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octobre 2019

  • The Leftovers décryptée

    Série singulière et originale, The Leftovers nous prend parfois plus par l'émotion que par la raison. Cette dernière semble comme court-circuitée devant l'absurde ou l'etrangeté de situations et les personnages eux-mêmes ne comprennent pas toujours le monde désenchanté et mystérieux dans lequel ils évoluent...

    tle leftovers le troisième côté du miroir,sarah hatchuel,pacôme thiellement,playlist society,lost,damon lindelof,tom perrotta,octobre 2019Le livre de Sarah Hatchuel et Pacôme Thiellement sur The Leftovers (le troisième côté du miroir paru chez Playlist Society) présente quelques pistes de réflexion et clés d'interprétation de la série HBO qui comprend trois saisons (2014-2017) , tout en nous explicitant quelques symboles ou références.

    On y parle en effet aussi beaucoup d'une autre série, Lost, dont Damon Lindelof fût aussi le "showrunner" (sorte d'auteur-producteur, de responsable du suivi quotidien de la série, de sa cohérence), qui dura elle 6 ans et frustra nombreux téléspectateurs, restant sans véritables réponses aux énigmes à la fin.

    Dans la continuité et la disruption, The Leftovers met clairement en scène "la fin de l'humanité mais surtout le déni des êtres humains devant l'extinction du vivant, dont ils sont eux-mêmes responsables", soit une ère anthropocène.

    On se trouve face à une œuvre de créateur, inspirée d'un roman de Tom Perrotta, qui questionne également, selon les auteurs, l'offre télévisuelle et sa capacité à guider ou donner des clés pour s'orienter dans des périodes délicates de la vie (le biocide, le deuil, une période anxiogène...).

    Concrètement le 14 Octobre 2011, 2% de la population humaine disparaît. Seule une ville est épargnée, Jarden (dans laquelle se situera la seconde saison) et l'on suit la réadaptation de quelques personnages dont le destin est scellé, dans une Amérique groggy cherchant un sens à cette vie de rescapés.

    Le leitmotiv au piano comme le scénario original ne sont pas franchement gais mais les auteurs de la série ont choisi le réalisme et s'adressent aux adultes que nous sommes et à qui on demande de cesser de s'illusionner sur le monde, une sorte de responsabilisation et de conscience en éveil à acquérir. La série pose aussi un questionnement sur le mode d'emploi apparent de la vie qui vole en éclat lors d'un accident imprévisible. Dès lors à quoi se raccrocher si ce n'est à l'essentiel, qui constitue le fondement même de l'humanité : la relation et les gestes du quotidien.

    Les conclusions des deux auteurs se rejoignent sur ce fond après nous avoir emmené dans un formidable voyage et jeu de pistes philosophiques, religieuses et culturelles. Pour Pacôme Thiellement, d'appétence gnostique, les œuvres de la pop culture (des Beatles à Twin peaks) sèment autant de signes de l'existence d'une divinité intérieure à retrouver, ici et maintenant, pour illuminer sa vie.

    Pour Sarah Hatchuel, malgré les signes apocalyptiques, nous ne devons pas nous appesantir ou nous morfondre mais prendre sa vie en main et sauver le monde à notre niveau, accompagné en cela de jalons culturels.

    The leftovers, le troisième côté du miroir, est une réflexion à deux voix, prolifique et à bride abattue, sur cette série auréolée de grâce où plutôt sur l'esprit truculent et énigmatique de son showrunner Damon Lindelof.

     

  • L'Islam naissant et les liens du sang.

    Hela Ouardi,Les califes maudits 2,à l'ombre des sabres,Abu Bakr,premier calife,Khalid Ibn Al Walid,Tradition,Zakat,apostasie,conquêtes,Albin michel,Octobre 2019L’Islam naissant est un âge d'or fantasmé. Les djihadistes d'aujourd'hui puisent leurs idéaux dans ce terreau sanglant (Le Prophète Muhammad disait « le paradis se trouve à l'ombre des sabres") et morbide (« des croyants qui aiment la mort autant que vous aimez la vie" dixit Khalid sur le champ de bataille) de l'islamisation de la péninsule arabique et des premières conquêtes en Irak et Syrie. Hela Ouardi possède une grande force de conviction et poursuit une démonstration radicale basée sur la tradition dans ce second volume (sur 5) des Califes maudits, A l'ombre des sabres, paru chez Albin Michel.

    Ce deuxième tome dresse une liste impressionnante de Noms, sans doute pour rester au plus près des faits et déroule un récit historique minutieux des premières mesures de l'Islam politico-religieux, dont l'extermination de musulmans ou le report de la recension du Coran. On pourrait reprocher à l'autrice de nous orienter dans ses conclusions mais depuis quelques années les recherches historiques abondent en son sens (Mohammad Ali Amir-Moezzi, Jacqueline Chabbi...) sur certains points.

    On apprend que les premiers mois du règne d'Abu Bakr, de son vrai nom Abd Allah Ibn Uthman sont marqués par des apostasies et l'apparition de faux prophètes (Masaylina Ibn Habib, Sajah...) se revendiquant inspirés et aspirant au pouvoir. Sont également déniés à ce dernier la stature de premier calife ou tout simplement sa légitimité sur le sol arabe (Il est parfois moqué car son surnom Bakr évoque la chamelle). Autorité, légitimité et même inspiration sont guettées par tout à chacun pour suivre la phase expansive de cette religion apparue avec le Prophète arabe. L'adhésion est à ce prix et les victoires de l'armée ne sont pas sans rappeler celles des hébreux, quand Dieu-la Nuée, Yahvé le Dieu des armées, était avec eux...

     

    Durant les deux années de son règne (il meurt vraisemblablement empoisonné à 63 ans), parfois éclairé par l'avis de Umar (futur second calife abordé dans le troisième tome de la série) et aidé de son bras armé Khalid Ibn Al Walid (le glaive dégainé de Dieu d'après Muhammad vivant) , il va faire régner l'ordre et l'obéissance à nouveau et imposer l'Islam et son 5eme pilier, la zakat, à une communauté grandissante hors de ses frontières géographiques.

    Dans les premiers temps de l'expansion on s'intéresse peu au Coran dans les faits mais plus à l'argent récolté sous trois formes : la zakat pour les convertis, la jizya, un impôt de capitulation, pour ceux qui abjurent et le butin (argent, femmes, animaux) de guerre dont le cinquième revient à Médine, chef lieu du commandement.

    Il faut dire que les compagnons du Prophète sont présents en tant que livres vivants et une recension aura lieu déjà du vivant d'Abu Bakr (dont ne subsiste bizarrement aucune trace…) par peur de les voir tous disparaitre au combat.

    Dans ces guerres de clans les comportements des uns et des autres sont rarement exemplaires (le plus intègre dans l'affaire reste peut-être Abou Bakr), souvent la conséquence de cœurs dévoyés (jalousie, envie, meurtre, rage...) et parfois en désaccord avec la Révélation même (notamment et toujours le traitement des femmes ou le sort réservé aux prisonniers de guerre).

     

    La Tradition sunnite fera d'Abu Bakr, au départ récalcitrant, le prophète de l'apostasie (Nabyy Al Ridda) sorte de reinventeur de la religion naissante et mythifia presque Khalid Ibn Al Walid, son commandeur des armées, alors qu'il fût dans les faits, plus proche du boucher sanguinaire (même s'il fût fin stratège) et du goujat. L'unité se fait en surface mais draine dans ses rangs beaucoup de peurs, de doutes et de sang, comme dans toute histoire de religion. Et l'on comprend mieux ici l'importance dans cette dernière religion révélée, des liens du sang.

     

  • Une psychanalyse augmentée

     

    Notre conscience est plus vaste que nous le pensons.

    De nombreuses écoles de pensées ou techniques spirituelles et scientifiques émergent et convergent ces dernières années sur ce fait.

    Raviver les mémoires utérines (car le bébé naît avec une mémoire) par des postures appropriées ou des ouvertures de conscience (par la transe chamanique, une technique de respiration ou la prise de substances enthéogènes) fait par exemple partie d'une mouvance actuelle. Il y a trente ans c'était le souvenir des vies antérieures...

    Mais aussi large que soit la conscience, on ne peut s'éviter de panser cette existence, les blessures de l'égo ou les maux de l'âme, qu'ils soient d'ordre familiaux ou professionnels.

     

    martine Gercault.jpegMartine Gercault, psychanalyste de formation (de l'école freudienne) fait partie de ces thérapeutes qui ont senti le besoin à un moment donné, de sortir des carcans du prêt à penser et du "manque de sensibilité, tact ou empathie de l'analyste, souvent responsable de l'échec thérapeutique".

    Empêtrée dans une histoire familiale douloureuse et des aventures violentes à répétition, elle décide de franchir le pas un fameux jour de rencontre avec la technique de respiration holotropique de Stanislav Grof. A ce moment "elle donnait le jour à la femme en elle réanimée, la nomade, dont la terre nourricière se nomme féminité...".

    S'ensuivit une aventure et des voyages (au sens propre comme figuré) dans la sphère des thérapies intégratives et transpersonnelles, incluant le rituel chamanique de feu Michael Harner et Sandra Ingerman.

    C'est de toutes ces rencontres et états non ordinaires de conscience (et de leur potentiel de guérison) que relate "Une psy parle aux esprits", paru chez Mama Éditions.

    C'est également et surtout le livre d'une recréation originale de soi-même et de la relation interpersonnelle, puisque l'autrice l'avait bien compris au début de sa quête de sacré, "une dimension autre se fait jour (dans la relation avec le patient), celle d'un avenir incertain, friable et activateur d'une déstabilisation individuelle et collective", où il s'agit désormais de "danser avec le chaos tout en respectant notre humanité". Ces approches parallèles prennent en compte l'aspect multidimensionnel de l'être humain et redonnent au praticien ses lettres de noblesse (de thérapeute-guérisseur), dans une intégration psyché-âme.

     

    Même si elle tient à ancrer sa démarche dans les pas de ses pairs (Freud évidemment, Ferenczi ou même Jung pour sa théorie de l'Inconscient collectif) comme caution et fidélité aux pères (dont le sien), Martine Gercault peut désormais se définir avec une identité beaucoup plus ouverte et féminine qu'auparavant ("Peu à peu, à travers la méditation, la danse, la peinture, le yoga, le jeu, le chamanisme et l'acceptation des désirs miens, une nouvelle femme naquit, dans sa pluralité"), se prévaloir d'avoir rencontré des pionniers (et peut-être futurs grands noms) de la conscience modifiée et jouir d'un statut de précurseur dans son domaine comme Olivier Chambon, également psychiatre ou d'autres ponts entre plusieurs disciplines ou approches, dont la Francophonie n'est pas en reste (Jan Kounen, Laurent Huguelit, Jeremy Narby, Romuald Leterrier...).

    Dans cette spiritualité explorée par choix, l'autrice évoque souvent la métaphore de la graine qui pousse et qui pour le coup devient un bel arbre au tronc solide (la psychanalyse) et aux branches étoffées (les techniques et disciplines transpersonnelles), avec des racines religieuses certes présentes mais presque reléguées au second plan. L'écriture est riche mais parfois décousue et l'on aurait aimé plus de liant, de fil conducteur, de sève...tout ce qui constitue somme toute les traces de l'Un visible.

     

  • La voix(e) de la forêt-Mère

    mere2.jpegMère est un bon gros livre qui vous accompagne quelques jours avec plaisir. C'est l'histoire d'une apocalypse au sens de dévoilement. Dévoilement du cœur dévoyé des hommes d'après l'esprit de la forêt et dévoilement de Laurent Huguelit, l'auteur et scribe, dans son intimité personnelle et professionnelle, aussi loin que ses souvenirs le portent.

    Qui mieux qu'un chamane en effet saurait entendre et retranscrire l'enseignement ou plutôt le message de la foret amazonienne qui est sans doute la mère mythologique et ontologique de l'humanité, l'ancêtre racine. La description de la médecine indigène (diète, ivresse et purge) explicite les conditions de réception de ces bribes de sagesse ainsi que le nécessaire équilibre des chamanes pour rester sain de cœur et d'esprit.

    Le livre aurait pu s'appeler le cœur du chamane s'il ne nous mettait en garde sur la distance qui nous sépare de son univers mental sain.

    Et l'on découvre l’ascèse, la minutie préparatoire et la clarté lumineuse de ces êtres portés il n'y a pas si longtemps aux gémonies. Qui est fou ? Celui qui purifie son cœur à souhait ou celui coupé de ses racines, le cœur ensanglanté, en souffrance, qui ne fait que projeter sur autrui son mal être biologique.

     

    Mère est aussi un livre pratique qui ne fait pas que dresser un constat à savoir "les intentions sont bonnes mais le cœur n'est pas pur". Il propose une voie, une praxis pour retrouver le chemin de la clarté intérieure qui est celui d'un cœur rayonnant et cela passe par un travail d'attention à soi (sensibilité, équanimité, réflexivité et compassion) et de rétablissement de l'intégrité de l'espace sacré du cœur.

    Ce nécessaire travail de purification du cœur n'est pas nouveau mais la méthode indigène l'est, à base de diète, de chants (les icaros) et de comptes rendus (au sens littéral du vomissement), le tout en pleine immersion dans l'atmosphère moite et exotique d'une maloca (sorte de village thérapeutique ou chacun médite esseulé au sein de la foret) . De quoi laisser le charme agir pour ceux prêt à tenter l'aventure.

    Pour les autres, multiples sont les chemins, pourvu qu'ils aient du cœur, car ce sont ses blessures qui amènent in fine au biocide qui s'avère être en fait un matricide.

    Ce qu'il faut retenir c'est que nous sommes aussi symboliquement des arbres contenant une parcelle de l’arbre ancestral et l'autre n'est qu'un reflet de soi-même à qui parfois l'on inflige le pire des cauchemars. Saurons-nous donc nous sauver nous-même de l'autodestruction, telle est la question ? D'autant que "le pardon est la mère de toutes les purges" mais que l'orgueil est son frein…qui saurait vraiment être à l'écoute donc, et en capacité de dépassement de la nature humaine , une expérience quasi extatique ? Un petit nombre certes mais saura t-il contaminer toute la planète ? Puisse l'avenir le démontrer...