Car l'esprit est révolutionnaire, "toute conscience supérieure brise les vieilles outres" note Marie-Magdeleine Davy. L'homme intérieur éclairé par l'esprit et devenu vivant possède une fonction démiurge qui fait éclater les cadres et les limites dans lesquels la majorité des hommes trouvent refuge et sécurité. La religion de l'esprit est une religion prophétique toujours orientée vers l'eschatologie (p.150).
Armelle Dutruc opère avec "Du visible à l'invisible - marcher dans les pas de Marie-Magdelaine Davy", une brillante synthèse de son œuvre. Le livre paru chez Hozhoni éditions est une somme (609 pages) digeste, qui respecte l'itinéraire linéaire de cette grande dame de la spiritualité et constitue un excellent résumé de l'ésotérisme chrétien dans sa visée de libération.
Il y est question de l'esprit de solitude, préliminaire à la découverte d'un centre en soi dans la "grotte" du cœur. Une présence lumineuse y demeure et ce germe divin ne demande qu'à croître, à mesure que l'ego ou fausse identité diminuera. L'ouvrage suit cette progression spirituelle vers la hauteur (le corps de lumière ou de résurrection) et la profondeur (la contemplation du mystère ineffable, loin du concept de Dieu) dans le style un peu froid de l'Intellect, au sens connaissance du terme. Néanmoins l'émerveillement est bien de mise devant la largeur ou étendue du chemin parcouru par Madame Davy, à la fois sur le plan intérieur qu'extérieur, tant le spectre de son œuvre s'avère riche de thématiques (symbolisme, ésotérisme, initiation, histoire...) et de rencontres (Berdiaev, Jung, Corbin, Massignon, Le Saux, Maitre Eckhart...). Elle fut un passeur précurseur entre Orient et Occident, cristallisant un pont entre le Soi jungien, le "Je Suis" hindou et la bienheureuse trinité chrétienne. L'unité est la mire, à la Source, pour se fondre dans la lumière de l'Incréé.
Après avoir classé les nombreuses archives de M.M Davy dans la cadre de ses fonctions, Armelle Dutruc rend ici un hommage incarné à cette passante du siècle dernier (1903-1998) en s'effaçant le plus possible, ce qui est une ascèse en soi, derrière cette grande figure de la connaissance de soi.