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Choeur - Page 54

  • La chance circule

    Seconde chance, L. Karol, Zone J, Edition Mijade, novembre 2021, économie circulaire, zone rurale« - Le but est de courir quatre kilomètres non-stop fin décembre. On va commencer doucement, cette semaine avec un kilomètre sans s’arrêter. Je ne veux pas de plaintes, c’est trop facile. Si je n’avais pas peur que ça déplaise au principal, je vous le ferais faire sur les mains ».

    La diagonale du vide. Peu de visiteurs, à part en coup de vent sur la route des vacances, plus d’usines, délocalisées les unes après les autres, pas de loisirs et toujours les mêmes têtes à des kilomètres à la ronde. Un reportage de temps en temps pour parler d’un agriculteur à l’agonie ou d’une boulangerie qui ferme. Bref, ça fait pas rêver mais c’est là qu’habitent Jeanne, Inaya, Lou-Ann et Manoa, les protagonistes de Seconde chance, roman de L. Karol aux éditions Mijade. Ils sont en 6ème et connaissent déjà les difficultés de leur territoire et celles de leurs parents à conserver leur travail. Ainsi, quand la joyeuse bande découvre que l’une des leurs cache sa honte d’être devenue « pauvre », ils décident d’agir pour changer les choses.

    « Tu vas être riche ! Faudra pas nous oublier quand tu auras ta villa avec piscine sur la côte, je poursuis sur le même ton. Le visage de Lou-Ann se ferme brusquement. Elle serre les mâchoires avant de nous tourner le dos et s’éloigner précipitamment ».

    Plus facile de donner à quelqu’un dans le besoin que d’avouer qu’on aimerait de l’aide. Les parents de Lou-Ann préfèrent vendre leurs meubles en cachette, tandis que leur fille porte manteau et chaussures qui ne lui vont plus depuis longtemps. Jeanne a donc l’idée géniale de créer un système d’échange entre élèves, au sein même du collège auquel tout le monde peut participer sans être jugé ou méprisé en raison de sa pauvreté. La bonne humeur d’Inaya, la réflexion de Manoa et l’enthousiasme de leur professeure de français vont l’aider à concrétiser cette utopie. Dès lors la fameuse « diagonale du vide » ne paraît plus si inutile...

    « L’effet de la doublure argent brillante sur le tissu noir mat est magnifique. On dirait que c’est fait pour. Elle l’a customisé en nouant une espèce de scoubidou en ruban turquoise et rose attaché à la fermeture éclair de la poche de poitrine ».

    Seconde chance, qui se lit facilement (à partir de 11 ans), aborde la question de la perte d’emploi et de statut social avec justesse, sans pathos et à hauteur d’enfant. Les discussions entre adolescents apportent légèreté et bonne humeur. Le livre permet de découvrir l’intérêt de l’économie circulaire et du développement durable sans être moralisateur et en s’adaptant à la passion des jeunes pour leur look en perpétuel (re-)construction. De fait, de plus en plus de collèges aujourd’hui organisent par exemple des défilés de mode avec des vêtements donnés par les élèves ou les professeurs. À la fin de la journée chacun repart avec le T-shirt ou le jean de son choix. Ce roman pourrait donc à son tour inspirer les jeunes -et leurs parents- pour leur établissement, leur immeuble ou leur quartier et ce quel que soit leur lieu de vie, à Paris ou Ici-ya-rien-village.

    Image: Éditions Mijade

  • Le miroir intérieur

    Ce juif maudit qui, au cours de toutes les épreuves qu'il est censé traverser, passe par la colère silencieuse, l'intolérance contenue, l'impatience invisible, la violence muette, le zèle maîtrisé, le tout dans une absolue solitude, abyssale, vertigineuse, infinie...le juif errant, l'homme sans Dieu, est alors le parfait reflet d'Elie, l'homme de Dieu.”(p.188)



    La-Fabuleuse-Histoire-du-juif-errant.jpg"La fabuleuse histoire du juif errant" de Pierre-Henry Salfati*, paru chez Albin Michel, évoque le retournement symbolique à travers arts et lettres, dont il fut le bénéficiaire. Maudit par le Christ (selon une légende sortie d'un monastère bénédictin au 13eme siècle) pour l'avoir éconduit, il sera condamné par ce dernier à un châtiment éternel jusqu'au jugement dernier et à la parousie : errer et expier sans trouver le repos.
    Quelques siècles plus tard il devient un héros populaire pour sa ténacité (il ne s'est jamais converti), sa sagesse millénaire (il a tout vu, tout vécu), son courage ou son idéal de justice sociale (il défend la veuve et l'opprimé), aidé en cela par la presse à grande diffusion ( Edgard Quinet, Dumas) ou la littérature (Eugène Sue, Benjamin de Tudèle, Cervantès,...) avec des auteurs le rehaussant et le réhabilitant.
    Religieusement parlant, il fera le grand écart entre Judas ou Caïn pour leur malédiction et Élie pour sa vie de solitude et d'isolement. Il devient même avec le temps, l'archétype de l'existence, pour tout à chacun, en quête du sens de la vie, puisque le Messie, sa rédemption, est toujours à attendre et qu'Auschwitz est passé par là.
    L'auteur sonde les écrits donc l'histoire et aussi la géographie pour démontrer que cette figure est aussi parfois fantasmée,  certaines diasporas sont en effet  sédentarisées depuis longtemps. Il n'empêche, comme le mat du tarot (ou le fou), au-delà des chapelles, il est un référent, une image d'Épinal, un héraut involontaire de l'humanité, un témoin immortel du mystère du monde et du temps qui passe. Le cinéma moderne a incorporé un peu de son âme dans ses super-héros (superman, Highlander, les éternels ...), pressentant un destin hors du commun pour ce paria qu'on imagine mal renié par le Christ (dont le Dieu-Père est amour) sans arrière-plan...
    Sa judéité pose aussi question et réflexion dans l'ouvrage comme l'éternel dilemme d'un peuple qui méconnu Jésus comme le messie et n'attendit plus ce dernier (les orthodoxes sauf) pour se regrouper sur leur terre promise.
    Et Dieu dans tout cela, qui tarde à venir ? Peut être le juif errant,  depuis tous ces siècles en solitaire a t'il trouvé en lui le Témoin et Compagnon d'infortune de ses pérégrinations ? un bien d'un mal in fine, une metanoïa, à défaut d'une conversion. Ce serait son secret le mieux gardé ! 

    *A noter qu'un documentaire éponyme réalisé par l'auteur sera prochainement diffusé sur Arte TV.

     

  • Un Royaume pas de ce monde

    Penser autrement c'est prendre le risque d'être traité d'extrémiste, puis marginalisé avant d'être persécuté” (p.31).


    Cette vie éternelle que nous avons reçu par grâce est écrasée par une vie matérielle emprunte d'un rationalisme exacerbé, dans lequel domine notre raison, étouffant la foi véritable qui soulève les montagnes" (p.123).


    Chaos-imminent-1.jpg"Chaos imminent", paru chez Emeth Éditions, c'est la possibilité d'une perte de repères, d'attaches et d'habitudes de fonctionnement. Tout ce qui fait ou a fait le sel de la vie et qu’éclipserait un complot ourdi par des pseudo-pharaons aux manettes d'un nouvel ordre mondial.
    La thèse est connue, taxée de complotiste (l'auteur est à l'écoute sans l'être), mais d'un point de vue croyant et chrétien en l'occurrence, les faits semblent s'accorder avec des prophéties bibliques sur la fin des temps : (menaces de) persécutions, guerre de tous contre tous ou encore règne de l'argent-roi, pour n'en citer que trois.
    Xavier Darrieutort a constitué un manuel de survie mais aussi de combat (spirituel) pour des temps difficiles, nourri de paroles de sagesse (issues pour beaucoup du nouveau testament) en vue d'édifier, de fortifier et de réconforter.
    Insistance est mise sur l'appartenance au Christ (membres du Corps universel), l'espérance en Sa parousie et aux signes miraculeux accompagnant les fidèles. L'auteur est un converti de l'amour et des groupes de prières, croyant aux vertus de la communauté et adepte d'un retour à un cœur enfantin pour mieux appréhender le jeu quand le tout extérieur prendra feu (c'est une image pour évoquer le tout contrôle). Il est important (impertinent?) pour lui de "refléter le Christ, pour donner de l'espoir à ceux qui n'en ont plus, être des témoins fidèles"  (p.95).
    Le livre peut paraître naïf de prime abord mais il est intéressant et pertinent car inspiré par l'esprit-guide. On peut lui reprocher ses accointances collapso-survivalistes mais les saintes paroles transcendent les extrêmes pour l'universalité.
    L'illustration de couverture de Richard Bouts évoque une convergence de catastrophes mais du ciel point un nouveau monde, lumineux, inédit et pour lequel rien d'ancien ne saurait être emporté, sous peine de chuter.
    L'ouvrage, et c'est un bien, porte sa focale sur ce "jamais vu, jamais entendu" plutôt que sur l'ombre qui n'est, sur le plan symbolique, que le reflet de l'inaccompli, collectivement parlant.

     

  • Gorbo le merveilleux Snerg

    Le merveilleux pays de snergs, Veronica Cossanteli, Edward Wyke-Smith, Tilt!, milan jeunesse, Melissa Castrillon, Bilbo le Hobbit, J. R. R. Tolkien, claude Ponti, novembre 2021« Par-delà les murs de l‘orphelinat, la falaise descendait à pic vers la baie, où le soleil étincelait sur les flots. Les vagues léchaient le sable clair dont la texture rappelait des miettes de biscuits ».

    Allez viens faire un tour dans Le merveilleux pays des Snergs de Veronica Cassaneli, aux éditions Milan ! Là-bas, il y a des invitations-biscuits à dévorer, des maisons accrochées aux branches, de la ficelle à l’infini et des taxis-ours odeur de cannelle. Oui, ça peut être dangereux si tu croises des beleuils collants à long bec, mieux vaut éviter les Varechs dévoreurs de bébés bouillis, ou l’ogre aux crocs acérés, sans oublier gobelins et autres écurettes. Heureusement que les méchantes sorcières n’existent pas dans ce monde là ! D’ailleurs, d’après Miss Watkyns, la directrice de l’orphelinat, tout ça, ce ne sont que des histoires inventées. Ah bon ? Pourtant monsieur Gorbo, idiot et Snerg de son état est bien vivant lui. C’est même le nouvel ami de Flora et Pip.

    « Est-ce que ça va ? Pip contempla les pieds nus de son amie, son tablier déchiré et le nid brindilles qu’elle avait dans les cheveux ».

    Les deux enfants, inutiles et superflus, recueillis à l’orphelinat de Sunny Bay s’ennuient ferme avec toutes les règles très utiles et indispensables décidées par Miss Watkyns. Les bêtises de Gorbo, elles, sont toujours plaisantes. De toute façon ni Pip ni Flora n’arrivent à se plier aux lois impossibles de l’établissement austère ni à s’amuser avec les autres élèves. Ils aimeraient vivre des aventures improbablesques mais difficile quand on est coincé à Sunny Bay. Alors quand une étrange femme violette les entraîne, malgré-elle, dans le monde des Snerg, est-ce le début du changement ? A l‘image des petits héros, le jeune (ou grand) lecteur attend avec impatience de découvrir ce nouveau monde. La brillante et délicate couverture du livre ainsi que les dessins à chaque chapitre, illustrés par Melissa Castrillón sont déjà une belle promesse. Malgré quelques longueurs dans le texte, l’auteure distille cet univers parallèle dès les premières pages.

    « - Nom d’un pudding et d’une tarte ! Mais qu’est-ce que vous fabriquez dans ces bois, vous deux, à courir dans tous les sens avec un ours à la cannelle ? »

    On s’imagine tout de suite lire ce conte fantastique chaque soir au coin du feu avant que les enfants ne se couchent. Chaque nouvelle créature est comme une friandise supplémentaire. Il ne faut pas tout dévorer d’un coup mais prendre le temps de découvrir les subtilités et autres mots-valises comme « mots ronflampoulés » ou sa « Resplendissante Reinitude » qui rappellent ceux des albums de Claude Ponti. Les Snergs pourraient également ressembler aux ancêtres des Hobbits et leurs maisons aux rêves brumeux de Bilbon Sacquet. Pour ce qui est de fêtes et de victuailles, les uns n’ont rien à envier aux autres. En effet, J. R. R. Tolkien, auteur du Seigneur des anneaux s’est inspiré du monde des Snergs pour inventer le monde de Frodon et Samsasagace. Néanmoins l’univers inventé par Edward Wyke-Smith, et mis au goût du jour par Veronica Cossanteli, bien que modeste comparé à celui de Tolkien, est unique et fait grandir les lecteurs aux côté de Flora et Pip ou retomber en enfance et compassion comme Miss Watkyns.

    A lire en famille ou seul.e à partir de 9 ans.

    Image: Éditions Milan

  • Un système cruel

    Corde raide,Debbie Tucker Green,Vanessa Amaral,Caroline Boisson,Serge Pillot,,Emmanuel Gaillot,Blandine Pélissier,Kelly Rivière,cie Bleu Gorgone,cie de L'Iris,Quentin Baret,Guilhem Barral,Camille Allain-Dulondel,Marion Vaïtilingom,Anne Dumont,Benjamin  Wolff,Théâtre de l'Iris,Novembre 2021,Villeurbanne

    Une agression a été commise à une époque ressemblant étrangement à la nôtre. La victime, incarnée avec gravité et passion par Vanessa Amaral, se retrouve face à deux fonctionnaires en fin de carrière (Caroline Boisson et Serge Pillot), drôles malgré eux et désemparés par sa fougue et sa colère. Au final elle pourra choisir le châtiment de son agresseur parmi 4 méthodes, procédure oblige.
    La très discrète afro-caribéenne debbie tucker green* (traduite ici brillamment en français par Emmanuel Gaillot, Blandine Pélissier et Kelly Rivière), signe ici avec corde raide, un brûlot contre un système étatique aberrant et oppressant où les victimes se transforment en bourreaux avec des institutions complices mais dénuées d'empathie. La pièce oscille entre tension, rage et respirations plus légères. Le texte nous tient au corps : syncopé, haletant.
    Une autrice anglaise à découvrir d'urgence, servie par trois acteurs unis au jeu précis.
    Rendez-vous au théâtre de l'Iris de Villeurbanne jusqu'au 13 Novembre. Voici un avant-goût de la pièce avec l’entretien de Vanessa Amaral et Caroline Boisson co-metteuses-en-scène, comédiennes des compagnies de l’Iris et Bleu Gorgone.

    podcast

    * debbie tucker green ne souhaite pas que son nom soit écrit en majuscule en référence à l'afro-féministe bell hooks.

    Photo: Théâtre de l'Iris

  • Le japon flottant de Catherine

    La jeune fille et la mer, Catherine Meurisse, Dargaud, octobre 2021, Les grands espaces, Oreiller d'herbes, Soseki, Hokusai, Basho, Hayao Miyazaki, Jiro TaniguchiInstallez-vous confortablement, ouvrez grand vos yeux et soyez attentif au détail le plus infime. Voilà, vous êtes prêt à embarquer avec Catherine Meurisse à la découverte du Japon. Après Les grands espaces, où l’autrice nous conte (entre autre) son amour pour la nature et le dessin, La jeune femme et la mer, publié chez Dargaud, pourrait être la suite logique tant l’art et la nature sont entremêlés au pays du soleil levant. Comme elle, nous faisons nos premiers pas dans cet univers lointain, fascinant et « étrangement familier ». La poésie, les couleurs, la communion avec les éléments fait partie intégrante de la vie des japonais. Au fil des pages nous découvrons, comme Catherine Meurisse, le décor, les habitants et les croyances de l’île. Tanuki affable, haïkus prophétiques, visage de « femme des eaux » nous suivent et nous poursuivent dans cette quête de l’esprit du japon. Sans oublier l’humour constant de la caricaturiste.

    «- Si je pouvais renouveler ma banque d’images mentales, par trop occidentale, ce serait formidable. - Vous parlez japonais ? »

    A travers ce surprenant pays, la dessinatrice cherche à percer le mystère de l’esthétique, l’essence de la peinture et la posture de l’artiste. La maîtrise de son sujet se déploie tout au long de l’album par touches subtiles, éléments d’abord délicats, couleurs simples puis tout devient de plus en plus profond et intense. Lorsque le dessin tient sur une page, tel un tableau, on ne peut être qu’ému et transporté dans ce « monde flottant », moment éphémère capté par l’artiste, selon les japonais. Le lecteur pense forcément à Hokusai (1760-1849), peintre le plus connu dans l’archipel. Catherine Meurisse fait en effet référence à La Vague, son tableau le plus célèbre mais aussi à Sosêki (1867-1916) dont elle s’est inspirée pour composer La jeune femme et la mer. Cela donne immédiatement envie de découvrir le roman Oreiller d’herbes écrit par ce poète.

    « - Il est écrit : L’ombre d’un bambou nettoie l’escalier mais la poussière ne bouge pas. - C’est joli. - Oui, c’est joli la poésie. Mais ça ne m’aide pas à faire le ménage dans cette baraque ».

    La nature, personnage central, est aussi complice que dangereuse, tour à tour belle et terrifiante. En effet, pour les habitants, tempête, tsunami et tremblements de terre sont presque banals, la dessinatrice, elle, n’en a jamais vécu. De quoi paniquer au moindre souffle de vent ou à une légère montée de l’eau. Marcher dans ces espaces devient donc épique, le trait et le reflet n’en est que plus grandiose. Sauf lorsque le paysage est remplacé par une dalle de béton censée protéger les côtes. Les peintres japonnais préfèrent alors le sublime à la réalité crue. Cela ne nous empêche pas, en refermant l’album, de chercher le premier billet pour voyager vers le pays de Miyazaki, Bâsho et Taniguchi. Oui, Catherine, on peut l’appeler par son prénom maintenant, a semble-t-il réuni les trois dans sa bande dessinée. Seule question qui nous taraude : Le tanuki va-t’il nous accueillir à notre arrivée pour nous guider dans ces lieux incroyables et foisonnants ?

    À paraître ce vendredi 29 octobre 2021.

    Image: Édition Dargaud

  • Une attente salvatrice

    "Dans l'art de l'attente on se révèle maître du temps, on s'affine et on s'approfondit, on s'allège aussi et on recueille le plus subtil et même l'inalterable des jours et des ans qui passent inévitablement. C'est en quelque sorte un art de distillation". (p.53)


    kelen.jpgAvec "Grandeur de l'attente" paru aux éditions du Cerf, Jacqueline Kelen nous amène crescendo à un apex qui transcende le thème, vers une espérance du Royaume de Dieu par l'intermédiaire d'une figure hautement eschatologique, commune à toutes les religions (Mahdi, Paraclet, Messie).
    En revisitant ses classiques de la littérature contemporaine (Becket, Kafka, Buzzati...), puis en flirtant avec les mythes ou les contes (Ulysse, la belle aux bois dormant...) avant d'aborder son versant mystico-prophétique, l'autrice aborde l'attente dans toutes ses variations : entre personnes, à propos d'un événement, autour de l'amour charnel et jusqu'à l'amour absolu.
    Les années passent mais dame Kelen ne dévie pas d'un iota de son idéal de vie, haranguant même le quidam insouciant de se mettre à l'ouvrage, pour "développer ses talents et ses dons, étudier, se connaitre, chercher et s'interroger, créer, faire le bien, être utile". Pour elle, "ne pas remplir sa tâche humaine, c'est refuser sa vocation spirituelle, l'exigence de grandeur, c'est se prélasser et se contenter de sa condition terrestre". (p.85).
    Fustigeant le transhumanisme, les adeptes de l'instant présent ou ceux du développement personnel, elle rappelle l'essentiel, l'essence même de l'attente, qui est la naissance d'un souffle, d'un œil neuf, d'une co-naissance, quand ce n'est pas un nouveau monde.
    Nourrie de textes sacrés ou rendus tels par la pureté de leur intention, le glissement se fait naturellement vers l'infini ou l'éternité et "en un vertige éblouissant, l'attente affirme que l'absolu de l'absence surpasse en beauté et en majesté toute présence concrète"(p.122).
    La maturation des ans, la fidélité à l'Esprit, les signes d'universalité (d'unité ?) ou la période propice à rêver de renverser l'ordre (Le déni des lois divines) établi, tout concoure à un dévoilement subtil d'une présence et d'une joie qui perdure en soi, ce sens du discernement qui s'affine avec le temps, presque une transfiguration, allégée de nos pesanteurs.
    Une fois de plus, Jacqueline Kelen touche juste en nous rappelant les fondamentaux d'une vie au service d'un plus grand que soi, d'un plus grand en soi qui ne fait que nous tendre une main secourable et aimante, loin de celle détestable des appâts rances.
    Sous l'égide d'Isaïe, elle se fait prophétesse, crevant la gangue du commun pour sonder la profondeur, l’intériorité, l'icône même du fidèles d'Amour.