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henry bonnier

  • La hiero-histoire de France

    Coran 16,2 : "Lui qui fait descendre des anges avec l'Esprit, de Sa sphère sur celui qu'Il veut parmi Ses adorateurs : "Donnez l'alarme : il n'est de Dieu que Moi ; prémunissez-vous donc envers Moi !"" (Trad. J. Berque)

     

    "Oui, tout est consommé de la vie antérieure, de mes combats politiques, de mes œuvres polémiques. Reste ceci : comme j'étais agenouillé auprès du Saint, la tête dans ses draps, il posa sa main sur mon crâne. Une vive et délicieuse brûlure  s'empara de moi tandis qu'une voix très douce descendit dans mon être : "le plus court chemin vers le divin est l'humain." (p.286)

     

    l'ile d'or.jpgRoman testament que l'Île d'or de Henry Bonnier (21.02.1932/14.04.2021) paru chez Erick Bonnier éditions.
    Note finale pleine de foi et d'espérance, après son autobiographie "nuits de lumière" (2018), une vie sociale richement menée (écrivain, critique, directeur de maisons d'éditions), une vie intérieure sous le signe de l'ouverture et de la vision pacifiée. Ami d'André Chouraqui ("un prophète parmi nous"), initié à l'Amour par Catherine Delorme, seule européenne portant le titre honorifique soufi de "connaissant(e) par Dieu", amoureux du Maroc et de la France, de leurs cultures et civilisations, il voyait à l'instar d'un Louis Massignon, le Christ Jésus comme le rédempteur de l'humanité et sa parousie proche.

    Dans ce roman, son personnage phare Louis Chaumeil, chancelier de l'Institut de France et proche du Président Macron va subir en quelque sorte une métanoïa tardive, fraîchement décoré de la grande-croix de l'ordre de la légion d'honneur, en se rendant en des contrées marocaines sur l'île d'or, une ziggourat entourée de verdure, pour suivre un séminaire à l'initiative d'une confrérie soufie.
    Les rencontres (Le docteur Soulier, Sidi Achraf, Nour, frère Damien, le Saint) , la teneur et le niveau des conférences (l'ADN cosmique, le rapprochement de la science et de la Religion révélée...) lui ouvriront l'âme à une dimension spirituelle de l'Histoire qui mettra à mort en lui le "vieil homme" éduqué dans l'esprit des lumières et fervent défenseur agnostique de la laïcité française, soit le système actuellement dominant.
    Mélange de fiction et de réalité (l'île d'or n'existe que dans l'imaginal comme l'Atlantide d'ailleurs), cette fable n'est que prétexte convenu pour espérer toucher quelques consciences influentes et provoquer un effet boule de neige en se souvenant du rôle primordial de la France sur l'échiquier des temps derniers.
    On voyage à travers l'histoire sainte des rois de France jusqu'à la révolution, en parallèle avec le royaume de droit divin bâti et prolongé par Mahomet au Maghreb, on se remémore les visites symboliques de François d'Assise et du sultan Al-Khamil il y a 8 siècles, celle plus récente du pape François et du grand Imam d'Al-Azhar en 2019.
    Et l'on rêve d'une union des religions révélées autour de la figure de Jésus, le liant, qui passe par une réinterprétation du fameux verset 4,157 du Coran sur sa crucifixion fantôme ; un souhait d'unité également entre musulmans de tous bords et avec leurs frères juifs et chrétiens.

    Homme de concorde et de paix, non pas au-dessus des dogmes mais dans l'esprit de la révélation, Henry Bonnier nous lègue un dernier texte humaniste, empreint de cœur, de sensualité et d'envie, à l'image de l'Homme nouveau. Saisirons-nous le message à temps ?

     

  • Le coeur des croyants est un uni-vers

    L'homme n'est-il pas l'esclave de soi-même ? Ses habitudes contractées dès l'enfance sous l'empire de ses parents, de ses éducateurs, de ses rabbins, de ses prêtres, de ses imams ; ses habitudes, dis-je, ne font-elles pas de lui son propre serf, pour parler comme La Boétie ? S'est-il seulement demandé qui il était vraiment ? A t-il seulement l'idée qu'il dispose d'une nature profonde qui n'a rien de commun avec ce qu'il donne à voir de sa personne ?

    ...La seule fonction spirituelle de l'homme est d'atteindre au divin en approfondissant, au-dedans de soi, sa part la plus humble, humaine, noble.

    Henry Bonnier p. 226

     

    Le peuple élu n'est pas le peuple juif. Le peuple élu c'est le peuple des croyants, quels qu'ils soient. André Chouraqui,p.205

     

    Le XX ème siècle accoucha de grands "ponts" parmi lesquels des orientalistes (Henry Corbin, Louis Massignon), des chercheurs en sciences humaines (C.G Jung, Freud), des sages ou des traducteurs/essayistes comme André Chouraqui (1917-2007). Tous furent des éveillés avec une visée sur l'Autre monde, le spirituel, par opposition au matériel.

    Henry Bonnier fut l'ami et l'éditeur (Éditions du Rocher) de ce dernier à partir des années 90 et relate dans un très beau livre "André Chouraqui, un prophète parmi nous", paru aux éditions Erick Bonnier, l'aventure humaine politique et spirituelle qui fut la leur.

    C'est avec respect et grande vénération qu'est évoquée la figure de Nathan André C. et l'histoire de quelques uns de ses livres (à cette époque, il a déjà traduit la Bible, ancien et nouveau testament) mais l'auteur dévoile également et subtilement, en parallèle, quelques bribes de son cheminement et ses propres réflexions spirituelles, étant d'obédience chrétienne (presque mystique) avec une ouverture au soufisme (même s'il ne parlait pas arabe, il reçut une investiture rare au titre de "connaissant par Dieu").

     

    Le livre est contagieux et donne envie de se plonger dans l’œuvre de l'essayiste de paix à l'évocation de ses deux amours de jeunesse Yvonne Jean (lettres à André Chouraqui, 1997) et Colette Boyer (Ton étoile et ta croix, 1998), toutes deux chrétiennes et initiatrices (accoucheuses ?) de son "être par Dieu" ; mais aussi de son amour pour la langue et la culture arabe (dans lettre à un ami arabe) ou encore de son livre Moïse, son prophète et imago Dei.

    Malgré sept années d'enseignement athée au lycée et la maladie qui s'acharnait (une poliomyélite) sur lui, l'homme qui voulut savoir à 19 ans "qui était Elohim" fut incardié (comme le fut Massignon) lors d'une expérience numineuse. Il confia à Colette B. , jeune adulte, qu'il "sentait en lui bouillonner cent enfantements, un monde merveilleux de vie, une œuvre, une réalité prodigieuse"...c'est dire s'il se sentait mission-né.

     

    chouraqui.jpgPour l'auteur, André Chouraqui est "un prophète (au sens de celui qui transmet ou explique la volonté divine) du XXIème siècle qui tente l'impossible : donner un langage commun aux juifs, chrétiens, musulmans". Il est vrai que cela constitue en France un acte unique, la traduction des trois livres saints monothéistes par un seul homme, croyant et habité par un souffle issu des terres de La Révélation ("Dans tous les textes sacrés, vous ne rencontrerez jamais Dieu si Dieu n'est pas en vous" déclare André Chouraqui p.52). L'on voit ainsi dans cette œuvre singulière de traduction exégétique, la continuité du message prophétique, de Moïse à Muhammad. Ainsi le génial "matriciant" qui qualifie Allah dans le Coran (au lieu de Miséricordieux) vient mettre à bas la tyrannie masculine sur l'humanité, le terme "incardié" utilisé ci-dessus ou encore le "en marche" introduit chaque béatitude et place l'humain dans un acte engageant son être tout entier.

     

    Inquiété par les signes des temps (climat, obscurantisme, guerre larvée envers l'être...), Henry Bonnier désormais romancier et essayiste (Il a reçu le grand prix de la critique de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre), place les travaux de traduction de son ami sous le signe de l'"énergie du désespoir" mais qui sait s'ils ne touchent pas leurs cibles, à savoir un terreau capable d'ensemencer un peuple de justes ? Qui sait si le Verbe de Chouraqui n'est pas apte à réveiller les morts ? D'autant que l'attrait pour ces traductions biblique et coranique ne s'est jamais démenti.

     

    Ce livre est donc écrit par un chrétien ouvert à l'Altérité, qui propose de belles réflexions sur l'humanité ou l'unité transcendante des religions, même si parfois teintées de noir. Il invective ainsi ses congénères se satisfaisant d'une vie égoïste ou égotique, donc ténébreuse : "Il leur suffisait, à ces pauvres êtres éperdus, d'entendre les fulgurances du Verbe (la voix sublime et bouleversante de la conscience et de la confiance) pour reconquérir à jamais leur liberté". L'on retrouve plus loin une saine colère christique lorsqu'il évoque les "peurs et orgueil édifiés au-dedans de nous, pour nous préserver de la contamination de l'Autre"...alors que selon lui, "Aimer c'est guérir"..., Aimer c'est obéir à Dieu", en parlant de l'Amour véritablement divin et inconditionnel qui nous habite.

     

    Reste au final d'André Chouraqui, l'image tenace d'un juif de toutes les guerres, qui mûrit et renouvelle sa foi hébraïque au contact intime de chrétiens ou musulmans fervents. Ses actes politiques viennent infirmer le reproche sioniste qui lui fût fait de son vivant et c'est surtout la grandeur spirituelle d'Israël forte de 102 communautés ou cultures différentes qui le guida.

    Artisan de paix il considérait que "les trois traditions religieuses issues du seul tronc abrahamique, pourraient constituer une force spirituelle considérable et pour le coup, métamorphoser le monde". Utopie vacillante ces derniers temps mais pas exempte de réalisme à échelles certes encore individuelles...L'avenir le dira.