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maurice dantec

  • Une BD qui vire au culte

    Coup de Choeur BD

     

    “Je vois clairement les pensées de mes semblables et leurs émotions surgir de leurs crânes sous forme d'abstractions lumineuses”... C'est l'expérience la plus passionnante et intéressante qu'il m'ait jamais été donné de vivre, aussi grisante, irrationnelle et obsédante qu'un rêve”. (p.36 et 39)


    Dieu est un virtuose synesthésique. Il joue une symphonie démiurgique et nous entendons les couleurs du monde, les formes des galaxies, les émotions de l'univers. Il a créé ce monde de dingues dans une impro sous acide avec une guitare électrique branchée sur un ampli réglé à plein volume”. (p.42)


    ledroit.jpegAvec le troisième œil (acte I-La ville lumière) paru chez Glénat, Olivier Ledroit signe seul un roman graphique initiatique et fantastique, hallucinant et total, mêlant ésotérisme et occultisme, magie et alchimie, métaphysique et eschatologie.
    Mickaël Alphange, le héros de cette BD, est un jeune homme, apprenti vitrailliste, aux perceptions synesthésiques, habitant Paris. Un soir, à l'aide de substances psychédéliques, s'ouvre à jamais son œil spirituel, visionnaire et il perçoit dès lors l'invisible éthérique des êtres, des lieux, des objets, pour le meilleur (un monde lumineux) mais aussi le pire (des entités ou forces ténébreuses).
    Guidé et formé patiemment par ses pairs, il participe à un rite initiatique lors d'une nuit astrologiquement propice, en arpentant la capitale occulte pour renaître, par un processus alchimique, à son corps immortel et divin.
    Il est désormais élu à un destin hors du commun et possesseur d'une lame magique...
    Les références fusent et sont assumées dans cette œuvre graphique hallucinée, Lynch, Carpenter (the thing, invasion Los Angeles) ou encore Kubrick (2001) pour le cinéma fantastique, Herbert (le rêveur de Dune qui doit se réveiller) ou Dantec pour le thriller esoterico-futuriste.
    Olivier Ledroit dépeint aussi comme personne l'époque, ses enjeux, ses dilemmes et sa dimension eschatologique. Il est rare de condenser en si peu de pages un univers en soi, attendu et pressenti par beaucoup, ce qui fait de lui, à l'instar d'un Druillet ou d'un Moebius, un chef de fil artistique de sa génération.

    Ce premier tome est une œuvre crédible qui se suffirait presque à elle-même, empreinte de luminosité aux teintes bleutées. Les visions de Mickaël Alphange détonnent de réalisme, entre onirisme et expérience chamanique. Une réussite et un ovni, comme le fut Blueberry de Kounen à l'époque.

    En bonus, un entretien téléphonique avec Olivier Ledroit (22 min) :


    podcast

     

  • L'exhalaison du féminin

    titane.jpgUn scénario est toujours le reflet d'une époque, d'un imaginaire collectif conscient et inconscient.
    Titane est la naissance d'un mythe, du premier cyborg autogéneré, moitié organique moitié alliage de voiture. Puisque telle est la passion de l'héroïne (la morphique Agathe Rousselle) garçon manqué puis plus tard danseuse aguicheuse qui ne fait qu'un avec une voiture designée feu.
    Une autre de ses passions est de tuer des personnes pour assouvir son appétit dévorant, signe d'une personnalité totalement borderline, écorchée vive.
    Son père biologique quasi absent puis finalement abandonné par la belle, la mettra en
    quête d'un pére de substitution, protecteur et sans jugement (Vincent Lindon bodybuildé sous steroïdes) qui saura préserver sa mue (de garçon déguisé en femme et de femme enceinte en nouveau-né).
    Résumé ainsi le sujet détonne, encore plus à la vue du second film de Julia Ducourneau, Palme d'or 2021, qui hypnotise et marque durablement les esprits par certaines scènes (le plan séquence du Salon auto underground, les danses garçons/fille dans la caserne des pompiers ou encore la naissance du cyborg), lumières, musique, alternance de plans chocs ou drôles.
    Culturellement parlant on est dans un cinéma fantastico-horrifique aux références plutôt américaines (Carpenter/Christine, Cronenberg/Crash, Cameron/alien...) Avec un personnage de roman cyberpunk plutôt dantecquien (Maurice G) ou sorti de l'univers d'une Virginie Despentes, un mix à nouveau comme la fin des genres stéréotypés pour faire advenir une humanité hybride nouvelle, transhumaniste, à la fois androgyne et unifiée. La réalisatrice ne renie pas le caractère religieux messianique de cette naissance quasi virginale (une transformation "huilée" jamais vue à l'écran) pour une humanité assoiffée de sensations fortes.
    Même si dans ce monde apocalyptique et humainement  brutal à souhait, le féminin est bridé, sexualisé à outrance, exacerbé dans sa violence, caché ou dénigré, il irrigue le film presque à chaque plan, dans ses formes et sa matrice.
    Reste à discerner le souffle qui inspire l’œuvre pour faire pencher la balance du côté du coup de génie ou d'une diabolique vision de l'époque...

     
  • Un avis éclairé sur le tabac et l'ayahuasca

    "Dans ce petit livre, nous combinons le savoir indigène et la science, parce que nous pensons qu'ils se complètent et parce que leur juxtaposition met un large éventail d'informations à disposition de ceux qui pourraient s'y intéresser.
    Nous n'encourageons pas les lecteurs à consommer du tabac ou de l'ayahuasca mais à comprendre qu’approcher ces plantes puissantes requiert de la prudence, du respect et de la connaissance.
    "

    Narby.jpgUn petit livre paraît chez Mama éditions à l'initiative de Jérémy Narby, qu'il co-signe avec Rafael Chanchari Pizuri, la caution indigène (médecin et enseignant Ashaninca) sur les "deux plantes enseignantes (que sont) le tabac et l'ayahuasca". Le sous titre du livre est important puisqu'il s'agit de "deux éclairages visionnaires et complémentaires sur les plantes maîtresses".
    Le chamane livre ses connaissances issues de visions ou de récits oraux avec ou sur le tabac et l'ayahuasca, leurs substances/âme et effets sur la psyché ou le corps du patient. Cet entretien retranscrit par Jérémy Narby lui sert de matériau à l'exploration anthropo-scientifique desdites substances.
    Il va convoquer une somme impressionnante d'ouvrages et de thèses récentes en les matières pour essayer d'y voir plus clair sur la nicotine issue du tabac ou sur les éléments intervenant dans la conception de l'ayahuasca à proprement parler. Le résultat est pragmatique, intéressant et non conventionnel, puisqu'il déconseille vivement ( et sans appel) le tabac industriel et son mode de consommation effréné (ainsi que ses dérivés nicotinique comme la vape ou le tabac à priser) et qu'il nuance le rituel ayahuasca à la mode sans avoir de véritables connaissances sur le produit ou le type de médecine pratiquée ( la guérison est opposée à la sorcellerie, l'ayahuasca jaune/ciel à la noire...).
    Il rappelle que ces deux plantes sont maîtresses car puissantes. Je schématise volontairement mais elles ne sauraient livrer leur pleine aide et informations qu'utilisées à bon escient dans tout leur processus de fabrication et dans un esprit bienveillant, ce qui est de plus en plus rare. Les savoirs des deux camps (chamans et chercheurs) mériteraient de s'inter-écouter (malgré des divergences lexicales, les différences ont tendance à s'estomper avec l'avancée des connaissances) pour parfaire l'efficience des plantes-remèdes et causer le moins de nocivité possible. Olivier Chambon appelait déjà de ses vœux à l'époque de "la médecine psychédélique" (2009) une alliance médico-spirituelle (soit amérindienne et occidentale) à visée thérapeutique.
    Même si leur efficacité est démontrée dans un contexte chamanique précis comportant un mode opératoire culturellement admis (anxiété, peurs, traumas...), notre législation et type de société marchande consomme ces produits de manière sauvage ou déritualisée, amenant leur face sombre à s'exprimer (folie, cancer, intoxication...).
    Ce livre est un jalon de plus dans la coopération des savoirs et l'échange des connaissances. Bienheureuse initiative de Jérémy Narby dont le grand retour et espérons livre-clé sera pour 2022 avec un essai tout autant éclairé sur le cannabis.

    Nous avions interrogé l'anthropologue en 2009 (40 min) sur son parcours et ses idées. En l'état, tout était déjà là (en collaboration avec radio Lumières) :

    entretien avec l'anthropologue jeremy Narby.mp3