Up above my head est une création originale du festival Jazz à Vienne. Initié il y a trois ans entre Raphaël Lemonnier et Benjamin Tanguy, directeur artistique du festival, ce projet ouvre les festivités de la 39ème édition sous de beaux et bons auspices. Retransmis en direct à FIP radio (un disque sera peut-être édité ?), le spectacle était surtout sur scène avec la virtuosité des six protagonistes mais aussi par la mise en espace ingénieuse et évocatrice de Robyn Orlin.
Lorsque Raphaël Lemonnier découvre, comme présent à 11 ans, ces chants de prisonniers, il est "touché et ressent beaucoup d'émotion. C'était des gars qui chantaient pour leur survie" explique t-il. Comment retranscrire des chants de prisonniers (les "Negro prison songs and blues" collectés par l’ethnomusicologue Alan Lomax au sein des comtés ruraux et les pénitenciers du Sud des États-Unis), des chants de luttes, des gospels ou encore des "black convict songs", sans que la lourdeur ne vienne entacher la proposition artistique ?
Raphaël Lemonnier (piano et arrangements) a su s'entourer d'une fine équipe motivée par l'enjeu et notamment deux chanteuses reconnues et complémentaires, l'hypnotique Camille et la charismatique Sandra Nkaké. Les musiciens amis Pierre-François Dufour (batterie et violoncelle), Christophe Minck (Ngoni et contrebasse) et le jovial, mais aussi chercheur en musique sacrée, Raphaël Imbert (saxophone) sont venus se greffer et grossir ce collectif, supervisé et co-arrangé par Clément Ducol, le compagnon de Camille qui se fait subrepticement lui aussi un nom (collaborations avec Nolwenn Leroy, Camille, Christophe ou encore Melody Gardot et Youn Sun Nah).
Puissant et organique, exalté et doux : l'osmose entre les chanteuses et musiciens qui deviennent parfois chanteurs et musiciennes nous entraine dans un univers envoutant. C' est un spectacle habité, incarné, et les scènes d'unité (tous ensemble autour d'une table, du piano,...) alternent avec des moments plus intimistes dans lesquels chaque acteur est mis en avant pour performer au plus juste au service de la cause. Les instrumentistes donnent de la chair à ces chants nus avec des arrangements résolument modernes (le saxophone, le violoncelle) et une partition tantôt brute tantôt enjouée voire céleste.
Le martellement des bâtons sur le sol vient rappeler les enregistrements originaux (sans musique) et devient vite une allégorie de la douleur et de la dure condition d'esclave, de prisonnier ou de peuple méprisé. Comme tout symbole il devient duel par moments et vient souligner la force et la dignité, la joie même parfois de ces chants emplis de foi ou d'espoir malgré l'adversité. Ce rythme entêtant, tout au long du concert, résonne longtemps comme un grondement auquel on ne peut échapper.
Beaucoup de jeu également sur scène pour alléger le propos et la gravité de certaines chansons, une alternance de pesanteur et de grâce. Les deux artistes chantent de concert ou seules, parfois rejointes en chœur par les quatre musiciens. Elles sont tantôt légères, tantôt graves en fonction de la circonstance mais toujours droites et dignes. C'est dans leurs réserves, qu'elles iront puiser pour nous faire entendre ces chansons d'un temps pas si lointain. Temps de luttes, de résistance et de courage pour affronter l'injustice, le désespoir ou l'absurdité de la vie. Moments suspendus dans le théâtre de Vienne où les voix n'étaient pas six mais des centaines, dans un jeu de lumière incandescent ou tamisé, à clamer et chercher la Présence malgré l'absence d'eau, de nourriture, d'êtres chers ou même de droits fondamentaux.
En conférence de presse, Sandra Nkaké se questionnait sur "comment collectivement avoir envie de créer une société plus juste ? ". "La musique, c'est le lien et le lien de compassion entre les humains" ajoutait Camille. Hier soir, le lien s'est créé avec le public de Vienne, attentif et impressionné par cette création du festival qui mériterait de tourner et de se déployer pour que ces voix résonnent à nouveau.
@visuelB.Flao
Le cirque Eloize implanté à Montréal est devenu une institution comme le cirque du soleil.
L'unité de la troupe est palpable dans les scène collectives mais aussi les solos (qui constituent parfois des duos de clowns, d'acrobates ou de gymnastes), dans une attention bienveillante et une tension paroxystique, ce qui fait sa force et son succès.

Dix ans d’absence, de vacance, un nouvel album Géopoétique, une tournée...l'amour du public pour MC Solaar est intact. Événement complet, pluie de coussins verts sur la scène, le set choisi a fait mouche entre une première partie plutôt dédiée au nouvel album (Intronisation, Sonotone,Frozen fire, Jazz, Super Gainsbarre, Aiwa en final) et une seconde revisitant les classiques de l'auteur : Caroline, Victime de la mode, Bouge de là, Nouveau western, qui sème le vent récolte le tempo...
Petite déception également sur le show et sa conception sans véritable fil conducteur à part un équilibre respecté entre anciennes et nouvelles chansons et un beau voyage musical et temporel. De belles images soulignent et accompagnent les textes mais pas de véritable trame historique (qui fait la saveur des grands plats) comme initialement annoncée entre l'ombre et la lumière par exemple alors que les albums du MC foisonnent de cette thématique presque apocalyptique. On aurait aimé une meilleure mise en scène donc, peut-être prévue pour les concerts des zéniths ? Le détachement, la hauteur et la légèreté c'est bien mais il aura manqué ce petit supplément d'âme...
Une mer de plastiques transparents, de l’eau qui dégouline, un ciel gris sombre. De quoi rebuter les spectateurs les plus frileux. Pourtant, le théâtre de Fourvière affiche complet. Peut-être le public sent-il déjà un changement dans l’atmosphère. Il ne viendra pas de la météo mais de l’arrivée fracassante de Gaël Faye sur scène, attendu. L’auteur de Petit pays (prix Goncourt des lycéens 2016 entre autres), ne vient pas parler littérature mais préfère délivrer son message par un rap lettré et feutré, accompagné par un pianiste/trompettiste et un beatmaker aux machines électroniques dignes de celles de Rencontre du troisième type.
Là où l’ancien gone réveille la foule dès les premiers instants, les deux sœurs prennent leurs temps. Moins expérimentées et seules sans trop de jeu de lumières, elles installent leur univers par vagues avec des images d’animations en fond de scène. Lisa-Kaindé et Naomi savent nous faire planer au-dessus du théâtre antique puis redescendre et faire vibrer nos pieds au rythme sourd de la terre. Leur musique est en effet un subtil mélange entre culture yoruba, soul, R&B mais aussi hip-hop. Avides d’échange, elles aiment faire chanter le public et insistent jusqu’à convaincre les plus réticents. Il faut dire que ces deux jeunes femmes ont de l’énergie et du cœur à donner. A leur image le titre Deathless (immortelles) aura laissé une empreinte indélébile sur les spectateurs, répété tel un mantra pour s’approprier la faveur de la foule un peu timide. 
Charlotte Gainsbourg a médusé hier le théâtre antique (complet) de Fourvière. Son dernier album Rest, salué d'une victoire de la musique et par la critique en général, qu'elle présentait en version live sur scène, est pourtant généreusement électro et dance...
Au final Charlotte Gainsbourg, fière de l'héritage de ses parents (elle leur rend hommage dans ce dernier album), a su s'émanciper de leur poids pour sonner comme personne même si ce besoin de symphonie n'est, au final, jamais loin de l'esprit.