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Spiritualité - Page 38

  • Henry Quinson, témoin du Christ

    Entretien avec Henry Quinson

    autour de son livre « Et l’Homme devint Dieu : spiritualité pour un monde adulte »,

    Le Passeur éditeur, juin 2020

     

    CHŒUR : Ce livre est important. On sent que vous y avez mis beaucoup de vous, de votre vécu d'enseignant, de vos expériences et lectures spirituelles, de vos curseurs et clignotants pour essayer de comprendre et de sentir le souffle de ce monde. Beaucoup de références de tous bords aussi mais sans cesse un retour au fondement et au discernement christique, ce supplément d'âme, le liant...

    En effet, je considère ce livre comme une sorte de testament, au cas où il m’arriverait quelque chose à bientôt soixante ans, au cas où mes facultés intellectuelles déclineraient au point de ne plus être capable de communiquer avec les nouvelles générations de manière pertinente et informée. C’est pourquoi j’ai dédié cet ouvrage à mes belles-filles Julia et Léa.

    Il s’agit d’une sorte de condensé de ce qui reste en moi d’essentiel pour vivre. Une bonne ratatouille, ici à Marseille, exige du temps. Elle se réchauffe plusieurs fois pour obtenir une concentration de saveurs, une réduction qui réjouit le palais. En 200 pages, que reste-t-il de ma foi en la vie après tant d’années de quête, de déménagements (New-York, Bruxelles, Paris, Savoie, Marseille) et de déracinements sociologiques, linguistiques, culturels et religieux (des « beaux quartiers » aux HLM, de la finance à l’enseignement et au cinéma, de l’anglais au français, du monde anglo-saxon à la Méditerranée, du christianisme à l’islam) ? Y a-t-il un roc qui résiste aux tempêtes, aux questions lancinantes, aux souffrances et aux découragements ? Existe-t-il une joie et une paix profondes qui demeurent, non seulement intactes mais renforcées, après les errances, les égarements, les échecs et les lassitudes ?

    Oui, mon expérience, mes rencontres et mes lectures m’ont appris qu’un Souffle anime ce monde étonnant qui nous entoure et dans lequel nous sommes plongés. Je définis la spiritualité comme une aspiration alimentée par une inspiration. Tout homme est, à ce titre, fondamentalement spirituel, qu’il se dise « athée » ou « croyant », expressions dont je conteste le bien-fondé, car la foi est nécessaire pour vivre. La seule question qui demeure est : en quoi ou en qui croyons-nous ? Et c’est à cette question que le Christ apporte une réponse. A vrai dire, il EST la réponse. Qui est-il ? Où est-il ? Comment le rencontrer ? En quoi est-il l’alpha et l’oméga de nos vies, leur source et leur sommet ?

     

    CHŒUR : Les chrétiens attendent la parousie, le retour du Christ à la fin des temps. Que nous y soyons ou pas encore arrivés (même si beaucoup de signes alarmants sont présents), que pouvez-vous nous dire de ce retour du Christ ? Cette personne ou présence est-elle à attendre à l'extérieur ou à l'intérieur de soi ?

    Les évangiles affirment que le Christ est le sel de la terre et la lumière du monde. Le sel ne se voit pas mais rehausse la saveur des aliments auquel il est mêlé ; la lumière donne à voir ce qu’elle éclaire mais sa source est aveuglante. Le sel et la lumière n’existent donc pas pour eux-mêmes : ils ont pour fonction de mettre en valeur les éléments avec qui ils entrent en relation. De même, le Christ est le levain de la pâte humaine. Il tire l’humanité des ténèbres pour qu’elle existe et la bonifie pour qu’elle soit désirable.

    Son mode de présence peut varier : il parle par des prophètes, il se fait homme, il communique son Esprit, il appelle des apôtres à le suivre, il constitue des communautés ecclésiales, il se présente à nous sous les traits du prochain, tout spécialement du pauvre et de l’étranger. Le Christ peut être compris (théologie), ressenti (mystique) et rencontré (fraternité). Il est celui qui était, qui est et qui vient. Il est au-dedans de nous mais aussi au-delà de tout. La vie éternelle a déjà commencé, à titre individuel mais aussi collectif. La fin des temps, la parousie est déjà endurée. Nous n’en connaissons pas encore l’heure, tout comme celle de notre mort personnelle. Mais le rendez-vous est pris. Il donne une perspective, créé une attente, produit une densité singulière : la vie est précieuse, c’est un miracle unique et mystérieux.

    Comme je le montre dans mon livre, tout une série de faits objectifs indiquent que le temps que nous vivons ne ressemble à aucun autre. Certes, les activités humaines présentent des aspects cycliques à l’image des saisons que nous offrent le mouvement des astres. Mais l’histoire religieuse nous a fait découvrir le temps linéaire : celui de la sortie du peuple hébreux d’Égypte. L’histoire est façonnée par des événements uniques dont le contenu spirituel est soumis à notre sagacité.

    Quel décryptage faisons-nous de l’explosion démographique récente (d’1 milliard d’habitants en 1800 à 7,7 milliards aujourd’hui) ? Comment évaluons-nous l’hyper mobilité permises par nos moyens de transports modernes soudain immobilisés ou ralentis (127 passagers par seconde en 2017 selon l’Association internationale du transport aérien) ? Comment comprenons-nous l’émergence de ce cerveau planétaire baptisé « noosphère » par Teilhard de Chardin dès les années 1950, constitué de milliards de connexions numériques par minute ?

    L'humanité n’a jamais présenté un tel visage. A tel point qu’une ère géologique nouvelle est discutée par la communauté scientifique : l’anthropocène. L’Homme, pour la première fois, impacte la nature à un degré qui renverse les rôles. Confrontée à sa responsabilité environnementale, l’humanité traverse sa plus grave crise existentielle, par son échelle, planétaire, et sa nature, anthropocentrique.

    L’humanité est sur le point de devenir adulte. Plus que jamais, pour devenir elle-même, elle est invitée à accueillir le ressuscité ressuscitant, ce Dieu devenu homme pour que l’Homme devienne Dieu. Cette divinisation en Christ est en cours. Elle est notre vocation profonde et notre joie ultime.

     

    CHŒUR : Pourquoi avons-nous besoin du Christ en tant que prophète et/ou dieu ? Pourquoi le Dieu de Jésus, cette Source, est une réponse et un baume aux nombreux problèmes ou questionnements de l'être humain ?

    Le Christ Jésus nous a révélé en paroles et en actes que Dieu est Amour. Ce mystère de l’incarnation pascale est daté mais nous ne formons qu’un seul corps. Pour ceux qui en douteraient, il suffit d’observer que lorsque la Chine éternue, le monde entier se confine. Chacun d’entre nous, nous sommes membre de ce corps immense apparu bien avant notre naissance et promis au bonheur d’un Amour universel qui habite tout être humain et le relie à travers le temps et l’espace à cette Source qui est à la fois réponse, baume et communion pour les cœurs en quête d’une vie qui n’est pas seulement biologique mais avant tout spirituelle.

    La planète a connu la pré-vie, puis la vie. Nous sommes en chemin vers la sur-vie. Comme le vent, elle n’est pas directement visible, mais à qui sait en observer les effets elle est bien présente et agissante à travers nos choix, nos réalisations et nos célébrations artistiques. Nous avons besoin du Christ, nous avons besoin de Dieu, car nous avons besoin d’exister : notre vocation est de nous unir à l’Amour. Par participation, nous devenons Amour. A ce titre, je me risque à conclure, à la suite d’Irénée de Lyon, qu’au terme de l’Histoire, la face de la Terre disparaîtra mais l’Homme, ô miracle ! deviendra Dieu.

    et l'homme devint dieu,henry quinson,editions le passeur,questionnaire,juin 2020

    En bonus l'interview audio réalisée il y a 11 ans déjà pour la sortie de son premier livre : "Moine des cités" (3 fois 20 minutes), en collaboration avec RCF.


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    et l'homme devint dieu,henry quinson,editions le passeur,questionnaire,juin 2020,Moine des cités,Editions Nouvelle Cité,Février 2009

  • L’expertise d' Un penseur chrétien

     

    Coran 31,27 : Dieu a créé tout le genre humain dans un seul homme. La résurrection universelle ne lui coûtera pas davantage. Il entend et observe tout. (Trad. Savary)

     

    quinson.jpgC'est avec grand esprit de synthèse et forte érudition qu'Henry Quinson résume, dans « Et l'Homme devint Dieu" paru aux Éditions le Passeur, l'histoire de l'humanité en la mettant en parallèle (c'est l'hypothèse) avec celle des phases du développement de l'Homme qui est celui de tout homme.

    L'économie, la philosophie, la politique, la spiritualité, la science, l'histoire et les arts sont convoqués dans un essai total et constituent la grille de lecture systémique de l'époque par un auteur-conférencier qui eut aussi plusieurs vies (trader puis moine puis enseignant et conseiller spirituel pour le film des hommes et des dieux) et donc plusieurs points de vue sur son prochain.

     

    l'Homme serait donc en conclusion , arrivé au stade adulte , « conscient de sa finitude et de sa responsabilité planétaire...avec un espace vital limité» et entrant par conséquence dans une nouvelle ère spirituelle. C'est de cette hauteur qu’Henry Quinson, qui allie pratique à théorie, s'adresse à nous, sans sermons ni infantilisme et fort de sa maturation intellectuelle et spirituelle personnelle, à l'automne de sa vie comme il aime le dire.

    Sa réflexion ultime explore la "sur-vie" plutôt que la survie, un comportement altruiste et empathique envers ses frères en humanité plutôt qu'égotique et ignorant des forces de l'esprit, au sens religieux du terme.

    L'interdépendance et l'interconnexion de tous rend entre autre stérile l'invocation d'un "Dieu des armées" au profit du « Désarmé, unifiant le monde dans un Amour universel", et la lettre ne tient plus comme hier devant "la vie de l'Esprit qui continue d'irriguer et d'enrichir l'humble rencontre des personnes ordinaires".

    Chrétien profondément marqué par la vie et le vécu des moines de Tibhirine, il relis l'Histoire globale de l'Humanité sans éluder ses fondements archaïques et archétypiques, de la genèse à l'apocalypse, reliant également la dimension horizontale des interrelations avec celle verticale, axe de la vie en dieu, du Dieu (de) Jésus.

    Un essai dense qui aborde par différents prismes la problématique complexe d'une conscience innervée en profondeur, celle de l'Homme, en résonance avec la noosphère (sphère de la pensée humaine) du prêtre-philosophe Pierre Theilhard de Chardin.

     

    « La fin de l'humanité, bientôt adulte, ne se résume pas à une date, au demeurant inconnue ; elle est déjà en cours. Jour après jour, l'Homme devient Dieu, proche du terme de son aventure, de son aspiration la plus profonde, qui n'est autre que de communier à sa source, son inspiration la plus essentielle : Amour caché mais présent, au-delà du temps et de l'espace, victorieux Esprit. » (P.187)

     

  • Un Jung dédivinisé

     

    "Jung confondait la tension insupportable qu'exerçait l'archétype masculin en inflation sur son moi avec le Soi qui, au contraire, comme le processus remarquable de ses rêves le montre, travaillait à l'en guérir. C'est le drame de Jung, mais qui se confond aussi avec le drame de l'humanité depuis son origine : l'archétype masculin en inflation, ou archétype primate préhumain, a usurpé la place numineuse du Soi, essence de l'être véritablement humain au cœur de l'inconscient collectif"...(p.270)

    "L'inflation de l'archétype masculin soumet le moi à une persona, un modèle de perfection obligatoire qui exige de lui, de manière psychorigide, qu'il ne soit jamais mis en défaut, jamais obligé de reconnaître une faute, une culpabilité, une faiblesse". (p.23)

     

    pierre trigano,psychanalyser jung 3,réponse à job,moi en inflation,réel editions,juin 2020Avec ce troisième volume paru aux éditions Réel, Pierre Trigano finit de « Psychanalyser Jung" en s'attelant à la dernière partie de sa vie, de 1946 à sa mort en 1961, avec un focus sur son livre phare "réponse à Job".

    Dans cet essai qui a force d'autorité, C.G Jung n’entrepris rien de moins que de psychanalyser dieu en le personnifiant, suite à son attitude en apparence cruelle, envers son fidèle serviteur Job, une histoire bien connue de la Bible sur le sens de la souffrance.

    Si l'archétype divin est assimilable au Soi défini par Jung en tant que centre numineux de l'union harmonieuse des contraires ou agent thérapeutique fondamental au cœur de la psyché, il devait dès lors être entaché d'une ombre terrifiante (le Satan ou coté maléfique et inconscient du Créateur) pour punir si injustement l'un de ses plus important sujet.

    Pierre Trigano refait le match à l'aune de l'analyse des rêves et du vécu de l'analyste zurichois et le constat est sans appel : Jung a confondu le Soi et l'archétype masculin en inflation. Manipulé par son inconscient il a projeté son complexe de toute puissance pendant l'écriture de son livre ! Sa saillie envers dieu n'était en sus ni documentée ni érudite (il n'avait pour seul bagage que son héritage protestant traditionnel)

    Le Soi ne travaille, selon lui, qu'à l'ouverture pour aider à se différencier de ce masculin en inflation (ce "moi-seul") depuis l'origine de l'humanité, en créant de la conscience, quitte à activer le « Satan" ( c'est la fonction antéchrist du Soi) mais « pour la guérison du sujet et pour la victoire, la résurrection de la vie en lui". Et cette guérison passe par l'ouverture à l'archétype de la féminité qui est "interrelation, amour, humanité véritable".

     

    Jung lâchera néanmoins prise grâce aux conséquences de cette bévue : les nombreuses critiques de théologiens, les décès de sa femme Emma et de sa maîtresse Toni Wolf, et les rêves numineux de « réinitialisation présidée par un archétype féminin restauré, en union heureuse avec le masculin positif". Il peaufinera, ses dernières années, le concept unificateur du Soi et partira apaisé dans l'autre Vie.

     

    Cette thèse de Pierre Trigano sonne plus juste que la « Réponse à Job » qui personnifie un Monsieur dieu pour mieux le sermonner et l’analyser, un projet somme toute assez orgueilleux et prétentieux.

    D'autre part l'auteur est coutumier de la Bible hébraïque et des développements kabbalistiques sur le livre de Job et sa démonstration montre un tout autre visage de la personnalité et de l'épreuve de ce dernier.

    Enfin il a la faculté de nous entrainer dans son interprétation symbolique des rêves en la rattachant à des concepts et problématiques universels, tout en égratignant les analystes du verbe qui « marginalisent les rêves et n'aboutissent qu'à un renforcement de la capacité de maîtrise et de contrôle du moi ».

    Qui ne reconnait pas l'inflation de l'archétype masculin comme une vérité endémique, source de disharmonie sur notre planète ? Pierre Trigano, dans cette trilogie sur Jung, nomme et définit le virus, propose une méthode et un vaccin, dans les pas d'un des pères de la psychanalyse, à ceux qui veulent bien l'entendre.

     

  • Enfanter la lumière

    femmes chamanes – rencontres initiatiques,audrey fella,mama editions,maud sejournant,lorenza garcia,myriam beaugendre,brigitte pietrzak,sandra ingerman,printemps 2020.Après la mystique chrétienne au féminin, Audrey Fella explore dans « femmes chamanes – Rencontres initiatiques" paru chez Mama Éditions, différentes pratiques chamaniques incarnées par six femmes reconnues expertes en leur domaine.

    En quête de réponses personnelles intimes liées à l'enfantement, ce livre parle de l'œuvre au féminin, une épopée universelle qui n'est pas genrée puisqu'il s'agit de libérer la lumière en soi, de se relier à l'être divin que nous sommes en vue de "prier, aimer, rayonner".

    Le lecteur entre dans l'univers de ces six enseignantes-thérapeutes, Maud Sejournant, Lorenza Garcia, Myriam Beaugendre, Brigitte Pietrzak et Sandra Ingerman, et participe avec l'autrice à son initiation chamanique et son ouverture spirituelle jusqu'à une quasi renaissance ou nouvelle vision de paradigme.

    Chacun des six épisodes est suivi d'un long entretien pour mieux cerner la particularité, s'il en est une, du chamanisme au féminin.

    Sans dévoiler l'intégralité de l'enquête, on peut dire que malgré la diversité de ses techniques le chamanisme est un en pratique, laissant alliés et esprits de l'invisible revéler les maux non apparents du patient. Et la guérison du féminin blessé reste un classique pour ces six femmes-médecines , reliquat hérité des dysfonctionnements d’une société patriarcale, d’une culture monothéiste ou d'un conditionnement transgénérationnel.

    A noter néanmoins que pour certaines le christianisme n'est pas incompatible avec la pratique chamanique et permet même un approfondissement ou une régénération de son message.

    Femmes chamanes est un livre important, sur les femmes, écrit par une femme et qui en présente une image positive, renouant avec ses forces, dons ou visions propres pour celles dont le corps est peut-être plus proche de la terre-Mère nourricière, de ses cycles, de la nature et de son sentir.

    Un mot sur l'Esprit ou plutôt les esprits qui décident de la destinée puisqu'on nait chamane. Le projet du livre et son corps semblent avoir pris forme avec l'accord de ces derniers, multipliant les synchronicités et signes, tel un long fleuve tranquille, un flux continu et limpide. Un fruit de l'Amour donc, à mettre entre toutes les mains, pour donner du crédit et du prestige à toutes ces accoucheuses d'âmes, ces passeurs d'autres mondes qui ont la faculté de redonner vie ou énergie à ce qui dort ou demeure latent dans les profondeurs de l'inconscient.

     

  • La grandeur en Soi

    "Ramana est l'Esprit suprême (Paramâtman) qui, sous la forme de la Connaissance, demeure dans la caverne du Coeur (bridaya guyha) de chacun, descendant de Vishnou, et si vous plongez dans le Cœur, l'esprit tout pénétré d'amour et voyez avec l’œil de la sagesse, Cela sera clair pour vous". (p.53)

     

    maharshi-ultime.jpgRamana Maharshi, l'homme, ce géant de la spiritualité, a donné un cap à tout chercheur de vérité : ravissement les yeux grands ouverts, conscience étale de jour comme de nuit ("Seul Je ou pure existence qui seul existe dans les trois états veille, rêve, sommeil, est le Réel"), fusion avec le Soi autrement défini comme Dieu ou le Guru ("le divin n'est pas séparé de vous ni de l'Univers")…avec toujours cette ultime question (c'est le titre du livre) d’investigation de l'Origine de la pensée : « Qui suis-je », afin que «  le mental devienne pur comme le cristal et s'unisse au Soi".

    Ce court traité de questions-réponses n'est qu'un avant goût d'un ouvrage de 1284 stances à valeur d'aphorismes « les paroles du guru" en cours de traduction et à paraitre à nouveau aux éditions Accarias L'Originel.

    Le Soi, que certains n'appréhendent qu'en tâtonnant, par le biais des rêves (je pense aux jungiens) et que d'autres ont payé de leur vie pour l'avoir réalisé et proclamé (« Le Père et moi sommes Un » de Jésus, « Je suis la Vérité » de Hallaj), Maharshi et d'autres éveillés plus modernes l'incarnent même s'ils se souciaient peu de leur corps transitoire ("Dès l'instant où l'ego est abandonné, le Soi resplendit"). Car l'Occident et sa sagesse issue en partie de la tradition monothéiste a créé des murs de séparation avec cette identification au corps-mental qu'il est difficile ou interdit de franchir en conscience. Ne dit-on pas que le Verbe s'est fait chair ou que le Corps-lumière, conscientisé, est Dieu ?

    Nous créons une distance et croyons être séparé de l'être pur, indifférencié, de cet état de conscience lucide , infini, éternel et de toute sagesse alors qu'il n'y a pas de connaissant mais la connaissance seule et que nous sommes déjà réalisés, toujours fondus dans le grand Je.

    Ramana Maharshi, un personnage hors du commun, une œuvre qui questionne et fait mûrir, une invitation à une identité renouvelée, retrouvée, dépassant l'histoire personnelle. Plus qu'un simple serviteur de l'Un, plus qu'une parcelle de la Lumière divine, un saut dans la Source pour une nouvelle et ultime cristallisation.

     

  • Faire des deux l'Un

    La rage de l'égo n'est rien d'autre que son impuissance à être Dieu...le remède est dans l'humilité et la sincérité.

     

    Scribe de Dieu,Jean-Bruno Falguière,Erick Bonnier Editions,Sidi Seïd Hamza,Mars 2020Avec "Scribe de Dieu" paru chez Erick Bonnier Editions, Jean-Bruno Falguière nous offre la quintessence du soufisme Boutchichiya, un courant ésotérique et initiatique de l'Islam.

    Du mental au Cœur de l'être, de l'ombre à la Lumière, de l'orgueil à l'Amour, l'auteur traverse trois étapes liées à trois éveils de conscience dans son parcours et à la rencontre de trois maîtres spirituels, investiguant à chacune d'elle plus de profondeur, de symbolique et d'intériorité.

    La psychanalyse tout d'abord, en tant que patient (pendant 15 ans il "dépollue" son histoire transpersonnelle de toutes ses peurs, fausses croyances, oublis) puis officiant, après la découverte cruciale et l'étude minutieuse de l’œuvre de C.G Jung. Il développe soon sens de l'observation et sa capacité d'empathie.

    La spiritualité ensuite au contact de Luis Ansa pendant 9 ans et la découverte, comme cadeau de départ, de l'évangile selon Thomas, célèbre apocryphe qui ne le quittera plus.

    La religion enfin, au sens d'être relié à la Source, que personnifia le Maître soufi Sidi Seïd Hamza (désormais Sidi Jamal, son fils et successeur), avec ses rendez-vous sacrés que sont le Dhikr, la prière, l'évocation et la contemplation orientée.

     

    Le titre du livre est un hommage à son maître spirituel récemment disparu, qui "gravait les mots de Dieu dans le cœur de ceux qui l'approchaient". Ces mots constituent la grosse partie de l'ouvrage où l'auteur fait siennes les paroles du Maître en nous faisant part de ce qu'il a compris, expérimenté. Il nous ancre dans son cheminement et évoque les prémices d'une transmission en s'éveillant aux murmures de son cœur éveillé.

    "Être en Islam c'est être en toute vérité dans la soumission et l'adoration de Dieu", êtat d'être somme toute assez universel, hors dogme, et qui confine au Mystère de l'humilité ou à la Joie du Serviteur.

    C'est par ce biais et cette forme, incarnés par Sidi Hamza, que J.B Falguière a remplacé le doute dans sa vie par la Certitude de Dieu, un juste retour en Sa patrie pour celui qui, depuis adolescent déjà, avait la "volonté d'éveiller l'Amour compatissant en son cœur... en priant Dieu".

    Pour ce fidèle ami de Jésus, l'"Islam comme le Christ est la révélation de la Lumière du Père".

     

    Longtemps tiraillé dans une quête duelle entre un travail de purification du corps de souffrance ("le moi infantile et apeuré qui conditionne la vie et la voue à un aveuglement définitif" ; "l'outil qui se prend pour le connaissant") et d'ouverture du Cœur aimant ou corps d'Amour ; il finit par transcender ce dilemme en naissant à sa nouvelle identité : la capacité d'aimer et d'accueillir.

    Dès lors il n'a de cesse de développer cette vision du cœur miséricordieux envers l'humanité entière, un regard somme toute assez féminin sur le monde (Il dira même être épousé de son Maître) qui est "le regard de notre origine".

    Bienheureux qui a retrouvé l'équilibre en aimant Tout car tout vient de Dieu, reconsidérant ombre et lumière et leurs nécessaires cohabitations pour mieux se découvrir jet de lumière.

     

  • La vie donnée de Louis Massignon

     

    C'est l'idée fondamentale, d'ailleurs de toute ma vie, depuis 45 ans, lutter pour le Sacré, la parole donnée, le droit d'asile, l'hospitalité sacrée ; toutes choses absentes de la diplomatie internationale ; et des politiques coloniales, qui commettent des sacrilèges à longueur de journée. (p.409)

     

    Manoël Pénicaud,Louis Massignon-le "catholique musulman",Bayard Editions,Février 2020. Une conversion est un acte radical qui ne souffre pas de demi-mesure. Il y a un avant et un après et le sujet conscient du sacré qu'il porte en lui naît nouveau et pleinement soi, postérieurement à sa métanoïa.

    C'est une des lectures plausibles du livre de Manoël Pénicaud sur  Louis Massignon, le « catholique musulman" paru chez Bayard Éditions. Ce volumineux ouvrage agrémenté de photographies et sources inédites (les grandes lignes de sa vie spirituelle et de sa conversion, des archives familiales) présente l'homme qu'il fût sous de multiples facettes (agnostique,militaire, savant, mystique, intellectuel et pèlerin) qui s'interpénètrent par ce prisme de la quête de la foi absolue au Dieu monothéiste.

    Le jeune homme érudit, diplomate, épris du charme Oriental à l'esprit de colon, rendit peu à peu les armes à partir d'une fameuse nuit de printemps 1908 où il fut incardiė par un Feu intérieur d'abord Juge puis Amour inconditionnel, pour ses inflexions passées (relations homosexuelles honteusement vécues, activité de conseiller d’État rarement compatible avec celui d'ami de Dieu).

    Comme racheté par une communauté d'orants vivants ou morts (la communion des saints), il n'aura de cesse de payer sa dette envers cette assemblée d'entremetteurs œuvrant pour son salut et son entrée dans la Vie (religieuse et sacrée).

    Dans un souci de fidélité à l'Hôte divin il fera jusqu'à sa mort (1883-1962) vœu de "substitution, de parole donnée et d'hospitalité sacrée (l'Aman)", avec honneur et loyauté, notamment envers ses frères musulmans, les derniers héritiers mais les plus méprisés de la promesse, mais aussi ses pairs dans le sacerdoce qu'il contribuera à révéler ou vénérer (Charles de Foucauld, Huysmans, Hallaj, quelques femmes stigmatisées, Marie, Abraham…), enfin ses frères de cœur de toutes confessions en ce siècle violent, tumultueux (les deux guerres mondiales, la guerre froide, la constitution de l’État d'Israël, l'indépendance des pays de l'Afrique du Nord...) et préfigurateur de la fin possible des temps.

    Car même s'il voulut très tôt se faire une mentalité arabe et musulmane (au risque de passer pour un traître lors de missions diplomatiques), même si toute sa vie il pensa, écrivit et pria en arabe et qu'il voua sa vie à mieux faire comprendre et aimer cette religion hospitalière qu'est l'Islam, sa crise mystique qui le transfigura à vie (lire les nombreux avis ou ressentis de ceux qui l'approchèrent) le ramena au catholicisme (au sens universel du terme) et à ce cœur vulnéré du Christ souffrant pour l'humanité pècheresse, sorte d'imago Dei.

    Et si la période historique fut propice à de nombreuses conversions (Bloy, Huysmans, Foucauld, Claudel, Maritain…) et au rayonnement christique de la France (sœur ainée de l'église et protectrice des lieux saints) c'est par l'étude de la mystique soufie, en la trajectoire d'Hallaj notamment (véritable crucifié d'Amour par les siens), qu’il comprit la compassion voire la substitution (souffrir à la place ou pour le rachat d'untel connu ou non), à son sens le cœur même de l'être chrétien.

    Fasciné par ces « piliers invisibles qui s'offrent en otage pour racheter les péchés de la société" (les "Abdals" chez les soufis ou saints apotropéens chez les chrétiens) il créera avec Mary Khalîl à Damette la Badaliya (substitution en arabe) afin de prier pour le salut des musulmans non pour les convertir mais les préparer à la réconciliation finale d'avec les autres croyants et au retour eschatologique de Jésus.

    Le livre de l'anthropologue Manoël Pénicaud aborde d'autres aspects du personnage : ses engagements et sa bravoure militaires, ses actions politiques comme universitaire spécialiste du monde arabo-musulman, ses rencontres de catholique engagé avec des personnalités politiques ou religieuses (Mohammed V, Gandhi…), son immense érudition et maîtrise des sciences humaines et sociales, son caractère de scientifique et d'archéologue de la psyché humaine (appliqué à lui-même également)... et il arrive à nous le rendre à chaque fois plus proche et accessible que ne le fut sa pensée, sans tomber dans l'hagiographie.

    Louis Massignon Homme de Dieu sans conteste, pratiquant, fervent, pieux, soucieux du sort de l'humanité et des plus méprisés, engagé pour le salut de certaines âmes avant la sienne, et pourtant du monde et dans le monde pleinement (marié à Marcelle Dansaert avec qui il aura trois enfants, tertiaire franciscain et ordonné prêtre melkite) avec un emploi du temps rempli à ras bord, grand islamologue, penseur, savant, apôtre du dialogue islamo-chrétien, œuvrant pour la "paix dans la justice, synonyme de Royaume de Dieu" sur terre, tout orienté vers la rédemption apocalyptique orchestrée par les élus...

    D'aucuns le disaient prophète, d'autres saints, il avait en tout cas le don de révéler la grandeur de chacun, de lire dans l'âme de ses contemporains et savait s'oublier pour que l'Autre, l'Hôte soit, homme ou Dieu...mais Dieu LUI-même est plus savant !

     

    Il n'y a pas au fond plusieurs œuvres de miséricorde, il n'y en a qu'une, c'est l'hospitalité sacrée, qui fait foi à l'hôte, cet étranger, cet inconnu mystérieux qui est dieu même venant se mettre à notre merci, désarmé. (p.404)