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présence

  • Conforter le sain

    Vivre avec l'irréparé, serait-ce apprendre à recouvrer la vue ? Serait-ce découvrir comment vivre avec le réel, autant que faire se peut, et ainsi ne plus accréditer l'idée que l'on pourrait sortir indemne de la douleur et du temps qui passe ?...Accomplir sa vie, serait-ce entrer dans l'inachevé et accepter l'irréparré comme gage d'authenticité du vécu ?  (p.27 et 208)

     

    Isabelle le Bourgeois,Vivre avec l'irréparé,Albin Michel,Dans Vivre avec l'irréparé paru chez Albin Michel, Isabelle Le Bourgeois poursuit sa réflexion sur le mal qui abîme et habite le monde et l'intention de son potentiel Créateur.
    Psychanalyste croyante et auxiliatrice auprès des plus délaissés, elle intègre dans ce livre quatre vécus de "patients" qui symbolisent et nourrissent son inspiration, avec ses années d'écoute au compteur (notamment en prison).
    L'irréparré ouvre sur un champ de possible qui n'est pas une guérison magique mais une acceptation à vivre avec nos failles , conditionnements ou stigmates. La parole dévoilée, la prise de conscience, la condition assumée de boiteux, les relations humaines...sont autant d'outils et d'armes à notre disposition pour aimer notre imperfection, à l'image peut être d'un Dieu miséricordieux envers ses fragiles créatures.
    Isabelle Le Bourgeois évoque l'alliance divino-humaine en la personne du Christ, qui assuma pleinement le paradoxe humain, en s'incarnant.
    Au sein de la matière ou de l'ombre, la lumière ; englobant l'ego-mental, un Je Suis rayonnant ; en soi l'Autre, le Fils, pour mieux se relier à la parole de conciliation ou de consolation...
    L'autrice veut croire en un sens et un Plan au milieu des apparents tourments ou épreuves. De l'inaccompli de nos tâches à la résilience en passant par une clarté de vision ou la reconnaissance d'une bienveillante présence, l'émerveillement et l'espoir restent de mise dans un monde dépeint souvent par trop chaotique.

     

  • Une Présence co-habite

     

    Nouveau cru de trois opuscules à teneur spirituelle, publiés par l'Originel-Antoni dans sa nouvelle collection  le cercle des vivants.
    C'est Aurélie Chalbos qui opère dans l'ombre, grâce à des questions pertinentes et parfois communes, pour révéler avec concision l'essence de ses interviewés et leur attitude/aptitude par rapport au Vivant.
    Ici deux philosophes et une historienne, tous trois écrivain.e.s au service de l'Autre, pour toucher des sensibilités différentes.

    Dans cette vie d'incarnation qui n'est pas une simple prison, il y a quelque chose qui se joue pour la destinée de notre âme (p.18)


    Reza Moghaddassi,Faire de nos boiteries une danse,Bertrand Vergely,Devenir un dieu parmi les hommes,Audrey Fella,Dire oui à notre fécondité spirituelle,Aurélie Chalbos,éditions l'originel-Antoni,Le cercle des vivants,Présence,philosophie,féminin,Mars 2023Reza Moghaddassi, philosophe, milite dans Faire de nos boiteries une danse, pour un corps incarné voire incardié. À l'intellectuel et au savant qui sait et brille en société, il oppose le sage ou le saint qui est et qui rayonne puisqu'il est comblé intérieurement.
    Selon lui la personne sociale est une illusion (cf le mythe de la caverne) dont il faut s'éveiller, ainsi que du modèle sociétal (prédation et compétition) dont chacun est pétri depuis l'enfance.
    Aimer les plus démunis est mieux que d'aimer entre soi mais aimer ses ennemis est une grâce et une transfiguration, signe d'une maturation de l'être. L'homme "habité" d'un Amour inconditionnel est sa mire plus que l'homme "hébété" derrière ses écrans. Aussi croit il en un retour aux valeurs essentielles (la méditation par exemple) et non au progrès transhumaniste. Sa modernité n'a d'égale que sa vision traditionnelle et originelle de la philosophie. Puisse t'il être entendu même s'il prône en filigrane l'avènement d'un Royaume qui, on le sait depuis Jésus, n'est pas de ce monde.

     

    On est dans la joie quand la vie nous réjouit parce qu'on l'a sent vivante en ayant du plaisir à la sentir vivante (p.62)


    Reza Moghaddassi,Faire de nos boiteries une danse,Bertrand Vergely,Devenir un dieu parmi les hommes,Audrey Fella,Dire oui à notre fécondité spirituelle,Aurélie Chalbos,éditions l'originel-Antoni,Le cercle des vivants,Présence,philosophie,féminin,Mars 2023Bertrand Vergely signe avec Devenir un dieu parmi les hommes, un manifeste purement philosophique en explicitant la vision de Dieu par la pensée (percevoir l'essence des êtres à son sens).
    Si Dieu est de toute éternité (le fameux Je suis qui je suis révélé à Moïse), il ne se révèle le Vivant (en soi) que dans l'existence ou l'incarnation, en naissant en tant que témoin. Dieu existe donc aussi par le prisme et la lumière de l'être qui "donne le regard juste de la vie juste avec des êtres justes et des paroles justes émanant d'une science juste (p.48). Cette grandeur en soi se révèle avec notre tâche ou destinée en cette vie, car elle nous (ré)conforte dans nos choix en se faisant audible intérieurement (la petite voix du Guide).
    Pour l'auteur c'est l'écriture (récemment Voyage en haute connaissance) qui a permis cette révélation et qui lui donne une place en ce monde.
    L'existence conscientisée procure donc la joie d'être, pour Bertrand Vergely, là où d'autres n'y verraient qu'une place (rétro)cédée à plus grand que soi, qui serait sans histoire personnelle ni volonté autre que l'invisibilité au monde pour que soit la vie dans sa perfection. Autrement dit Co-naître en s'oubliant, dans une présence qui est absence à soi, n'être rien que l'Autre...

     

    L'Amour est une énergie de création qui nous traverse à chaque instant. Si l'on s'ouvre à elle, on peut non seulement la recevoir, mais aussi la rayonner, on peut contaminer les autres avec (p.35).

     

    Reza Moghaddassi,Faire de nos boiteries une danse,Bertrand Vergely,Devenir un dieu parmi les hommes,Audrey Fella,Dire oui à notre fécondité spirituelle,Aurélie Chalbos,éditions l'originel-Antoni,Le cercle des vivants,Présence,philosophie,féminin,Mars 2023Audrey Fella, essayiste du fait religieux, relate dans Dire oui à notre fécondité spirituelle, de son expérience d'intériorité, qui advient naturellement (en posant une intention néanmoins) ou grâce à l'accident/la crise.
    La profondeur en soi n'est pas enseignée, même parfois niée dans notre société issue des "lumières", or elle recèle de trésors comme le silence mental ou une Présence chevillée au cœur, qui sont les apanages de l'être. Se connecter à cette ressource ou force permet de déplacer les montagnes, la patience ou l'Amour du prochain en sont des attributs.
    C'est grâce à l'étude ou la rencontre de saintes, mystiques, sages (récemment Christiane Singer) ou chamanes que l'autrice a redécouvert cette ouverture toute féminine à ce qui est et gît au tréfonds de soi et que les contes traditionnels véhiculent a travers siècles : nous avons à mettre au monde un enfant divin, fruit de notre conscientisation de la matière, et sommes aidés en cela, pour peu que nous prêtions l'oreille dans et au-delà se soi...

     

  • Le travail intérieur

    "Un saint est un être qui est déjà mort au cours de son existence ; c'est à dire qu'il a rencontré les lieux de son âme capables de le guider, de l'orienter vers son Seigneur. Au terme de la navigation, incha Allah pourra t'il devenir goutte dans l'océan. Sans être confondue  avec la Présence divine - être toujours cette goutte, fondue dans l'océan de l'Être (p.200)".

     

    seuil.jpgLe soufisme naqshbandi est né à Boukhara. Cheikh Nazim Haqqani (1922-2014), l'avant dernier et quarantième guide de l'ordre, l'exporta d'Ouzbékistan et le fit connaître en Occident et à Paris.
    Au seuil de l'aube - un cheminement soufi, paru aux éditions du Relié relate de l'essence de cette voie ésotérique de l'Islam. Juliette Kempf (issue d'un théâtre aux racines spirituelles) a  mis en mots des échanges nourris avec Abd el Hafid Benchouk, l'un de ses représentants et également directeur de la maison soufie à Saint-Ouen. Sont abordées les pratiques (rites et dikhr) et la vision intériorisée presque symbolique du cheminant, sur la vie (étapes et événements) et l'époque.
    L'initiation soufie est proche de la source traditionnelle (dont R. Guénon a opéré une brillante reconstitution) mais sa forme reste musulmane, le prophète Mohammad étant le premier maillon de la chaîne.
    L'importance est accordée à la Présence (d'un rets de lumière a l'irradiation possible) divine en soi et cette relation vécue en chair s'accommode d'un travail de polissage de l'ego (les nafs de l'âme charnelle) pour le rendre plus docile et poreux à cette grandeur numineuse immanente. Cette "philosophie" rappelle celle du Christ en soi, qui croit à mesure que le "je" diminue, une ouverture à l'Autre qui provoque malheureusement encore l'ire des fondamentalistes et transcendants de tous bords.
    L'éveil et la praxis de cet Œil par lequel Dieu se voit dans le prochain est partagé par la communauté universelle des sages et saints de tous âges et les préceptes ainsi que l'éthique de la voie Naqshbandi, enluminée ici par Juliette Kempf et Annick de Souzenelle (postface) en offre une parfaite et profonde synthèse.

    L'ouvrage est en outre parsemé d'extraits du Coran traduits par Maurice Gloton ou André Chouraqui, ce qui ajoute de la valeur à cet essai déjà juste et vrai dans son axe.

     

  • L'Oeil du Résurrécteur

    “Être là, vivant, c'est manifester dans nos limites quelque chose de l'invisible présence et de l'infini patience. C'est être une icône de l'Être, qui est Vie, conscience et Amour”. (p.20)

     

    paradoxe.jpgJean-Yves Leloup publie le Paradoxe Chrétien aux éditions du Relié-Tredaniel. Une saine et salutaire réflexion sur la figure du Christ, humain et divin à la fois, Roi du Royaume céleste mais crucifié sur terre, uni à Dieu et "co-naissance" du croyant sincère.
    Trois essais ponctuent cet ouvrage : l'essence actuelle du chrétien, l'importance d'une vision iconique et l'esprit (saint) des 8 béatitudes.
    L'auteur rappelle qu'une relation authentique au mystère christique, vécue dans sa chair par la transfiguration, est le signe et l'essence même du chrétien en cette époque. Être chrétien c'est porter en soi et naître Autre, christophore. C'est montrer la Lumière qui éclaire ce monde par l'Amour, la conscience, la Vie et le souffle qui sont ses attributs. 
    C'est aussi se situer dans un axe vertical qui relie terre et ciel, Père et Saint-Esprit (la Mère ou Sagesse), dans le Fils, Corps-don. C'est enfin connecter la Source à laquelle Jésus s'abreuvait, était vivifié et qui le rendait libre. C'est laisser l'infini et l'éternelle vie traverser l'existence et, par la trouée du regard, dépasser l'idolâtrie pour devenir l'icône qui nous meut et nous survivra.
    Cette Présence issue du silence et qui n'est pas de ce monde, cet au-delà du mental prélude au Verbe, cette sortie de l'échelle des intelligences (le bien, le mal...) pour un discernement incardié et relié...mais aussi ce si mal aimé, violenté et méprisé prince de la paix. Ce sont ces paradoxes que développe depuis tant d'années le père orthodoxe renommé Jean Seraphim en faisant ici une mémoration synthétique.
    Au risque de heurter certaines sensibilités, Jean-Yves Leloup nous (dé)montre qu'il est toujours à la page, ni démodé ni conventionnel.
    L'ancien qui traduisait il y a quarante ans avec André Chouraqui certains passages de la Bible hébraïque (dont le "en marche" des béatitudes ou le “va vers toi" du cantique) est toujours en verve et en verbe. Il incarne véritablement comme d'autres (une tendre pensée à Annick de Souzenelle) la promesse du Christ et de la survenue du Royaume en cette vie. Un témoignage d'une importance cruciale en ces temps troublés.

     

  • La vie intense-aimant

    "Ici ce n'est plus elle qui écrit, c'est le langage devenu vivant qui s'invite en elle et qui l'inspire. Au point qu'elle nota plus tard ceci : "Souvent je ne fais en écrivant que suivre la lumineuse glissée de la langue qui capte elle-même ce qu'a peine j'ose penser et dire". (p.132)


    Audrey Fella,Christiane Singer,une vie sur le fil de la merveille,Albin Michel,Graf Durckheim,pardon,amour,présence,être,mystique,écriture inspirée,biographie,Avril 2022Audrey Fella ne tarit pas d'éloges sur Christiane Singer dans la biographie qu'elle lui consacre chez Albin Michel, sous titrée “une vie sur le fil de la merveille”.
    Visiblement très marquée et touchée par ses écrits, elle recompose un portrait kaléidoscopique à partir de ceux-ci, une vingtaine de romans et d'essais qu'elle résume et dont elle fait l'exégèse littéraire de façon chronologique.
    Audrey Fella a également beaucoup investigué auprès de sa famille et proches (les deux femmes ne se sont pas rencontrées), nous rendant contemporaine l'acuité de son âme créatrice et la fécondité de son esprit.
    L'ouvrage est plaisant, bel exercice de style, et nous fait découvrir la vie pleine et ardente d'une exilée judéo-chrétienne (par l'origine de ses parents) qui suivit son mari dans un pays belligérant, l'Autriche (elle a grandi à Marseille).
    Douée pour l'écriture depuis enfant, elle tendra vers l'épure et le minimalisme poético-mystique plutôt que l'intellect pur et raisonné, en entamant un travail sur elle-même (l'enseignement de Graf Durckheim, le zen, le souffle, le chant, le toucher...) et sur sa constellation familiale.
    Ses écrits sont emprunts d’intériorité, de la croyance en l'être et en la foi d'une Présence amoureuse préexistante à la Création. Sa vie partagée entre mariage (elle aura deux fils), écriture et conférences ou même enseignement (avec tout ce qui l'aura mise en lien avec la profondeur) lui fera renouer avec le pardon (les horreurs nazis sur les membres de sa famille), l'Amour et la louange, le retour au Christ sur la fin de sa vie (elle meurt à 64 ans d'un cancer de l'utérus).
    Elle n'aura de cesse d'écrire jusque sur son lit d'hôpital (derniers fragments d'un long voyage) sur les thématiques  du vivant : les âges de la vie, l'éros et la sensualité, le féminin, la naissance et la mort, l'amour et la passion, incarnant pour ceux qui la côtoyèrent, une incandescence, un degré de vie, une exigence étrique.
    Il semble en effet, à la lecture de l'ouvrage, que
    Christiane Singer, qui se voyait  vieille âme, ait brûlé intensément à chaque instant de sa vie pour témoigner en tant qu'instrument du divin, de la merveille de la création, au sein de laquelle nous sommes tous, c'est encore elle qui l'a vu et su, inextricablement liés.


    "
    Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l'âge, ni le métier, ni la situation familiale...mais de quelle façon ils ont survécu au désespoir d'être séparés de l'Un par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez-vous de l'enfance, de la vieillesse et de la mort, et comment ils supportent de n'être pas tout sur cette terre". (p.192)