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  • Camille, la douce heure

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    Qui mieux que Camille, artiste complète, pour réenchanter les cœurs et renouer avec le spectacle vivant en douceur après un long intervalle où la culture ne se définissait plus que par écrans interposés ?
    Les stigmates sont pourtant encore partout présents, de la captation vidéo lumineuse des Phuphuma Love Minus, originellement prévus sur scène, à l'heure du couvre-feu en passant par les mesures sanitaires drastiques. Pourtant tout est oublié le temps d'une heure de show sur le thème de l'eau, avec "Alarm clocks" (rediffusé sur Arte concert) mise en scène par la chorégraphe sud africaine Robyn Orlin avec laquelle la chanteuse emblématique avait déjà collaboré pour "Up above my head". Sous tous les angles (filmée de très près et de haut) et dans toutes les positions (à genoux, assise, couchée, debout, pendue...), Camille interprète certaines de ses chansons et quelques reprises thématiques bien senties sur une scène censée figurer la mer, évoquée par des bouts de tissus plastiques raccommodés (petit rappel politique), sa robe de nymphe à la longue traîne.
    C'est par la main que l'artiste nous cueille, avec la comptine “A la claire fontaine”, telle une mère (symbolique de la mer) aimante et joueuse, pour mieux nous enlacer dés l'ouverture et nous bercer une heure durant dans ce conte imagé empreint de tendresse et de justesse.
    C'est quand elle évoque les sources que nous sommes, composés à 90% d'eau que l'éveil se produit : Camille nous reconnecte avec notre nature, avec notre enfant intérieur libre, celui qui n'a pas subi les affres de la crise humaine sans précédents et s'amuse, insouciant, en s'oubliant, de tout. Avec sa voix pure pour seule vibration (et celle des oiseaux alentours) elle habite le silence de beauté et de grâce, de rires et de larmes, de gravité et de légèreté, et nous touche en plein cœur.
    On se noie dans cet univers féerique presque enfantin et on salue une nouvelle fois la performance fantasque et fantasmagorique de Camille, qui d'un rien apparent arrive à créer un univers envoûtant.

     

  • Ma tête est libre puisque je chante

    up above my head,raphaël lemonnier,camille,sandra nkaké,pierre-françois dufour,christophe minck,raphaël imbert,clément ducol,robyn orlin,jazz à vienne,39ème édition,2019Up above my head est une création originale du festival Jazz à Vienne. Initié il y a trois ans entre Raphaël Lemonnier et Benjamin Tanguy, directeur artistique du festival, ce projet ouvre les festivités de la 39ème édition sous de beaux et bons auspices. Retransmis en direct à FIP radio (un disque sera peut-être édité ?), le spectacle était surtout sur scène avec la virtuosité des six protagonistes mais aussi par la mise en espace ingénieuse et évocatrice de Robyn Orlin.

    Lorsque Raphaël Lemonnier découvre, comme présent à 11 ans, ces chants de prisonniers, il est "touché et ressent beaucoup d'émotion. C'était des gars qui chantaient pour leur survie" explique t-il. Comment retranscrire des chants de prisonniers (les "Negro prison songs and blues" collectés par l’ethnomusicologue Alan Lomax au sein des comtés ruraux et les pénitenciers du Sud des États-Unis), des chants de luttes, des gospels ou encore des "black convict songs", sans que la lourdeur ne vienne entacher la proposition artistique ?

     

    Raphaël Lemonnier (piano et arrangements) a su s'entourer d'une fine équipe motivée par l'enjeu et notamment deux chanteuses reconnues et complémentaires, l'hypnotique Camille et la charismatique Sandra Nkaké. Les musiciens amis Pierre-François Dufour (batterie et violoncelle), Christophe Minck (Ngoni et contrebasse) et le jovial, mais aussi chercheur en musique sacrée, Raphaël Imbert (saxophone) sont venus se greffer et grossir ce collectif, supervisé et co-arrangé par Clément Ducol, le compagnon de Camille qui se fait subrepticement lui aussi un nom (collaborations avec Nolwenn Leroy, Camille, Christophe ou encore Melody Gardot et Youn Sun Nah).

    Puissant et organique, exalté et doux : l'osmose entre les chanteuses et musiciens qui deviennent parfois chanteurs et musiciennes nous entraine dans un univers envoutant. C' est un spectacle habité, incarné, et les scènes d'unité (tous ensemble autour d'une table, du piano,...) alternent avec des moments plus intimistes dans lesquels chaque acteur est mis en avant pour performer au plus juste au service de la cause. Les instrumentistes donnent de la chair à ces chants nus avec des arrangements résolument modernes (le saxophone, le violoncelle) et une partition tantôt brute tantôt enjouée voire céleste.

    Le martellement des bâtons sur le sol vient rappeler les enregistrements originaux (sans musique) et devient vite une allégorie de la douleur et de la dure condition d'esclave, de prisonnier ou de peuple méprisé. Comme tout symbole il devient duel par moments et vient souligner la force et la dignité, la joie même parfois de ces chants emplis de foi ou d'espoir malgré l'adversité. Ce rythme entêtant, tout au long du concert, résonne longtemps comme un grondement auquel on ne peut échapper.

    Beaucoup de jeu également sur scène pour alléger le propos et la gravité de certaines chansons, une alternance de pesanteur et de grâce. Les deux artistes chantent de concert ou seules, parfois rejointes en chœur par les quatre musiciens. Elles sont tantôt légères, tantôt graves en fonction de la circonstance mais toujours droites et dignes. C'est dans leurs réserves, qu'elles iront puiser pour nous faire entendre ces chansons d'un temps pas si lointain. Temps de luttes, de résistance et de courage pour affronter l'injustice, le désespoir ou l'absurdité de la vie. Moments suspendus dans le théâtre de Vienne où les voix n'étaient pas six mais des centaines, dans un jeu de lumière incandescent ou tamisé, à clamer et chercher la Présence malgré l'absence d'eau, de nourriture, d'êtres chers ou même de droits fondamentaux.

    En conférence de presse, Sandra Nkaké se questionnait sur "comment collectivement avoir envie de créer une société plus juste ? ". "La musique, c'est le lien et le lien de compassion entre les humains" ajoutait Camille. Hier soir, le lien s'est créé avec le public de Vienne, attentif et impressionné par cette création du festival qui mériterait de tourner et de se déployer pour que ces voix résonnent à nouveau.

    @visuelB.Flao