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Islam - Page 4

  • Une traduction consciencieuse

    27,65 : Dis : "Sauf Allah, ceux qui sont dans les cieux et sur la terre ne connaissent pas le mystère". Or ils ne pressentent pas quand ils seront réanimés.

    44,16 : Un jour, Nous nous déchaînerons avec la plus grande violence. Vraiment, Nous userons de représailles.

     

    coran.jpgLe Coran, pour Rappel, est le Livre Saint fondateur de l'Islam et l'un des grands textes sacrés fondamentaux de spiritualité dont la lecture attentive ne peux laisser indifférent.
    Alors que se multiplient de façon exponentielle ces 20 dernières années, les essais de traductions en français, celui de Maurice Gloton nommé Ubayd Allah, "petit serviteur de Dieu" (1926-2017) paru en 2014 et dont c'est la troisième réédition aux éditions Albouraq, fera date, résonance et poids.
    D'obédience soufi, intéressé par le dialogue interreligieux (sa seconde femme était chrétienne), il se situe dans la lignée des occidentaux qui tels René Guénon ou encore Michel Valsan (qui fut son maître spirituel), se convertirent à l'Islam, par conviction traditionnelle.
    Leur visée, inspirée des écrits de grands spirituels comme Ibn Arabi, se veut avant tout ésotérique, dans l'esprit de la révélation plutôt que dans l'apparence légiférante ou purement rigoriste du texte coranique.
    Cet essai de traduction propose ainsi une lecture plus intériorisée, mûrie ou méditée du Texte révélé, avec des néologismes et un vocabulaire imagé, évocateur, presque illuminé de l'intérieur.
    Ainsi en va t'il du "Très Rayonnant d'Amour", qui dépasse le "Matriciant - Matriciel" de Chouraqui et place "Le Dieu", Allah, dans une identité indéfinie et insondable plus proche d'une Source de lumière irradiante. Faut-il entendre un vécu du traducteur ? Une relation symbolique ou vivante avec le numineux ou une intuition géniale ?
    Le Jour du Jugement dernier devient celui de la "Redevance", du "passage à la limite", de la "Réanimation"...puisqu'il est question d'une "croissance ultime", une Nouvelle Création à la fin des temps.
    La "mise en œuvre du dépôt confié" remplace la foi, comme une graine originellement placée en chacun mais que seuls les "théotropes" ou "êtres doués de conscience quintessentielle" arrosent, en pratiquant notamment l'"action unifiante de grâce" ou prière rituelle.
    Pour les autres, L'"Enseigneur des êtres de l'Univers" ne souffre pas de "codéification" et menace " Ceux qui s'enténèbrent d'injustice" de représailles proportionnelles à leur cécité (aux signes divins), surdité (aux paroles prophétiques) ou privation d'Amour originelles, eux qui refusent de faire retour et s"automagnifient"...
    On l'aura compris cette traduction nécessite un effort de manducation, une lecture attentive et soutenue. Là où elle pèche un peu en rythme (une certaine lourdeur ou pesanteur comme chez Jacques Berque) par une volonté lexicale innovante mais importante, elle emporte adhésion et reste longtemps en mémoire grâce peut-être au souffle symbolique qui l'anime (idem pour la traduction de AbdAllah Penot ou André Chouraqui par exemple). Mais Dieu sait mieux qui sont les bien guidés !
    La traduction de Maurice Gloton est une re-découverte du Coran dont on mesure l'infinité du champ lexical et la profondeur corrélative.

     

  • Jésus est la clé

    L'Islam est l'autre nom de l'Alliance et du Salut que Dieu a proposé à l'humanité...une seule Religion sous forme d'Alliance, assortie d'obligations (pratiquer la droiture et la justice) et de promesses avec pour chaque horizon temporel la forme qu'elle revêt sans que le fond ou contenu de base ne change”. (p.202)


    jesus.jpgL'Islam reste encore peu connu, comme son Livre saint et son mode de révélation via un prophète analphabète (donc vierge de connaissance comme Jésus né d'une vierge...). Moqué, méprisé, mis en doute encore de nos jours par certains, son message et sa stature d'envoyé ne sont plus à débattre.
    Dans un souci d'universalisme et donc d'ouverture avant tout envers la communauté musulmane, l'imam et écrivain -conférencier
    Ahmadou Makhtar Kanté s'intéresse à la figure de Jésus telle que révélée dans le Coran et en fait un pivot historique de changement ou plutôt de rupture dans l'Alliance et le Salut monothéistes. Son essai clair et concis "De quoi Jésus fils de Marie est-il le signe" paru chez l'Harmattan Sénégal, atténue cependant la portée du message qu'il veut faire passer - l'Islam comme nom coranique de l'alliance abrahamique étendue à Ismaël et sa descendance -,en excluant de facto, dans sa démonstration, les juifs et les chrétiens de celle-ci.
    Sa thèse ne manque cependant pas d'esprit critique et de discernement en prenant appui sur le dernier texte révélé (le Coran explique le Coran et on ne peut le remettre en question...) analysé comparativement à la Bible.
    Selon
    Ahmadou Kanté, Jésus le fils de Marie (c'est son appellation coranique) marque une rupture dans l'élection historique des prophètes et rois d'Israël puisqu'il naît sans père et de lignée Lévitique (et non pas davidique de la tribu de Juda) par sa mère. Messie véritable pour les musulmans, il fut de ce fait rejeté par les juifs et divinisé par les chrétiens (minimisant au départ le rôle de Marie). Par ailleurs, selon le Coran et les hadiths, il annonce le dernier prophète à venir, "Ahmad" le très loué, que les juristes assimileront à Mohammad, l'analphabète de la prophétie.
    Ce glissement du pouvoir légiférant et spirituel jusqu'à la fin des temps ignore néanmoins la promesse  effective des cœurs de chair (Ézéchiel 36,26) et de la lampe intérieure du discernement (le troisième œil ou œil du cœur ?), reléguant les textes, rites ou formes à l'arrière plan ou les rendant désuets.
    Placer la nouveauté (de l'alliance) sur un mode d'inspiration plus naturel et accessible aux êtres reliés (Depuis Mohammad la reliance céleste ne souffre plus d’intermédiaire) aurait évité le cloisonnement et la préférence d'une communauté sur une autre, la fin des prophètes marquant ainsi le début des hommes spirituels, éclairés, inspirés et insufflés d'en haut, comme le furent les envoyés en leur temps...mais dieu est plus savant.


    Joël 3,1 : Et c'est après quoi, je répandrai mon souffle sur toute chair. Vos fils, vos filles seront inspirés, vos anciens rêveront des rêves, vos adolescents verront des contemplations. (Trad. Chouraqui)

     

  • L'Islam fédérateur

     

    dimensions-universelles-de-l-islam.jpgLes éditions Tasnim et le philosophe universitaire Patrick Laude s'associent pour proposer un recueil de textes thématiques autour des "dimensions universelles de l'Islam". Les collaborateurs anciens (Guenon, Lings, Ampaté Ba...) ou modernes (Hossein Nasr, Geoffroy, Chittick...) sélectionnés sont tous d'éminents spécialistes reconnus pour leur ouverture ou construction de ponts interreligieux voire interdisciplinaires.

    L'accent est mis sur la tolérance et l'universalité de la dernière religion révélée. Même si la branche ésotérique de l'Islam se différencie du mysticisme (chrétien) par son aspect initiatique datant de l'imitation du comportement du Prophète Muhammad, c'est bien elle qui opère l'union, le soufisme en particulier.

    La révélation du Coran contient autant de versets prônant l'essence commune de toute religion que la disqualification des autres formes (charia), en fonction des abrogations successives. Dur donc de s'y retrouver légalement parlant.

    Néanmoins, en dehors d'une pratique ritualisée, l'adoration du Créateur entraîne logiquement le respect et l'accueil de la différence, pour autant que l'Amour ait pénètré le coeur du croyant sincère. 

    Les exemples de convergence et d'entente parfaite sont, et c'est l'intérêt de ce livre, multiples entre voies religieuses ou spirituelles : la sagesse commune à toutes, l'état de serviteur qui couronne le cheminant, le travail de sape de l'ego ou de polissement de la rouille du coeur, la préexistence de l'être sur la personne...le dialogue interreligieux, le socle traditionnel, ou encore l'appropriation culturelle ( les traductions du Coran ou des grands penseurs de l'Islam en langues étrangères) dans une visée plus exotérique.

    De même que tous les musulmans ne sont pas fanatiques, ils n'envisagent pas tous une lecture (du Coran) ou une pratique intériorisée (prière, ramadan, aumône, pèlerinage) de leur religion. Les auteurs sélectionnés par patrick Laude apportent leur pierre à l'édifice de ce message originel de l'Islam.

    Cet ouvrage compilation est un rappel salutaire qui ouvre à d'autres dimensions englobantes et recapitulatrices de l'Islam et de son Livre révèlé. Tayeb Chouiref (édité par Tasnim), islamologue français, oeuvre par exemple en ce sens plus symbolique, en traduisant des textes majeurs du patrimoine arabo-musulman.

    Une élévation en soi, un rappel salvateur.

     

  • Serviteur et maître

    "Pour être le parfait transmetteur de la parole et de la science divine, pour guider les hommes, pour connaître Dieu, il doit être un serviteur pur et épuré de toute attribution à soi de ce qui n'appartient qu'à Dieu, afin de ne rien lui associer de son adoration et sa mission...L'expérience spirituelle de la servitude est réalisation de l'unité. Le serviteur nie toute divinité en lui-même et en tout être pour l'attribuer à Dieu seul". (p.120-121)


    serviteur.jpgDenis Gril, islamologue spécialisé dans la recherche de la sainteté et du soufisme, publie aux éditions du Cerf une compilation thématique sur la figure du prophète Muhammad en spiritualité musulmane : le Serviteur de Dieu.
    Son approche et les prismes choisis pour l'étude s'avèrent inédits, originaux, voire atypiques et permettent de redécouvrir le statut et la fonction, la stature et la ponction (on conservait ses cheveux pour actes de guérison, certains buvaient l'eau de ses ablutions...) du dernier (le Sceau) des prophètes envoyés. Ainsi revit-il sous nos yeux
    en chair (vénération du corps vivant et mort), dans ses rapports conjugaux (il eut 9 femmes dont Aïsha), ou en compagnie des premiers compagnons, notamment son porteur de sandale et parfait récitateur du Coran naissant, Abdallah Ibn Mas'ûd.
    Plus qu'un simple illettré recevant une révélation à partir de 40 ans, Muhammad jouit, à travers les sources musulmanes traditionnelles, d'une aura quasi similaire à celle de Jésus pour les chrétiens, à la différence que le Coran renie toute déification. Les pieux compagnons sont témoins comme les Apôtres, sa vie confère au symbolisme (paroles et actes, en privé ou en public), son corps est miraculeux; son pouvoir d'intercession rappelé (Il sera témoin de tous les prophètes lors du Jugement dernier) et la révélation (qui s'étendra sur 23 ans) est empreinte de numineux.
    Les musulmans soufis garderont d'ailleurs , dans une moindre mesure avec certains hadiths révélés, le goût et la sacralisation des paroles inspirées  par l'esprit de sainteté (Le prophète fut même qualifié de Père en Esprit), Ibn Arabi en fer de lance.
    L'ouvrage évoque aussi le caractère singulier et précellent de Muhammad, premier conçu et dernier envoyé, véritable flambeau et lumière différenciée mais co-substantielle à Dieu (la double profession de foi en Islam). “Serviteur de Dieu” spécifie l'état du plus haut degré de réalisation spirituelle puisque rejetant toute association : la personne brûle pour ne laisser que la divinité être, l'état de fana des soufis.
    Ajoutons ici que celui qui a beaucoup reçu a beaucoup à donner aussi. Les spirituels de l'Islam à travers leurs chaînes de transmission ont donc aussi véhiculé de Muhammad  une image de maître enseigneur "humble, humain et simple...dont le caractère était le Coran".
    La fraternité qui régnait entre les pieux compagnons, le silence et la vénération qui les accompagnait en présence du Prophète susceptible à chaque instant de délivrer une parole insufflée (Hadith) ou révélée (Coran), sa relation particulière à Dieu et son effort de perfection...tout ceci forge un modèle initiatique dont les soufis hériteront et plus globalement les ésotéristes de tous bords.

     

  • Dieu reconnait les siens

    "Dès l'enfance, ma nature profonde réveillait et stimulait les tendances héroïques et spirituelles de mon caractère. J'entendais une voix surnaturelle. Je désirais aussi combattre pour ma patrie...céleste". (p.91)

     

    delorme.jpgLes éditions Erick Bonnier rééditent Le Chemin de Dieu, classique de l'ésotérisme paru en 1979 chez Albin Michel, qui est un récit autobiographique de Catherine Delorme (1901-1991) dite "Mamita", une référence de l'Amour incarné chez les soufis.
    Les événements de sa vie, de ses dons exceptionnels (guérison, faiseuse de pluie, rêves prophétiques, vision spirituelle...), à sa guidance  malgré les épreuves (son nom musulman est Hydayat Allah, "la guidance divine"), évoquent une destinée hors du commun dont l'Islam fut la forme de sa réalisation.
    Sicilienne et chrétienne de naissance, Catherina Maltese dépeint dans ce livre des souvenirs où affleure la fine pointe de l'âme, dès l'enfance, et où son besoin d'être aimée sera comblé à l'issue de son cheminement spirituel - de la mystique à la kabbale, de la guématrie au symbolisme, de la prière du cœur au dhikr, des lectures spirituelles (guénon, Ibn Arabi...) à l'initiation soufie - par l'ultime épreuve de l'extinction dans l'essence divine (Fana Fi Llah), apex de la voie de la purification de l'âme qu'est le soufisme, pour les musulmans épris d’intériorité.
    Cette facilité et cette grâce accompagnant les rapprochés de Dieu (notamment la rencontre fortuite de ses maîtres spirituels Gabsi ou encore le Cheikh Tadili) lui fera co-naître la Source irradiante d'Amour,  pour mieux l'infuser et la dévoiler, dans la deuxième partie de sa vie, aux chercheurs de Vérité de tous bords. Henry Bonnier fera allusion à sa rencontre dans son recueil posthume, L'île d'or.
    A l'image d'une Amma ou d'un Maharshi pour l'Inde, elle fut la première femme européenne Arifa bi-Llâh, "connaissant par Dieu" pour les initiés soufis.
    L'écriture de Catherine, mariée Delorme, se rapproche de la pauvreté du connaissant (des réalités spirituelles) : plaisante mais sans fioritures ni emphase, à la fois littéraire et vivace. On passe un bon moment à l'évocation de la tariqa soufie nord africaine, des cheikhs vénérés mais simples les vivifiant, de la baraka qu'ils confèrent et de leurs rites initiatiques et festifs. Le livre retrace également l'itinéraire spirituel et religieux d'une femme européenne de la première moitié du 20ème siècle (comme Alexandra David Néel au Tibet ou plus tard Irina Tweedie chez les soufis Hindous) au sein d'un Islam encore suspect (le temps des colonies) et suspicieux envers la réalisation de la gente féminine, un état d'être qui fut à l'époque un double exploit.

     

  • Un plaidoyer pour l'élevation

    "Le Hassidisme c'est voir Dieu dans toutes choses et l'atteindre par chaque action pure". (p.60)


    Il faut inclure l'Autre dans l'unité, alors on agit sur lui dans le sens du bien. (p.179)

     

    Martin Buber,Le Message Hassidique,Albin Michel spiritualités,Baal Shem Tov,messianisme,Prophétisme,Zen,Tao,Mysticisme,Tsadik,Martin Buber (1878-1965), grand penseur juif du XXième siècle, nous restitue dans cet essai Kaléidoscopique inédit en français "le message hassidique" et paru chez Albin Michel, l'essence de ce mouvement mystique apparu au 18eme siècle sous la férule initiale du Baal Shem Tov.
    Messianisme, prophétisme, taoïsme et zen ou mysticisme sont convoqués dans ce patchwork thématique pour essayer d'approcher au plus prêt la particularité d'un mode de vie, d'un art de vivre où "le temps est sanctifié". Il s'agit précisément de "rendre son cœur entier et l'unifier pour Dieu". Pour le Tsadik (le chef spirituel de la communauté) l'autre est notre prochain, que ses actes soient mauvais ou non (de manière  éthique ou religieuse), en ce sens qu'il est unique et doué aux yeux de Dieu. Sa réintégration comme parcelle divine en notre cœur (il mérite mieux qu'un jugement partial), constitue le chemin, un effort et un exemple constant d'harmonisation interne afin de transmuter le mal en bien.
    Dans un style raffiné et une érudition tentaculaire, Martin Buber tente aussi de théoriser dans cet ultime recueil l'âme même du Hassidisme, après en avoir retranscrit l'esprit à travers ses contes ou récits. Par là même il y synthétise ses thèmes de prédilection (eschatologie, interreligieux, philosophie, pensée judaïque...) en un syncrétisme novateur dans lequel l'amour est intuition du manque d'autrui et la vie don de soi, service. Cet "au-delà" de la religion (la connaissance intellectuelle) ou de l'ascèse (la contemplation solitaire) fut trouvé et expérimenté il y a deux siècles par des hommes qui sanctifiaient chaque parole et acte les plus anodins soient-ils, pour vivre en conformité avec l'esprit de dieu qui est sainteté.  "Le modèle à suivre c'était l'homme pur, uni, qui chemine avec Dieu au milieu du monde, qui participe à la vie du peuple et l'élève vers Dieu".
    Le philosophe des religions fut marqué de cet idéal au point d'y dévouer une partie de sa vie d'adulte comme un témoignage de ce qui fût, préfigurant peut-être l'"homme-hostie"
    ou élu, véritable nourriture mi matière mi-lumière pour l'humanité. Au sein d'un monde où la vie sacramentelle est destinée à être profanée, demeurent des corps sacralisés, théotropes, qui suivent l'esprit de Dieu partout où il souffle, sauvant le monde de la banalisation ou du néant d'être ?...mais il n'est plus là pour nous le dire.

     

  • La piqûre du Rappel

    "Dans la conception traditionnelle, ce sont les qualités essentielles des êtres qui déterminent leur activité ; dans la conception profane au contraire, on ne tient plus compte de ces qualités, les individus n'étant plus considérés que comme des "unités" interchangeables et purement numériques". (p.69)

     

    rené guénon,le règne de la quantité et les signes des temps,éditions trédaniel,supra humain,infra humain,modernité,sacré,profane,kali yuga,âge de fer,matérialisme,gog et magog,redressement,fin de cycle,janvier 2022Les éditions Trédaniel republient pour notre gouverne, un texte de René Guénon écrit pendant la seconde guerre mondiale et dont l'actualité est cuisante. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps est le complément doctrinal de La Crise du Monde Moderne, plus épais et étoffé, consistant en une magistrale et quasi implacable démonstration de la supériorité de l'esprit sur le corps (pour les chrétiens du pneumatique sur le psychique), de l'essence sur la substance, du supra-humain sur l'infra-humain, de l'homme traditionnel sur l'homme moderne ou profane.
    La disparition progressive du sacré, la confusion entre le psychique et le spirituel suit une logique cyclique (préméditée mais) inévitable, eu égard au plan divin (la fin de l'illusion ultime pour les petits hommes-démiurges), et nous assistons à une parodie contre-traditionnelle annoncée (la dernière phase du Kali Yuga pour les hindous ou âge de fer des gréco-latins), une période subversive de grand désordre où tout est inversé, en haut se retrouve le plus bas ou vil et en bas le plus haut ou élevé sur l'échelle céleste. Pour exemple, des mots numineux détournés de leur sens, employés par des humains identifiés au corps seul (des machines dirait Gurdjieff) et qui singent la parole divine sans en avoir ni l'écorce ni la profondeur...
    Sans faire le prophète, René Guenon en fin connaisseur de la science traditionnelle, dont l’œuvre est empreinte, dissèque avant l'heure notre monde matérialiste et maintenant mondialisé, par les symboles et les lois ontologiques à l’œuvre. La modernité n'est à ses yeux qu'un monde divisé (sentiment égotique d'être séparé), diabolique en essence, qui a gommé toute qualité intrinsèque (“Il ne peut y avoir de véritablement traditionnel que ce qui implique un élément d'ordre supra-humain” - p.250) pour ne garder que l'uniformité, s'adressant (par facilité ?) de manière scientifique à des corps dont la seule perspective est la mort physique...la COVID est venu souligner et confirmer cette vision chaotique et ténébreuse
    Dieu merci, et René Guenon mérite relecture ou découverte, l'issue, à la lumière de la Tradition, ne sera pas fataliste pour tous et les raisons d'espérer restent bien vivantes.

    L'auteur reste un éveilleur et ce livre, malgré les influences néfastes et dévastatrices dépeintes (spiritisme, psychanalyse freudienne, néo-spiritualité, matérialisme, science et philosophie moderne...)  nous encourage à revenir à l'essentiel, à cultiver sa différence, grandir en verticalité (se relier), aimer malgré l’adversité, et  chercher la vraie science, dans les livres sacrés comme chez les cœurs épris (la conscience ou la Présence). Un hymne au retour à l'origine, à la Source, en et sur Soi.