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Rap - Page 2

  • Du lourd en perspective

    Get-Busy-L-anthologie-de-l-ultime-magazine.jpg

    Bel objet que cette anthologie cartonnée Get Busy publiée aux Editions Marabout, qui vient ressusciter des feuillets mythiques puisque introuvables. Elle retrace les meilleures interviews (dont certaines inédites) sur 30 ans d'activisme, du fanzine originel (période 90-95 - 12 numéros) à l'émission web TV sur Clique TV en cours en passant par le format magazine (7 numéros entre 2001 et 2003) ou la version co-animée avec Joey Starr (Authentik sur 3 numéros avec NTM comme rédac. chef).
    Mais Get Busy c'est surtout l'émergence d'une personnalité, SEAR, hip hop dans l'esprit, qui, à l'inverse des institutions rock de l'époque (Best, Inrocks, Rock'n Folk) voulut rendre compte de façon positive, culottée, érudite, corrosive ou parfois légère, d'une culture alors en pleine expansion.
    Le collectif Get Busy, variable selon les époques, su proposer à ses fidèles et chanceux lecteurs des thématiques autres que la musique  rap (people, sport, société, X), dans un souci de chroniquer une époque , ses personnages mythiques ou emblématiques, ses marottes.
    On y retrouve donc, en sus de personnalités hip hop (Nas, Dee Nasty, Ice Cube, J' Blige, NTM...), des artistes en plein boom (Dieudonné, Chabat, Dupontel, Jamel...), des intouchables (Vergès, Platini, Ardisson...), des légendes du banditisme dans la vie ou à l'écran (Charlie Bauer, André Pousse, Dominique Zardi), des stars du X et du sport (Marvin Hagler, Marc Dorcel, Julia Chanel...), puisque "le X comme le rap ou le banditisme, permet d'analyser la société en creux".
    La pêche aux "gros" poissons (à interroger) reste synonyme d'un mode de vie (do it yourself) où tout devenait possible, par passion et en s'en donnant les moyens, attitude désinvolte qui allait révolutionner les futures interrelations en les décloisonnant ou en se passant d'intermédiaires.
    Sur le fond, l'anthologie regroupe une quarantaine d'entretiens contextualisés et classés par thèmes, plus ou moins longs, agrémentés de goodies sous forme de QR codes (vidéos ou sons). Le ton est détendu (les questions n'étaient pas préparées à l'avance) mais les dossiers sont parfaitement maîtrisés, ce qui permet un certain lâcher prise chez l'interviewé, pour plus d'authenticité. Pratiquées à plusieurs entre potes, les questions fusent et alternent, de générales à pointues, sans oublier de (se) chambrer, la mentale banlieusarde.
    On passe un bon moment, à l'ombre de l'univers de SEAR entres autres (tous ses acolytes sont cités dans les tags) en découvrant ou revisitant les péchés mignons de quelques "b.boys" tournoyant autour d'un mouvement naissant qui trente ans plus tard est plus que jamais présent partout.
    Reste au final un petit goût de nostalgie d'une époque révolue mais dont la liberté d'esprit (libertaire ?) a fait de nombreux émules.

     

  • L'unité célébrée au Woodstower

     

    Yseult remplacée au pied levé par le prometteur Obi, invité du joyeux Gaël Faye, qui prit au corps un public enthousiasmé par la proposition artistique d'Abd Al Malik, telle fut la soirée du Mercredi 25 Août au festival Woodstower !

    Woodstower post-covid garde un charme fou, avec une jauge réduite, une seule et grande scène (au lieu de trois), et un aménagement de l'espace restauration bien pensé, convivial et aéré pour les groupes d'amis.
    La nourriture est toujours aussi éclectique, on consomme pratique et original avec une vraie réflexion écologique (jusqu'aux toilettes sèches)

    woodstower,mercredi 25 aout 2021,obi,gaêl faye,abd al malik,le jeune noir à l'épée,lundi méchant,festival,lyon,parc miribel jonageCôté scène, Obi (réfugié nigérian issu d'un squat de la Croix-Rousse) fut la révélation malgré lui (à deux reprises donc), titillant l'oreille par sa voix à réveiller les morts (Il faut dire qu'il revient de loin !) ragga-dancehall-rap et ses mélodies entêtantes,d'un public ouvert aux vibrations positives et aux phénomènes artistiques, en remplacement d'Yseult enrouée.
    Les frères
    Fayette-Mikano, Abd Al Malik et Bilal, programmeur (avec leur ami d'enfance Mattéo Falkone en featuring) ont marqué lourdement les esprits avec un show chorégraphié par 4 danseurs qui en imposent (Du burkinabé Samia Sanou), imagé et théâtralisé (L'ombre de Gérard Jouannest, pianiste de Brel et époux de J. Gréco plane sur le set), version live du livre-cd concept "Le jeune noir à l'épée". De cœur à cœur le message passe : "Peut-on dire que le monde a changé si ta couleur de peau te met encore en danger ?" (Tirailleur tiraillé). L' art et la culture ont créé ce pont entre artiste et public pour une écoute totale à laquelle le rappeur issu de Strasbourg-Neuhof fut sensible, lui l'homme blessé qui prêche désormais l'amour salvateur.woodstower,mercredi 25 aout 2021,obi,gaêl faye,abd al malik,le jeune noir à l'épée,lundi méchant,festival,lyon,parc miribel jonage
    La formule unitive longtemps cherchée semble payer et la foule parfois novice est toute réceptive à l'art poétique. "
    Nous sommes un", clamera t'il après sa performance cathartique.
    Sa voix puissante et vibrante résonne et émeut encore longtemps après...

     

    Gaël Faye arrive à point nommé pour relâcher la tension tout en étant sur la même longueur d'ondes. Cette fois c'est la fièvre de la bougeotte, de la joie, des rythmes qui t'emportent et te portent. L' artiste, enjoué et détendu, est ici en terrain conquis, sur ses terres paternelles. Une petite heure pour dérouler ses tubes de l'année écoulée : Histoire d'amour avec Samuel Kamenzi, Chalouper, Boomer avec OBI donc, Respire ou Lundi méchant sans oublier quelques pépites de son répertoire rap des débuts.
    C'est l'espoir d'un beau monde heureux et réconcilié et les mots de
    Christiane Taubira se gravent dans nos têtes : " Et vos enfants joyeux et vifs feront rondes et farandoles avec nos enfants et leurs chants et s'aimant sans y prendre garde vous puniront en vous offrant des petits-enfants chatoyants" (elle a écrit la chanson Seuls et vaincus).
    woodstower,mercredi 25 aout 2021,obi,gaêl faye,abd al malik,le jeune noir à l'épée,lundi méchant,festival,lyon,parc miribel jonageMême si le dernier album de
    Gaël Faye enregistré à New-york prend un virage plus pop et mélodique, il garde son équipe motivée (Guillaume Poncelet aux claviers-trompette  et l'exubérant Louxor aux rythmiques) à ses côtés et nous embarque dans des contrées plus colorées et romancées aux rythmes afro-carribéens.
    Le public danse, chante, en redemande. L'auteur de Petit pays est aussi venu pour rappeler que la musique est essentielle après ces temps contraints, heureux de retrouver ici, à Woodstower, un semblant fugace de liberté.

    @crédit photos :  Justine Targhetta - @iam_justeen

  • Universel Diamanka

    "Et l'ancien a regardé le ciel dans les yeux et il m'a dit
    Bienvenue dans le clan des donneurs de paroles d'honneur
    Maintenant pars leur parler avec des poèmes
    Et porte-leur bonheur
    Prend le verbe et emmène-le au-delà des frontières de la communication
    Avec les gestes précis du sculpteur d'imaginaire comme unique action
    Et comme si tu partais conquérir le monde
    Pars cueillir les mots
    Les mots de ceux qui parlent avec le cœur
    ". (p.83)


    diamanka.jpgLe poète magnifie la réalité au détriment parfois du message. On peut lui reprocher un déficit du fond sur la forme, un plébiscite de la technique littéraire sur la sagesse d'un vécu.
    Avec
    Souleymane Diamanka, alias Dua Jaabi Jeneba, l'équilibre est obtenu par le poids des mots, lui qui donne voix aux maux.

    "J'ai vu ceux qui suent et ceux qui saignent devenir ceux qui sèment les mots qui soignent"

    Cet artisan du verbe aux puissantes racines peuls (les fameux griots) irrigue de son don plusieurs disciplines : rap-slam, poésie et demain le conte ?
    Issu d'une culture orale, il demeure le témoin d'une sagesse ancestrale qu'il a la bonne idée, dans les pas d'
    Amadou Hampaté Ba, de retranscrire sur papier, afin de laisser la trace d'une attitude et façon d'envisager la vie.
    Cœur de croyant, il navigue entre modernité et tradition, dignité et code moral, valeurs altruistes et baume réconfortant.
    Ce petit recueil de poésie, "
    Habitant de nulle part, originaire de partout" paru chez points poésie (collection dirigée par Alain Mabanckou) comprend aussi les textes de son singulier et classique premier album "L'hiver peul" et dieu merci pour la France, on sent qu'il n'est pas là pour parader mais inonder de ses mots chaleureux une contrée où le froid semble s'être installé...

     

  • Réconciliations : L'énergie de l'espoir

     

    “Selon les soufis, chaque femme et chaque homme sont le théâtre d'un combat, de ce jihad intérieur, qui voit s'affronter au quotidien, dans nos poitrines, l'âme charnelle – qui ne cesse de se débattre toujours tournée sur elle-même et attirée finalement par le seul plaisir égoïste – contre l'esprit supérieur – magnifiant à chaque instant la beauté et l'unité de tous les êtres – aimanté vers le monde spirituel” (p.102)

     

    abd al malik.jpgLa République peut compter sur Abd Al Malik pour imaginer et construire “le monde d'après” : un monde souhaitable, apaisé et réconcilié, ce fameux monde unifié du discours politique qui n'en a malheureusement pas la prétention.

    Réconciliation” paru chez Robert Laffont est un essai-manifeste court mais concis dans lequel on retrouve l'artiste plus engagé que jamais et à maturation d'Homme (au sens relié à l'Esprit).

    Jeune adulte, avec son groupe N.A.P, il “priait en attendant la fin du monde”, pratiquant alors un Islam peu conventionnel et moralisant. Depuis, il a œuvré lourdement d'abord en solo, explorant des univers à priori irréconciliables et tissant des ponts entre chanson française et scansion. Puis il s'est mis à l'écriture, la mise en scène et la réalisation cinématographique, déployant totalement son univers dans plusieurs couleurs politico-poétiques.

    La reconnaissance vint tôt mais ce sont véritablement deux mains tendues qui l'amenèrent à une révolution intérieure, une résilience et une renaissance, un regard neuf sur le monde : Juliette Gréco et sa foi en l'humanité, le maître soufi Sidi Hamza et son Amour équanime envers toute créature.

    Ces deux piliers-béquilles ne sont plus physiquement présents mais intégrés au plus profond d'un cœur qui souhaite désormais “faire peuple”, fort de sa réconciliation d'avec soi-même, son passé, ses origines et ses rancœurs passées si peu fortuites.

    La période sanitaire actuelle a ravivé des fractures que l'on croyait d'un autre âge mais qui n'ont jamais disparu et c'est avec une certaine hauteur de vue (bel équilibre trouvé entre avoir et être, entre intériorité et action extérieure) qu'Abd Al Malik s'érige non pas en donneur de leçons mais frère de la nation, multipliant sa présence sur les fronts : Contre le fanatisme de pseudos musulmans, pour la marche des libertés et donc contre la loi de “sécurité globale” aux cotés d'Aïssa Traoré...toujours en réflexion-médiation et force de propositions malgré l'impact financier négatif notoire sur les projets culturels en cours (annulation de la tournée-spectacle Le jeune noir à l'épée).

    Depuis l'irruption durable du virus la parole n'est plus qu'aux professionnels du verbiage et l'on déplorait la présence chaleureuse et ô combien précieuse des artistes taxés un temps de “non-essentiels”.

    Avec ce livre on sait qu'ils patientent, fulminant, dans l'attente d'irradier le monde de demain de leur lumière évanescente, celle trouvée dans la profondeur de l'ombre.

     

    “Je crois véritablement aux artistes, je crois sincèrement que ce sont eux, nous, qui changeront véritablement le monde parce qu'on travaille directement les imaginaires. Justement parce qu'on a pas peur de nos émotions, parce qu'on sait précisément d'où elles viennent et quoi en faire. Et, finalement, on est dans trois tendances qui marquent nos sociétés, l'empathie, la tendresse et la spiritualité. Les artistes pourraient diriger le monde et réussir.” (p.139)

     

  • IAM : Une parole de poids

     

    Nous proposons une autre vision de la société, en quête d'un projet constructif plutôt que destructif, d'une ouverture plutôt que d'une fermeture...si nous pouvons encore éveiller quelques consciences et encourager l'empathie et la cohésion de notre humanité fragmentée, ce sera notre pierre à l'édifice” (Entre la pierre et la plume – IAM).

     

    IAM,Entre la Pierre et la Plume,Baptiste Bouthier,Editions Stock,Octobre 2020Le collectif IAM (Akhenaton, Shurik'n, Kephren, Kheops, Imhotep et peut-être aussi Saïd ?) signe avec Baptiste Bouthier, journaliste socio-politique à libération, un livre témoignage “Entre la pierre et la plume” paru chez Stock éditions, sur leurs riches parcours dans le secteur culturel. L'ouvrage est émaillé de sentences puisées dans la discographie et de bulles focales sur chaque membre du crew phocéen. 

     

    Pour qui suit leur carrière, les textes parlent d'eux-mêmes mais l'intérêt du livre c'est de développer la pensée (des chapitres entiers sur 9 thématiques dont le cinéma, le langage et l'argot, Marseille la ville ou encore la domination et le racisme...), expliciter le processus créatif (Le concept IAM, l'influence des membres sur les plans socio-culturels ou politico-spirituels) et replacer dans son contexte (Marseille, le statut des français issus de l'immigration, l'influence et le statut du rap) un groupe (et les techniciens qui gravitent autour) qui perdure depuis plus de trente ans.

    Avec 9 albums concepts au compteur, des albums solos, des productions de talents marseillais (FF, L'Algérino, Psy4 de la rime,Veust Lyricist, Faf Larage, Bouga, chiens de paille...), des réalisations cinématographiques, le groupe n'a pas à rougir de son bilan auditif avec des salles toujours pleines, sans véritable campagnes de promotion et surtout l'aura respectueuse due à un pilier mythique de l'histoire du rap (français), droit dans ses bottes et ses choix artistiques.

     

    Le groupe dévoile notamment sa formule secrète appliquée à chaque missive : des albums conceptuels basés sur six piliers : des titres politiques et engagés, introspectifs, historico-mystiques, à base d'humour, de storytelling ou d'égotrip.

    Autre point crucial l'effort porté sur l'écriture : un “verbe ciselé et travaillé mais qui reste accessible”, érudit mais pas élitiste, complexe mais pas compliqué, technique mais pas ampoulé, à base de sentences (une phrase qui marque en profondeur) plutôt que de punchlines.

    Mais sa véritable richesse reste son ciment collectif. IAM est le seul groupe soudé depuis ses débuts (à part le départ de Freeman, au nom prophétique ?), uni par ses passions communes (la civilisation égyptienne, le cinéma de genre, la culture asiatique ou l'amour du hip hop, donc de New York...), sa foi et sa fidélité à toutes épreuves. Le microcosme est en soi une démocratie qui valide chaque décision à la majorité absolue.

     

    Éternels challengers au sein d'un mouvement originel qui ne cesse de se régénérer, les jeunes vétérans d'IAM acceptent volontiers l'esprit de compétition et remettent en jeu leurs lauriers à chaque nouvel album. Leur vécu leur donne avec l'âge un poids politique intéressant et important en particulier sur la culture dominante qui selon eux, méprise encore le rap, alors que sa diffusion est majoritaire en France. Un mépris à la fois de classe et ethnique, s’appuyant parfois sur un schéma raciste envers ceux dont “l'expression est populaire, le langage issu de l'oralité, affublés en plus d'un accent ou de termes argotiques”.

    Deux mondes sociaux-politiques qui s'opposent à travers le monde, même si des ponts existent pour “dénoncer oppressions, racisme et injustices” dans les deux camps opposés. Cette voie du milieu est celle prônée par l'entité IAM depuis le début avec une richesse symbolique et lexicale qui invite à l'ouverture d'esprit plutôt qu'à l'individualisme et au repli sur soi, constaté ces dernières années.

     

    Reste le futur à inventer puisque le mouvement hip hop s'écrit au présent. Lourd de son concept dont l'acronyme IAM est multiple : à la fois “j'existe”, “Imparial Asiatic Men”, “Invasion Arrivant de Mars”..., reste peut-être sa dimension mystico-spirituelle à investiguer, à savoir le fameux “Je Suis” divin, l'essence du nom ?

    Le temps file et la sagesse accumulée (Égypte, Islam, Zen...) pourrait devenir pierre de taille, dans son intériorité, pour de prochaines thématiques métaphysiques, en venant parachever l'édifice...

    Un livre de poids donc à mettre entre toutes les oreilles attentives, et de bonne volonté.

     

  • un rap visionne-ère

    "Tout le monde détient sa vérité, ça parle sans s'écouter donc les thèmes tombent" (en haut du trône)

    432,Rockin squat,New York,rap,mai 2020Le nouvel opus de Rockin Squat intitulé 432 s'avère de prime abord massif, puissant, monolithique tel un roc, un gemme sans aspérités. Le Christ est peut-être une clé de lecture (le Roc) comme aussi l’œuvre (la construction) d'un guerrier de l'esprit. Ce n'est qu'après quelques écoutes qu'apparaissent quelques imperfections, faiblesses ou faussetés.

    Enregistré live à New York, là où tout a commencé (NY Netwok), avec des musiciens chevronnés (jouant avec Kendrick Lamar par exemple), Squat annonce la hauteur. En brassant ses influences (funk, blues, rock, soul, samba brésilienne) il revient aux racines du hip hop, son origine et parfait son identité musicale rap avec énergie et voix rauque.

    L'enregistrement de l'album en 432 Hz, une fréquence plus naturelle que l'habituel 440 (c'est la vibration de l'eau par exemple) amène une écoute peut-être plus apaisée. Sans surcharger les titres en instruments et paroles, l'album gagne en lisibilité. Le son est épuré et la parole s'approprie l'espace pour un raisonnement et une résonance clarifiés. Instruments et voix au naturel également où la batterie prend une place conséquente au milieu des guitares, cuivres et synthés.

    Habitué à délivrer des messages, le baroudeur dépeint sur fond mélancolique, le règne de la quantité : un monde froid et calculateur où l'argent et le vice gangrène l'esprit des gens, où l'apparence et la superficialité, le diktat des rėseaux sociaux, riment avec existence. Conséquence sur le poids des mots ou de la personne qui devient un clown, un clone ou un ersatz balayé par le temps. A contrario de l'or, il rappelle son obsession pour la vérité et l'accession à la lumière intérieure. "La vie est aussi un miracle" pour celui qui surfe, tel un équilibriste, sur la vague de l'instant, neuf à chaque seconde s'il prête attention.

    "T'as l'équilibre du monde t'es un exemple à suivre" (rap de mon âge)

    La cinquantaine sonnante et désormais père de famille, Mathias Cassel aborde des thèmes plus générationnels comme les changements hormonaux, le soutien familial, la culture physique et alimentaire, la transmission, l'importance d'être en quête, la recherche de l'équilibre...même s'il flirte parfois avec l'inflation égotique ("Je suis responsable comme un père envers l'humanité..." dans rap de mon âge, "J'ai tout vu, tout senti, tout prévu, tout prédit..." sur leaders...). Certains refrains sont très travaillés (vocab, rap de mon âge...), complexes, d'autres pauvres et bâclés ("ça sent la carotte"...dans fondation, "occupe-toi de toi" sur Mieux vivre...), certains titres sont très produits d'autres presque minimalistes. Inégalité des titres donc mais homogénéité par couple et cohérence de l'ensemble pour un voyage musical digne des grands artistes.

    A la fois sérieux et grave (en haut du trône, clown), explosif et énergique ( leaders, NY Network) ; tantôt chantre de l'amour (a lingerie ô cabernet, bidonville), sage et avisé (mieux vivre, I hear that), tantôt introspectif ou dans l'espièglerie (vocab, verlaine, rap de mon âge, fondation), il se dégage une force générale qui va dans le sens de l’impeccabilité du guerrier (grandir, omerta) à l'écoute de cet album de retour aux sources.

    Côté texte et vécu on arrive à l'âge de l'équilibre des paradoxes : sans remettre en question la nouvelle richesse des propos partagés, la solitude du trône (de celui qui vend des millions de disques) est suspecte à ses yeux mais pas celle du guerrier spirituel sans plus de modèle, qui "n'écoute plus que ses jedis" : le savoir est plus important que l'or. De même on ne peut être en lutte contre l'importance personnelle et se réjouir de ne travailler qu'avec les meilleurs...

    Même si le rap game n'est désormais plus une lubie, on sent à l'écoute de ce nouveau projet une détermination à perdurer et à marquer l'époque par sa différence et son attitude. RCKNSQT, le créateur de la formule secrète (savoir, amour et humour ?) est de retour après la trilogie de ses confessions il y a 10 ans déjà, avec moins de bruit mais plus de jugeote et de prudence, moins d'abstraction mais plus de verve et de lucidité.

    "Ma parole vaut la Vie, la tienne ne vaut que l'or" (grandir)

    L'album est disponible sur commande uniquement.

     

  • Alpha Wann en l'état

     

    Expérience à vivre et à revivre que ce festival de l'est lyonnais Woodstower, en plein cœur du magnifique parc-plage de Miribel-Jonage.

    Cela ne ressemble pas, contrairement à son nom, à un énorme site informe et halluciné, au contraire le public n'est confronté qu'à de bonnes (nourriture bio et locale, toilettes sèches, sites de prévention, animations gratuites, prix accessibles, ) et belles surprises (ambiance bon enfant, 4 scènes à tailles humaines avec un son de qualité, des artistes enthousiastes). Mention spéciale au dogzilla et à la caravane des tubes du top 50...

    21ème année d'existence déjà et une vision moderne et pratique de ce que peut être un éco-festival réussi à l'adresse d'une jeunesse à sensibiliser et contenter. La programmation du samedi 31 Aout fit en effet bonne part à la scène hip-hop et électro avec des artistes reconnus et locaux.

     

    woodstower 2019,Alpha Wann,K.S.A,Infinit',Jay Jay,Hologram LoYoussoupha,Cabalerro et JeanJass,Canine,Miribel-Jonage,Lyon,Aout 2019Le collectif féminin Canine à la chorégraphie bien rodée, le jeune vétéran du rap français Youssoupha et sa chaleureuse prestation, le duo planant Trinix, les huit membres du combo lyonnais Kumbia Boruka et son set de cumbia endiablé ainsi que les jeunes vaporeux mais talentueux Caballero et Jeanjass nous ont enjaillé jusqu'à l'heure d'Alpha Wann dont c'était la seconde venue cette année sur Lyon.

    Le concert fut à la hauteur de son talentueux premier album UMLA : flow carabine, rythme et productions taillées pour la scène.

    Accompagné un temps par K.S.A. aka Le loup blanc, Infinit' et Jayjay, il performa plus souvent seul, sans temps mort avec Hologram Lo aux platines (le DJ et producteur d'1995) avec énergie, fougue et brio, laissant le public scander quelques mots bien sentis. Un Don Dada frais et à l'écoute, affuté pour la route, qui gesticule au son des mots qu'il débite en cascade.

    La set-list fut composée en grande partie des titres pêchus du dernier album et de trois quatre de ses précédents Ep's Alph Lauren 2 et 3, dont le très apprécié Barcelone ou entraînant Courchevel.

    Un rendez vous réussi donc et une présence scénique généreuse qui mériterait d'être soulignée et entourée plus souvent que par à-coups. Le jeune artiste parisien débarqué deux jours après son acolyte Nekfeu de leurs tournées respectives fut apparemment ravi d'être là devant un public connaisseur et fidèle qu'il avait en partie côtoyé au Transbordeur et qui lui avait déjà laissé un souvenir impérissable.

    "Ici c'est le vrai rock’n’roll" tança t-il dès l'entame de son set bouillant et engagé. Les programmateurs de Woodstower ont résolument compris leur époque, son message et ses valeurs, 60 ans après le clin d'oeil de Woodstock, orienté vers un futur désirable.

     

    @Crédit Photo Justine Targhetta