Puissance, folie, pureté, amitié. Ces quatre mots peuvent résumer l’aventure de ces marins amateurs devenus maître des océans. À moins que ce soit l’Eau, indomptable, qui ait accepté d’épargner ces minuscules humains. Par jeu ? Par défi ? ou parce qu’elle a senti la force de leur rêve et leur abnégation ? C’est la cuisine, la chambre, le lieu de travail, la terrasse pendant cinq ans : le voilier imaginé par deux camarades de classe. Damien, l’empreinte du vent, dessiné par Vincent et scénarisé par Gérard Janichon, l’un des deux explorateurs aux éditions Vents d’Ouest. C’est à l’âge de 17 ans que naît cette idée insensée de faire le tour du monde avec son copain Jérôme Poncet. La bande dessinée retrace cette odyssée débutée en 1969 qui va devenir légendaire pour des générations de navigateurs et navigatrices après eux. Isabelle Autissier signe d’ailleurs la préface de cet album, presque aussi grandiose que le voyage de Gérard, Jérôme et Damien, leur bateau.
Vous avez peur de l’orage, le vent vous effraie, l’eau est toujours trop froide et vous êtes casaniers ? Cette bande dessinée est faîte pour vous ! Oui, j’insiste, il est impossible de rester indifférent face à cette vie brute, cette bouffée d’énergie et d’iode, ce souffle romanesque et pourtant réel. Bien sûr vous êtes confortablement installé dans votre canapé pour lire chaque étape de l’aventure mais insidieusement, vous partez avec eux sur les mers du globe. Vous vivez les petits pépins, les grands frissons, les heures perdues, les moments où la vie ne tient qu’à un fil et ceux où vous faîtes la sieste dans un hamac au fin fond de la jungle amazonienne. En effet, les deux marins ne vivent pas uniquement sur leur voilier. Ils rejoignent la terre ferme régulièrement pour réparer, se ravitailler et surtout faire de belles rencontres. Ainsi les couleurs à l’aquarelle de Vincent passent du bleu clair et profond des océans au jaune sable des fleuves et au vert envoûtant des forêts brésiliennes sans oublier la blancheur aveuglante des glaces du Groenland (et aurores boréales incandescentes). Le dessinateur rend palpable une rencontre avec des manchots, la douceur du sable des îles tropicales ou l’effrayante vague qui nous roule dessus. Une odeur d’embrun flotte dans l’air et on attend les gouttes d’eau qui tardent à nous mouiller.
Raconter ce long voyage sinueux autour de la terre n’est pas simple et il est parfois difficile de suivre nos navigateurs sans les cartes, heureusement disséminées dans le récit. Ainsi, pour ne pas lasser, Gérard Janichon insère, entre deux destinations, la genèse de l’aventure. On découvre les deux marins en herbes, minots, dans une école militaire, lieu de leur rencontre. La vie très stricte tranche avec la liberté qu’ils chériront par la suite. Ce cadre, presque violent, a peut-être fait naître leur soif d’infini. Le scénariste nous montre bien la naissance puis le cheminement de leurs pensées et désirs. Jérôme et Gérard n’ont pas seulement imaginé leur tour du monde, ils ont également créé leur propre moyen de transport : Damien ! Ces 5 ans à sillonner le globe sont si intenses, foisonnants et renversants (dans tous les sens du terme) que le récit peut sembler parfois chargé puis, comme l’océan déchaîné qui s’apaise sans crier gare, il devient en un instant limpide et rafraîchissant.
Damien, restauré en 2019, est classé monument historique est visible au Musée maritime de la Rochelle ...
Image : Vent d'Ouest/Glénat