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Choeur - Page 14

  • Aventure électrique

    Coup de foudre , Nicolas Ancion, éditions Mijade,  J’arrête quand je veux, moyen âge, écrans, retour dans le passé, adolescence, mai 2023

    « J’ai passé une journée entière à installer des applis. Mon parrain avait déjà choisi pour moi un programme de motivation pour la course, qui enregistre les performances [...] »

    Léo est « obèse », enfin, d’après son médecin. Il va devoir se mettre au sport. C’est-à-dire courir sous la pluie, ses X-Pods sur les oreilles, essoufflé avant même d’atteindre le sommet. Nicolas Ancion, auteur de J’arrête quand je veux (roman précédemment chroniqué sur l’addiction aux écrans) ne nous parle pas poids ou grossophobie mais nous raconte un Coup de foudre, aux éditions Mijade, ici, à prendre au sens littéral. L’ado, fan de jeux vidéos, se retrouve propulsé en plein Moyen Âge où on le prend pour un envoyé du diable. Au début Léo refuse de voir la réalité en face et croit avoir atterri dans une secte. Cet isolement et la perte de tous ses repères (adieu X-Phone et GPS) oblige le garçon à puiser dans des ressources qu’il ne soupçonnait pas et lui permet de se (re)découvrir.

    « Il a fini par revenir dans la cabane, avec un paquet de copains, tous aussi pouilleux et abrutis que lui »

    Dans ce bref roman, l’auteur s’amuse à effrayer son personnage tout en lançant des clins d’œils aux liseurs. Léo, d’habitude, héros derrière un écran, semble le traverser pour vivre la plus grande des aventures. Le lecteur se laisse embarquer à son tour dans cette « vraie » vie de papier. Il découvre, comme notre protagoniste, l’ermite Jean, un dangereux borgne, des villageois effrayés mais aussi une mystérieuse Cendrillon. Ne parlons pas des chiens ! Le paysage a complètement changé : village, campagne et ville n’ont plus la même allure ni la même définition. Et chacun se prend à imaginer comment communiquer, se déplacer, se repérer ou tout simplement vivre en étant propulsé plusieurs siècles en arrière du jour au lendemain et sans autre aide que soi-même. Cela serait comme recevoir un Coup de foudre qui traverse le corps des pieds à la tête. Ouf ! Ceci est un roman … électrisant !

    « - Et comme la route sera longue, je t’apprendrai à lire, a-t-il annoncé fièrement, sortant de sa besace un petit ouvrage relié de cuir ».

    Nicolas Ancion aborde à nouveau, en filigrane, le lien des adolescents aux jeux vidéos et pousse encore la réflexion et le questionnement du lien, parfois ténu, entre illusion et réalité. À découvrir dès 11 ans.

    « J’ai par instant cru reconnaître le clocher d’une église, le coin d’une rue étroite, une place même, mais je n’étais certain de rien ».

    Image: Mijade

  • L’art de convaincre

    Le Cœur bavard, Véronique Petit, éditions Rageot, adolescence, concours d’éloquence, cité, mixité sociale, mai 2023« -Au matin, dans l’Abribus tagué, je finis ma nuit, emmitouflée dans la doudoune jaune que je portais déjà l’année dernière ».

    Lina prépare un concours d’éloquence. Dans Le cœur bavard de Véronique Petit, aux éditions Rageot, le gagnant représente le collège Du-Bellay au niveau départemental. Sauf que l’adolescente n’a pas encore d’idée pour son discours. De plus, elle vient de la cité Maurice Ravel et la plupart de ses concurrents sont des enfants de bonne famille. À l’image de Louise, avec laquelle Lina rêve de devenir amie. L’établissement pratique la mixité sociale mais en amitié, c’est plus compliqué : leur vie de famille est à l’opposée.

    «  Le jour du spectacle, papa était en retard, mais j’étais certaine qu’il allait venir, il avait promis ».

    Un évènement va pourtant provoquer involontairement leur rapprochement. Dzovag, menacé d’expulsion avec sa mère, risque d’être renvoyé du collège et anéantir ses chances de rester en France. Soudain, Lina a une idée pour son concours d’éloquence. Peu importe que son père Anton, dépressif depuis le départ de sa mère, et ses trois frères, n’y croient pas. Elle va bousculer tout ce petit monde malgré elle et rapprocher les gens de sa cité. Même au collège, on se met à la regarder d’un autre œil.

    «  Je lui explique pourquoi les Mikoyan ont fui l’Arménie, ainsi que les deux recours déposés et rejetés ».

    Dans ce petit roman, on suit la trajectoire de Lina, qui n’a qu’un rêve: sortir de son quartier et être admise dans le « beau monde ». Véronique Petit réussit à introduire de la nuance et une réflexion sur « Qu’est-ce que réussir sa vie ? ». Les personnages qui gravitent autour de la jeune fille valent le détour : son père russe qui noie son désarroi dans l’alcool, son grand-frère Momo, qui rêve de devenir chef étoilé mais aussi son jumeau Sasha et son petit frère Vitaly ... Sans oublier Louise, écrasée par un père trop exigeant. Une histoire abordant de nombreux sujets actuels sans lourdeur ni jugements, qui plus est, donne envie aux ados de se lancer à leur tour dans un concours d’éloquence.

    « Louise s’efforce de sourire, comme si de rien n’était. Et pourtant elle a gros sur le cœur, je le vois à son sourire tremblant, à ses traits tirés. »

    Image: Rageot

  • Des mains maternantes

    On dit que personne ne se souvient de sa naissance. C'est le contraire qui est vrai. Son souvenir demeure en nous, ineffaçable. Mais enfoui tout au fond de l'inconscient tellement il est lié à la révolte, à l'horreur...ces premiers instants donnent la coloration de sa vie future...Et fait de l'enfant un optimiste ou un pessimiste, un monsieur ou une dame "oui", un monsieur ou une dame "non". (p.107 et 110)

     

    Fréderick leboyer,autobiographie,l'initiateur de la naissance sans violence,Swamji Prajnanpad,Arnaud Desjardins,Sri Mahesh,Chin Kam,Inde,sage,Les éditions l'Originel-Antoni publient l'autobiographie de Frederick Leboyer (1918-2017) qui porte le titre de son œuvre maîtresse : L'initiateur de la naissance sans violence.
    Obstétricien de profession (plus de 10 000 accouchements en trente ans) sa tâche consista à sacraliser la naissance par une méthode faite de respiration ventrale pour la mère ; de massages, d'une ambiance obscurité-silence et d'un bain chaud pour l'enfant, après section du cordon ombilical.
    Ces gestes délicats, précis et respectueux envers l'être qu'est le nouveau-né lui ont été inspirés par sa relation avec Swamji Prajnanpad, également maître spirituel d'Arnaud Desjardins ou Colette Roumanoff. Avec lui, il a en effet entamé sur plusieurs années, un processus psychanalytique et un travail sur les émotions en profondeur, qui lui a permis de revivre le traumatisme de sa naissance.
    Un seul décès d'une patiente le fit cependant quitter l'ordre des médecins et, innocenté au bout de 7 ans, il se mit à écrire son best seller Pour une naissance sans violence, traduit dans le monde entier. Puis se consacra à l'écriture poétique, à la réalisation de films autour de l'accouchement et à sa reconstruction spirituelle (arts martiaux, taï chi, yoga, respiration...).
    Le livre raconte cette vie trépidante et foisonnante, remplie de rencontres éminentes, notamment auprès de sages hindous. Il y étrille également les médecins opportunistes ou les accouchements contre nature qui ont toujours pignon sur rue (péridurale ou dans une piscine...).
    Sa vie bascule clairement de l'ego à l'être en gardant la même attention pour la mère, son enfant et leur relation périnatale si particulière qu'il porte au pinacle, peut-être  faute de l'avoir lui-même vécue sereinement.
    Il fait partie de ces êtres au chemin singulier, désintéressé, qui révolutionnèrent la face du monde rien qu'en ayant saisi l'essence d'une mère. Aimantes et douces, un temps guérisseuses puis au service d'une transmission, ses mains lui valurent renommée et identité : une vie donnée, au service de l'être.

     

  • Briser la chaîne

    On constate que toutes les disciplines, qu'elles soient biologiques ou psychanalytiques, convergent vers le même constat : des héritages ont lieu à travers les générations, à la manière de fantômes qui, d'une manière ou d'une autre, trouvent le moyen de se propager dans la descendance et dotent ainsi les héritiers d'un fardeau invisible, mais bien réel...Dans mon cas, j'étais sourde et aveugle a tout ce qu'avaient pu vivre les femmes de la famille avant que cela ne me touche très directement.( p.105)

     

    Adeline Pasteur,mon cancer quelle chance,Mama éditions,entretiens,Lise Bourbeau,Céline leroy,Jean-marc Figard,Olivia,Adeline Pasteur a 37 ans lorsque lui est diagnostiqué un cancer sévère du sein. Dans Mon cancer, quelle chance, paru chez Mama éditions, elle retrace, à l'aune de sa rémission, ce que la maladie lui a permis de conscientiser de sa vie personnelle, professionnelle et de ses liens pathologiques avec sa lignée maternelle.
    Le livre est direct, sans fioritures et fluide à la lecture. Le lecteur avance en profondeur, comme l'autrice, chapitre après chapitre, dans les phases du traitement et leur symbolique très charnelle, avec l'aide d'une batterie de thérapeutes (et médecine parallèle).
    On a le sentiment qu'elle est très accompagnée dans l'épreuve et que ce témoignage écrit importe et impacte au-delà de son entourage proche.
    A la suite d'une lourde médication en trois étapes, Adeline Pasteur fait le tri, relativise, priorise et investigue son histoire personnelle pour mieux s'en détacher. Communicante de profession elle met à jour ce désir d'écriture pour soi (bien lui en a pris !), couplé avec le bonheur de se retrouver reliée en arrêtant de répondre à des injonctions perfectionnistes.
    L'ouvrage est augmenté de quatre entretiens dont un avec Lise Bourbeau et se veut résolument une aide pour tous.tes celles et ceux qui traversent/ont traversé cette épreuve initiatique (ou d'autres que le cancer), tant elle est souvent révélatrice d'une vie à côté de soi, sans écoute sincère et approfondie de ses besoins, rêves ou identité profonde. Les maux du corps révèlent ici des (mots) non-dits et leur empreinte trace un espoir et un horizon pour beaucoup.
     

  • Une pratique enseignante

    Les émotions qui paraissent si énormes et si dévastatrices peuvent être démontées morceau par morceau et vues, petit à petit, pour ce qu'elle sont, une empreinte du passé d'autant plus incrustée que l'enfant était petit et avait peur. (p.29)



    Colette Roumanoff,l'impermanence heuSwamji prajnanpad,advaïta vedanta,Freud,Gurdjieff,Arnaud desjardins,lyings,émotions,Daniel Roumanoff,Colette Roumanoff évoque avec l'impermanence heureuse, aux éditions du Relié, son cheminement de vie à "la lumière et nouveauté" de la parole de Swami Prajnanpad, qu'elle rencontra à 26 ans en Inde, avec son mari Daniel.
    Ce dernier fut également le maître spirituel d'Arnaud Desjardins et un disciple de l'Advaïta Vedanta. Il se passionna aussi pour Freud, fut un spécialiste des Lyings (méditation profonde allongée) et se trouva une accointance avec la vision de Gurdjieff, sans l'avoir rencontré.
    Notre "karma" est pour lui, entaché d'une fêlure primordiale, dans la petite enfance ou la vie intra-utérine et elle conditionne une partie de notre stratégie de (sur)vie. Pour Colette Roumanoff, ce "virus" générationnel, puisqu'il se transmet, fût lié au manque d'amour de sa mère. Le livre explicite bien les conditionnements hérités de l'événement clé, encore présent sous forme d'émotions tout au long de la vie adulte. C'est à force de prises de conscience, régressions et réflexions avec le sage du Bengale qu'elle démantela le processus du manque  jusqu'à la racine pour "devenir libre des jugements de valeur" et accueillir le tout venant sans refus notoire, notamment l’Alzheimer de son mari.
    L'ouvrage est parsemé de citations de S. Prajnanpad pour appuyer la compréhension et le mûrissement de l'auteure à des étapes de sa vie. Chacun y trouvera quelques pépites comme "nous faisons à chaque instant de notre mieux (chacun est parfait à sa façon) ; "l'Amour est neutre" ou encore "nous projetons sur autrui notre moi détesté".
    Par ailleurs "être une bonne mère" résonne en nous de manière presque automatique (être un.e bon.ne conjoint.e/parent, être un homme/une femme parfait.e...) conférant à la méthode et aux paroles du sage une valeur presque universelle, même si chaque cas est particulier.
    Plus que l'imperfection heureuse, l'impermanence heureuse place la vision de Colette Roumanoff dans une perspective non duelle, où chaque instant est vécu et apprécié dans sa nouveauté et unicité, un vibrant hommage à celui qui lui montra la réalisation d'un cœur équanime.

     

  • L'Anti-Christ c'est l'autre

    Je crois que notre génération doit savoir que la Bête de l'événement est là et elle arrive. Et qu'il s'agisse de terrorisme, de cette grande pandémie ou d'autres chocs, il faut la combattre quand elle arrive avec ce qu'elle a de profondément inattendu, implacable...
    E. Macron. Vidéo financial Times du 16 Avril 2020.

     

    Joël Schnapp,chroniques de l'anti-christ,Piranha banc,apocalypse,Joël Schnapp, enseignant chercheur au parcours atypique, publie un essai censé, sourcé et décalé (avec beaucoup d'humour) chez Piranha Banc, intitulé Chroniques de l'Anti-Christ - crises et apocalypses au 21eme siècle.
    Il se sert d'une cartographie apocalyptique traditionnelle pour décrypter ses occurrences politico-culturelles récentes, du Covid au trumpisme en passant par la guerre en Ukraine, les séries TV comme Son Of Anarchy  ou le changement climatique.
    Il révèle l'imaginaire et la syntaxe médiatique utilisés pour décrire la finance, l'environnement ou les mouvances religieuses sectaires, également le discours politique teinté de messianisme et de références à la Bête de l'apocalypse pour conjurer l'ennemi. 
    Plusieurs considérations en découlent :
    La culture ou conscience apocalyptique est présente partout en surface mais sans véritable racines symboliques ou traditionnelles. Sans implication sincère on ne manipule que des concepts.
    Le mythe du sauveur est plus valorisant humainement que celui d'"ennemi impie" mais c'est sans connaître le fameux adage "qui fait l'ange fait la bête", qui recouvre une réalité du symbole bivalent.
    Longtemps bouc émissaire, le peuple juif, messianique, est remplacé par les musulmans "terroristes" alors que l'eschatologie est véritablement le ciment du Coran, d'où la conscience qui en découle.
    Au final, l'auteur estime la crainte ou l'espoir apocalyptique moyenâgeux et y range les déçus du mondialisme dans une case sectaire (évangéliques fondamentaux par exemple) d'idéologie extrême. Or ce réductionnisme n'englobe pas les veilleurs, croyants, êtres consciencieux ou guerriers sociaux et spirituels de tous bords, pour qui l'approche d'un futur lumineux (exempt de vices, corruptions, inégalités...), versant originel de la Révélation (c'est le sens étymologique de l'Apocalypse), est une bonne nouvelle.
    Par ailleurs, et ce n'est qu'une piste, l'Anti-christ pourrait aussi désigner l'impie en soi, le mental affabulateur qui divise par exemple (le dia-bolos) et qu'il conviendrait de soumettre à plus grand que lui...
    Ce court essai probant et bien ficelé mériterait donc un plus grand développement, une profondeur de champ que les médias n'ont ni le temps ni l'envie de délivrer.

     

  • Rythmer la vie

    chasser.jpg

    Chasser les fantômes, programmé au Théâtre du point du Jour, est une tragi-comédie écrite par Hakim Bah, sur une idée originale de Sophie Cattani (Roxane). Avec Nelson-Rafaell Madel (Marco), ils incarnent un jeune couple métissé dont l'amour naissant voyage d'Afrique en France, avec tous les conditionnements et héritages historico-culturels entre les deux pays (colonisation, droit de séjour, étranger en France...).
    Un certain déséquilibre est perceptible lors de l'arrivée de Marco en France, fruit de peurs et de malentendus, que les acteurs restituent et accentuent à la perfection, jusqu'au ressentiment.
    Sur scène le batteur compositeur Damien Ravnich accompagne l'énergie de l'histoire d'amour dans ses phases radieuses ou orageuses.
    Le style syncopé, percussif et réflexif d'Hakim Bah redonne tout son sens au jeu, dans une large palette d'émotions.
    L'issue n'appartient pas à l'élan du public mais la poésie de l'ensemble se révèle à la toute fin et l'on comprend que l'enjeu transcende les corps et personnalités, qu'il est affaire d'âme.

    Entretien à l'issue de la représentation avec Sophie Cattani (7 min) :

    podcast

    @crédit photo : Théâtre du point du Jour