En étant frères, vous serez les fils du Père (p.138)
A l'occasion des vingt ans de la disparition d'Yvan Amar (1950-1999), l'actualité de son message ressurgit avec une réédition en poche du Maître des béatitudes (1996) chez Albin Michel (citations de ce livre en gras) et un livre-cd anniversaire Grandir ensemble, compilation et quintessence de son enseignement paru aux éditions du Relié, qu'il fonda de son vivant.
Comme Arnaud Desjardins, il fut le disciple en Inde d'un éveillé, Chandra Swami, de qui il reçu après quelques années l'autorisation d'enseigner dans le Vaucluse.
Maillon essentiel de la spiritualité vivante au XXème siècle (né d'un père juif et d'une mère chrétienne) il demeure très présent et vivant dans la mémoire de ses amis, de sa famille et de ceux qui l'ont approché.
Sa conversion fut une ouverture du cœur, habité dès lors par la joie et innervant un regard compatissant. Il aimait instruire par des histoires (Mullah Nasruddin entre autres) et son rire, que l'on entend sur le CD, était fort, enfantin, communicatif et libérateur.
Il dira être passé d'une incompréhension triste à une incompréhension joyeuse. Pour lui, "ce qu'on réalise, ce n'est pas connaître le mystère mais le devenir soi-même, être l'inconnu, le non-savoir, la mouvance et dans ce regard là dire tout en vérité est le Brahman".
De fait trois "affirmations-arguments" ont jailli de cet éveil : "Je ne sais pas", "Tout change" et "Tout est le Réel". (p.63)
Marqué par la personne et le coeur de Jésus, il n'hésite pas à relire et actualiser son message dans le Maîtres des béatitudes, en affirmant que "le monde c'est le royaume livré en pièces détachées et les béatitudes sont le mode d'emploi pour en faire l'assemblage".(p.76)
Sa relecture traditionnelle du sermon sur la montagne devient un cas pratique de son enseignement qui évoque la conversion, le passage du dehors au dedans, l'entrée dans le Royaume dont parle Jésus.
Cela demande concrètement un effort conscient pour passer de l'état de victime à celui d'élève responsable. Et il affirmera jusqu'au bout qu'il eut trois maîtres : son guru, Chandra Swami, sa femme Nadège et sa maladie contractée en Inde, preuve qu'il ne se considéra jamais comme assis dans son éveil.
L'élève selon lui, c'est celui qui est dans l'obligation de conscience (naissance au "je dois"), qui a sacrifié l'idée du bonheur et de l'image de soi idéalisée. C'est aussi celui qui prend le risque d'aimer son prochain, qui doit mettre le royaume au monde, étant lui-même né de la miséricorde.
Son enseignement toujours en mouvement n'était pas une ascèse ou une voie de renoncement. Plutôt une voie dans le monde, comme le fut celle d'un homme qu'il aimait citer : Monsieur Gurdjieff.
Même si le silence est d'or, le but n'est pas d'arrêter le mental mais que la pensée soit au service de l'intention. L'identité égotique doit être à son sens, transcendée au profit de la conscience planétaire et universelle, reliée. "Le royaume nous apprend l'intimité du "nous" (p.100), ...Il est dans le regard qui voit par Dieu, regard issu d'un cœur qui n'est plus partagé, qui ne sert pas en même temps Dieu et Mamon, la volonté divine et l'intérêt personnel" (p.138).
Pratiquement et au fur et à mesure de la conversion par l'effort conscient, le doute, la colère et la peur disparaissent, faisant place respectivement à la sagesse, la compassion et la joie cachées.
C'est donc dans et grâce à la relation consciente qu'une maturation peut advenir. Yvan Amar considérait que nous avions aussi un inconscient extérieur et que par conséquent, tout et chacun est et devient le chemin vers la réunification et l'unité. Grandir ensemble enfin, puisque l'identité messianique est un collectif qui doit faire advenir le Royaume de Dieu annoncé par Jésus.
Ouvrez l’œil par lequel Dieu se voit (p.174)