs aquatiques pas vraiment à leur taille. Ici, ces animaux sont à nouveaux libres mais sont-ils pour autant hors de danger ?

    « Les bassins étaient en place depuis pas mal d’années, mais y avait des gens pour dire que c’était pas juste. Qu’elles souffraient de rester ici, qu’elles partageaient avec nous des émotions que .. qu’nous autres on soupçonnait même pas ».

    Le voyage vers ces « monstres » ou « sirènes », ça dépend du point de vue, sert de prétexte à un rapprochement familial entre filles et mère, petite-fille et beau grand-père. Chacun fuit ou fait face à ses deuils, ses questionnements, ses rêves. Ellie, en pleine adolescence, s’interroge sur les gens autour d’elle et particulièrement son « Grandpa ». Lui cache-t-il des choses comme elle le fait elle-même avec sa petite sœur Tacha ? Pourquoi s’entend-t-elle mieux avec une fille qu’elle connaît à peine, à la vie si éloignée, qu’avec ses camarades de classe ? Le road trip modifie en profondeur les habitudes et croyances de cette équipée. Et c’est lorsque les personnages croisent des gens vivants toujours sur les routes, dont on n’entend jamais parler, que le roman fait écho au film Nomadland de Chloé Zhao (récompensé aux Oscars).

    « L‘un ou l’une, de temps en temps, se retournait pour surveiller les petits dans l’obscurité. Il y avait celui qui nourrissait le feu dès qu’il le réclamait, plus vite qu’on nourrit un bébé qui pleure. Car si le feu s’éteignait, quand il s’éteindrait, ce serait fini »

    Je ne peux vous en dire plus sans dévoiler les derniers rebondissements de l’aventure mais cela donne envie de réveiller l’ado fatigué qui sommeille en nous et de boucler ses valises pour … euh … le Canada peut-être … ou tout simplement l’océan Pacifique. Comment ça, c’est pas possible ? Heureusement, il reste tant de livres à parcourir pour découvrir le monde. Ce n’est certainement pas Jean-Charles Berthier qui dira le contraire.

    Image: Actes Sud Junior