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Choeur - Page 77

  • Immortels : ombre et lumière d'une génération

     

    Immortels sont les idéaux d'une génération ivre de sens. Immortels c'est aussi "le tableau d'une jeunesse paradoxale : forte et radicale dans ses prises de position, mais fragile car en recherche de son identité, de ses modèles".

    Immortels,Nasser Djemaï,Gautier Marchado,Compagnie Parole en Acte,Antoine Besson,Lucie Bonnefoix,Esther Gaumont,Delphine Grept,Yann Mercier,Thomas tressy,Guillaume Trotignon,Bruno Zancolo,Florian Poulin,Florian Poulain,Etienne Juguet,Bruce verdy,Théatre des Clochards célestes,Lyon,Mars 2019

    Dans l'intimité de la salle du Théâtre des Clochards Célestes nous sommes conviés à la vie privée d'une bande de potes soudés mais qui vient de perdre l'un des leurs, Samuel.

    Ce dernier avait un petit frère, Joachim (Yann Mercier) de tempérament plus timide et en retrait qui, depuis la disparition de l'ainé, fait d'horribles cauchemars.

    Une force le pousse à se mettre en contact avec le groupe politisé pour comprendre cette mort. Les projections et illusions de chacun d'entre eux vont l'aider à mieux appréhender l'image solaire que représentait Samuel.

    Black Block,New Wave, loi de Rothschild...une nébuleuse se cherche jusqu'à l'explosion, qui ne saurait qu'être salvatrice pour chacun d'entre eux dans leur quête d'identité.

    Ci dessous un petit entretien audio (7 minutes)  avec Gautier Marchado et Yann Mercier :


    podcast

    Aidez les brillants sept acteurs et leur bienveillant metteur en scène (Gautier Marchado) à poursuivre leur aventure pour une tournée dans toute la France en cliquant là.

     

  • Débat et début houleux du Califat islamique

    hela ouardi,les califes maudits,la déchirure,tome 1,albin michel,mars 2019La déchirure est le premier de cinq volumes des Califes maudits paru chez Albin Michel et écrit d’une main de maître par Hela Ouardi, qui est entre autre professeur de littérature et de civilisation française à l’université de Tunis.

    Avec les derniers jours de Muhammad son premier opus, on aurait pu croire au buzz ou à un coup d’épée dans l'eau. Elle révélait, d’après les sources de la tradition, que celui-ci avait peut être été empoisonné et que son corps inanimé était resté trois jours sans soins. S’attaquer ainsi à l'humanité du prophète (qui est dans les faits vénéré comme Jésus) ne manqua pas de susciter des polémiques et le livre fut interdit dans plusieurs pays d'Afrique.

    Néanmoins, on comprend avec cette nouvelle série qu'il n'en est rien, que Madame Ouardi est là pour durer et qu'elle s'attaque avec courage à ceux-là mêmes qui voudraient détourner la religion de son objectif spirituel ou communautaire premier.

    L’Islam ayant vocation universelle, l'autrice a jugé bon de se plonger dans les sources classiques de la religion naissante pour essayer de comprendre le malaise actuel (fitna) au sein de la Oumma ainsi que des dérives sectaires comme daesh.

    Ces sources sunnites et chiites peu exploitées et pour cause, révèlent une histoire peu glorieuse des proches du prophète lors de son décès (à l'exception d'Ali qui le veille). Pour accéder au pouvoir et à l'argent qui va avec, les deux premiers califes s'allient pour écarter Ali, gendre du prophète et d'après les liens de sang, digne successeur de l’élu de Dieu ; déshériter Fatima (fille de Muhammad et épouse d'Ali) et convaincre les Médinois ( tribu des Ansars) de prêter allégeance à Abu Bakr, compère d’Omar.

    Ce qui se joue c'est l’autorité absolue car sacrée (une mission universelle et divine portée par un Livre Saint). On assiste comme si on y était avec moult details à un concours d'éloquence et de joute verbale dans la Saqifa (sorte de salle des fêtes) entre Ansars qui ont offert l'asile à Muhammad et émigrants (tribu des Qurayshs) qui on émigrés à Médine avec le prophète.

    L’atmosphère de la salle d'audience montera crescendo jusqu’au pacte d’allégeance à Abu Bâkr dont la fille Aïsha est une des épouses de Muhammad.

     

    Le califat s’avère être une très lourde charge pour chacun des quatre premiers califes (la suite de la série le dira...) et aucun d'entre eux, y compris Ali, plus proche par l'ancienneté, la parenté et la vertu (une source lui fait dire : « C'est dans nos demeures que le Coran a été révélé ; nous sommes la matière du savoir, de la théologie, de la religion, de la sunna et des prescriptions divines »), ne semble avide de l'exercer tant la chape sacrée du Coran pèse, en tant que Livre "révélé" de Dieu.

    Dans ce premier tome sont présentés les protagonistes du drame (trois seront assassinés) ainsi que la malédiction de Fatima, épouse d’Ali déchue du royaume et de son héritage, sur les cœurs dévoyés et hypocrites.

    Hela Ouardi a dû abattre en amont un travail de compilation colossal pour parvenir à cette simplicité et fluidité narrative (ce qu’on espérait d'un tel projet) puisque tout s’avère authentique hormis peut être quelques didascalies ou pensées intrusives.

    Si tout est de cet acabit l’œuvre sera et est déjà passionnante puisqu’elle nous amène au plus près de la gouverne islamique et de ses rapports compliqués avec la mémoire et l'esprit de Muhammad, ici plutôt incarné par sa fille Fatima.

     

  • Border : A la limite du réalisme

    Border est un bon film fantastique. Le savoir permet de dépasser le possible effroi des premières images et de prendre une distance nécessaire avec la personnage principale (Eva Melander excellente) qui porte des prothèses.

    border.jpg

    Ceci étant dit cette dernière a un don presque animal : flairer en tant que douanière les passagers suspects. Cet instinct est renforcé au contact de la nature et des animaux sauvages et permet à l’intrigue policière de se développer (démanteler un réseau pédophile).

    Le film prend une tournure étrange et surnaturelle quand elle fait la rencontre de Vore (Eero Milonoff) qui lui ressemble étrangement de visage… et vraisemblablement de nature.

    Animalité, monstruosité, différence et étrangeté sont les thèmes principaux de ce second opus du cinéaste Irano-suédois Ali Abbasi co-écrit avec John Advid Linqvist (Il s'agit de l'adaptation de sa nouvelle Gräns) et Isabella Eklöff, qui donne un relief psychologique attachant et complexe aux personnages en apparence difformes.

    L’idée de bêtes de l'apocalypse sachant percevoir la vérité des perversions humaines et qui constituent de fait un fléau divin est assez originale et rappelle le démon Hellboy , cornu et rouge comme la colère. La force de ce film réside dans son caractère plus réaliste et la frontière tenue qui transparait entre humain et monstre, avec une belle réflexion sur leur nature et identité respectives.

    Prix un certain regard à Cannes et Européan film award des meilleurs effets visuels.

    Credit photo : lemagduciné.fr

  • Jauja ou la vie sauvage de l'inconscient

    Viggo Mortensen,Lisandro ALonso, JAUJA,prix d ela critique Cannes,2015Viggo MORTENSEN excellent dans le récent oscarisé « Green book » ou encore la fable écologique « Captain fantastic » campe plus en amont dans « Jauja » de Lisandro Alonso un cadre danois de l’armée argentine recruté pour faire la guerre aux indigènes ( les têtes de coco) insulaires dans un temps historique (1882). Accompagné de sa séduisante fille il part seul à sa recherche en territoire ennemi quand elle fuit un soir à cheval avec un jeune soldat.

    Il s'agit d'un film contemplatif, d'une narration lente et introspective, dans lequel le réalisateur fait la part belle à la nature sauvage et sommaire de la Patagonie. Carré (filmé en argentique), tri angle (l’homme, la femme et la nature) et cercle (les boucles narratives, la sortie de l’espace-temps) sont au rendez-vous dans ce western initiatique sur le sentiment d’être perdu (lost), l’être perdu ou le manque, les fantômes de la psyché et de l'inconscient.

    Il y a cet effet miroir comme apex et l'on ne sait plus bien si tout cela n’était qu'un rêve et qui cherche qui. Quelques clés comme autant de symboles nous sont laissés mais on se sent démunis nous aussi face à ce mystère d'OFNI (objet filmique non identifié) qui nous sort des narrations modernes et linéaires.

    Prix de la critique à Cannes en 2015.

     

  • De l’Amour équanime du Révélateur

    Coran 46,10 : Dis : "Que direz-vous s'il s'avère que ce Coran que vous récusez émane réellement de Dieu et si, parmi les fils d'Israël, il se trouve un témoin qui en atteste la conformité (au Pentateuque) et qui y adhère lui-même, pendant que vous, vous le rejetez avec orgueil ? En vérité, Dieu ne guide point les injustes". (M. Chiadmi)

     

    Meir Michael Bar-Asher,Les Juifs dans le Coran,ALbin Michel,Université hébraïque de Jéusalem,Les juifs et les arabes sont des frères de langue, d'espace et de culture religieuse, comme l'ont montrées récemment les traductions simultanées de la Bible et du Coran d’André Chouraqui. C'est aussi ce que tente de démontrer Meir Michael Bar-Asher avec « les juifs dans le Coran », paru récemment aux éditions Albin Michel.

    La domination d'un peuple sur l'autre date de l’hégire à Médine de Mohammad et des relations houleuses des premiers musulmans avec les juifs locaux. Ces derniers ont tôt eu la situation de "dhimmis" (soumission et protection) face aux adeptes de l'islam naissant et ils versaient un impôt de capitation.

    C'est depuis le XXème siècle que la situation s'envenime avec la renaissance de l’État fort d’Israël et le retour en terre palestinienne des 102 diasporas disséminées de part le monde, entraînant un rapport de force inédit depuis quatorze siècles.

    On pourrait croire que la fierté des uns (les musulmans) répond à l'orgueil des autres (les juifs) mais pour qui entreprend un travail de sape de l'ego il n'existe que des échanges fructueux entre des cultures spirituellement proches, au regard de la prophétie sémite.

    Pour preuve "les juifs apparaissent en Arabie dès le VIème siècle avant notre ère" ; le Coran est écrit « dans un arabe beaucoup plus pétri d'influences hébraïques et araméennes que l'arabe classique" ; l’élection des deux communautés semble être à la fois conditionnelle et temporaire ( si l'on ordonne le convenable, interdit le blâmable et croit en Dieu) ; il y a "beaucoup de vestiges du Midrash ou de sources post-bibliques dans les textes exégétiques musulmans" ; "des clés de passage du Coran se trouvent dans le récit  biblique" ; les chercheurs attribuent la prépondérance des aspects légaux dans le Coran médinois à l'influence de la communauté juive locale ; l’islam "s'est construit avec et contre sa référence juive" ( la prière, sa direction, le jeune, les lois alimentaires et le calendrier) ; enfin le Coran en tant que Parole divine relate longuement l'histoire des ancêtres israélites.

    Belle réflexion dans ce livre également sur la notion de "serviteur de Dieu", synonyme de fils d’Israël et d’Abdallah (surnom de Mohammed et nom de son grand-père). Et l'on peut se poser la question de savoir si l’élection divine n'est pas plutôt affaire de personne plutôt que de communauté quelle qu’elle soit, de purification du Cœur (et Dieu purifie qui IL veut) plutôt que de l'observance de rituels …

    Le livre évoque davantage les aspects légaux du Coran et l'histoire des prophètes juifs que la prophétie coranique et son Rappel incessant de l’Heure du Jugement dernier. Ce Rappel est porté par toute une communauté, avertie qu'elle devra répondre de ses actes.

    Les juifs sont très présents textuellement dans le Coran mais on ne sait pas ce qu'ils pensent du Livre révélé des musulmans (l'est-il pour eux ?) et de la mission ou du titre du prophète Muhammad. Le travail historico-critique de l'auteur ne semble pas valider l'hypothèse de cette continuité de la prophétie à travers le Coran…

     

  • La psychomagie et son créateur

    Alexandro Jodorowsky,Psychomagie,Albin Michel,Javier Esteban,Nelly Lhermillier,Février 2019Alejandro Jodorowsky sait des choses, au sens spirituel du terme (c'est ce qu'on appelle communément la sagesse), de part son vécu et sa vie d'artiste. Il a su créer un univers singulier autour de sa personne sans pour autant suivre un chemin traditionnel mais arriver aux mêmes fins (Castaneda et Gurdjieff restent néanmoins pour lui deux influences majeures) . Par la psychomagie, la lecture du Tarot, ses bandes dessinées ou ses films (dont le très beau et poétique "poésie sans fin" paru récemment) il a inspiré et donné des pistes de réflexions (ou voies de guérison) à plusieurs générations.

     

    90 ans cette année et l'homme à l’œuvre prolixe et prodigieuse nous livre un recueil d’entretiens chez Albin Michel avec le jeune Javier Esteban (dans l'esprit de « la tricherie sacrée » à l’époque interviewé par Gilles Farcet) autour de la "Psychomagie", prétexte à passer en revue une multitude de sujets des plus basiques aux plus métaphysiques tout en évoquant des pistes féeriques pouvant paraitre un peu fantasques pour le futur de l’humanité et en addendum un cours accéléré de créativité. Ce livre se veut une suite du"théâtre de la guérison".

    Chaque réponse du psychomagicien est un univers en soi qui mériterait des développements ou éclaircissements mais la multitude des questions permet aussi de se représenter chaque facette du diamant qu'est l’être essentiel dont il nous dépeint le niveau de conscience, la joie de vivre, la créativité infinie, la santé prodigieuse, l’émergence de l'auréole comme 4ème cerveau ou encore le regard émerveillé sur la magie et le miracle de ce monde.

    Insistant sur le fait que l'ego doit être soumis à l'essence, les caprices de l'enfant (le tyran en chacun de nous) dépassés par l'acte créateur ou que le malade doit élever son niveau de conscience et aller vers ce qui l’intéresse pour guérir, il redéfinit la spécificité de sa pratique qui, à l'inverse d'une psychanalyse ou d'une ascèse, repose sur des actes souvent poétiques ou artistiques, autant de métaphores adaptées au langage onirique et symbolique de l’inconscient.

    Comme hygiène de vie il fait sienne la contemplation, préférée à la méditation (agir tel un témoin au monde), se soucie de moins en moins avec l’âge de l'identification ou de son identité, préférant "l'humilité de l'effacement en acceptant de n’être qu’un canal" uni vers celles et ceux qui viennent à lui pour un partage de conscience…

     

    Soucieux d'une humanité supérieure il œuvre à l’élévation de son niveau de conscience et s’intéresse non pas à la multitude mais aux mutants, ceux qui entendent « être » dans l'humain.

    Désormais tout entier à la joie de vivre, à ce qu'il est, il parfait sa conscience lumineuse en vue de la construction d'une âme, pour ne pas mourir comme un chien, comme le disait si bien Gurdjieff.

    Ce bon vieux Jodo à l'imaginaire bien fertile pourrait encore peut-être bien nous étonner avec un projet dont lui seul a le secret...

     

  • Le coeur des croyants est un uni-vers

    L'homme n'est-il pas l'esclave de soi-même ? Ses habitudes contractées dès l'enfance sous l'empire de ses parents, de ses éducateurs, de ses rabbins, de ses prêtres, de ses imams ; ses habitudes, dis-je, ne font-elles pas de lui son propre serf, pour parler comme La Boétie ? S'est-il seulement demandé qui il était vraiment ? A t-il seulement l'idée qu'il dispose d'une nature profonde qui n'a rien de commun avec ce qu'il donne à voir de sa personne ?

    ...La seule fonction spirituelle de l'homme est d'atteindre au divin en approfondissant, au-dedans de soi, sa part la plus humble, humaine, noble.

    Henry Bonnier p. 226

     

    Le peuple élu n'est pas le peuple juif. Le peuple élu c'est le peuple des croyants, quels qu'ils soient. André Chouraqui,p.205

     

    Le XX ème siècle accoucha de grands "ponts" parmi lesquels des orientalistes (Henry Corbin, Louis Massignon), des chercheurs en sciences humaines (C.G Jung, Freud), des sages ou des traducteurs/essayistes comme André Chouraqui (1917-2007). Tous furent des éveillés avec une visée sur l'Autre monde, le spirituel, par opposition au matériel.

    Henry Bonnier fut l'ami et l'éditeur (Éditions du Rocher) de ce dernier à partir des années 90 et relate dans un très beau livre "André Chouraqui, un prophète parmi nous", paru aux éditions Erick Bonnier, l'aventure humaine politique et spirituelle qui fut la leur.

    C'est avec respect et grande vénération qu'est évoquée la figure de Nathan André C. et l'histoire de quelques uns de ses livres (à cette époque, il a déjà traduit la Bible, ancien et nouveau testament) mais l'auteur dévoile également et subtilement, en parallèle, quelques bribes de son cheminement et ses propres réflexions spirituelles, étant d'obédience chrétienne (presque mystique) avec une ouverture au soufisme (même s'il ne parlait pas arabe, il reçut une investiture rare au titre de "connaissant par Dieu").

     

    Le livre est contagieux et donne envie de se plonger dans l’œuvre de l'essayiste de paix à l'évocation de ses deux amours de jeunesse Yvonne Jean (lettres à André Chouraqui, 1997) et Colette Boyer (Ton étoile et ta croix, 1998), toutes deux chrétiennes et initiatrices (accoucheuses ?) de son "être par Dieu" ; mais aussi de son amour pour la langue et la culture arabe (dans lettre à un ami arabe) ou encore de son livre Moïse, son prophète et imago Dei.

    Malgré sept années d'enseignement athée au lycée et la maladie qui s'acharnait (une poliomyélite) sur lui, l'homme qui voulut savoir à 19 ans "qui était Elohim" fut incardié (comme le fut Massignon) lors d'une expérience numineuse. Il confia à Colette B. , jeune adulte, qu'il "sentait en lui bouillonner cent enfantements, un monde merveilleux de vie, une œuvre, une réalité prodigieuse"...c'est dire s'il se sentait mission-né.

     

    chouraqui.jpgPour l'auteur, André Chouraqui est "un prophète (au sens de celui qui transmet ou explique la volonté divine) du XXIème siècle qui tente l'impossible : donner un langage commun aux juifs, chrétiens, musulmans". Il est vrai que cela constitue en France un acte unique, la traduction des trois livres saints monothéistes par un seul homme, croyant et habité par un souffle issu des terres de La Révélation ("Dans tous les textes sacrés, vous ne rencontrerez jamais Dieu si Dieu n'est pas en vous" déclare André Chouraqui p.52). L'on voit ainsi dans cette œuvre singulière de traduction exégétique, la continuité du message prophétique, de Moïse à Muhammad. Ainsi le génial "matriciant" qui qualifie Allah dans le Coran (au lieu de Miséricordieux) vient mettre à bas la tyrannie masculine sur l'humanité, le terme "incardié" utilisé ci-dessus ou encore le "en marche" introduit chaque béatitude et place l'humain dans un acte engageant son être tout entier.

     

    Inquiété par les signes des temps (climat, obscurantisme, guerre larvée envers l'être...), Henry Bonnier désormais romancier et essayiste (Il a reçu le grand prix de la critique de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre), place les travaux de traduction de son ami sous le signe de l'"énergie du désespoir" mais qui sait s'ils ne touchent pas leurs cibles, à savoir un terreau capable d'ensemencer un peuple de justes ? Qui sait si le Verbe de Chouraqui n'est pas apte à réveiller les morts ? D'autant que l'attrait pour ces traductions biblique et coranique ne s'est jamais démenti.

     

    Ce livre est donc écrit par un chrétien ouvert à l'Altérité, qui propose de belles réflexions sur l'humanité ou l'unité transcendante des religions, même si parfois teintées de noir. Il invective ainsi ses congénères se satisfaisant d'une vie égoïste ou égotique, donc ténébreuse : "Il leur suffisait, à ces pauvres êtres éperdus, d'entendre les fulgurances du Verbe (la voix sublime et bouleversante de la conscience et de la confiance) pour reconquérir à jamais leur liberté". L'on retrouve plus loin une saine colère christique lorsqu'il évoque les "peurs et orgueil édifiés au-dedans de nous, pour nous préserver de la contamination de l'Autre"...alors que selon lui, "Aimer c'est guérir"..., Aimer c'est obéir à Dieu", en parlant de l'Amour véritablement divin et inconditionnel qui nous habite.

     

    Reste au final d'André Chouraqui, l'image tenace d'un juif de toutes les guerres, qui mûrit et renouvelle sa foi hébraïque au contact intime de chrétiens ou musulmans fervents. Ses actes politiques viennent infirmer le reproche sioniste qui lui fût fait de son vivant et c'est surtout la grandeur spirituelle d'Israël forte de 102 communautés ou cultures différentes qui le guida.

    Artisan de paix il considérait que "les trois traditions religieuses issues du seul tronc abrahamique, pourraient constituer une force spirituelle considérable et pour le coup, métamorphoser le monde". Utopie vacillante ces derniers temps mais pas exempte de réalisme à échelles certes encore individuelles...L'avenir le dira.