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Choeur - Page 69

  • Faire des deux l'Un

    La rage de l'égo n'est rien d'autre que son impuissance à être Dieu...le remède est dans l'humilité et la sincérité.

     

    Scribe de Dieu,Jean-Bruno Falguière,Erick Bonnier Editions,Sidi Seïd Hamza,Mars 2020Avec "Scribe de Dieu" paru chez Erick Bonnier Editions, Jean-Bruno Falguière nous offre la quintessence du soufisme Boutchichiya, un courant ésotérique et initiatique de l'Islam.

    Du mental au Cœur de l'être, de l'ombre à la Lumière, de l'orgueil à l'Amour, l'auteur traverse trois étapes liées à trois éveils de conscience dans son parcours et à la rencontre de trois maîtres spirituels, investiguant à chacune d'elle plus de profondeur, de symbolique et d'intériorité.

    La psychanalyse tout d'abord, en tant que patient (pendant 15 ans il "dépollue" son histoire transpersonnelle de toutes ses peurs, fausses croyances, oublis) puis officiant, après la découverte cruciale et l'étude minutieuse de l’œuvre de C.G Jung. Il développe soon sens de l'observation et sa capacité d'empathie.

    La spiritualité ensuite au contact de Luis Ansa pendant 9 ans et la découverte, comme cadeau de départ, de l'évangile selon Thomas, célèbre apocryphe qui ne le quittera plus.

    La religion enfin, au sens d'être relié à la Source, que personnifia le Maître soufi Sidi Seïd Hamza (désormais Sidi Jamal, son fils et successeur), avec ses rendez-vous sacrés que sont le Dhikr, la prière, l'évocation et la contemplation orientée.

     

    Le titre du livre est un hommage à son maître spirituel récemment disparu, qui "gravait les mots de Dieu dans le cœur de ceux qui l'approchaient". Ces mots constituent la grosse partie de l'ouvrage où l'auteur fait siennes les paroles du Maître en nous faisant part de ce qu'il a compris, expérimenté. Il nous ancre dans son cheminement et évoque les prémices d'une transmission en s'éveillant aux murmures de son cœur éveillé.

    "Être en Islam c'est être en toute vérité dans la soumission et l'adoration de Dieu", êtat d'être somme toute assez universel, hors dogme, et qui confine au Mystère de l'humilité ou à la Joie du Serviteur.

    C'est par ce biais et cette forme, incarnés par Sidi Hamza, que J.B Falguière a remplacé le doute dans sa vie par la Certitude de Dieu, un juste retour en Sa patrie pour celui qui, depuis adolescent déjà, avait la "volonté d'éveiller l'Amour compatissant en son cœur... en priant Dieu".

    Pour ce fidèle ami de Jésus, l'"Islam comme le Christ est la révélation de la Lumière du Père".

     

    Longtemps tiraillé dans une quête duelle entre un travail de purification du corps de souffrance ("le moi infantile et apeuré qui conditionne la vie et la voue à un aveuglement définitif" ; "l'outil qui se prend pour le connaissant") et d'ouverture du Cœur aimant ou corps d'Amour ; il finit par transcender ce dilemme en naissant à sa nouvelle identité : la capacité d'aimer et d'accueillir.

    Dès lors il n'a de cesse de développer cette vision du cœur miséricordieux envers l'humanité entière, un regard somme toute assez féminin sur le monde (Il dira même être épousé de son Maître) qui est "le regard de notre origine".

    Bienheureux qui a retrouvé l'équilibre en aimant Tout car tout vient de Dieu, reconsidérant ombre et lumière et leurs nécessaires cohabitations pour mieux se découvrir jet de lumière.

     

  • La vie donnée de Louis Massignon

     

    C'est l'idée fondamentale, d'ailleurs de toute ma vie, depuis 45 ans, lutter pour le Sacré, la parole donnée, le droit d'asile, l'hospitalité sacrée ; toutes choses absentes de la diplomatie internationale ; et des politiques coloniales, qui commettent des sacrilèges à longueur de journée. (p.409)

     

    Manoël Pénicaud,Louis Massignon-le "catholique musulman",Bayard Editions,Février 2020. Une conversion est un acte radical qui ne souffre pas de demi-mesure. Il y a un avant et un après et le sujet conscient du sacré qu'il porte en lui naît nouveau et pleinement soi, postérieurement à sa métanoïa.

    C'est une des lectures plausibles du livre de Manoël Pénicaud sur  Louis Massignon, le « catholique musulman" paru chez Bayard Éditions. Ce volumineux ouvrage agrémenté de photographies et sources inédites (les grandes lignes de sa vie spirituelle et de sa conversion, des archives familiales) présente l'homme qu'il fût sous de multiples facettes (agnostique,militaire, savant, mystique, intellectuel et pèlerin) qui s'interpénètrent par ce prisme de la quête de la foi absolue au Dieu monothéiste.

    Le jeune homme érudit, diplomate, épris du charme Oriental à l'esprit de colon, rendit peu à peu les armes à partir d'une fameuse nuit de printemps 1908 où il fut incardiė par un Feu intérieur d'abord Juge puis Amour inconditionnel, pour ses inflexions passées (relations homosexuelles honteusement vécues, activité de conseiller d’État rarement compatible avec celui d'ami de Dieu).

    Comme racheté par une communauté d'orants vivants ou morts (la communion des saints), il n'aura de cesse de payer sa dette envers cette assemblée d'entremetteurs œuvrant pour son salut et son entrée dans la Vie (religieuse et sacrée).

    Dans un souci de fidélité à l'Hôte divin il fera jusqu'à sa mort (1883-1962) vœu de "substitution, de parole donnée et d'hospitalité sacrée (l'Aman)", avec honneur et loyauté, notamment envers ses frères musulmans, les derniers héritiers mais les plus méprisés de la promesse, mais aussi ses pairs dans le sacerdoce qu'il contribuera à révéler ou vénérer (Charles de Foucauld, Huysmans, Hallaj, quelques femmes stigmatisées, Marie, Abraham…), enfin ses frères de cœur de toutes confessions en ce siècle violent, tumultueux (les deux guerres mondiales, la guerre froide, la constitution de l’État d'Israël, l'indépendance des pays de l'Afrique du Nord...) et préfigurateur de la fin possible des temps.

    Car même s'il voulut très tôt se faire une mentalité arabe et musulmane (au risque de passer pour un traître lors de missions diplomatiques), même si toute sa vie il pensa, écrivit et pria en arabe et qu'il voua sa vie à mieux faire comprendre et aimer cette religion hospitalière qu'est l'Islam, sa crise mystique qui le transfigura à vie (lire les nombreux avis ou ressentis de ceux qui l'approchèrent) le ramena au catholicisme (au sens universel du terme) et à ce cœur vulnéré du Christ souffrant pour l'humanité pècheresse, sorte d'imago Dei.

    Et si la période historique fut propice à de nombreuses conversions (Bloy, Huysmans, Foucauld, Claudel, Maritain…) et au rayonnement christique de la France (sœur ainée de l'église et protectrice des lieux saints) c'est par l'étude de la mystique soufie, en la trajectoire d'Hallaj notamment (véritable crucifié d'Amour par les siens), qu’il comprit la compassion voire la substitution (souffrir à la place ou pour le rachat d'untel connu ou non), à son sens le cœur même de l'être chrétien.

    Fasciné par ces « piliers invisibles qui s'offrent en otage pour racheter les péchés de la société" (les "Abdals" chez les soufis ou saints apotropéens chez les chrétiens) il créera avec Mary Khalîl à Damette la Badaliya (substitution en arabe) afin de prier pour le salut des musulmans non pour les convertir mais les préparer à la réconciliation finale d'avec les autres croyants et au retour eschatologique de Jésus.

    Le livre de l'anthropologue Manoël Pénicaud aborde d'autres aspects du personnage : ses engagements et sa bravoure militaires, ses actions politiques comme universitaire spécialiste du monde arabo-musulman, ses rencontres de catholique engagé avec des personnalités politiques ou religieuses (Mohammed V, Gandhi…), son immense érudition et maîtrise des sciences humaines et sociales, son caractère de scientifique et d'archéologue de la psyché humaine (appliqué à lui-même également)... et il arrive à nous le rendre à chaque fois plus proche et accessible que ne le fut sa pensée, sans tomber dans l'hagiographie.

    Louis Massignon Homme de Dieu sans conteste, pratiquant, fervent, pieux, soucieux du sort de l'humanité et des plus méprisés, engagé pour le salut de certaines âmes avant la sienne, et pourtant du monde et dans le monde pleinement (marié à Marcelle Dansaert avec qui il aura trois enfants, tertiaire franciscain et ordonné prêtre melkite) avec un emploi du temps rempli à ras bord, grand islamologue, penseur, savant, apôtre du dialogue islamo-chrétien, œuvrant pour la "paix dans la justice, synonyme de Royaume de Dieu" sur terre, tout orienté vers la rédemption apocalyptique orchestrée par les élus...

    D'aucuns le disaient prophète, d'autres saints, il avait en tout cas le don de révéler la grandeur de chacun, de lire dans l'âme de ses contemporains et savait s'oublier pour que l'Autre, l'Hôte soit, homme ou Dieu...mais Dieu LUI-même est plus savant !

     

    Il n'y a pas au fond plusieurs œuvres de miséricorde, il n'y en a qu'une, c'est l'hospitalité sacrée, qui fait foi à l'hôte, cet étranger, cet inconnu mystérieux qui est dieu même venant se mettre à notre merci, désarmé. (p.404)

     

  • Mariammé, un évangile pratique

    D'ici, tu deviens invisible car ton corps n'a plus à exister.

    Simplement, Conscience.

    L'OEIL (p.235)

     

    Mariammé,Laurence de Bourbon-Parme,Anne Soupa,Massot Editions,Février 2020Moi, Mariammé (amante de la lumière en égyptien) est un livre d'enseignement authentique, dans la lignée des enseignements traditionnels, avec une inflexion gnostique.

    Il insiste sur la connaissance de soi illuminatrice, fruit d'un cheminement intérieur de longue haleine, pour parvenir à la stature d'"Homme ou de Femme sacré(e)" où "Lumière et Amour en soi ne font plus qu'Un".

    L'autrice Laurence de Bourbon-Parme ne se présente pas comme un scribe où l'œuvre l'emporterait comme dans les « dialogues avec l'ange", mais plutôt comme une personne connectée à la Source, un « simplet en conscience» qui retranscrirait un message à partir du silence. Silence qui ne s'obtient, soit dit en passant, que par un travail de purification du mental et d’assainissement des peurs, conditionnements, croyances, mémoires inhérentes à son fonctionnement.

    L'ambition affichée pour celle qui annonce vivre dans la présence du Christ ou de Marie-Madeleine depuis l'enfance, n'est ni plus ni moins que de proposer un « évangile qui soit le livre de l'humanité » avec pour caution (la préface) Anne Soupa, théologienne et bibliste féministe . Mais si le livre répond aux principales questions existentielles de l'incarnation (expérimenter l'Amour, mettre de la lumière dans la matière, vivre dans l'instant, conscientiser l'ombre), il flirte parfois avec la frontière du développement personnel quand il s'agit de la mise en pratique concrète et sans instructeur spirituel. Néanmoins dans cet ouvrage, la tradition rejoint la religion et les deux voies apparaissent moins antinomiques que complémentaires avec un nouvel éclairage intérieur plus moderne de certains termes comme prier, parvenir à l'état christique ou encore pardonner. Un glossaire vient par ailleurs expliciter la nouveauté du message.

    Pour ce qui est de l'Histoire à proprement parler biblique, Jésus (la Lumière incarnée) aurait formé un couple sacré avec sa femme, Marie-Madeleine (l'Amour incarné), chacun étant relié à la Source, l'immensité infinie. Le Christ représente symboliquement l'expérience ultime qui, par sa mort, transcenda le corps de matière en corps de lumière du ressuscité, un juste retour à l’unité, la complétude, l'équilibre des contraires.

    L'enseignement fraîchement délivré par Mariammé (L'autrice et disciple de l'évangile de Marie) est un rappel de notre nature lumineuse que l'identification à la chair et au corps mental ternit jusqu'à l'oubli.

    Un fil d'or nous relie à l'Origine où l'Amour se donne et quand nous cessons d'y être ouvert c'est le bourreau en nous que nous alimentons, l'ombre que nous vénérons et faisons exister (Lucifer) . Le sens du travail est dans l'observation sans jugement, à une époque où s'ouvre la conscience dans l'esprit et le cœur des hommes", et la reconsidération des épreuves difficiles ou personnes désobligeantes comme faisant partie d'un Plan pour l'élévation personnelle.

    Dans cette tâche nous sommes aidés (par l'esprit saint ou paraclet), nous sommes aimés, nous pouvons nous souvenir de notre grandeur et potentiel quasi divin, porteurs d'univers et de conscience illuminative.

     

  • Life on Mars

    Martiens Martiennes,Ray Bradbury,Laurent Fréchuret,Théâtre de l'incendie,Moritz Eggert,Gilles Dumoulin,scenocosme,Gregory Lasserre,Anaïs Met Den Ancxt,Claudine Charreyre,Mychel Lecoq,Sylvie Aubelle,Renaud Cholewa,Jeremy Daillet,Lara Oyedepo,François Chattot,Bob Lipman,Opera de saint-Etienne, Comedie de Saint-Etienne,Février 2020Ylla est une des 30 nouvelles des chroniques martiennes de Ray Bradbury qui avait beaucoup marqué Laurent Fréchuret adolescent.

    Après le déjanté Ervart avec Vincent Dedienne, il continue sur sa lancée poético-philosophique avec pour métaphore de l'étranger cette petite voix irrationnelle, d'une liberté folle, qui s'éveille un jour en soi, et nous ravit de rêves les plus fous mais que la logique mentale méprise parce qu'elle ne respecte pas ses codes.

    Parue en 1950, cette nouvelle pourrait également évoquer l'émancipation de la femme avant l'heure puisqu'il est question d'un couple de martiens dont les 20 ans de vie commune ont émoussés les élans passionnels et qu'un astronaute terrien (York) de passage dans l'orbite en 2030, par télépathie avec Ylla dans ses rêves d'un ailleurs, va réveiller.

    Le mari intrigué puis piqué au vif devient jaloux des « élucubrations » de sa femme et va tenter par tous les moyens de la ramener à la raison qui paraît plus saine.

    L'adaptation prend la forme d'un opéra soutenu durant une heure par les percussions et claviers (vibraphones, marimbas et xylophones) de Lyon quintet et sur une partition de Moritz Eggert. Deux comédiens sur scène (Claudine Charreyre et Mychel Lecoq), une voix off qui récite la nouvelle (François Chattot)…puis la parole , les rêves imagés (création numérique interactive de Scenocosme) et chantés, des poèmes, comptines, chansons (can't help falling in love d'Elvis Presley notamment) comme inspirés dans la tête, le cœur et la bouche d'Ylla et en provenance directe de la culture musicale terrestre.

    Le jeu interactif est total entre les différents protagonistes, le mental est court-circuité et le dépaysement opère malgré les sentiments et habitudes extra-terrestres très (trop) proches des humains…un véritable hymne à l’irruption de l'extra-ordinaire dans un quotidien banalisé voire mortifère.

    Entretien avec le metteur en scène stéphanois Laurent Fréchuret à l’Opéra de Saint-Etienne, co-accueilli avec La comédie (7 min).

    podcast

    Prochainement au Théâtre de Villefranche sur Saône les 27 et 28 mars

    Crédit Photo: Théâtre de l'Incendie

  • La vision sans âge

    pierre turlur,trois maîtres zen,editions du relié,dôgen,ryôkan,santôka,février 2020Pierre Turlur touche juste une nouvelle fois en peignant à travers trois portraits, l'âme du Japon.

    Dans « Trois maîtres zen - le vertueux, le rêveur et le vagabond », paru aux éditions du Relié, il est question d'éveil et de transmission mais aussi et surtout de nature et de littérature : les fameux haïkus qu'ont laissés ces moines errants (qui parsèment ce livre) et l'univers féerique et bucolique qu'ils ont inspirés à l'auteur.

    Il est bon de rappeler qu’« être né de nulle part et ne cheminer vers rien » peut s'accorder avec la plus haute réalisation au sens oriental du terme, comme « toucher la voie lactée », être uni-vers…

    L'imbécile heureux (Ryôkan) ou le vaurien (Santôka) peuvent au même titre que le vertueux (Dôgen) accéder à la vision pleine, vaste et illuminative où «  le relatif et l'absolu ne peuvent être dissociés".

    Pierre Turlur a fait œuvre de création originale en partant de presque rien, quelques haïkus sauvés à travers siècles, pour les amplifier et déployer leur histoire et contexte, réveiller le cœur de la voie commune à ces trois poètes : la simplicité et le dépouillement. L'auteur a su redonner de la chair et des sentiments, de l'humanité et de la grandeur à ceux que l'on ne voit pas ou plus. Il nous fait revivre l'épopée de trois futurs Maîtres de l'assise immobile.

    « Il convient d’ élucider les métaphores de cette poésie », nous dévoile t-il page 126, et il semble avoir été bien inspiré pour retranscrire à son tour avec moult détails cette nature propre à la vérité des bouddhas « qui traduit si justement l'interpénétration des phénomènes" .

    Après la cérémonie du shiho passée (soit la transmission de maitre à disciple) et la robe de moine reçue (le Fu-jung Tao-kai) le fraichement réalisé partait à travers monts et vallées, n'emportant que l'essentiel pour glaner ça et là, pendant quelques années, l'enseignement de maitres éminents, avant de se stabiliser et d'enseigner lui-même. Une période rituelle d'errance propice à l'émerveillement des sens au contact des éléments naturels : " Les Bouddhas vivants, les Bouddhas assis, travaillent à l'effacement des traces, ils perdent leur pas anonyme dans les foules, se mêlent å l'activité du monde, se perdent dans les vallées et les forêts profondes, dédaignent les honneurs, les titres, fuient la renommée et la gloire" (p.179).

    C'est bien évidemment le liant de ces trois historiettes à plusieurs siècles d'intervalle. Les tempéraments et inclinations diffèrent, la forme des haïkus évolue avec le temps mais la vision "exempte de corps et d'esprit", "dépouillée de tout et de soi-même" reste identique à celle de l'enfant dont l'esprit est en éveil et pour qui tout est prolongement de soi.

    En Occident le maître est choyé et vénéré, auréolé de prestige par les aspirants-adultes, en Orient rien ne le distingue des autres quidams et il lui arrive de mendier sa pitance. Seul l'Enfant parce qu'il est cœur, le voit.

    Enfin il est également beaucoup question de rencontres dans ces lignes, de l'importance d'autrui comme guide ou miroir de l’Oeil, de l'omniprésence de l'univers sublimé (la vision réelle n'est-elle pas poésie ?) autour de et en soi. Ces trois histoires finissent d'une façon juste, comme un clin d’œil du grand Ordonnateur à qui sait percevoir la beauté et la richesse de Sa création, en dépit de l'ignorance et du sommeil de la masse et de leurs autorités.

     

  • Le Baal Shem Tov historique

    Je questionnai le Messie : « Quand le Maître viendra t-Il ? », et Il me répondit : « Quand ton enseignement (ta Thora) aura été révélé et diffusé dans le monde entier, et que tes fontaines jailliront à l'extérieur. »p.133

     

    Baal Shem Tov,Jean Baumgarten,Hassidisme,Albin Michel,Février 2020Le Baal Shem Tov, mystique, magicien et guérisseur, paru aux éditions Albin Michel, est un livre hommage, extrêmement bien documenté sur la figure historique à l'origine du mouvement hassidique, par la plume esthète et érudite de Jean Baumgarten (Directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Hassidisme).

    Le simple nom propre reste très populaire et ancré dans l'imaginaire collectif, sans parfois savoir ce qu'il recouvre. Pour le peuple juif il est un de leur héros en tant que grand ami de Dieu et également un héraut du messie promis par la prophétie, suite à ses ascensions célestes* (comme Enoch, Élie ou plus proche Mahomet), en présence du Messie ou d'autres figures célèbres des maîtres ou prophètes juifs (*ce qu'on nomme la théurgie).

    Les Shivhei ha besht, sorte de recueil hagiographiques sur le Baal Shem Tov (1700-1760), commencent à être publiées un peu moins d'un siècle après sa mort en font un personnage mythique et fabuleux, mystique et biblique à souhait (c'est la dernière partie du livre) mais les sources historiques juives traditionnelles de l'époque le décrivent comme un personnage singulier et haut en couleurs , spirituellement parlant. Le gros de l'ouvrage retrace donc, avant les légendes, son parcours personnel, social et religieux de manière chronologique.

    Il reçu une solide formation jeune homme auprès du Rabbi Adam Baal Shem qui lui transmit ses savoirs et secrets mystiques et il parfait ses connaissances médicinales héritées de sagesse tsiganes, chrétienne orthodoxe et de kabbale pratique, lui conférant un statut hybride entre piété et magie, saint homme et sorcier.

    Il s'inscrit, dans un premier temps, dans une tradition de folle sagesse comme le furent le Mullah Nasruddin, le prophète Élie, le juif Mordekhay ou encore le druide Merlin, n'hésitant pas, lors de son second mariage, à s'isoler sept années au milieu de la forêt pour mieux consolider son intériorité (par la prière, l’étude et la méditation) et développer sa sphère imaginale (voyages dans les inframondes, dialogues avec une ascendance liée à l'étude ésotérique de la Torah).

    A 36 ans son aura le dévoile au monde avec "grâce, autorité et même divinité" : Il se sent investi d'une mission de « préparation de ses adeptes à la libération individuelle et à la rédemption messianique", par la transmission de connaissances, l’élévation spirituelle et la métanoïa.

    Il s'installera une vingtaine d'années et finira sa vie à Medjybij en Ukraine, où il sera respecté et vénéré comme un véritable guide spirituel (un Tsadik) , "à la fois kabbaliste, chaman, faiseur de miracles et guérisseur, connu pour son charisme, sa piété, ses dons surnaturels et par dessus tout par sa connaissance des pouvoirs des noms de dieu".

    Il tranchera dans l'époque par sa proximité avec les gens de tous bords et la nature, en communion avec tout ce(ux) qui l'entourai(en)t (vision de Dieu en tout), les rabbins de l'époque et leur enseignement passant pour être cloisonnés et hermétiques.

    Nicolas de Flue jouera au 15ème siècle pour la chrétienté, un rôle similaire (cf. les visions de Nicolas de Flue par M.L Von Franz).

    Ses disciples, descendants et adeptes le populariseront de façon orale dans un premier temps. Son rayonnement s'étendra jusqu'à nos jours, comme le fondateur d'une branche du judaïsme orthodoxe, le Hassidisme. Mais la prophétie messianique en exergue ne concerne t'elle pas finalement plutôt son "commerce" avec l'invisible dont il fut coutumier et novateur au sein du judaïsme ? Communication qui, loin du channeling, nécessite un état d'être profondément centré, en harmonie, en plus d'une grande piété, bien évidemment.

    "Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité." (Jn. 4.24)

     

  • Le réalisme de Chechako

    Affiche CHECHAKO (web).jpgLa jeune compagnie Construire un feu pratique un théâtre immersif en tentant de coller au plus proche de la réalité.

    En s'emparant d'une nouvelle de Jack London, qu'ils ont rebaptisé Chechako, ils se sont rendus sur place dans le grand nord canadien (le Yukon) pour éprouver les conditions de vie extrêmes, ressentir l'urgence du feu et apprendre à en fabriquer un. Charles Pommel à la mise en scène s'est aussi chargé de traduire au plus juste le texte et les sensations de l'épopée en français.

    Sur scène l'illusion est parfaite. Ali Lounis Wallace incarne un chechako empreint de gravité, ivre de sensations et flirtant avec la folie du survivant.

    Son ami de toujours, Marceau Beyer, l'accompagne au violoncelle et au chant. Ses touches de légèreté sont une allégorie de la petite voix interieure joyeuse ou morne.

    Le froid est palpable, l'intensité dramatique respectée et le déploiement physique concoure à un réalisme bluffant.Diff scéno-22_.jpg

    A souligner également la scénographie simple et subtile qui évoque la densité des paysages blancs polaires, de Manon Rougier et Lara Gueret, soulignés et mis en valeur par les lumières tantôt aveuglantes tantôt crépusculaires de Jéremy Ravoux.

    Beaucoup de talents dans cette compagnie limougeaude qui présente un projet complet (exposition, documentaire vidéo, projet éducatif) dont le théâtre est la raison d'être (la pierre angulaire).

    Rencontre avec les trois protagonistes aventuriers, Ali, Charles et Marceau (13min) :

    podcast

    Tous les jours jusqu'au lundi 17 Février à 14h30 et 19h30. Samedi à 16h30 - Clochards Célestes - Lyon 1er.

    @Crédit photo : Marion Boucher