blogger hit counter

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

juin 2019

  • Yvan AMAR ou l'obligation d'aimer

    En étant frères, vous serez les fils du Père (p.138)

    Yvan Amar,Le Maître des Béatitudes,ALbin Michel,Grandir ensemble,Edition du Relié,Gurdjieff,Arnaud Desjardins,Gilles Farcet,Juin 2019A l'occasion des vingt ans de la disparition d'Yvan Amar (1950-1999), l'actualité de son message ressurgit avec une réédition en poche du Maître des béatitudes (1996) chez Albin Michel (citations de ce livre en gras) et un livre-cd anniversaire Grandir ensemble, compilation et quintessence de son enseignement paru aux éditions du Relié, qu'il fonda de son vivant.

    Comme Arnaud Desjardins, il fut le disciple en Inde d'un éveillé, Chandra Swami, de qui il reçu après quelques années l'autorisation d'enseigner dans le Vaucluse.

    Maillon essentiel de la spiritualité vivante au XXème siècle (né d'un père juif et d'une mère chrétienne) il demeure très présent et vivant dans la mémoire de ses amis, de sa famille et de ceux qui l'ont approché.

     

    Sa conversion fut une ouverture du cœur, habité dès lors par la joie et innervant un regard compatissant. Il aimait instruire par des histoires (Mullah Nasruddin entre autres) et son rire, que l'on entend sur le CD, était fort, enfantin, communicatif et libérateur.

    Il dira être passé d'une incompréhension triste à une incompréhension joyeuse. Pour lui, "ce qu'on réalise, ce n'est pas connaître le mystère mais le devenir soi-même, être l'inconnu, le non-savoir, la mouvance et dans ce regard là dire tout en vérité est le Brahman".

    De fait trois "affirmations-arguments" ont jailli de cet éveil : "Je ne sais pas", "Tout change" et "Tout est le Réel". (p.63)

    Marqué par la personne et le coeur de Jésus, il n'hésite pas à relire et actualiser son message dans le Maîtres des béatitudes, en affirmant que "le monde c'est le royaume livré en pièces détachées et les béatitudes sont le mode d'emploi pour en faire l'assemblage".(p.76)

    Sa relecture traditionnelle du sermon sur la montagne devient un cas pratique de son enseignement qui évoque la conversion, le passage du dehors au dedans, l'entrée dans le Royaume dont parle Jésus.

    Cela demande concrètement un effort conscient pour passer de l'état de victime à celui d'élève responsable. Et il affirmera jusqu'au bout qu'il eut trois maîtres : son guru, Chandra Swami, sa femme Nadège et sa maladie contractée en Inde, preuve qu'il ne se considéra jamais comme assis dans son éveil.

    L'élève selon lui, c'est celui qui est dans l'obligation de conscience (naissance au "je dois"), qui a sacrifié l'idée du bonheur et de l'image de soi idéalisée. C'est aussi celui qui prend le risque d'aimer son prochain, qui doit mettre le royaume au monde, étant lui-même né de la miséricorde.

    Son enseignement toujours en mouvement n'était pas une ascèse ou une voie de renoncement. Plutôt une voie dans le monde, comme le fut celle d'un homme qu'il aimait citer : Monsieur Gurdjieff.Yvan Amar,Le Maître des Béatitudes,ALbin Michel,Grandir ensemble,Edition du Relié,Gurdjieff,Arnaud Desjardins,Gilles Farcet,Juin 2019

    Même si le silence est d'or, le but n'est pas d'arrêter le mental mais que la pensée soit au service de l'intention. L'identité égotique doit être à son sens, transcendée au profit de la conscience planétaire et universelle, reliée. "Le royaume nous apprend l'intimité du "nous" (p.100), ...Il est dans le regard qui voit par Dieu, regard issu d'un cœur qui n'est plus partagé, qui ne sert pas en même temps Dieu et Mamon, la volonté divine et l'intérêt personnel" (p.138).

    Pratiquement et au fur et à mesure de la conversion par l'effort conscient, le doute, la colère et la peur disparaissent, faisant place respectivement à la sagesse, la compassion et la joie cachées.

    C'est donc dans et grâce à la relation consciente qu'une maturation peut advenir. Yvan Amar considérait que nous avions aussi un inconscient extérieur et que par conséquent, tout et chacun est et devient le chemin vers la réunification et l'unité. Grandir ensemble enfin, puisque l'identité messianique est un collectif qui doit faire advenir le Royaume de Dieu annoncé par Jésus.

    Ouvrez l’œil par lequel Dieu se voit (p.174)

     

  • Moment suspendu avec le cirque Eloize

    Cirque Eloise,Montréal,Jérémy Vitupier,Antonin Wicky,César Mispelon,Julius Bitterling,Una Bennett,Cory Marsh,Tuedon Ariri,Andrei Anissimov,Emma Rogers,Philippe Dupuis,Sabrina Halde,Nuits de Fourvière,Juin 2019Le cirque Eloize implanté à Montréal est devenu une institution comme le cirque du soleil.

    Vingt cinq années d'existence et une formule secrète distillée à travers ce dernier spectacle "Hôtel" qui ravive le cœur enfantin de tous les publics aux Nuits de Fourvière (une première au festival).

    "Carpette", "Carpette" ! : tandis qu'un circassien crie à tue-tête, son camarade époussette les marches du Théâtre antique et quelques spectateurs. La pièce n'a pas officiellement encore démarré mais déjà les clowns-majordomes attirent l’œil et font rire aux éclats le public. Il est directement plongé dans l'ambiance d'un hall d’hôtel chic et foutraque qui rappelle le film " Grand Budapest hôtel" de Wes Anderson. L'espace, les interstices, le mobilier (valises, divan, bar, seau, carpette...) sont prétextes à l'expression corporelle, sentimentale (oui, il y a des histoires d'amour...) et surtout poétique...avec un petit grain de folie. Ce qui compte ici n'est pas d'en mettre plein la vue mais de toucher par l'émotion, l'âme du spectateur.

    La compagnie revisite les classiques du cirque que sont le main à main, la corde lisse, les sangles, la jonglerie, la roue Cyr, le mât chinois, la contorsion et le clown en nous racontant une histoire parfois chantée (Sabrina Halde) parfois rythmée musicalement par un DJ ou une bande son moderne, parfois dansée également.

    cirque eloise,montréal,jérémy vitupier,antonin wicky,césar mispelon,julius bitterling,una bennett,cory marsh,tuedon ariri,andrei anissimov,emma rogers,philippe dupuis,sabrina halde,nuits de fourvière,juin 2019L'unité de la troupe est palpable dans les scène collectives mais aussi les solos (qui constituent parfois des duos de clowns, d'acrobates ou de gymnastes), dans une attention bienveillante et une tension paroxystique, ce qui fait sa force et son succès.

    La roue Cyr prise à bras le corps par Cory Marsh, également DJ, est une invention de Daniel Cyr, co-fondateur du cirque en 2003 et la polyvalence des talents est également une marque de fabrique. Les onze artistes-circassiens sont tous musiciens et pratiquent au moins deux autres arts du cirque.

    Les séquences sont équilibrées et mettent chacun en valeur au sein de ce jeune collectif et ceux que l'on retient sont avant tout des personnages, preuve de l'empreinte du théâtre sur cet art populaire mais aussi de sacrés ou gracieux numéros avec des mentions spéciales aux filles : Tuedon Ariri aux sangles, qui suspend le temps par sa présence, Una Bennett à la corde, dont le jeu de jambes subtile nous laisse pantois et Sabrina Halde qui chante superbement, en écho avec la pleine lune incandescante sur Fourvière.

    Le spectacle est déjà fini et voilà que la foi en l'humain, l'amour, les projets collectifs, l'humour, l'attention et l'intention bienveillante se réhausse...

    Saluons ces artistes avec par ordre d'apparition :

    Jérémy Vitupier : Clown, Fil mou, Hula Hoop, Saxophone alto.

    Antonin Wicky : Clown, Cascades, Mât chinois, Hula Hoop, Trompette.

    César Mispelon (le petit homme) : Main à main, Mât chinois, Hula Hoop, Sousaphone.

    Julius Bitterling : Main à main, Hula Hoop, Mât chinois, Saxophone tenor.

    Una Bennett : Corde lisse, Hula Hoop, Mât chinois, Trompette.

    Cory Marsh : Roue Cyr, Mât chinois, Hula Hoop, DJ.

    Tuedon Ariri : Sangles, Contorsion, Hula Hoop, Mât chinois.

    Andrei Anissimov : Main à main, Mât chinois, Hula Hoop, Trombone.

    Emma Rogers : Main à main, Mât chinois, Hula Hoop.

    Philippe Dupuis : Jonglerie, Mât chinois, Hula Hoop, Triangle.

    Sabrina Halde : Chant, Piano, Ukulélé.

     

    @crédit photo : les nuits de Fourvière

  • Gilles Farcet milite pour un centre en l'être

    "La voie est une dynamique par laquelle un être humain s'engage dans un processus alchimique de transformation (énergétique)…Il s'agit de faire émerger un sujet responsable et aimant, capable de participer à la guérison plutôt qu'à la maladie du monde" (p.17)

     

    boussole brouillard.jpgGilles Farcet est un être ouvert, accessible, à l'esprit clair et éclairé. Nous l'avions interrogé pour la sortie de son fulgurant premier roman en connaissant son passé de chercheur de vérité, d’écrivain et d’instructeur spirituel.

    « Une boussole dans le brouillard » paru aux éditions du Relié, combine ces trois aspects de sa personne et constitue de ce fait un livre très personnel, un témoignage qui lui tient à cœur.

     

    L'auteur s'est attelé à « mettre en perspective, clarifier et préciser » des notions et termes à visée spirituelle dont il est coutumier, exercice dans lequel il est crédible et qualifié. Il explicite ce qu'est la voie ou le chemin, le sens du travail sur soi (la sadhana), l’intérêt d'un groupe de travail (la sangha), l'objectif et les bienfaits d'une cristallisation autre qu’ego-centrée mais aussi les différences entre Instructeur, Maître et Libéré vivant, entre la thérapie et la relation au guide spirituel, entre l’expérience et la réalisation ultime (la libération au sens tradition du terme).

    On retrouvera ici également l’évocation de son maître spirituel Arnaud Desjardins, son enseignement et sa lignée (Swamiji Prajnapand) mais aussi ceux du siècle passé, de Yvan Amar, Lee Lozowick à Krishnamurti en passant par Maharshi ou encore Ma Ananda Moyî…ils furent légion.

     

    Gilles Farcet place aussi sa praxis dans la lignée et l'esprit des groupes Gurdjieff dont A.Desjardins consacra dix années de sa vie. On comprend ainsi mieux, dans cette optique, le handicap cuisant dont chacun est nanti (le tyran intérieur) et qui n'est qu'un réflexe, une stratégie de survie pour affronter le monde et son incohérence à vue d'enfant. (L'organe Kundabuffer selon Gurdjieff). On comprend également que l'homme ne peut véritablement agir (et non pas réagir) que sorti de sa mécanicité, ce qui exige la création d' un centre intentionnel.

    Cette cuirasse du petit ego souffrant a besoin de l’œil d'un témoin bienveillant pour cesser d'exercer son emprise possessive et de contrôle sur tous les domaines de la vie et surtout permettre à l’individu nouvellement né d'entrer véritablement en relation au lieu de se sentir séparé. « le but c'est de ne plus fonctionner à partir de l'ego mais du Tout, de l'ensemble incluant l'ego (p.245)…être responsable c'est être en mesure d'aimer (p.248)". Voilà pour la boussole.

     

    Quant au brouillard, à l'heure du net, il s'agit de la nébuleuse new age, du pullulement d’éveillés auto-proclamés promettant le "satori-éclair" ou encore toutes thérapies ou techniques de développement personnel axées sur le renforcement de l'ego, qui ne remplaceront jamais une ascèse éthique, rigoureuse et parfois longue avant d'atteindre une certaine maturité spirituelle, « 100% adulte, libre de papa et maman » (Citation de Swamiji Prajnapand – p.130). L'intérêt d'un instructeur dont la filiation est reconnue c'est qu'il ne se permet pas de jouer impunément avec le vivant. Éthique et techniques avisées sont les signes de son intégrité.

    Car non, rien ne s'obtient sans effort ou implication de sa personne entière et "tout engagement sur la voie est un travail de dénuement où il y plus à perdre qu'à acquérir, notamment l'attachement et l'identification à ses illusions". On pourrait croire que la vie se charge de nous mettre le doigt sur ce qui fait mal en nous, notre traumatisme originel. Mais encore faut-il avoir des yeux aptes à voir, un cœur apte à saisir et d'avoir la volonté d'"extraire un sens de l'épreuve subie", ce qui seul est quasi impossible, à moins d'une grâce divine (l'ouverture de l’œil-témoin ?) ...

     

    Une boussole dans le brouillard est un livre instructif, pensé comme un lexique pratique de la voie mentionnant aussi ses figures de proue. Son mérite est de replacer chacun à sa juste place, sans offenser personne. Tout à chacun y puisera la réponse à ses questionnements et des pistes utiles pour la suite de sa quête. Même si cela n'est pas voulu, un tel exercice peut parfois confiner à l'universel dans le sens ou l'être partage un langage commun.

     

    Nous souhaitions lui poser quelques questions (6,18 et 11 minutes) à partir de ce dernier livre :


    podcast

    podcast

    podcast

     

    « La voie consiste à cesser de chérir des opinions... cesser de m'identifier à mon monde" (p.165)

     

  • Un Requiem incarné

    requiem fragments,wolfgang amadeus mozart,laurence equilbey,yoann bourgeois,hélène carpentier,nathalie perez,eva zaïcik,jonathan abernethy,christian immler,insula orchestra,accentus choeur,guilhem chatir,sonia delbost-henry,nicolas mayet,jean-yves phuong,sarah silverblatt-buser,alexandre tondolo,marie vaudin,sigolène petey,edouard hue,david hanse,bénédicte jolys,les nuits de fourvière,juin 2019

    Lundi de pentecôte sur Fourvière. Il a plu toute la journée mais l'accalmie se présente en soirée et le public venu assister au Requiem (fragments) de Mozart est au rendez-vous.

    Par frilosité des instruments anciens de l'Insula Orchestra on nous annonce qu'ils seront à l'abri des regards, mais le spectacle est ailleurs.

    A la direction musicale, Laurence Equilbey est seule à la manœuvre au milieu d'une fosse pour le coup déserte et sa direction se fera par vidéo projection. Un parterre de chœur s'avance. Ils sont 22 plus 4 solistes, habillés de vêtements simples mais uniformes à dominante bleu, blanc et gris (Sigolène Pétey aux costumes). Ils approchent et entament le mythique Requiem.

    La version qui sera donnée dure peu de temps au total puisque qu'il s'agit de l'originale inachevée par Mozart (pas plus de 25 minutes avec des plages allant de 1 à 5 minutes) et non pas de celle plus connue de son élève.

    Les silences de l’œuvre, part manquante, seront occupés par les 8 danseurs du chorégraphe Yoann Bourgeois. Ceux-ci apparaissent rapidement dans le spectacle, déboulant d'une immense plateforme lisse comme un toboggan. Ils sont comme happés par le vide, le pas de trop qui les emmènent inexorablement vers l'inframonde et ses fosses charriant les morts. Métaphoriquement parlant ils peuvent aussi être vus "comme des larmes (qui) coulent les corps, sur la page noire du destin", selon le scénographe, un mantra entêtant qui ne cessa d'inspirer la création de Yoann Bourgeois pour cette méditation sur la mort.

    requiem fragments,wolfgang amadeus mozart,laurence equilbey,yoann bourgeois,hélène carpentier,nathalie perez,eva zaïcik,jonathan abernethy,christian immler,insula orchestra,accentus choeur,guilhem chatir,sonia delbost-henry,nicolas mayet,jean-yves phuong,sarah silverblatt-buser,alexandre tondolo,marie vaudin,sigolène petey,edouard hue,david hanse,bénédicte jolys,les nuits de fourvière,juin 2019

    Par la suite des tableaux animés se succèdent évoquant des scènes de vie et des petites morts : chutes, entraide, réussites collectives ou individuelles, passions, deuils, efforts...Le tout sous le regard bienveillant d'un chœur maintenant en haut de la structure et qui scrute, tels des anges, les faits et gestes d'une humanité livrée aux épreuves de la vie.

    A la toute fin, ils rejoindront par le même procédé de chute les 8 danseurs pour finir réunis dans un ballet et une ronde joyeuse et unifiante. Et l'on pense inévitablement aux dernières images du film primé Tree of Life de Terrence Malick où, sur une plage, les vivants et les morts se retrouvent pour partager l'amour et les souvenirs communs.

    La bonne idée du spectacle, outre cette rampe géante en tôle ondulée, c'est aussi cette roue giratoire mécanisée au sol, sur différentes vitesses (comme la roue du potier) et qui accentue la mise en mouvement des choristes et danseurs. Ils jouent avec la pesanteur, avancent à différents rythmes, ce qui donne du relief au ballet chorégraphique.

    Laurence Equilbey souhaitait travailler avec le chorégraphe Yoann Bourgeois depuis longtemps. La mise en espace du Requiem fut sa condition "sine qua non". Collaboration réussie puisque la cheffe d'orchestre, lorsqu'elle ne dirige pas avec intensité ses musiciens et choristes, observe avec émerveillement le ballet des danseurs, tel un témoin privilégié. Ainsi en va t'il également des danseurs portés par ce chœur vibrant des notes célestes de Wolfgang Amadeus.

    Qui est vivant, qui est mort ? Qu'est-ce que la vie, quel est son sens ? Y a t-il une survie et si oui de quoi ? Autant de questionnements en suspens dans cette œuvre singulière, hybride, où rien n'est jamais figé.

    Crédit photo : Les nuits de Fourvière