Fabrizio Bajec n'avait pas tout dit avec Le Point Zéro, son précédent ouvrage. Dans "Dompter le lion - un zen sauvage", paru au Mercure Dauphinois, il prend un peu plus de hauteur pour nous parler de son zen MBSR (Mystique, Bienveillant, Sauvage et Radical), qu'il pratique avec quelques acolytes en tout temps et tout lieu extérieur, les contours du Dojo n'ayant plus de raison d'être. Longtemps affilié à une forme et tradition, il s'en affranchit de temps en temps pour s'afficher koan vivant aux yeux des passants éberlués. Il faut dire que le "je" qui prend la plume "est toujours un autre qui n'existe pas", depuis le jour où il cessa de respirer...du moins en apparence.
Il se définit dès lors comme "mort-vivant", non-né, sans personne aux commandes, situant son expérience comme aussi advenue auparavant chez d'autres éveillés, le Maharshi par exemple.
Désormais porteur d'une Présence et d'un Amour sans frontières, il en fait don et témoignage au monde, comme pour mieux le défier (dévier ?) de sa finitude.
Mais ce livre est aussi un jalon sur le chemin de tout questeur de vérité, avec des étapes et passages que l'auteur a vécu ; un témoignage également de la nuit noire de l'âme plus commune aux mystiques chrétiens et un recueil de poèmes glanés au fil du temps !
Richesse paradoxale donc d'une non personne à la conscience cosmique et qui est pourtant "some body"...
Zen
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Un koan vivant
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Un éveilleur du Moi vérité
Il faut accepter la mort inconsciemment. L'homme qui réalise cela trouve la sérénité jusqu'à cet ultime moment. C'est cela le propos de l'éducation zen (p.207).
Le Rire du Tigre réédité en poche aux éditions du Relié (copie revue et augmentée) est un livre qui se dévore. Autant prosélyte sur le zazen que portraitiste du géant de la spiritualité Taisen Deshimaru (1914-1982), Marc de Smedt brosse le portrait d'une époque et de dix années passées en garde rapprochée du Maître zen (il fut son confident, éditeur, disciple...). La mémorable description d'un voyage au Japon, entre tradition et modernité, côtoie celle de la fondation du dojo français de la Gendronnière. De nombreuses anecdotes dépeignent le personnage haut en couleurs qu'il fut tout en le contextualisant dans la tradition du zen soto (il fut un des disciples de Kodo Sawaki). Le leg du moine bourru qui amena le zen en Europe tient dans la posture qu'il enseigna et magnifia. L'auteur relate en annexe toutes les vertus scientifico-spirituelles y attenant.
Ce classique de l'ésotérisme vaut également pour les hauteurs de vue de Deshimaru, notamment son dialogue avec des dominicains et l'on perçoit que, du silence et de l'état de vacuité fruit de la pratique, il s'abreuvait au même fleuve de vie que tout grand éveillé et éveilleur du siècle dernier.Lien permanent Catégories : Amour, Arts martiaux, Aventure, Ecole, Histoire, Livre, méditation, société, Spiritualité, Zen 0 commentaire -
Etre et non-être en questions
Le matin je dors
Je me réveille la nuit
J'envoie du vent à Paris (p.58)
Avec Le Moine et l'Enfant, paru chez Synchronique Éditions, Fabrizio Bajec relate quelques "dialogues zen avec sa fille", entre 3 et 6 ans.
En quête personnellement, il a su percevoir ce qui chez sa fille Arielle, relevait de l'innocente pureté, de la sagesse innée, du don de prophétie ou encore de l'accueil à l'instant.
Disciple du présent, il s'est évertué à manduquer quelques réponses de celle-ci comme de véritables koans, suscitant l'ouverture subite à une profondeur inégalée.
Conscient de la fugacité de ces jeunes années "reliées" (à l'Ange ? la Source ? Le Guide intérieur ?) et dans un contexte bienveillant d'écoute, d'où le silence se meut en verbe, Fabrizio Bajec nous propose ce beau petit recueil joliment et poétiquement illustré par Églantine Amosee (suminagashi) et Alain Plaignaud (sumi-e) qui suscitera à n'en pas douter, surprise, doute ou curiosité. Un beau cadeau à ceux pour qui l'esprit d'enfance ne s'est jamais tari. -
Les esseulés radicaux
Est-on quelqu'un quand on reçoit le dharma comme guide d'un certain bouddhisme zen (branche tch'an) ? Fabrizio Bajec nous répond par la négative, se situant en cela dans la droite lignée spirituelle dudit zen, mettant en avant l'absence de sujet dans ses nombreuses expériences numineuses d'éveil. Le point zéro - un zen radical, titre du livre paru chez l'Originel-Accarias, est un voyage dans l' univers spirituo-culturel du poète franco-italien, en compagnie des maîtres prestigieux de sa lignée et du concret de sa pratique actuelle au dojo. L'important ici c'est l'impersonnel, l'absence de tête, le regard neuf émerveillé d'un bébé et plus même, cela (pour ne pas dire celui) que l'on était avant de naître, une conscience unifiée avec le tout, éternelle. L'effacement de ces êtres alignés et tendus entre ciel et terre (ayant saint Bouddha pour maître) rappelle la posture des musulmans pieux de la dernière religion révélée qui, à force de s'humilier (par la prière) finissent par être relevés (d'en haut ?).
Portant l'univers ou Dieu en soi, l'infini en tous cas, la personne s'annihile t'elle ou peut elle s'allier à la grandeur sans s'identifier ? Médian, le chemin christique porte l'alliance matière-lumière au pinacle sans ombrage ni remord. L'auteur évoque et respecte d'ailleurs cette voie qu'il qualifie de "sauvage", loin des rituels, et qui comme tout autre chemin demande à l'être humain de se souvenir qu'il est pont. Pour parler d'ailleurs qu'en soit, devenir point, relié verticalement, axe-homme...et faire feu de tout bois !Lien permanent Catégories : Ecole, Histoire, Livre, méditation, société, Spiritualité, Voie non duelle, Zen 0 commentaire -
Une île inspirante

l'Expo Passion Japon à la Sucrière de Lyon démarre en fanfare : en moyenne 1000 spectateurs-jour. Ce pays, moitié moins grand que la France mais 2,5 fois plus peuplé, fascine clairement et toute génération possède un souvenir lié à cet archipel du soleil levant. Des jardins vénérés à la cérémonie du thé, de l'art floral (ikebana) à celui du pliage de papier (origami) ou de la réparation d'objets cassés (kintsugi), en passant par la cuisine, les arts martiaux, le théâtre No et Kabuki ou plus récemment les mangas, animés ou les tatouages...tout y est !

Le parcours proposé dans cet open space au 3eme étage suit la chronologie des ères sur fond de drapés noirs, propice au voyage. Beaucoup d'informations sont distillées (lecture, audio ou vidéos) dans le calme absolu et l'on s'aperçoit que le bruit ambiant (jeux vidéos d'arcade, extraits de films, animation...) est affaire de modernité.
Réservée plutôt aux adultes donc (et enfants curieux de tout âge !), cette exposition généraliste synthétise bien l'esprit et la culture du Japon, ce peuple majoritairement animiste et conscient de l'impermanence. L'époque actuelle (ère Heisei) plonge résolument ses racines dans une tradition multi millénaire, avec une grande influence de l'ère Edo qui correspond au Moyen Âge.
La guerre ou l'épreuve est plus que jamais omniprésente puisque les japonais ont vécu trois conflits (1ère guerre, guerre sino-japonaise, 2eme guerre) et subi au passage la bombe nucléaire. À cela s'ajoute la toute puissance de la nature (tsunamis, ouragans). Et pourtant, état de fait ou réaction, la sérénité et la maîtrise de soi semblent dominer tant dans les arts que dans la vie quotidienne. C'est ce qui émane de cette exposition toute en délicatesse.C'est à voir jusqu'au 03 Novembre 2024.
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Beauté voilée

Avec un deuxième album Wall of Eyes, de prime abord mièvre et incomparable, the Smile nous propose, à l'écoute hi-fi, une musique complexe, exigeante, inelligente et créative. Ces artistes qui se nourrissent ces derniers mois de conscience, de respect et d'amour du public (une tournée internationale sold out), pondent en retour, avec certes beaucoup de génie, un album de 8 pépites, quintessence de leur art, fusion de genres, voix et rythmes planants comme dans un état entre-rêve éveillé. La caresse côtoie le bruit (magma sonore), l'harmonie le strident mais l'album est équilibré, suave même.
S'habiller de beauté, tel est le credo de cette proposition artistique pour auditeurs matures, aptes à percevoir l'intention première derrière le chaos apparent, ou plutôt les nuances subtiles dans ce qui semble amalgamé.
Enregistré en partie dans le mythique studio Abbey Road, the Smile, avec Sam Petts-Davies comme producteur, a su capter l'essence de l'universalisme propre aux Beatles en innovant sans cesse pour ne pas se laisser posséder ou capturer. Un trio post Radiohead (Yorke, Greenwood et Skinner) à haut potentiel mélodique et rythmique, qui trouve dans Wall of Eyes une alchimie indémodable. A Splendid Time is guaranted for all ! -
La posture et l'attitude justes
"Ce n'est qu'à partir du moment où tu prends conscience du caractère toujours imparfait de ta pratique que le moindre de tes pas devient une ascèse qui t'engage corps et âme. Autrement dit, tu commences à donner "le meilleur de toi-même en tout lieu et à tout moment et tu te sens un avec toi-même."" (p.45)
Force vitale de Kodo Sawaki (1880-1965) publié chez l'Originel-Antoni a tout d'un futur classique de la spiritualité. Le contenu, forme et fond rappelle Esprit zen, esprit neuf de Shunryu Suzuki, une référence dans la voie de la posture zazen.
On doit à la ténacité de quelques disciples ces paroles de celui qui fut le maître de Taisen Deshimaru, le célèbre moine bouddhiste zen qui moissonna le sol français et européen. Vastes comme l'univers sont les portes d'entrées qui mènent à la compréhension "étrique" du vrai visage qui se contemple, ici regroupées en 24 chapitres et autant de courtes perles interconnectées.
Kodo Sawaki possède en outre une excellente connaissance de la Bible et de l'essence du religieux : "la pratique elle-même est le satori... c'est mener une vie religieuse".
Il insiste notamment sur l'acte de "se brancher sur la même longueur d'onde que l'Univers" pour ainsi "remettre son baromètre intérieur en état de marche...perpétuellement actualisé".
A la lecture de son enseignement on se sent en contact avec la profondeur "du Bouddha et des anciens maîtres", englobant une sagesse universelle qui va de Castaneda et sa voie du guerrier (vivre chaque instant comme le dernier) à celle des prophètes monothéistes. Il s'agira toujours de s'oublier dans une pratique dénuée d'intérêt et au service de l'Univers, contenu dans la simple cellule familiale ou “sangha” par exemple.
Être un avec soi-même et autrui, transcender l'existence individuelle et personnelle, être relié, s'abandonner, voir...autant d'attitudes étriques que la posture permet de vivre et d'incarner chaque jour, dans la simplicité d'un esprit désintéressé et neuf tel celui du disciple.
Angélique Dailcroix (peinture de couverture), Frédéric Blanc (traduction de l'allemand) et Roger Lipsey (préface) ancrent en outre ce manuscrit intemporel (agrémenté de photos du maître par Muho Nölke, le traducteur en allemand du japonais) dans la modernité. Un bel objet en sus donc, format poche, pour en faire un compagnon de route auquel on peut se référer souvent.