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Littérature - Page 4

  • L’art de convaincre

    Le Cœur bavard, Véronique Petit, éditions Rageot, adolescence, concours d’éloquence, cité, mixité sociale, mai 2023« -Au matin, dans l’Abribus tagué, je finis ma nuit, emmitouflée dans la doudoune jaune que je portais déjà l’année dernière ».

    Lina prépare un concours d’éloquence. Dans Le cœur bavard de Véronique Petit, aux éditions Rageot, le gagnant représente le collège Du-Bellay au niveau départemental. Sauf que l’adolescente n’a pas encore d’idée pour son discours. De plus, elle vient de la cité Maurice Ravel et la plupart de ses concurrents sont des enfants de bonne famille. À l’image de Louise, avec laquelle Lina rêve de devenir amie. L’établissement pratique la mixité sociale mais en amitié, c’est plus compliqué : leur vie de famille est à l’opposée.

    «  Le jour du spectacle, papa était en retard, mais j’étais certaine qu’il allait venir, il avait promis ».

    Un évènement va pourtant provoquer involontairement leur rapprochement. Dzovag, menacé d’expulsion avec sa mère, risque d’être renvoyé du collège et anéantir ses chances de rester en France. Soudain, Lina a une idée pour son concours d’éloquence. Peu importe que son père Anton, dépressif depuis le départ de sa mère, et ses trois frères, n’y croient pas. Elle va bousculer tout ce petit monde malgré elle et rapprocher les gens de sa cité. Même au collège, on se met à la regarder d’un autre œil.

    «  Je lui explique pourquoi les Mikoyan ont fui l’Arménie, ainsi que les deux recours déposés et rejetés ».

    Dans ce petit roman, on suit la trajectoire de Lina, qui n’a qu’un rêve: sortir de son quartier et être admise dans le « beau monde ». Véronique Petit réussit à introduire de la nuance et une réflexion sur « Qu’est-ce que réussir sa vie ? ». Les personnages qui gravitent autour de la jeune fille valent le détour : son père russe qui noie son désarroi dans l’alcool, son grand-frère Momo, qui rêve de devenir chef étoilé mais aussi son jumeau Sasha et son petit frère Vitaly ... Sans oublier Louise, écrasée par un père trop exigeant. Une histoire abordant de nombreux sujets actuels sans lourdeur ni jugements, qui plus est, donne envie aux ados de se lancer à leur tour dans un concours d’éloquence.

    « Louise s’efforce de sourire, comme si de rien n’était. Et pourtant elle a gros sur le cœur, je le vois à son sourire tremblant, à ses traits tirés. »

    Image: Rageot

  • Rythmer la vie

    chasser.jpg

    Chasser les fantômes, programmé au Théâtre du point du Jour, est une tragi-comédie écrite par Hakim Bah, sur une idée originale de Sophie Cattani (Roxane). Avec Nelson-Rafaell Madel (Marco), ils incarnent un jeune couple métissé dont l'amour naissant voyage d'Afrique en France, avec tous les conditionnements et héritages historico-culturels entre les deux pays (colonisation, droit de séjour, étranger en France...).
    Un certain déséquilibre est perceptible lors de l'arrivée de Marco en France, fruit de peurs et de malentendus, que les acteurs restituent et accentuent à la perfection, jusqu'au ressentiment.
    Sur scène le batteur compositeur Damien Ravnich accompagne l'énergie de l'histoire d'amour dans ses phases radieuses ou orageuses.
    Le style syncopé, percussif et réflexif d'Hakim Bah redonne tout son sens au jeu, dans une large palette d'émotions.
    L'issue n'appartient pas à l'élan du public mais la poésie de l'ensemble se révèle à la toute fin et l'on comprend que l'enjeu transcende les corps et personnalités, qu'il est affaire d'âme.

    Entretien à l'issue de la représentation avec Sophie Cattani (7 min) :

    podcast

    @crédit photo : Théâtre du point du Jour

  • La conscience illuminative

    L'instant présent est dépourvu de sens, d'intention, de projet. Il est libre de tout accaparement par le mental inquiet et avide de sécurité....il est observation silencieuse, active, alerte. Il génère l'acte juste, non conditionné par le passé et les systèmes préfabriqués.(p.92)



    bousquet.jpgJean Bousquet oppose l'adoration passive à la contemplation active, l'être à l'ego, la conscience vivante à celle conditionnée, l'instant présent au temps linéaire.
    Tel un maître spirituel, il milite pour un regard objectif, neutre, détaché sur les mécanismes de défense de l'ego (pensées, émotions). Un oui à ce qui est, un appel au Vide qui est plénitude de vue.
    Tel un gnostique, il réfute cependant le travail spirituel et son (parfois) long processus de maturation, permettant la cristallisation d'un Centre en soi englobant l'ego.
    Il faut dire que Vers une conscience vivante, paru aux éditions Accarias l'Originel, son dernier livre invective le lecteur sur l'urgence de la situation (climat, guerre, repli...) et la nécessité d'une metanoïa radicale pour ne plus reproduire une pensée sclérosante sur le monde, exsangue d'actes ou de paroles justes, appropriées.
    A situation inédite, remède disruptif pour court-circuiter cette pensée malade, ego-centrée. Le silence issu d'un terreau vierge, immaculé et dont la Source se situe dans la profondeur d'un lâcher prise (à la fausse personne que l'on croit être) serait la solution au bruit terrestre ambiant, sans toutefois s'amalgamer à la fonction religieuse.
    Dieu en effet n'est pas cité, ni un Plan divin envisagé (puisque présentant un début et une fin), ni la conscience Vivante assimilée au Vivant. L'ego est le mal (la peur, la mort) duquel il faut s'affranchir par une saisie consciente. La libération advient par une prise (de conscience) sur le fait, nécessitant une vigilance de chaque instant...
    Le livre est bien écrit, plaisant à lire, aéré. Le message est séduisant, censé mais pas neuf. Sa perspective non duelle se fonde néanmoins sur une opposition qui n'aime pas le "maudit" et toxique ego et en fait un ennemi plutôt que de l'élever, l'éduquer à être un bon serviteur.
    Le discours pourrait en ce sens paraître quelque peu élitiste et souffrant de miséricorde, même si l'intention de l'auteur est pour la paix en soi et dans le monde.


    L'avenir projeté est un antidouleur pour le présent qui souffre notre désertion. Quand cela est clairement vu, le "projecteur" s'éteint de lui-même. Il ne reste alors plus qu'une conscience vivante, présente.(p.12)

     

  • Une année Vertuchou !

    À la belle étoile, Brigitte Somers, Mijade éditions, collection Zone J, adolescents, réseaux sociaux, harcèlement, nature, XVIIème, avril 2023« Je suis occupée à liker une photo de chaton trop mignon quand Charlotte vient s’asseoir à côté de moi. - Dis donc, t’as dormi ici ou quoi ? »

    Emma attend ses copines Alice et Charlotte pour sa rentrée en 4ème. Des retrouvailles presque banales jusqu’à l’apparition d’une nouvelle élève pour le moins étrange. À la belle étoile de Brigitte Somers, publié par Mijade éditions (collection Zone J), nous embarque pour une année scolaire inédite et palpitante grâce à une certaine Jeannette venue d’on ne sait où. Un roman facile à lire, qui suit le quotidien de trois amies collégiennes d’aujourd’hui. Les cours ne les passionnent pas et l’idée de se trouver dans la même classe que Mélissa, une peste aux nombreux followers qui inonde les réseaux de ses stories ne les enchantent absolument pas. L’adolescente est le cliché de la jeune fille belle, bien sapée, bien entourée, prenant selfie sur selfie et à l’orthographe douteuse. Face à elle, Jeannette, mal fagotée, au langage désuet et n’ayant même pas de téléphone portable !!! Une cible parfaite pour Mélissa qui ne tarde pas à la harceler. De leur côté, les trois amies ne se précipitent pas vraiment pour aider la nouvelle et la traitent même avec un certain mépris.

    « Alors que nous sommes tous habillés en short avec le tee-shirt officiel du collège, Jeannette est arrivée dans la salle avec sa fameuse robe « sac à patates ».

    Une histoire à première vue classique et sans surprise. Emma fait alors une découverte en allant faire du baby-sitting dans la maison située en face de chez Jeannette. La surprenante élève devient alors son sujet de conversation n°1 avec Alice et Charlotte. Et si la nouvelle collégienne était plus intéressante et intrigante qu’il n’y paraît ? Les rôles et les caractères des personnages vont se transformer au fil du récit. Ainsi les clichés du départ volent en éclat révélant chacune telle qu’elle est vraiment. Les cours d’Histoire semblent miraculeusement passionnants, le petit frère d’Emma devient sage comme une image, la randonnée paraît soudain carrément plus fun qu’une virée à la plage et, enfin, un morceau de chocolat brille comme le Graal qu’on pourrait enfin toucher du doigt (ou plutôt s’en lécher les doigts). Simple, efficace avec une pointe de fantastique, une cuillèree de vieille légende (ou pas) et la nature à l’état brut (animaux et humain compris). Dans une ancienne vie, Brigitte Somers, aurait pu être conteuse, allant de masure en masure, à la lueur des bougies ou A la belle étoile.

    « - Dame, j’ai grand-peine, je l’avoue, à supporter ces railleries ! »

    Image: Mijade édition

  • Éternels Erynn et Bakari

    On ne sépare pas les morts d’amour, Muriel Zürcher, Editions Didier Jeunesse, Oriol Vidal, Robin des graffs, Roméo et Juliette, West Side Sory, adolescence, cité, mai 2023.« - Dossier d’admission Bakari Dialloré et Erynn Amezki. Merci aux écoutanges d’accueil d’aller s’asseoir dans la salle. »

    Et ils meurent à la fin. Dur de commencer un livre en connaissant déjà le couperet terrible ! Pourtant, On ne sépare pas les morts d’amour aux Editions Didier Jeunesse nous intrigue. Peut-être est-ce d’abord le nom de l’autrice. En effet, Muriel Zürcher nous a déjà provoqué un coup de cœur avec les personnages attachants de Robin des graffs. Sans doute est-ce la magnifique couverture de l’ouvrage, entre rêve et réalité, illustré par Oriol Vidal. Enfin, un Roméo et Juliette dans une cité, de nos jours, avouez que c’est terriblement tentant ! Et, dès les premières lignes, qui se passent dans un tribunal de l’au-delà où des êtres votent pour Paradis ou Enfer, après avoir scruté votre vie sous tous les angles, c’est déroutant et immédiatement prenant. Ainsi, la vie d’Erynn et de Bakari nous fascine, comme elle tient en haleine les « écoutanges » du jugement dernier. On se prend au jeu des nombreux flashback. D’ailleurs le roman pourrait facilement être adapté au cinéma. Petit clin d’œil appuyé à West Side Sory.

    « Son sourire sonne faux, alors j’insiste : - Y'a quelque chose que je devrai savoir ? - Je te jure que j’étais pas au courant, me répond-elle. »

    Le quotidien d’Erynn et Bakari n’est pas de tout repos. La première est livrée à elle-même avec une mère trop jeune qui ne pense qu’à sortir. Le deuxième s’occupe de ses petits frères et sœurs car sa mère travaille beaucoup trop, histoire de pouvoir élever ses enfants. Les deux semblent fait pour s’entendre et s’aimer de par leur sensibilité et leur détermination. Seul infime problème : ils ne sont pas du même quartier. Vallon et Gâtines : deux citées séparées par le centre-ville qui se font la guerre depuis … sûrement la nuit des temps ! Erynn ne peut pas dire qu’elle côtoie Bakari à sa meilleure amie, en couple avec le caïd de Vallon. Bakari n’osera jamais confier à Ryan, dont le frère est mort dans une rixe entre les deux cités, qu’il fréquente une « ennemie ». Et difficile aux deux amoureux d’avouer leurs sentiments respectifs quand tout leur interdit de les vivre.

    « Le visage d’Erynn apparaît dans l’encadrement de la porte. Aussitôt, une bouffée de son odeur m’aère l’esprit et me réchauffe le cœur. »

    Un roman qui nous submerge et nous secoue jusqu’au point final. Des personnages qui vont nous hanter encore longtemps grâce au talent de Muriel Zürcher. Les seconds rôles sont d’ailleurs aussi intéressants que les deux protagonistes. L’autrice sait multiplier les points de vues et les façons de vivre de chacun.e sans les juger. Elle permet ainsi aux lecteurs et lectrices de s’y reconnaître tout en se mettant à la place de l’autre et de sa vision du monde. Quitte à coller au 7ème art, on pourrait facilement imaginer une suite ou un préquel qui se penche sur la vie de Délicia, Ryan, Diango ou encore Djibril, le petit frère de Bakari. On ne sépare pas les morts d’amour et on ne met pas non plus de mot FIN à une si belle histoire. Pour les grands ados, à partir de 15 ans.

    Image: Edition Didier Jeunesse

  • Identité complex(é)e

     La langue de mon père,Sultan Ulutas Alopé,théâtre des Clochards Célestes,Production Bal de Loutres,Jeanne Garraud,Vincent Chrétien,turco-kurde,racisme,poids des rôles,sentiment de honte,famille,étranger en France,Avril 2023

    Dans La langue de mon père, joué au Théâtre des Clochards Célestes, Sultan Ulutas Alopé nous fait part d'un lourd passif familial (racisme turc envers les Kurdes, violence socio-culturelle, rôles imposés...) théâtralisé et digéré, avec une distance interprétative qui permet le passage de la gravité à l'humour.
    Le jeu sobre, le regard tendre et intelligent posé sur l'histoire familiale, l'écriture d'une épopée qui confine a l'universalité (être un.e immigré.e en France), donne à cette pièce co-mise en scène par Jeanne Garraud, un charme délicat pour un premier seule en scène, qui impose écoute et respect.
    La complexité d'une identité culturelle multiple et stigmatisée permet de relativiser notre situation ethno-centrée et d'ouvrir notre regard sur l'autre et sa différence.

    Entretien avec Sultan Ulutas Alopé à l'issue de la représentation du 8 Avril :

    podcast
    Image : Théâtre des Clochards Célestes

  • Tordantes ténèbres

    Tenebria, le manoir Darkshire, Les Petits Monstres, Flammarion Jeunesse, Fabrice Colin, Gérald Guerlais, Projet Otaxan, Les étranges sœurs Wilcox, Golden Age, vampires, fantastique, mars 2023Il y fait sombre, les vieux manoirs pullulent, on y rencontre de drôles de bestioles et l’école est remplie de personnages étranges tels des vampires, des démons et autres gorgones. Nous ne sommes pas exactement à l’académie Nevermore de Mercredi* (série plus sombre et moins enfantine) mais on s’en rapproche. Voici Tenebria, un univers dont raffolent beaucoup d’adolescents et pré-ados. Ça tombe bien puisque Tenebria, le manoir Darkshire, publié chez Flammarion Jeunesse s’adresse aux lecteurs et lectrices à partir de 8 ans et peut plaire aux plus jeunes collégien.nes. Fabrice Colin, auteur prolifique (Projet Otaxan, Les étranges sœurs Wilcox ou plus récemment Golden Age) et Gérald Guerlais, illustrateur, les entraînent à la suite de Cassandra, vampire de son état et ses amis dont Valentin le fantôme et Jack le squelette. Point de parents dans cette histoire mais les adultes ne sont jamais loin à commencer par une maitresse-momie (à tester quand même) ou un vieil hibou, le directeur.

    Même en vivant dans un sombre manoir, en se promenant dans "la forêt que Personne ne Conseille" ou en côtoyant des dragons et des arbres-parlants à tous les coins de brume, on peut parfois s’ennuyer à Tenebria. Heureusement les Petits Monstres (Cassandra et sa bande) inventent des mensonges aussi gros qu’un œuf de poule, non d’autruche, mais non c’est pas ça non plus … Bref, les amis doivent ensuite résoudre les embrouilles qu’ils déclenchent plus vite qu’un tour de magie.

    Pas facile de les suivre jusqu’au fond du Lac-sans-Fond mais l’illustrateur a eu la brillante idée de dessiner la carte du territoire de Tenebria. Tant de choses encore à visiter que les monstres n’ont pas eu le temps d’explorer. Le pays des loup-Tarés ou les Carries du Démon sont bien intrigants.

    Les lectrices et lecteurs peuvent toujours compter sur Fabrice Colin qui a plus d’une histoire dans son sac. Venez donc découvrir Le rire du Vampire. Dans cette seconde aventure, on rencontre Karlov, l’oncle de Cassandra, aussi drôle qu’une porte de manoir grinçante et glaçante (et très bien croqué par Gérald Guerlais). L’univers s’étoffe au fil des années puisqu’on peut retrouver la suite dans la série Les Petits monstres (Tenebria rassemblant les deux premiers tomes). Les jeunes hésitent entre frisson et humour. Ici pas besoin de choisir, il suffit de se rendre à Sombrelune … enfin à ses risques et périls !

    * Série à suivre sur Netflix (attention seulement à partir de 13 ans)

    Image : Flammarion jeunesse