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Humour - Page 5

  • La rose fleurit sans pourquoi

    Room,James Thierrée,La compagnie du Hanneton,Anne-Lise Binard,Ching-Ying Chien,Mathias Durand,Samuel Dutertre,Hélène Escriva,Steeve Eton,Maxime Fleau,Nora Horvath,Sarah Manesse,Alessio Negro,Théâtre des Célestins,Lyon,Juin 2022

    C'est à une drôle de représentation que nous avons assisté au théâtre des Célestins avec l'équipée de James Thierrée. Le temps semble avoir peu d'emprise sur l'homme et la passion s'étoffe avec le chant (La lyrique Sarah Manesse), la musique et la danse. Un véritable groupe festif de 10 musiciens, une chanteuse et une danseuse (l'autre s'étant blessée) vont chorégraphier des tableaux animés et changeants puisque le décor est aussi mouvant que la gamme de jeu des artistes.
    Room, la pièce, ce sont des semblants de pièces mais qui intègrent le public pour la joie du jeu et du partage avec une palette d'émotions et de visuels chocs. On passe du rire à l'étonnement, de la poésie au riff de guitare tonitruant, avec des comiques de répétitions (le téléphone, le pourquoi, le blabla...) qui interrogent le processus de création et sa crédibilité.
    Sans trame narrative raisonnée ni réflexion autre que l'énergie latente et le génie créatif (et burlesque) de chacun, le spectacle est sans étiquette autre que le plaisir d'être ensemble et de célébrer le rythme intérieur plutôt bouillonnant et détonnant.

    James Thierrée assume de façon totalement décomplexée cette  tangente musicale et son goût pour la danse (avec la très élastique Ching-Ying Chien il s'en donne à coeur joie) en gardant ce lien fort à l'homme sauvage et l'enfant.
    Profondément relationnel, il sublime ses acolytes dans des saynètes privatives pour qu'ils impriment la toile de fond. Tel un chœur au service de l'auteur ils font corps derrière la mise à nu de leur mentor : une pièce on ne peut plus collective.
    La cacophonie est souhaitée et montrée, contrebalançant la beauté du geste. De réponses au sens de la vie, James n'en reçoit pas (du Saint Esprit de la caméra) mais au sujet de la création, il sait que le chaos est inextricablement imbriqué à l'harmonie et qu'il en est un digne représentant. Le style musical accompagne cette métamorphose, oscillant entre fanfare, cantate, opéra rock ou folie punk. Une proposition originale et décalée.

    Crédit photo : Richard Haughton pour les Célestins.

  • Super pouvoir ou pas !

    Des pouvoirs pas super, Olivier Adam, Flammarion Jeunesse, adolescence, vacances, super héros, super héroïnes, mai 2022« - Tu promets que tu ne ris pas, hein ? J’ai dit avant de commencer. Elle a acquiescé mais elle n’a pas tenue parole. »

    Devenir une héroïne ou un héros, sauver le monde, tous le enfants en rêvent. Particulièrement Antoine, Lisa, Mattéo, Gabi et Margot qui se retrouvent chaque été pour les vacances. Dans Des pouvoirs pas super signé Olivier Adam chez Flammarion Jeunesse, ils se rejoignent exceptionnellement à l’automne. Ça tombe bien car depuis le mois d’août, chacun d’entre eux a vécu un truc très surprenant, presque angoissant, mais qui va les croire ? Les cinq amis se connaissent assez pour savoir que quelque chose cloche. Tous ont l’air bizarre, gênés en se revoyant.

    « - Ok. Alors : Nadal-Monfils à l'US Open. Ça vient de finir. Dis-moi. Qui a gagné ? Combien ? »

    Il va leur falloir du courage pour raconter leur vie « éphémère » de super-héros et super-héroïnes. Le pouvoir d’Antoine est proche de celui de Lisa mais complètement différent de Mattéo. Une seule chose est claire, ils doivent trouver l’origine de cette énigme. Et soyons clair, Margot n’est pas devenue Wonder Woman et Gabi n’a rien d’un Spider-Man. Les ennuis, voilà ce que cet étrange pouvoir leur a apporté. Ce drôle de petit roman (à partir de 9 ans) ne donne pas envie de développer des capacités extraordinaires, à part peut-être pour connaître la fin du livre, là, maintenant, tout de suite. Nous rêvons plutôt de beignets au bord de la plage. D’ailleurs, c’est vraiment un bon bouquin à savourer les pieds dans l’eau …

    « Elle se sentait juste un peu bizarre et fatiguée, comme avant de tomber malade parfois. Elle en a parlé à sa mère, qui lui a répondu que c’était le stress. »

    Avec une sacrée dose d’humour et d‘idées farfelues, Olivier Adam (auteur notamment de Je vais bien ne t’en fais pas et Des vents contraires adaptés au cinéma) aborde subtilement les relations entre les enfants, celles entre ados et parents et la difficulté de répondre aux souhaits des adultes sans se trahir soi-même. En effet les nouveaux pouvoirs singuliers des personnages font tomber les masques et bouger les lignes. Les mensonges, la boulimie, le divorce sont autant de thèmes infusés au gré du récit sans les dramatiser ni les éluder. Un livre pour découvrir et accepter qui l’on est, grandir et s’affirmer, même si nos pouvoirs n’ont rien d’exceptionnels ou tout simplement pour passer un bon moment de lecture en compagnie de ces cinq jojos sympathiques et attachants. Bon, les copains, quelqu’un veut aller se baigner ou pas ?

    Image: Flammarion Jeunesse

  • L'amour en partage

     

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    Dans Les élucubrations d'un homme soudain frappé par la grâce, donné en trois représentations au Radiant Bellevue de Caluire, un comédien fuit sa propre pièce qu'il a écrit et se retrouve sur un autre plateau, celui du Dernier bar avant la fin du monde (une forme de spleen générationnel ?), dans lequel il s'attarde en compagnie du régisseur (Christophe Meynet), à parler de tout et de rien. Edouard Baer compose ses élucubrations sur une base nostalgique, l'évocation de grands personnages historiques (Malraux, Bonaparte, Jean Moulin, Jésus...) ou culturels (Bukowski, Jean Rochefort, Romain Gary...) qui l'ont fasciné comme hommes ou mentors par leur parole toujours incandescente.
    Il se glisse avec émotion juste dans leurs mots ou leur corps par interstice, pour mieux leur rendre hommage et les fêter (ces fantômes inspirants) en ne cessant de s'interroger sur son rôle, son succès bâti sur ce génial ressort comique mais qu'il estime peut être trop léger, facile ou manquant de poids, de gravité ou de sérieux en comparaison : ce fameux sentiment d'imposture contrebalancé chez lui par une exigence de profondeur.
    Pourtant s'il y a quelque chose plutôt que rien, si la tendresse humaine, la malice enfantine ou le regard poétique imprègnent chacune de ses saillies (co-mise en scène d'Isabelle Nanty), c'est aussi par cette grâce qui le fait s'oublier pour se donner entièrement à l'autre, partenaire ou public, et le magnifier. Ainsi la balle revient à l'envoyeur comme un acte désintéressé et c'est la joie dans le jeu. Cet effort sur soi pourrait s'expliquer de manière métaphysique mais Edouard Baer préfère le parti d'en rire pour mieux supporter le manque, l'absence, et célébrer à sa manière l'éphémère beauté de la vie. 

    Crédit photo : Radiant

  • L'origine de l'imaginaire

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    Intéressante et saine réflexion autour du rien, du vide, de l'ennui, de cette  "plénitude de quelque chose qui ne nous remplit pas". Je suis venu.e pour rien, mise en scène par Maïanne Barthès (issue de l'école de la Comédie de Saint Étienne) questionne le processus créatif, ce présent d'où jaillit l'étincelle, comme un jeu d'enfant, avant le retour à ce point de "repos obligé": l'ennui, vécu différemment par chacun.
    Quatre acteurs occupent la scène (Cécilia Steiner, Cécile Maidon, Slimane Majdi, Baptiste Relat)  dans deux contextes différents (un abribus et un espace de travail qui prend fin) et vont tromper cet ennui en s'évadant mentalement ou en créant des mondes imaginaires, transformant des moments plombants en véritables situations burlesques souvent drôles ou tendres et où le merveilleux advient.
    On se plaît à plonger dans nos souvenirs enfantins et l'on se permettra désormais d'invoquer l'esprit créateur trop souvent prohibé ou inhibé dans une société qui accapare ou détourne notre attention d'instants non rentables mais si précieux.

    Rencontre avec Maïanne Barthès à la Comédie de Saint Étienne. La pièce s'y joue jusqu'au 26 novembre.

    podcast

    Photo: Garance Li / Comédie de St Étienne

  • Fichu corps, corps magique !

     

    6-ReverieCarcasse_A5-1.jpgNotre cœur, notre diaphragme, notre estomac et tous nos organes, on sait qu'ils sont là, quelque part en nous, mais nous ne les voyons pas, nous les connaissons plus ou moins. Ils doivent souvent nous rappeler leur présence, surtout si nous avons l'habitude de préférer notre cerveau pour fonctionner/vivre. Dans Rêverie carcasse, Léa Carton de Grammont a voulu mettre à plat les rapports que chacun entretient avec son corps et sa perception. La metteuse en scène a donc imaginé l'histoire d'une femme, jouée par Alice Vannier, découvrant et redécouvrant son corps tout au long de sa vie. Avec l'aide des scénographes Lucie Auclair, Aviva Masson et la costumière Cécile Laborda, elles ont créé un décor et des accessoires où chaque élément du corps est visible, tangible et devient un personnage à part entière.

    Une manière pour le spectateur de voir enfin, ce qu'il a/est à l'intérieur. Entendons la voix (qui sort de son corps) de Léa Carton de Grammont, compagnie PTUM* au micro de Choeur (7'27) :

    podcast

     

    * Prends-toi un mur si t'es vivant

  • Camille, la douce heure

    camille.jpg

    Qui mieux que Camille, artiste complète, pour réenchanter les cœurs et renouer avec le spectacle vivant en douceur après un long intervalle où la culture ne se définissait plus que par écrans interposés ?
    Les stigmates sont pourtant encore partout présents, de la captation vidéo lumineuse des Phuphuma Love Minus, originellement prévus sur scène, à l'heure du couvre-feu en passant par les mesures sanitaires drastiques. Pourtant tout est oublié le temps d'une heure de show sur le thème de l'eau, avec "Alarm clocks" (rediffusé sur Arte concert) mise en scène par la chorégraphe sud africaine Robyn Orlin avec laquelle la chanteuse emblématique avait déjà collaboré pour "Up above my head". Sous tous les angles (filmée de très près et de haut) et dans toutes les positions (à genoux, assise, couchée, debout, pendue...), Camille interprète certaines de ses chansons et quelques reprises thématiques bien senties sur une scène censée figurer la mer, évoquée par des bouts de tissus plastiques raccommodés (petit rappel politique), sa robe de nymphe à la longue traîne.
    C'est par la main que l'artiste nous cueille, avec la comptine “A la claire fontaine”, telle une mère (symbolique de la mer) aimante et joueuse, pour mieux nous enlacer dés l'ouverture et nous bercer une heure durant dans ce conte imagé empreint de tendresse et de justesse.
    C'est quand elle évoque les sources que nous sommes, composés à 90% d'eau que l'éveil se produit : Camille nous reconnecte avec notre nature, avec notre enfant intérieur libre, celui qui n'a pas subi les affres de la crise humaine sans précédents et s'amuse, insouciant, en s'oubliant, de tout. Avec sa voix pure pour seule vibration (et celle des oiseaux alentours) elle habite le silence de beauté et de grâce, de rires et de larmes, de gravité et de légèreté, et nous touche en plein cœur.
    On se noie dans cet univers féerique presque enfantin et on salue une nouvelle fois la performance fantasque et fantasmagorique de Camille, qui d'un rien apparent arrive à créer un univers envoûtant.

     

  • IAM : Une parole de poids

     

    Nous proposons une autre vision de la société, en quête d'un projet constructif plutôt que destructif, d'une ouverture plutôt que d'une fermeture...si nous pouvons encore éveiller quelques consciences et encourager l'empathie et la cohésion de notre humanité fragmentée, ce sera notre pierre à l'édifice” (Entre la pierre et la plume – IAM).

     

    IAM,Entre la Pierre et la Plume,Baptiste Bouthier,Editions Stock,Octobre 2020Le collectif IAM (Akhenaton, Shurik'n, Kephren, Kheops, Imhotep et peut-être aussi Saïd ?) signe avec Baptiste Bouthier, journaliste socio-politique à libération, un livre témoignage “Entre la pierre et la plume” paru chez Stock éditions, sur leurs riches parcours dans le secteur culturel. L'ouvrage est émaillé de sentences puisées dans la discographie et de bulles focales sur chaque membre du crew phocéen. 

     

    Pour qui suit leur carrière, les textes parlent d'eux-mêmes mais l'intérêt du livre c'est de développer la pensée (des chapitres entiers sur 9 thématiques dont le cinéma, le langage et l'argot, Marseille la ville ou encore la domination et le racisme...), expliciter le processus créatif (Le concept IAM, l'influence des membres sur les plans socio-culturels ou politico-spirituels) et replacer dans son contexte (Marseille, le statut des français issus de l'immigration, l'influence et le statut du rap) un groupe (et les techniciens qui gravitent autour) qui perdure depuis plus de trente ans.

    Avec 9 albums concepts au compteur, des albums solos, des productions de talents marseillais (FF, L'Algérino, Psy4 de la rime,Veust Lyricist, Faf Larage, Bouga, chiens de paille...), des réalisations cinématographiques, le groupe n'a pas à rougir de son bilan auditif avec des salles toujours pleines, sans véritable campagnes de promotion et surtout l'aura respectueuse due à un pilier mythique de l'histoire du rap (français), droit dans ses bottes et ses choix artistiques.

     

    Le groupe dévoile notamment sa formule secrète appliquée à chaque missive : des albums conceptuels basés sur six piliers : des titres politiques et engagés, introspectifs, historico-mystiques, à base d'humour, de storytelling ou d'égotrip.

    Autre point crucial l'effort porté sur l'écriture : un “verbe ciselé et travaillé mais qui reste accessible”, érudit mais pas élitiste, complexe mais pas compliqué, technique mais pas ampoulé, à base de sentences (une phrase qui marque en profondeur) plutôt que de punchlines.

    Mais sa véritable richesse reste son ciment collectif. IAM est le seul groupe soudé depuis ses débuts (à part le départ de Freeman, au nom prophétique ?), uni par ses passions communes (la civilisation égyptienne, le cinéma de genre, la culture asiatique ou l'amour du hip hop, donc de New York...), sa foi et sa fidélité à toutes épreuves. Le microcosme est en soi une démocratie qui valide chaque décision à la majorité absolue.

     

    Éternels challengers au sein d'un mouvement originel qui ne cesse de se régénérer, les jeunes vétérans d'IAM acceptent volontiers l'esprit de compétition et remettent en jeu leurs lauriers à chaque nouvel album. Leur vécu leur donne avec l'âge un poids politique intéressant et important en particulier sur la culture dominante qui selon eux, méprise encore le rap, alors que sa diffusion est majoritaire en France. Un mépris à la fois de classe et ethnique, s’appuyant parfois sur un schéma raciste envers ceux dont “l'expression est populaire, le langage issu de l'oralité, affublés en plus d'un accent ou de termes argotiques”.

    Deux mondes sociaux-politiques qui s'opposent à travers le monde, même si des ponts existent pour “dénoncer oppressions, racisme et injustices” dans les deux camps opposés. Cette voie du milieu est celle prônée par l'entité IAM depuis le début avec une richesse symbolique et lexicale qui invite à l'ouverture d'esprit plutôt qu'à l'individualisme et au repli sur soi, constaté ces dernières années.

     

    Reste le futur à inventer puisque le mouvement hip hop s'écrit au présent. Lourd de son concept dont l'acronyme IAM est multiple : à la fois “j'existe”, “Imparial Asiatic Men”, “Invasion Arrivant de Mars”..., reste peut-être sa dimension mystico-spirituelle à investiguer, à savoir le fameux “Je Suis” divin, l'essence du nom ?

    Le temps file et la sagesse accumulée (Égypte, Islam, Zen...) pourrait devenir pierre de taille, dans son intériorité, pour de prochaines thématiques métaphysiques, en venant parachever l'édifice...

    Un livre de poids donc à mettre entre toutes les oreilles attentives, et de bonne volonté.