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Histoire - Page 11

  • Aventure électrique

    Coup de foudre , Nicolas Ancion, éditions Mijade,  J’arrête quand je veux, moyen âge, écrans, retour dans le passé, adolescence, mai 2023

    « J’ai passé une journée entière à installer des applis. Mon parrain avait déjà choisi pour moi un programme de motivation pour la course, qui enregistre les performances [...] »

    Léo est « obèse », enfin, d’après son médecin. Il va devoir se mettre au sport. C’est-à-dire courir sous la pluie, ses X-Pods sur les oreilles, essoufflé avant même d’atteindre le sommet. Nicolas Ancion, auteur de J’arrête quand je veux (roman précédemment chroniqué sur l’addiction aux écrans) ne nous parle pas poids ou grossophobie mais nous raconte un Coup de foudre, aux éditions Mijade, ici, à prendre au sens littéral. L’ado, fan de jeux vidéos, se retrouve propulsé en plein Moyen Âge où on le prend pour un envoyé du diable. Au début Léo refuse de voir la réalité en face et croit avoir atterri dans une secte. Cet isolement et la perte de tous ses repères (adieu X-Phone et GPS) oblige le garçon à puiser dans des ressources qu’il ne soupçonnait pas et lui permet de se (re)découvrir.

    « Il a fini par revenir dans la cabane, avec un paquet de copains, tous aussi pouilleux et abrutis que lui »

    Dans ce bref roman, l’auteur s’amuse à effrayer son personnage tout en lançant des clins d’œils aux liseurs. Léo, d’habitude, héros derrière un écran, semble le traverser pour vivre la plus grande des aventures. Le lecteur se laisse embarquer à son tour dans cette « vraie » vie de papier. Il découvre, comme notre protagoniste, l’ermite Jean, un dangereux borgne, des villageois effrayés mais aussi une mystérieuse Cendrillon. Ne parlons pas des chiens ! Le paysage a complètement changé : village, campagne et ville n’ont plus la même allure ni la même définition. Et chacun se prend à imaginer comment communiquer, se déplacer, se repérer ou tout simplement vivre en étant propulsé plusieurs siècles en arrière du jour au lendemain et sans autre aide que soi-même. Cela serait comme recevoir un Coup de foudre qui traverse le corps des pieds à la tête. Ouf ! Ceci est un roman … électrisant !

    « - Et comme la route sera longue, je t’apprendrai à lire, a-t-il annoncé fièrement, sortant de sa besace un petit ouvrage relié de cuir ».

    Nicolas Ancion aborde à nouveau, en filigrane, le lien des adolescents aux jeux vidéos et pousse encore la réflexion et le questionnement du lien, parfois ténu, entre illusion et réalité. À découvrir dès 11 ans.

    « J’ai par instant cru reconnaître le clocher d’une église, le coin d’une rue étroite, une place même, mais je n’étais certain de rien ».

    Image: Mijade

  • Une pratique enseignante

    Les émotions qui paraissent si énormes et si dévastatrices peuvent être démontées morceau par morceau et vues, petit à petit, pour ce qu'elle sont, une empreinte du passé d'autant plus incrustée que l'enfant était petit et avait peur. (p.29)



    Colette Roumanoff,l'impermanence heuSwamji prajnanpad,advaïta vedanta,Freud,Gurdjieff,Arnaud desjardins,lyings,émotions,Daniel Roumanoff,Colette Roumanoff évoque avec l'impermanence heureuse, aux éditions du Relié, son cheminement de vie à "la lumière et nouveauté" de la parole de Swami Prajnanpad, qu'elle rencontra à 26 ans en Inde, avec son mari Daniel.
    Ce dernier fut également le maître spirituel d'Arnaud Desjardins et un disciple de l'Advaïta Vedanta. Il se passionna aussi pour Freud, fut un spécialiste des Lyings (méditation profonde allongée) et se trouva une accointance avec la vision de Gurdjieff, sans l'avoir rencontré.
    Notre "karma" est pour lui, entaché d'une fêlure primordiale, dans la petite enfance ou la vie intra-utérine et elle conditionne une partie de notre stratégie de (sur)vie. Pour Colette Roumanoff, ce "virus" générationnel, puisqu'il se transmet, fût lié au manque d'amour de sa mère. Le livre explicite bien les conditionnements hérités de l'événement clé, encore présent sous forme d'émotions tout au long de la vie adulte. C'est à force de prises de conscience, régressions et réflexions avec le sage du Bengale qu'elle démantela le processus du manque  jusqu'à la racine pour "devenir libre des jugements de valeur" et accueillir le tout venant sans refus notoire, notamment l’Alzheimer de son mari.
    L'ouvrage est parsemé de citations de S. Prajnanpad pour appuyer la compréhension et le mûrissement de l'auteure à des étapes de sa vie. Chacun y trouvera quelques pépites comme "nous faisons à chaque instant de notre mieux (chacun est parfait à sa façon) ; "l'Amour est neutre" ou encore "nous projetons sur autrui notre moi détesté".
    Par ailleurs "être une bonne mère" résonne en nous de manière presque automatique (être un.e bon.ne conjoint.e/parent, être un homme/une femme parfait.e...) conférant à la méthode et aux paroles du sage une valeur presque universelle, même si chaque cas est particulier.
    Plus que l'imperfection heureuse, l'impermanence heureuse place la vision de Colette Roumanoff dans une perspective non duelle, où chaque instant est vécu et apprécié dans sa nouveauté et unicité, un vibrant hommage à celui qui lui montra la réalisation d'un cœur équanime.

     

  • L'Anti-Christ c'est l'autre

    Je crois que notre génération doit savoir que la Bête de l'événement est là et elle arrive. Et qu'il s'agisse de terrorisme, de cette grande pandémie ou d'autres chocs, il faut la combattre quand elle arrive avec ce qu'elle a de profondément inattendu, implacable...
    E. Macron. Vidéo financial Times du 16 Avril 2020.

     

    Joël Schnapp,chroniques de l'anti-christ,Piranha banc,apocalypse,Joël Schnapp, enseignant chercheur au parcours atypique, publie un essai censé, sourcé et décalé (avec beaucoup d'humour) chez Piranha Banc, intitulé Chroniques de l'Anti-Christ - crises et apocalypses au 21eme siècle.
    Il se sert d'une cartographie apocalyptique traditionnelle pour décrypter ses occurrences politico-culturelles récentes, du Covid au trumpisme en passant par la guerre en Ukraine, les séries TV comme Son Of Anarchy  ou le changement climatique.
    Il révèle l'imaginaire et la syntaxe médiatique utilisés pour décrire la finance, l'environnement ou les mouvances religieuses sectaires, également le discours politique teinté de messianisme et de références à la Bête de l'apocalypse pour conjurer l'ennemi. 
    Plusieurs considérations en découlent :
    La culture ou conscience apocalyptique est présente partout en surface mais sans véritable racines symboliques ou traditionnelles. Sans implication sincère on ne manipule que des concepts.
    Le mythe du sauveur est plus valorisant humainement que celui d'"ennemi impie" mais c'est sans connaître le fameux adage "qui fait l'ange fait la bête", qui recouvre une réalité du symbole bivalent.
    Longtemps bouc émissaire, le peuple juif, messianique, est remplacé par les musulmans "terroristes" alors que l'eschatologie est véritablement le ciment du Coran, d'où la conscience qui en découle.
    Au final, l'auteur estime la crainte ou l'espoir apocalyptique moyenâgeux et y range les déçus du mondialisme dans une case sectaire (évangéliques fondamentaux par exemple) d'idéologie extrême. Or ce réductionnisme n'englobe pas les veilleurs, croyants, êtres consciencieux ou guerriers sociaux et spirituels de tous bords, pour qui l'approche d'un futur lumineux (exempt de vices, corruptions, inégalités...), versant originel de la Révélation (c'est le sens étymologique de l'Apocalypse), est une bonne nouvelle.
    Par ailleurs, et ce n'est qu'une piste, l'Anti-christ pourrait aussi désigner l'impie en soi, le mental affabulateur qui divise par exemple (le dia-bolos) et qu'il conviendrait de soumettre à plus grand que lui...
    Ce court essai probant et bien ficelé mériterait donc un plus grand développement, une profondeur de champ que les médias n'ont ni le temps ni l'envie de délivrer.

     

  • Le sens de la marche

    Le Coran transcrit donc tout autant le propos divin que l'expérience mystique et historique de Muhammad et des premiers musulmans. C'est cela qu'il fait chercher dans le texte, plutôt que des vérités et des normes absolues qui doivent s'imposer en tout temps, en tout lieu et pour tous les humains. (p.44)



    qu'est ce qu'un islam libéral,Omero Marongiu-Perria,Baudouin Heuninckx,Faker Korchane,Michaël Privot,école mutazilite de pensée,lecture historico-critique,Coran inspiré,éditions atlande,Mai 2023Qu'est-ce qu'un Islam libéral est un livre écrit à quatre mains par Omero Marongiu-Perria (sociologue et théologien), Baudouin Heuninckx (docteur en droit), Faker Korchane (philosophe et Imam) et Michaël Privost (docteur en islamologie) et paru aux éditions Atlande.
    Ce court essai en forme de manifeste entend contextualiser ce mouvement de pensée, hérité de l'école de la rationalité mutazilite (9e siècle) et qui depuis un siècle pousse, comme ses prédécesseurs juifs et chrétiens, à l'analyse historico-critique des textes sacrés.
    La modernité, ses révolutions et martyrs, entend se libérer de carcans despotiques ou de prescriptions cultuelles à visée manipulatoire. C'est éclairé et avisé que l'Homme du XXIeme siècle souhaite vivre, sans contrainte ou loi castratrice, pour un lien à son Dieu vivant et empli de sens.
    Le Coran reste encore pour une majorité, intouchable puisque incréé et sa dictée parfaite aurait touché Mahomet alors illettré, constituant son miracle. Cependant, et c'est la force des sciences humaines, on sait maintenant que son message et sa retranscription ont obéi à un contexte historico-culturel, sauf quelques versets intemporels. Comme tout texte inspiré, il est à la fois le fruit de son époque et peut tendre à l'universalité/intemporalité en fonction de l'état spirituel du récepteur/prophète.
    C'est ainsi qu'il recommence à être étudié et perçu dans un effort personnel de perfectionnement souhaitable ou de maturation êtrique. Entre autre savoir discerner les signes du chemin, prendre conscience des mécanismes égotiques ou encore se relier pour percevoir les paroles éternelles

    Les défenseurs (passé et présent) d'un Islam libéral, signe des temps, se démultiplient et donnent des suées aux fondamentalistes de tous bords. La force d'une foi couplée au raisonnement, en écho avec un ressenti intérieur, donne des êtres avertis, libres et justes dans leurs actes et propos. À notre appréhension et pour notre époque, être à l'image de Dieu est plus affaire de commun hôte que de communauté, faisant prévaloir l'individu (et son libre arbitre) sur le collectif (dont on sait qu'il est aveugle).
    Un livre ouvert, synthétique et hommage à ses prédécesseurs qui ont parfois payé de leur vie leur liberté de penser.



    La voie droite n'est pas une destination, c'est un chemin. On ne peut se laisser porter sur ce chemin : on doit le parcourir. C'est de la réussite de ce cheminement que peut venir le salut de chaque individu et de la communauté dans son ensemble. (p.109)

     

  • Au plus près du Réel

    Little Big Horn,La véritable histoire du far West,ANtoine Giner-Belmonte,Lucas blengino,David Goy,Farid Ameur,Chris Regnault,Christian Rossi,éditions Glénat Fayard,25 Juin 1876,Black Hills,Sitting Bull,vision,Mai 2023Little Big Horn est un album académique des éditions Glénat/Fayard, concrétisé à quatre mains dans la collection La véritable histoire du Far West. Beaucoup de soin est apportée à cette œuvre écrite par Luca Blengino et David Goy sur les conseils historiques du spécialiste des Etats-Unis Farid Ameur. Le dessin bluffant de réalisme, en jeu ou statique est confié à Antoine Giner-Belmonte,  disciple minutieux et inspiré de Christian Rossi. Le souci du détail confère à l'excellence et la couleur de Chris Regnault sublime les cases (qui parfois s'ouvrent dans un vent de liberté), faisant de ce projet une réussite indéniable.
    Lecture haletante et immersion totale dans cette bataille dont l'intrigue monte crescendo, avec rythme et plans cinématographiques, même si l'on connaît l'issue et la date charnière.
    Le dimanche 25 Juin 1876, dans les Blacks Hills entre le Wyoming et le Dakota, le 7eme régiment de cavalerie de l'armée fédérale commandé par le lieutenant-colonel Custer, est mis en déroute (267 officers et soldats tués) à Little Big Horn, par une coalition/union sacrée sioux-cheyennes avec Sitting Bull comme chef chamane.
    Le scénario semble actuel puisqu'il évoque le combat éternel entre la quête de l'or et la défense d'un territoire sacré, avec ici une victoire temporairement remportée par l'esprit sur la force. Une prophétie visionnaire indienne sépare les belligérants croyants et finit par se concrétiser. Elle marquera l'Histoire et l'imaginaire de tout peuple opprimé, créant également le doute ou la faille dans la toute puissance d'une machinerie techniquement (ou technologiquement avec le transhumanisme actuel) complexe.
    Avec Little Big Horn, tous les ingrédients sont réunis pour en faire un classique du genre, notamment par  son exemplarité sur le sujet (addendum historique). La couverture est à l'image du projet : ambitieux, vivifiant et intemporel.
    Nous remettons en lien l'entretien réalisé il y à quelques semaines avec Antoine Giner Belmonte qui évoquait entre autre dans la troisième partie, la création de cette BD.   
     

  • L'oeil alerte d'un sur-vivant

    Partir de rien, ensemble, réussir. C'est ce que j'aime. Entreprendre. On doit toujours comprendre ce qui nous fait nous lever le matin. Mais pas des trucs comme l'argent ou la famille. Des trucs fondamentaux qui conditionnent notre bien-être quotidien. Apprendre, aider, transmettre, créer...(p.225)

     

    Guilhem Pone Gallart,Fonky Family,Un peu plus loin,Jean-Claude Lattes,la grenade,Marseille,age d'or du rap français,si Dieu veut,Art de rue,Sat,Menzo,Don Choa,Le Rat Luciano,DJ Djel,DJ Mehdi,Daft punk,maladie de Charcot,Kate Bush,Avril 2023Guilhem Gallart alias Pone, le beatmaker de la Fonky Family signe Un peu plus loin chez J.C Lattès, collection la grenade.
    Le livre suit la chronologie de ses multiples vies. De Toulouse (l'enfance)  à Marseille où il connut le succès artistique et financier pendant 20 ans, de producteur de rap à entrepreneur ou manageur dans le milieu de la nuit. Puis retour dans la ville rose pour une vie plus rangée de père de famille, musulman, engagé dans le milieu associatif local.
    L'effervescence de la cité phocéenne  entre 90 et 2010 se dessine en filigrane. L'un des berceaux du rap français bien sûr (IAM, Troisième Oeil, Bouga, Psy4...), mais aussi le code moral (le respect des anciens notamment), la fierté d'être marseillais (la bataille épique avec les anglais sur la canebière lors du mondial 98) ou encore le mélange de vices et vertus (voyous et policiers se côtoient de près), le danger et l'illégalité.
    Le témoignage de Pone est aussi précieux sur l'âge d'or du Hip Hop et la fabrication (enregistrements, mixage et mastering) d'albums mythiques de la FF : Si Dieu veut bien sûr  ou encore Art de rue. Les anecdotes fusent et on découvre ce mouvement et ses ramifications de l'intérieur, ses liens avec New York, la musique électronique ou ses contrats types (12,5 % des recettes a l'époque avec Sony). On y découvre par exemple le projet collectif de 4 producteurs (dont DJ Mehdi) pour 3 MC's (Lino, Rim'K et Le Rat Luciano) que le 11 Septembre 2001 a fait avorter...
    Un peu plus loin c'est aussi une formidable leçon de vie sur la capacité à rebondir, aller de l'avant, même lorsque le pire semble advenir. En 2015 en effet la maladie paralysante de Charcot (comme Stephen Hawking) le cloue au lit (alimentation entérale et trachéotomie) avec ses yeux pour seule voie de communication. Pone raconte aussi la détresse, la tristesse, la peur de la mort (dont il s'est affranchi) mais l'amour de la vie, la famille, les amis et la foi le reboostent pour à nouveau composer (les albums Vision, Kate and me, listen and donate), aider (site Le LSA pour les nuls), transmettre avec ce premier livre écrit sur deux ans.
    Témoin de son temps, l’œil de Guilhem a tout enregistré en conscience. Conscient d'écrire l'histoire (du rap français et de ce mouvement distillé partout), conscient de parfois jouer avec le feu et conscient de se connecter désormais à la pulsation essentielle. 
    Jamais donneur de leçon, non-dénué d'humour, passionné de rencontres et de musique (Kate Bush notamment, qui préface le livre), B.Boy depuis l'enfance, Pone possède maintenant un corps-don relié à la Source, dont l’œil resté lumineux est l'interface. 

     

  • Duke-Rocca : une connexion explosive

    cimarron.jpgL'enfer ici c'est d'être honnête dans un monde corrompu (esclave moderne)

    J'ai la foi d'un condamné en attente de paroles pieuses...
    Je suis comme.un livre ouvert à la dernière page blanche
    Un jour les perdants écriront l'histoire en guise de revanche (pulsations)


    Rocca sort un album chamanique tribal, animal et viscéral. De L'oraison à La pirogue, 17 titres pour un voyage musical, historico-culturel et intérieur. Cimarron, coproduit avec feu DJ Duke (qui officiait entre autre avec Assassin) est un album concept sur l'esclavage moderne et ses portes de sortie, par un expatrié d'origine colombienne à l’œil frais et au cœur libre (d'aimer ?).

    Rap chamanique pour toute la faune urbaine
    Tes oreilles s'oxygènent
    J'ai le fleuve amazone qui coule dans mes veines
    La voix t'attire comme le chant des sirènes (la pirogue)

    Légende du rap avec la Cliqua en France et Tres Coronas en Amérique du sud, il proposait déjà avec Bogota-Paris (double cd bilingue) un rap fusion avec combos et rythmes latinos. Le boom bap bien « fat » des productions souligne la lourdeur et la moiteur de l'ambiance amazonienne avec une vision décalée, détachée et éveillée du monde moderne.

    Aujourd'hui tout le monde peut devenir célèbre
    Vu que la médiocrité se célèbre (mon idéal)


    Plusieurs écoutes n'en ternissent pas la richesse mélodique ou le phrasé verbal : si les paroles de Rocca sont des flèches, sa voix en épouse littéralement les thèmes avec l'émotion d'un pur interprète. Flow incisif et syncopé ; verbe court et découpé, imagé ; souffle enduré et endurant...une parole au service d'une libération mentale, puisque le ciel n'est pas grillagé.

    Chaque mot est calibré
    Le verbe court comme un canon scié (lamentations d'outre mer)

    Un "venin", selon l'artiste, pour ouvrir les yeux sur une réalité voilée par manque de recul ou détachement.
    Les ajouts de chœurs et instruments ici ou là (saxo, guitare, trombone, percussions ou claviers de Rocca), ajoutent de la profondeur aux instrumentales puissantes volontairement régressives et hommages au son des nineties. L'association Duke - Rocca n'est pas neuve mais cette histoire d'amitié et d'acculturation réciproque sonne avec cet album original comme une véritable claque auditive, intemporelle et incarnée, ce qui est loin d'être paradoxal.
    Trois featuring français ornent ce futur classique de rap, Benjamin Epps, Tedax Max et Youssoupha, challengers du game et dans le même esprit : rythme et "pulsation du ghetto". Dommage que Souffrance avec Mash up n'y figure pas, question de timing peut être.
    Cimarron a mis longtemps à sortir, entre temps John Duke nous a quitté (1973-2020), mais Rocca, après le deuil,  a œuvré pour le rendre encore plus actuel, musicalement et textuellement. Le titre Lamentations d'outre mer semble un ajout postérieur signé du MC seul et s'insère parfaitement dans le délire.

    Je meurs pour mon indépendance et ma liberté comme un cimarron (la pirogue)

    L'âme pro-native de Duke habite littéralement cet ultime projet. Il a su capter l'essence d'un continent de résistants, de guerriers, de minorités stigmatisées pour en faire un hymne universel de révolte face à l'oppression tyrannique de puissants...le tout porté par un MC de renom qui porte son art aux cimes, pour ne pas dire cieux.

    La tête haute prêt a défier l'inconnu
    Ils te diront que c'est impossible, que tout est perdu
    La peur est une prison
    Tu t'échappes d'elle ou tu es détenu

    Brises tes chaînes comme Django (Django)

    @Oeuvre visuelle et pochette de l'album par Francisco Rocca