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Littérature - Page 11

  • Belles âmes

    old soul,nancy guibert,editions courtes et longues,2021,ferus,loups,canada,richard wagamese,bernard assiwini,elisabeth stewart,jean-françois chabas«Emâ, aucun ours brun n’est assez effrayant pour nous empêcher de défendre ceux qu’on aime. Je lis dans vos yeux que vous aussi, vous en avez un jour affronté un. Et que vous l’avez vaincu ».

    Réserve naturelle, forêt sauvage, meute de loups, grands espaces...Vous voici en Mauricie au Canada. C’est dans ce décor à la fois idyllique et effrayant que se déroule l’histoire. Celle de quatre personnes qui ne se connaissent pas mais ont toutes un point commun. Elles se sentent seules, incomprises, sont confrontées à une vie semée d’embûches et tentent tant bien que mal de réparer leurs cicatrices. Le nouveau roman de Nancy Guilbert, Old Soul aux Éditions Courtes et Longues a sa part d’ombres mais il est parcouru d’actes lumineux. Certains personnages font sciemment le mal et d’autres apportent foi en l’humanité. Quelques scènes sont terribles et les suivantes valent la peine d’être partagées, amplifiées. Les loups, magnifiquement décrits, paraissent dangereux et pourtant si solidaires envers ceux qui les protègent.

    « Après deux heures d’une course effrénée, je finis par m’effondrer au pied d’une souche d’arbre mort, en larmes. Je hurle ma colère et ma frustration, mes cris se perdent dans le fracas de l’écume qui frappe la roche de la rivière du loup ».

    Brindille, Will, Emâ et Mahikan, sont impressionnants de courage et offrent des ailes aux lecteurs. Ils donneraient presque envie de les rencontrer dans la vraie vie. Une petite fille lectrice compulsive, un infirmier au cœur débordant, une amoureuse des loups et un ado épris de liberté du peuple des Atikamekw (Premières Nations) . Chacun est si fort et fragile à la fois tout en inspirant le respect. Les bouffées d’angoisse qui montent à la gorge sont immédiatement remplacées par de l’oxygène pur et frais venu des forêts épaisses et froides du Québec. Le mal y est englouti sous des élans poétiques, des brassées d’amour et des dessins d’oiseaux libres. Les chants, distillés tout au long du roman, comblent les peines en rassemblant les humains et bêtes par delà les océans et les années.

    « Pete n’a rien dit, quand tu es enfin rentré chez vous avec une haleine de chacal et déguisé en homme des cavernes ? On s’est rencontré après et je ne le lui ai jamais avoué. On éclate de rire ».

    La liberté, la non-violence, la solidarité humaine et animale, le respect, la place des Premières Nations, la nature, la famille, le silence et la paix nourrissent la trame de ce roman qui porte si bien son nom. L’âme des lecteurs en sort enriche et apaisée. En refermant le livre, on a juste envie de dévorer les autres histoires de la romancière Nancy Guibert.

    Matikan, « le loup » du peuple des Atikamekw rappelle d’autres héros qui, comme lui, ont du mal à trouver leur place dans un monde d’ « hommes blancs» qui traite les habitants des premières Nations avec mépris (pour ne pas dire pire). L’histoire de Saul, de la nation Ojibwé, qui doit renoncer à ses traditions, dans Jeu blanc de Richard Wagamese, fait écho à celle de Matikan. L’auteur est lui-même ojibwé.

    Un jeune indien est accusé de meurtre dans Justice pour Louie Sam. Elisabeth Stewart s’est inspirée d’une histoire vraie pour écrire ce livre éclairant sur le statut des peuples premiers. Les rêves rouges de Jean-François Chabas se penche sur les légendes et croyances autochtones et nous raconte la vie de Lachlan et Daffodil près du lac Okanagan, toujours au Canada. Ici aussi la nature est essentielle et fait partie de l’histoire. Enfin Bernard Assiniwi (de la nation des Cris) retrace la naissance et la fin tragique des Béothuks, peuple disparu de Terre-Neuve dans la La saga des Béothuks.

    Image: Éditions courtes et longues

  • Un âmi pour la vie

     

    "Alors les cœurs de pierre deviennent des "cœurs de chair". Pain rompu, vie donnée : voilà Dieu, voilà l'homme vrai".( p.111)

    Cette espérance (mourir chrétien) c'est celle de la résurrection, une espérance qui dépasse les espoirs humains, car elle s'ouvre sur l'infini d'un amour promis. Promesse tenue”. (p.53)

    mon dieu.jpgOn oublie qu'on obéit à des lois, pour peu qu'on soit croyant, qui sont des grâces, quand on se (re) découvre chrétien. Ainsi de la résurrection de nos sentiments, de cette Présence qui nous accompagne, de la sensation d'être aimé ou encore du silence d'une conscience au sein du brouhaha quotidien...
    "
    Mon dieu c'est toi", paru chez Cerf éditions est une commande et une demande faite à soeur Pascale-dominique, dominicaine, pour se souvenir de Jésus, de son ministère public et de sa mort, lui qui fut accueilli des stigmatisés mais rejeté des nantis et sages ou religieux de profession (qui respectent la lettre plutôt que l'esprit). Ce Dieu désarmé qui ne solutionne rien mais communie à nos souffrances ou problématiques, agissant comme l'époux de l'humanité.
    La soeur au talent littéraire indéniable nous propose une relecture méditée des évangiles (et des passages de la Bible afférant au Christ) en treize chapitres dénués de grandiloquence ou d'emphase, emprunts de mots simples mais de poids, à l'image du sauveur discret mais que le monde a décidé de claironner haut et fort. Son style limpide coule de Source, en souffle et vérité de l'Incarnation vécue intimement dans le creuset du cœur (mais dieu est plus savant)
    La crudité des camps de concentration, le ban des jeunes désœuvrés, les miracles de la foi désintéressée à la très touristique Lourdes, autant d'exemples où l'Acte quasi sacré, le don, jaillit.  Ainsi les déserts spirituels, les situations de non-sens ou les voies sans issues questionnent ... Et tout a coup la lumière de la révélation, la métanoïa, le renversement des valeurs et croyances  Alors que l'on se croyait perdu, abandonné, survient l'aide, le sauvetage et l'élévation à une dignité, un rang céleste.
    A la lecture de ce petit livre, l'ego est presque transparent à l'évocation du christ en soi et à ses petits miracles du quotidien assumés : de l'émerveillement à la communion dans un élan de fraternité, de la force qui nous guide à l'intuition bienveillante... A chaque fois "c'est toi, mon dieu" qui se cachait encore et encore sous ce visage rayonnant, mais si discret pour ne pas effacer totalement l'humain et sa bonté, quand on saisit l'anse solide de l'amour, mort cent fois mais rené, comme au premier jour.


  • Le chemin vers l'étoile

    le chemin à l’envers,claire mazard,syros,2021« Une toute petite pousse, fragile. On l’arrache. Ailleurs on la plante. […] Quelqu’un en prend soin. L’arrose comme il faut, l’aime. La petite pousse se redresse vaille que vaille.  Grandit. On l’arrache à nouveau »

    Métaphore limpide , parmi celles distillées dans le roman, pour comprendre le besoin qu’a Anne, l’héroïne, de retrouver son enfance, pour comprendre, se comprendre et pouvoir avancer sereine.

    Le Chemin à l’envers de Claire Mazard publié par Syros : est-ce bien un roman, un récit personnel, une autobiographie ? Peut-être un peu tout ça à la fois. On retrouve dans ce livre, qu’on ne peut lâcher jusqu’à la fin, le même vertige que dans Je te plumerai la tête (son précédent roman). Impossible de ne pas être happé par l’enfance de cette petite Anne, de frissonner avec elle devant le comportement de ses parents, de sa famille. Le lecteur suit son chemin sinueux, oppressant et malgré tout lumineux, vers la vérité. L’adolescente puis l’adulte pressent qu’il lui manque quelqu’un ou quelque chose, est-ce l’amour, que ses parents n’ont pas su lui donner ? Est-elle la seule à avoir souffert et pourquoi ?

    L’ouvrage, qui s’adresse aux adolescents et aux adultes, peut trouver un écho en chacun, quelle que soit son histoire. Il est un baume pour ceux qui ont souffert dans leur enfance. Une histoire qui montre aussi, au fil des pages, l’importance de l’art, de la nature et des petites choses « insignifiantes » dans une vie . « Anne ne retient que les bêtises », déclare sa mère. C’est peut-être ce qui la sauvera et lui permettra de mener l’enquête, tel un détective (ou une romancière), et de saisir la nature profonde des membres de sa famille et des absents.

    A travers ce récit, Claire Mazard, nous livre aussi ses recettes d’autrice. Pour écrire un livre, il faut assembler et rassembler, fouiller, questionner, examiner et trouver un fil conducteur puis refaire Le chemin à l’envers, comme pour retrouver son enfance.

    « Les petits clins d’œil de la vie. Pour qu’on garde espoir en elle », ou le réconfort d’un roman qui libère du chemin tracé d'avance ...

    Photo : Syros

  • The guide "littérado" !

     

    en_quete_d_un_grand_peut_etre_3d.pngA l’heure où les écoles ferment à nouveau leurs portes, la littérature jeunesse est dorénavant un bien essentiel. Et plus particulièrement la littérature adolescente. Les collégien.nes et lycéen.nes ne resteront pas forcement figé.es sur leurs smartphones, tablettes ou ordinateurs (souvent familiaux) toute la journée. Peut-être en profiteront-ils pour se plonger dans un roman en quête d’un autre univers. En effet, la littérature ado est un vaste univers contenant des mondes aussi divers et variés que l’imaginaire des auteurs et autrices jeunesse. C’est peut-être la raison pour laquelle nombre d’adultes raffolent aussi de cette littérature. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas parce qu’elle serait plus facile, se lirait plus vite ou pour vérifier ce que bouquine son enfant. Non, elle est tout simplement riche, profonde, drôle, puissante et multiple. Il suffit de plonger dans le guide de littérature ado de Tom et Nathan Levêque :  En quête d’un grand peut-être pour s’en convaincre. Ces jumeaux passionnés, qui tiennent chacun leur blog littéraire depuis leur treize ans reviennent sur les débuts et l’évolution foisonnante de la littérature ado.

     

    Au delà des incontournables* ils questionnement l’ADN de celle-ci en balayant l’ensemble des thématiques et des genres qui la composent avec de nombreux exemples de romans, tous plus appétissants les uns que les autres. Oui, la littérature ado se dévore, un livre en appelant un autre et ainsi de suite. Lisez donc les témoignages des libraires, éditeur.rices, professeur.es documentalistes, blogueur.ses littéraires et auteur.rices qui ont découvert cet univers et n’en sont plus ressortis. Certains étaient déjà adultes lorsqu’ils ont mordu à l’hameçon. Le guide permet d’aborder les contours parfois flous de cette littérature, son lien avec la société et les enjeux d’aujourd’hui tels que la diversité des personnages et des écrivains ou les crises que traversent notre monde. Il montre que cette littérature permet une créativité infinie et une plus grande innovation que les ouvrages adultes plus « conventionnels ». De même, les réseaux sociaux ne sont pas les concurrents des livres mais permettent aux jeunes de partager leurs coups de cœur ou de s’inspirer des conseils de nombreux « booktubeurs » (influenceur.ses transmettant leur passion de la lecture).

     

    En quête d’un grand peut-être dresse le portrait d’auteur.rices, de professionnel.les et de passionné.es de littérature ado. Il propose également 10 nouvelles inédites qui montrent un aperçu des différentes sensibilités. Mentions spéciales aux textes de Julia Thévenot, Timothée de Fombelle, Carina Rozenfeld et Nathan Lévêque qui donnent immédiatement envie de découvrir ou redécouvrir leur univers. Même pour les aficionados, cette culture est si vaste qu’un guide pour s’y retrouver n’est pas superflu. Avec les 100 livres indispensables, les coups de cœur des interviewé.es et les nombreux titres cités, chacun.e aura de quoi occuper son prochain confinement. Et puisque la littérature ado est une culture du partage, voici nos ouvrages préférés parmi les livres proposés et les oubliés. Belles découvertes !

    * Voir les coups de cœur de la rédaction.



    Coup de Chœur :

    - Cités par le guide: (15)

    Sagas : (parfois en cours)

    A la croisée des mondes Philip Pullman

    Cœur d’encre Cornélia Funke

    Eragon Christopher Paolini

    Harry Potter JK Rowling

    La quête d’Ewilan Pierre Bottero

    Le clan des Otoris Lian Hearn

    Quatre sœurs Malika Ferdjouk

    Sauveurs et fils Marie-Aude Murail

     

    Romans :

    C’est pas ma faute Anne-Fleur Multon et Samantha Bailly

    La pyramide des besoins humains Caroline Solé

    L’aube sera grandiose Anne-Laure Bondoux

    Le passeur Lois Lowry

    Les petites reines Clémentine Beauvais

    Sweet sixteen Annelise Heurtier

    Terrienne Jean-Claude Mourlevat

     

    - Ceux qu’on ajoute : (11)

    Sagas : (parfois en cours)

    De sang et de rage Tomi Adayemi

    La mémoire des couleurs Stéphane Michaka

    Les cancres de Rousseau Insa Sané

    Les doldrums Nicholas Gannon

     

    Romans :

    Déclaration d’anniversaire Eléonore Cannone

    Jeff de Jean-Claude Mourlevat

    Justice pour Louie Sam Elizabeth Stewart

    La saveur des bananes-frites Sophie Noël

    Robin des graffs Muriel Zurcher

    Robot sauvage Peter Brown

    Théo, chasseur de baignoire en Laponie Pascal Prevot

  • Universel Diamanka

    "Et l'ancien a regardé le ciel dans les yeux et il m'a dit
    Bienvenue dans le clan des donneurs de paroles d'honneur
    Maintenant pars leur parler avec des poèmes
    Et porte-leur bonheur
    Prend le verbe et emmène-le au-delà des frontières de la communication
    Avec les gestes précis du sculpteur d'imaginaire comme unique action
    Et comme si tu partais conquérir le monde
    Pars cueillir les mots
    Les mots de ceux qui parlent avec le cœur
    ". (p.83)


    diamanka.jpgLe poète magnifie la réalité au détriment parfois du message. On peut lui reprocher un déficit du fond sur la forme, un plébiscite de la technique littéraire sur la sagesse d'un vécu.
    Avec
    Souleymane Diamanka, alias Dua Jaabi Jeneba, l'équilibre est obtenu par le poids des mots, lui qui donne voix aux maux.

    "J'ai vu ceux qui suent et ceux qui saignent devenir ceux qui sèment les mots qui soignent"

    Cet artisan du verbe aux puissantes racines peuls (les fameux griots) irrigue de son don plusieurs disciplines : rap-slam, poésie et demain le conte ?
    Issu d'une culture orale, il demeure le témoin d'une sagesse ancestrale qu'il a la bonne idée, dans les pas d'
    Amadou Hampaté Ba, de retranscrire sur papier, afin de laisser la trace d'une attitude et façon d'envisager la vie.
    Cœur de croyant, il navigue entre modernité et tradition, dignité et code moral, valeurs altruistes et baume réconfortant.
    Ce petit recueil de poésie, "
    Habitant de nulle part, originaire de partout" paru chez points poésie (collection dirigée par Alain Mabanckou) comprend aussi les textes de son singulier et classique premier album "L'hiver peul" et dieu merci pour la France, on sent qu'il n'est pas là pour parader mais inonder de ses mots chaleureux une contrée où le froid semble s'être installé...

     

  • Une âme pleine

    Je suis toujours surprise qu'on puisse considérer qu'avant notre conception nous n'étions que néant. Nous sommes tous un petit tronçon du long voyage d'une vie initiée à l'aube du temps. Nos traits, nos tics, nos désirs, nos dégouts sont le viatique composé pour nous par nos ancêtres, auquel notre vie adjoindra son composé de gènes et d'âme”. (p.201)


    rancé.jpgDans son dernier essai "Le grand large", paru chez Albin Michel, Christiane Rancé évoque le souvenir de quelques voyages professionnels ou personnels mais l'exercice littéraire est surtout prétexte à une introspection fine et ciselée d'instants d'éternité gravés sur le sillon d'une âme sensible et délicate.
    Une de ses premières excursions en Amérique du Sud sur un cargo, alors vierge de toute impression, l'aura marquée si profondément qu'elle n'aura par la suite de cesse de retrouver ces hauteurs de vues et moments suspendus, de renouer avec ce lieu de ravissement en soi où l'on se sent uni et plein jusqu'à déborder de gratitude.
    l'Autrice questionne l'éloignement, le fait de larguer les amarres comme moyen pour mieux Se retrouver, mais aussi le changement de focale, le regard intériorisé pour se remémorer les évènements qui finalement comptent dans l'édification d'une âme (enfance, enfants, amis, paysages, lectures...), ses chocs et joies qui permettent à l'écrit des envolées presque mystiques.

    Comment inventer une manière de vivre ajustée à l'essentiel ?” (p.285)

    Âme plaine également, montagne égotique aplanie, rendue humble par les vicissitudes d'un mental porcelaine assez fort pour explorer un nouveau continent mais qu'on devine fragile pour à ce point se réfugier dans les contrées chaleureuses et réconfortantes de sa géographie intérieure.
    Si le manque de considération est résolument le mal de ce siècle, Christiane Rancé en est exempte. Son humanité transpire dans un verbe certes raffiné mais fin comme une caresse amicale presque charnelle. Elle défend en outre si fermement les familles d'âmes à travers les âges qu'on se demande si finalement “le grand large” n'est pas une communion à l'Esprit, cet accès à la Source d'où s'épanchent les cœurs épris.

    Celle qui croit que nous serons, dans l'au-delà, plus interrogés sur nos heures perdues que sur nos fautes, s'est ménagée pour faire œuvre de création autour de la figure du lieu connu de l'Un, en brodant des scènes de vie apparemment disparates et sans lien communs, pour faire sens ontologique, à nouveau.

    "Je me focalise sur la définition de ce voyage dans ma vie, alors qu'il y a longtemps qu'on sait, que tout le monde sait que notre vie n'est que le trait d'union entre les deux rives, l'hier de la naissance et le demain de la mort. Le voyage réduit l'espace en ellipse, conjoint les extrêmes, réconcilie les oppositions. Mais au cœur de ce trajet, il y a celui entre les points cardinaux que mon cœur a élus." (p.255)

     

  • Réconciliations : L'énergie de l'espoir

     

    “Selon les soufis, chaque femme et chaque homme sont le théâtre d'un combat, de ce jihad intérieur, qui voit s'affronter au quotidien, dans nos poitrines, l'âme charnelle – qui ne cesse de se débattre toujours tournée sur elle-même et attirée finalement par le seul plaisir égoïste – contre l'esprit supérieur – magnifiant à chaque instant la beauté et l'unité de tous les êtres – aimanté vers le monde spirituel” (p.102)

     

    abd al malik.jpgLa République peut compter sur Abd Al Malik pour imaginer et construire “le monde d'après” : un monde souhaitable, apaisé et réconcilié, ce fameux monde unifié du discours politique qui n'en a malheureusement pas la prétention.

    Réconciliation” paru chez Robert Laffont est un essai-manifeste court mais concis dans lequel on retrouve l'artiste plus engagé que jamais et à maturation d'Homme (au sens relié à l'Esprit).

    Jeune adulte, avec son groupe N.A.P, il “priait en attendant la fin du monde”, pratiquant alors un Islam peu conventionnel et moralisant. Depuis, il a œuvré lourdement d'abord en solo, explorant des univers à priori irréconciliables et tissant des ponts entre chanson française et scansion. Puis il s'est mis à l'écriture, la mise en scène et la réalisation cinématographique, déployant totalement son univers dans plusieurs couleurs politico-poétiques.

    La reconnaissance vint tôt mais ce sont véritablement deux mains tendues qui l'amenèrent à une révolution intérieure, une résilience et une renaissance, un regard neuf sur le monde : Juliette Gréco et sa foi en l'humanité, le maître soufi Sidi Hamza et son Amour équanime envers toute créature.

    Ces deux piliers-béquilles ne sont plus physiquement présents mais intégrés au plus profond d'un cœur qui souhaite désormais “faire peuple”, fort de sa réconciliation d'avec soi-même, son passé, ses origines et ses rancœurs passées si peu fortuites.

    La période sanitaire actuelle a ravivé des fractures que l'on croyait d'un autre âge mais qui n'ont jamais disparu et c'est avec une certaine hauteur de vue (bel équilibre trouvé entre avoir et être, entre intériorité et action extérieure) qu'Abd Al Malik s'érige non pas en donneur de leçons mais frère de la nation, multipliant sa présence sur les fronts : Contre le fanatisme de pseudos musulmans, pour la marche des libertés et donc contre la loi de “sécurité globale” aux cotés d'Aïssa Traoré...toujours en réflexion-médiation et force de propositions malgré l'impact financier négatif notoire sur les projets culturels en cours (annulation de la tournée-spectacle Le jeune noir à l'épée).

    Depuis l'irruption durable du virus la parole n'est plus qu'aux professionnels du verbiage et l'on déplorait la présence chaleureuse et ô combien précieuse des artistes taxés un temps de “non-essentiels”.

    Avec ce livre on sait qu'ils patientent, fulminant, dans l'attente d'irradier le monde de demain de leur lumière évanescente, celle trouvée dans la profondeur de l'ombre.

     

    “Je crois véritablement aux artistes, je crois sincèrement que ce sont eux, nous, qui changeront véritablement le monde parce qu'on travaille directement les imaginaires. Justement parce qu'on a pas peur de nos émotions, parce qu'on sait précisément d'où elles viennent et quoi en faire. Et, finalement, on est dans trois tendances qui marquent nos sociétés, l'empathie, la tendresse et la spiritualité. Les artistes pourraient diriger le monde et réussir.” (p.139)