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colombie

  • Duke-Rocca : une connexion explosive

    cimarron.jpgL'enfer ici c'est d'être honnête dans un monde corrompu (esclave moderne)

    J'ai la foi d'un condamné en attente de paroles pieuses...
    Je suis comme.un livre ouvert à la dernière page blanche
    Un jour les perdants écriront l'histoire en guise de revanche (pulsations)


    Rocca sort un album chamanique tribal, animal et viscéral. De L'oraison à La pirogue, 17 titres pour un voyage musical, historico-culturel et intérieur. Cimarron, coproduit avec feu DJ Duke (qui officiait entre autre avec Assassin) est un album concept sur l'esclavage moderne et ses portes de sortie, par un expatrié d'origine colombienne à l’œil frais et au cœur libre (d'aimer ?).

    Rap chamanique pour toute la faune urbaine
    Tes oreilles s'oxygènent
    J'ai le fleuve amazone qui coule dans mes veines
    La voix t'attire comme le chant des sirènes (la pirogue)

    Légende du rap avec la Cliqua en France et Tres Coronas en Amérique du sud, il proposait déjà avec Bogota-Paris (double cd bilingue) un rap fusion avec combos et rythmes latinos. Le boom bap bien « fat » des productions souligne la lourdeur et la moiteur de l'ambiance amazonienne avec une vision décalée, détachée et éveillée du monde moderne.

    Aujourd'hui tout le monde peut devenir célèbre
    Vu que la médiocrité se célèbre (mon idéal)


    Plusieurs écoutes n'en ternissent pas la richesse mélodique ou le phrasé verbal : si les paroles de Rocca sont des flèches, sa voix en épouse littéralement les thèmes avec l'émotion d'un pur interprète. Flow incisif et syncopé ; verbe court et découpé, imagé ; souffle enduré et endurant...une parole au service d'une libération mentale, puisque le ciel n'est pas grillagé.

    Chaque mot est calibré
    Le verbe court comme un canon scié (lamentations d'outre mer)

    Un "venin", selon l'artiste, pour ouvrir les yeux sur une réalité voilée par manque de recul ou détachement.
    Les ajouts de chœurs et instruments ici ou là (saxo, guitare, trombone, percussions ou claviers de Rocca), ajoutent de la profondeur aux instrumentales puissantes volontairement régressives et hommages au son des nineties. L'association Duke - Rocca n'est pas neuve mais cette histoire d'amitié et d'acculturation réciproque sonne avec cet album original comme une véritable claque auditive, intemporelle et incarnée, ce qui est loin d'être paradoxal.
    Trois featuring français ornent ce futur classique de rap, Benjamin Epps, Tedax Max et Youssoupha, challengers du game et dans le même esprit : rythme et "pulsation du ghetto". Dommage que Souffrance avec Mash up n'y figure pas, question de timing peut être.
    Cimarron a mis longtemps à sortir, entre temps John Duke nous a quitté (1973-2020), mais Rocca, après le deuil,  a œuvré pour le rendre encore plus actuel, musicalement et textuellement. Le titre Lamentations d'outre mer semble un ajout postérieur signé du MC seul et s'insère parfaitement dans le délire.

    Je meurs pour mon indépendance et ma liberté comme un cimarron (la pirogue)

    L'âme pro-native de Duke habite littéralement cet ultime projet. Il a su capter l'essence d'un continent de résistants, de guerriers, de minorités stigmatisées pour en faire un hymne universel de révolte face à l'oppression tyrannique de puissants...le tout porté par un MC de renom qui porte son art aux cimes, pour ne pas dire cieux.

    La tête haute prêt a défier l'inconnu
    Ils te diront que c'est impossible, que tout est perdu
    La peur est une prison
    Tu t'échappes d'elle ou tu es détenu

    Brises tes chaînes comme Django (Django)

    @Oeuvre visuelle et pochette de l'album par Francisco Rocca

  • Au delà des noix de Coco

    Corentino, Benjamin Lesage, Editions courtes et longues, mai 2021, Colombie, immigration, noix de coco« Il me racontait comment il était venu ici, il avait parcouru toutes les Caraïbes, toutes, toutes les ïles, tu sais combien d’îles il y a dans les Caraïbes ? Il me disait. Je disais non, bien sûr. Sept mille il disait, et tu sais combien de plages, de criques comme celle-là ? Je disais non encore. Des millions il disait, des millions de criques, et parmi toutes, c’est celle-là que j’ai choisie ».

    Après les étoiles qui meurent dans le ciel, c’est le nouveau roman de Benjamin Lesage aux Éditions courtes et longues : Corentino.

    Il ne veut pas fuir la guerre, ni des trafiquants. Corentino n’est pas seul au monde, ne travaille pas dans des mines et n’est pas exploité par la mafia. Pourtant, il veut partir, découvrir le monde et surtout Paris d’où est originaire son grand-père. Le jeune Colombien rêve d’autre chose que ses arbres à noix de coco à perte de vue dans lesquels il grimpe pour rapporter de l’argent à sa famille. Celle-là même qui a fondé cette exploitation de cocotiers. Cette idée vient de son grand-père, toujours lui. S’il a réussi à venir jusqu’en Colombie, à s’installer et a fonder Milcoco sur une large plage déserte, pourquoi son petit-fils ne pourrait pas faire de même ? Le chemin inverse en somme. Sauf qu’ici les gamins savent tous qu’ils reprendront le travail de leur père, y'a pas à discuter. Et avec le padre de Corentino, encore moins la peine d’en parler. D’ailleurs ils ne communiquent pas ou presque.

    « Le père ravale ses mots, son visage s’est fermé, ses joues flasques se sont tendues, ses mains sont fermement accrochées au volant. Corentino se penche par la fenêtre, il regarde les voitures qui circulent lentement sur l’avenue surchargée, les fondas sur le bord de la route, les talacherias avec des dizaines de pneus entassés devant les portes, […] Au loin les tours de Carthagène, ils arriveront bientôt ».

    L’adolescent nous entraîne dans son histoire insensée. Un roman prenant pour les lecteurs qui doivent se dire : Quelle imagination de la part de l’auteur. Oui et non puisque Benjamin Lesage s’inspire d’une histoire vraie, et ça paraît encore plus incroyable ! N’attendez pas de révélation dans cette chronique sur ce que va vivre Corentino et de quelle manière ceci est arrivé jusqu’aux oreilles de l’auteur. Allez, laissez-vous glisser dans le quotidien de Milcoco, pas loin de Carthagène en Colombie. Benjamin Lesage lève le voile sur un pays peu décrit dans les romans ados. De même, il n’ est pas question des FARCS ou d’histoire de drogue qui colle généralement à la peau de la Colombie. Quand au parcours d’émigration, il est assez inhabituel et évite les clichés du genre tout en montrant l’envers du décor.

    A la fin du roman, on a juste envie de connaître la suite, de discuter avec Corentino autour d’un bon jus de coco … ou pas !

    Image: Editions courtes et longues