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L'historien de l'Antiquité et spécialiste du judaïsme ancien David Hamidovic nous livre aux Éditions Bayard un court essai sur les "racines bibliques de l'imaginaire des pandémies". Face à un coronavirus dont le vaccin est lointain et l'issue incertaine, face au traitement médiatique de sa progression et aux chiffres quotidiens de sa mortalité, s'est activée selon l'auteur, une mémoire archaïque en chacun, donc planétaire. Dans l'imaginaire ou inconscient collectif, des récits d'épidémies plus anciens ont été ravivés (Des précédents virus aux épidémies de peste ou de choléra) dont l'origine remonterait aux dix plaies d'Égypte, qui commencent dans le sang (l'eau devient sang) et se termine par la mort (des nouveaux nés). La première partie de l'ouvrage dresse en effet une étude comparative des occurrences de ces dix plaies dans la Bible et son caractère plus évocateur et frappant que précis dans sa hiérarchisation. Le spectre d'un châtiment divin consécutif à un péché ou une faute comportementale a plané pendant et après le confinement, invectivant le modèle néolibéral ou la destruction de la nature et porteur d'un changement souhaité de paradigme. Ce sont surtout les peurs paniques organiques qui ont connecté ces profondeurs judéo-chrétiennes des psychés, s'étendant aux corps de tout à chacun. Cependant même si le traitement de cette pandémie reste inédit et global à l'échelle de l'histoire, jamais à l'analyse de celle-ci n'ont émergé de nouveaux modèles de vie ou de fonctionnement, conclut David Hamudovic. Si dans la culture religieuse du Proche-Orient ancien ou du christianisme primitif les malades étaient supposés être atteint d'une malédiction, d'un mauvais esprit ou d'un démon, des protocoles sanitaires étaient déjà observés et l'épreuve débouchait sur une issue lumineuse, la guérison par la parole dans la culture chrétienne ou le sauvetage du peuple hébreu à la recherche d'une terre promise, pour le judaïsme.
Ainsi des leçons proches ou à venir, à tirer de cette pandémie insolite : pour certains des angoisses calmées par la nourriture, pour d'autres des questionnements métaphysiques ou des ajustements organiques (moins manger ou faire du sport par exemple) en allant jusqu'à une profonde métanoïa pour quelques-uns, d'un rééquilibrage à un changement d'axe , en vue d'un changement intérieur cette fois-ci, afin qu'advienne peut être un jour un monde plus juste et meilleur.
"Faire un pas de plus c'est demeurer dans l'Ouvert, aller toujours plus loin, plus haut, plus profond. Être arrêté c'est rester en enfer, enfermé en soi-même, cesser d'être vivant, ouvert à l'autre, à l'inconnu, à l'imprévisible".
Jean-Yves Leloup n'a jamais été aussi bon que dans l'exégèse de textes anciens (les évangiles apocryphes de Marie, Thomas ou Philippe par exemple) pour leur redonner une touche de modernité. Avec Métanoïa, une révolution silencieuse, paru chez Albin Michel, il propose un petit guide de recentration du mental au Soi, du moi au Christ en soi, avec en prime de belles fulgurances pour cet auteur prolifique, théologien et prêtre orthodoxe qui fête cette année ses 70 printemps.
La thérapie d'Evagre le pontique qui date du 4ème siècle est en effet toujours d'actualité, puisqu'elle consiste "à faire un pas de plus au-delà du mental et des pensées qui l'agitent pour retrouver notre véritable identité en Dieu". Il va s'agir de purifier le mental de ses huit principales pathologies ou passions : chercher à se rassurer par la nourriture, accumuler biens ou plaisirs, s'attrister quand il manque quelque chose et que la réalité ne correspond pas à notre désir, désespérer et délirer pour se rassurer ou encore s'inventer une autonomie, une puissance qu'on n'a pas puisque l'ego n'est pas l’Être.
A chaque fois, J.Y Leloup nous convie à retrouver le Réel, la vraie Personne, l'authentique et bienheureuse présence qui nous habite. Ce n'est pas l'annihilation en Dieu chère au soufisme mais la croyance en un nouveau paradigme, à trois pas de coté de la pensée-mental associée au corps ou ego, par la conscientisation ou Amamnésis, le retournement ou Metanoïa et la transparence ou Métamorphosis. Une révolution silencieuse de la tête embourbée au cœur pacifié, un retour au royaume de l'Amour. Finalement nous sommes passants, traversés par l'Infini et potentiellement témoins de Dieu, de Son Amour, si nous acceptons cette tâche divino-humaine.
J.Y Leloup se pose justement dans cet opus en témoin de l'Amour, témoin d'une Présence équanime et joyeuse à laquelle il co-naît. Il nous entretient de la possibilité d'une relation vivante avec le mythe christique, d'un retour du refoulé :"l'Amour est le seul Dieu dont on ne peut pas faire une idole. On ne peut le garder ou le connaitre qu'en le donnant. C'est le seul trésor qui augmente quand on le dépense". Dans la lignée de l'orthodoxie, l'auteur fait des retours à l'étymologie grecque et aux évangiles, ce qui rend le voyage plaisant et revivifiant, avec une belle réflexion-analogie entre le bestiaire des animaux de l'apocalypse et le passage de l'ego à l'être.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, disait Boileau, et cela se vérifie dans le canevas ou la structure suivie tout au long de l'ouvrage mais la confusion s'installe dans la conclusion presque trop cérébrale et pour public averti ou initié. J.Y Leloup reste un chantre de l'élévation même si ses hauteurs flirtent parfois avec l'abstraction philosophique. Il demeure néanmoins un pilier pour l'édification de l'âme qui est religieuse en ce sens où elle interagit avec des symboles numineux.
"Regarder ses pensées, considérer que ce n'est pas le réel mais sa représentation, pas un fait mais une interprétation, prendre du recul".
CHŒUR : Ce livre est important. On sent que vous y avez mis beaucoup de vous, de votre vécu d'enseignant, de vos expériences et lectures spirituelles, de vos curseurs et clignotants pour essayer de comprendre et de sentir le souffle de ce monde. Beaucoup de références de tous bords aussi mais sans cesse un retour au fondement et au discernement christique, ce supplément d'âme, le liant...
En effet, je considère ce livre comme une sorte de testament, au cas où il m’arriverait quelque chose à bientôt soixante ans, au cas où mes facultés intellectuelles déclineraient au point de ne plus être capable de communiquer avec les nouvelles générations de manière pertinente et informée. C’est pourquoi j’ai dédié cet ouvrage à mes belles-filles Julia et Léa.
Il s’agit d’une sorte de condensé de ce qui reste en moi d’essentiel pour vivre. Une bonne ratatouille, ici à Marseille, exige du temps. Elle se réchauffe plusieurs fois pour obtenir une concentration de saveurs, une réduction qui réjouit le palais. En 200 pages, que reste-t-il de ma foi en la vie après tant d’années de quête, de déménagements (New-York, Bruxelles, Paris, Savoie, Marseille) et de déracinements sociologiques, linguistiques, culturels et religieux (des « beaux quartiers » aux HLM, de la finance à l’enseignement et au cinéma, de l’anglais au français, du monde anglo-saxon à la Méditerranée, du christianisme à l’islam) ? Y a-t-il un roc qui résiste aux tempêtes, aux questions lancinantes, aux souffrances et aux découragements ? Existe-t-il une joie et une paix profondes qui demeurent, non seulement intactes mais renforcées, après les errances, les égarements, les échecs et les lassitudes ?
Oui, mon expérience, mes rencontres et mes lectures m’ont appris qu’un Souffle anime ce monde étonnant qui nous entoure et dans lequel nous sommes plongés. Je définis la spiritualité comme une aspiration alimentée par une inspiration. Tout homme est, à ce titre, fondamentalement spirituel, qu’il se dise « athée » ou « croyant », expressions dont je conteste le bien-fondé, car la foi est nécessaire pour vivre. La seule question qui demeure est : en quoi ou en qui croyons-nous ? Et c’est à cette question que le Christ apporte une réponse. A vrai dire, il EST la réponse. Qui est-il ? Où est-il ? Comment le rencontrer ? En quoi est-il l’alpha et l’oméga de nos vies, leur source et leur sommet ?
CHŒUR : Les chrétiens attendent la parousie, le retour du Christ à la fin des temps. Que nous y soyons ou pas encore arrivés (même si beaucoup de signes alarmants sont présents), que pouvez-vous nous dire de ce retour du Christ ? Cette personne ou présence est-elle à attendre à l'extérieur ou à l'intérieur de soi ?
Les évangiles affirment que le Christ est le sel de la terre et la lumière du monde. Le sel ne se voit pas mais rehausse la saveur des aliments auquel il est mêlé ; la lumière donne à voir ce qu’elle éclaire mais sa source est aveuglante. Le sel et la lumière n’existent donc pas pour eux-mêmes : ils ont pour fonction de mettre en valeur les éléments avec qui ils entrent en relation. De même, le Christ est le levain de la pâte humaine. Il tire l’humanité des ténèbres pour qu’elle existe et la bonifie pour qu’elle soit désirable.
Son mode de présence peut varier : il parle par des prophètes, il se fait homme, il communique son Esprit, il appelle des apôtres à le suivre, il constitue des communautés ecclésiales, il se présente à nous sous les traits du prochain, tout spécialement du pauvre et de l’étranger. Le Christ peut être compris (théologie), ressenti (mystique) et rencontré (fraternité). Il est celui qui était, qui est et qui vient. Il est au-dedans de nous mais aussi au-delà de tout. La vie éternelle a déjà commencé, à titre individuel mais aussi collectif. La fin des temps, la parousie est déjà endurée. Nous n’en connaissons pas encore l’heure, tout comme celle de notre mort personnelle. Mais le rendez-vous est pris. Il donne une perspective, créé une attente, produit une densité singulière : la vie est précieuse, c’est un miracle unique et mystérieux.
Comme je le montre dans mon livre, tout une série de faits objectifs indiquent que le temps que nous vivons ne ressemble à aucun autre. Certes, les activités humaines présentent des aspects cycliques à l’image des saisons que nous offrent le mouvement des astres. Mais l’histoire religieuse nous a fait découvrir le temps linéaire : celui de la sortie du peuple hébreux d’Égypte. L’histoire est façonnée par des événements uniques dont le contenu spirituel est soumis à notre sagacité.
Quel décryptage faisons-nous de l’explosion démographique récente (d’1 milliard d’habitants en 1800 à 7,7 milliards aujourd’hui) ? Comment évaluons-nous l’hyper mobilité permises par nos moyens de transports modernes soudain immobilisés ou ralentis (127 passagers par seconde en 2017 selon l’Association internationale du transport aérien) ? Comment comprenons-nous l’émergence de ce cerveau planétaire baptisé « noosphère » par Teilhard de Chardin dès les années 1950, constitué de milliards de connexions numériques par minute ?
L'humanité n’a jamais présenté un tel visage. A tel point qu’une ère géologique nouvelle est discutée par la communauté scientifique : l’anthropocène. L’Homme, pour la première fois, impacte la nature à un degré qui renverse les rôles. Confrontée à sa responsabilité environnementale, l’humanité traverse sa plus grave crise existentielle, par son échelle, planétaire, et sa nature, anthropocentrique.
L’humanité est sur le point de devenir adulte. Plus que jamais, pour devenir elle-même, elle est invitée à accueillir le ressuscité ressuscitant, ce Dieu devenu homme pour que l’Homme devienne Dieu. Cette divinisation en Christ est en cours. Elle est notre vocation profonde et notre joie ultime.
CHŒUR : Pourquoi avons-nous besoin du Christ en tant que prophète et/ou dieu ? Pourquoi le Dieu de Jésus, cette Source, est une réponse et un baume aux nombreux problèmes ou questionnements de l'être humain ?
Le Christ Jésus nous a révélé en paroles et en actes que Dieu est Amour. Ce mystère de l’incarnation pascale est daté mais nous ne formons qu’un seul corps. Pour ceux qui en douteraient, il suffit d’observer que lorsque la Chine éternue, le monde entier se confine. Chacun d’entre nous, nous sommes membre de ce corps immense apparu bien avant notre naissance et promis au bonheur d’un Amour universel qui habite tout être humain et le relie à travers le temps et l’espace à cette Source qui est à la fois réponse, baume et communion pour les cœurs en quête d’une vie qui n’est pas seulement biologique mais avant tout spirituelle.
La planète a connu la pré-vie, puis la vie. Nous sommes en chemin vers la sur-vie. Comme le vent, elle n’est pas directement visible, mais à qui sait en observer les effets elle est bien présente et agissante à travers nos choix, nos réalisations et nos célébrations artistiques. Nous avons besoin du Christ, nous avons besoin de Dieu, car nous avons besoin d’exister : notre vocation est de nous unir à l’Amour. Par participation, nous devenons Amour. A ce titre, je me risque à conclure, à la suite d’Irénée de Lyon, qu’au terme de l’Histoire, la face de la Terre disparaîtra mais l’Homme, ô miracle ! deviendra Dieu.
En bonus l'interview audio réalisée il y a 11 ans déjà pour la sortie de son premier livre : "Moine des cités" (3 fois 20 minutes), en collaboration avec RCF.
Coran 31,27 : Dieu a créé tout le genre humain dans un seul homme. La résurrection universelle ne lui coûtera pas davantage. Il entend et observe tout. (Trad. Savary)
C'est avec grand esprit de synthèse et forte érudition qu'Henry Quinson résume, dans « Et l'Homme devint Dieu" paru aux Éditions le Passeur, l'histoire de l'humanité en la mettant en parallèle (c'est l'hypothèse) avec celle des phases du développement de l'Homme qui est celui de tout homme.
L'économie, la philosophie, la politique, la spiritualité, la science, l'histoire et les arts sont convoqués dans un essai total et constituent la grille de lecture systémique de l'époque par un auteur-conférencier qui eut aussi plusieurs vies (trader puis moine puis enseignant et conseiller spirituel pour le film des hommes et des dieux) et donc plusieurs points de vue sur son prochain.
l'Homme serait donc en conclusion , arrivé au stade adulte , « conscient de sa finitude et de sa responsabilité planétaire...avec un espace vital limité» et entrant par conséquence dans une nouvelle ère spirituelle. C'est de cette hauteur qu’Henry Quinson, qui allie pratique à théorie, s'adresse à nous, sans sermons ni infantilisme et fort de sa maturation intellectuelle et spirituelle personnelle, à l'automne de sa vie comme il aime le dire.
Sa réflexion ultime explore la "sur-vie" plutôt que la survie, un comportement altruiste et empathique envers ses frères en humanité plutôt qu'égotique et ignorant des forces de l'esprit, au sens religieux du terme.
L'interdépendance et l'interconnexion de tous rend entre autre stérile l'invocation d'un "Dieu des armées" au profit du « Désarmé, unifiant le monde dans un Amour universel", et la lettre ne tient plus comme hier devant "la vie de l'Esprit qui continue d'irriguer et d'enrichir l'humble rencontre des personnes ordinaires".
Chrétien profondément marqué par la vie et le vécu des moines de Tibhirine, il relis l'Histoire globale de l'Humanité sans éluder ses fondements archaïques et archétypiques, de la genèse à l'apocalypse, reliant également la dimension horizontale des interrelations avec celle verticale, axe de la vie en dieu, du Dieu (de) Jésus.
Un essai dense qui aborde par différents prismes la problématique complexe d'une conscience innervée en profondeur, celle de l'Homme, en résonance avec la noosphère (sphère de la pensée humaine) du prêtre-philosophe Pierre Theilhard de Chardin.
« La fin de l'humanité, bientôt adulte, ne se résume pas à une date, au demeurant inconnue ; elle est déjà en cours. Jour après jour, l'Homme devient Dieu, proche du terme de son aventure, de son aspiration la plus profonde, qui n'est autre que de communier à sa source, son inspiration la plus essentielle : Amour caché mais présent, au-delà du temps et de l'espace, victorieux Esprit. » (P.187)
C'est l'idée fondamentale, d'ailleurs de toute ma vie, depuis 45 ans, lutter pour le Sacré, la parole donnée, le droit d'asile, l'hospitalité sacrée ; toutes choses absentes de la diplomatie internationale ; et des politiques coloniales, qui commettent des sacrilèges à longueur de journée. (p.409)
Une conversion est un acte radical qui ne souffre pas de demi-mesure. Il y a un avant et un après et le sujet conscient du sacré qu'il porte en lui naît nouveau et pleinement soi, postérieurement à sa métanoïa.
C'est une des lectures plausibles du livre de Manoël Pénicaud sur Louis Massignon, le « catholique musulman" paru chez Bayard Éditions. Ce volumineux ouvrage agrémenté de photographies et sources inédites (les grandes lignes de sa vie spirituelle et de sa conversion, des archives familiales) présente l'homme qu'il fût sous de multiples facettes (agnostique,militaire, savant, mystique, intellectuel et pèlerin) qui s'interpénètrent par ce prisme de la quête de la foi absolue au Dieu monothéiste.
Le jeune homme érudit, diplomate, épris du charme Oriental à l'esprit de colon, rendit peu à peu les armes à partir d'une fameuse nuit de printemps 1908 où il fut incardiė par un Feu intérieur d'abord Juge puis Amour inconditionnel, pour ses inflexions passées (relations homosexuelles honteusement vécues, activité de conseiller d’État rarement compatible avec celui d'ami de Dieu).
Comme racheté par une communauté d'orants vivants ou morts (la communion des saints), il n'aura de cesse de payer sa dette envers cette assemblée d'entremetteurs œuvrant pour son salut et son entrée dans la Vie (religieuse et sacrée).
Dans un souci de fidélité à l'Hôte divin il fera jusqu'à sa mort (1883-1962) vœu de "substitution, de parole donnée et d'hospitalité sacrée (l'Aman)", avec honneur et loyauté, notamment envers ses frères musulmans, les derniers héritiers mais les plus méprisés de la promesse, mais aussi ses pairs dans le sacerdoce qu'il contribuera à révéler ou vénérer (Charles de Foucauld, Huysmans, Hallaj, quelques femmes stigmatisées, Marie, Abraham…), enfin ses frères de cœur de toutes confessions en ce siècle violent, tumultueux (les deux guerres mondiales, la guerre froide, la constitution de l’État d'Israël, l'indépendance des pays de l'Afrique du Nord...) et préfigurateur de la fin possible des temps.
Car même s'il voulut très tôt se faire une mentalité arabe et musulmane (au risque de passer pour un traître lors de missions diplomatiques), même si toute sa vie il pensa, écrivit et pria en arabe et qu'il voua sa vie à mieux faire comprendre et aimer cette religion hospitalière qu'est l'Islam, sa crise mystique qui le transfigura à vie (lire les nombreux avis ou ressentis de ceux qui l'approchèrent) le ramena au catholicisme (au sens universel du terme) et à ce cœur vulnéré du Christ souffrant pour l'humanité pècheresse, sorte d'imago Dei.
Et si la période historique fut propice à de nombreuses conversions (Bloy, Huysmans, Foucauld, Claudel, Maritain…) et au rayonnement christique de la France (sœur ainée de l'église et protectrice des lieux saints) c'est par l'étude de la mystique soufie, en la trajectoire d'Hallaj notamment (véritable crucifié d'Amour par les siens), qu’il comprit la compassion voire la substitution (souffrir à la place ou pour le rachat d'untel connu ou non), à son sens le cœur même de l'être chrétien.
Fasciné par ces « piliers invisibles qui s'offrent en otage pour racheter les péchés de la société" (les "Abdals" chez les soufis ou saints apotropéens chez les chrétiens) il créera avec Mary Khalîl à Damette la Badaliya (substitution en arabe) afin de prier pour le salut des musulmans non pour les convertir mais les préparer à la réconciliation finale d'avec les autres croyants et au retour eschatologique de Jésus.
Le livre de l'anthropologue Manoël Pénicaud aborde d'autres aspects du personnage : ses engagements et sa bravoure militaires, ses actions politiques comme universitaire spécialiste du monde arabo-musulman, ses rencontres de catholique engagé avec des personnalités politiques ou religieuses (Mohammed V, Gandhi…), son immense érudition et maîtrise des sciences humaines et sociales, son caractère de scientifique et d'archéologue de la psyché humaine (appliqué à lui-même également)... et il arrive à nous le rendre à chaque fois plus proche et accessible que ne le fut sa pensée, sans tomber dans l'hagiographie.
Louis Massignon Homme de Dieu sans conteste, pratiquant, fervent, pieux, soucieux du sort de l'humanité et des plus méprisés, engagé pour le salut de certaines âmes avant la sienne, et pourtant du monde et dans le monde pleinement (marié à Marcelle Dansaert avec qui il aura trois enfants, tertiaire franciscain et ordonné prêtre melkite) avec un emploi du temps rempli à ras bord, grand islamologue, penseur, savant, apôtre du dialogue islamo-chrétien, œuvrant pour la "paix dans la justice, synonyme de Royaume de Dieu" sur terre, tout orienté vers la rédemption apocalyptique orchestrée par les élus...
D'aucuns le disaient prophète, d'autres saints, il avait en tout cas le don de révéler la grandeur de chacun, de lire dans l'âme de ses contemporains et savait s'oublier pour que l'Autre, l'Hôte soit, homme ou Dieu...mais Dieu LUI-même est plus savant !
Il n'y a pas au fond plusieurs œuvres de miséricorde, il n'y en a qu'une, c'est l'hospitalité sacrée, qui fait foi à l'hôte, cet étranger, cet inconnu mystérieux qui est dieu même venant se mettre à notre merci, désarmé. (p.404)
D'ici, tu deviens invisible car ton corps n'a plus à exister.
Simplement, Conscience.
L'OEIL (p.235)
Moi, Mariammé (amante de la lumière en égyptien) est un livre d'enseignement authentique, dans la lignée des enseignements traditionnels, avec une inflexion gnostique.
Il insiste sur la connaissance de soi illuminatrice, fruit d'un cheminement intérieur de longue haleine, pour parvenir à la stature d'"Homme ou de Femme sacré(e)" où "Lumière et Amour en soi ne font plus qu'Un".
L'autrice Laurence de Bourbon-Parme ne se présente pas comme un scribe où l'œuvre l'emporterait comme dans les « dialogues avec l'ange", mais plutôt comme une personne connectée à la Source, un « simplet en conscience» qui retranscrirait un message à partir du silence. Silence qui ne s'obtient, soit dit en passant, que par un travail de purification du mental et d’assainissement des peurs, conditionnements, croyances, mémoires inhérentes à son fonctionnement.
L'ambition affichée pour celle qui annonce vivre dans la présence du Christ ou de Marie-Madeleine depuis l'enfance, n'est ni plus ni moins que de proposer un « évangile qui soit le livre de l'humanité » avec pour caution (la préface) Anne Soupa, théologienne et bibliste féministe . Mais si le livre répond aux principales questions existentielles de l'incarnation (expérimenter l'Amour, mettre de la lumière dans la matière, vivre dans l'instant, conscientiser l'ombre), il flirte parfois avec la frontière du développement personnel quand il s'agit de la mise en pratique concrète et sans instructeur spirituel. Néanmoins dans cet ouvrage, la tradition rejoint la religion et les deux voies apparaissent moins antinomiques que complémentaires avec un nouvel éclairage intérieur plus moderne de certains termes comme prier, parvenir à l'état christique ou encore pardonner. Un glossaire vient par ailleurs expliciter la nouveauté du message.
Pour ce qui est de l'Histoire à proprement parler biblique, Jésus (la Lumière incarnée) aurait formé un couple sacré avec sa femme, Marie-Madeleine (l'Amour incarné), chacun étant relié à la Source, l'immensité infinie. Le Christ représente symboliquement l'expérience ultime qui, par sa mort, transcenda le corps de matière en corps de lumière du ressuscité, un juste retour à l’unité, la complétude, l'équilibre des contraires.
L'enseignement fraîchement délivré par Mariammé (L'autrice et disciple de l'évangile de Marie) est un rappel de notre nature lumineuse que l'identification à la chair et au corps mental ternit jusqu'à l'oubli.
Un fil d'or nous relie à l'Origine où l'Amour se donne et quand nous cessons d'y être ouvert c'est le bourreau en nous que nous alimentons, l'ombre que nous vénérons et faisons exister (Lucifer) . Le sens du travail est dans l'observation sans jugement, à une époque où s'ouvre la conscience dans l'esprit et le cœur des hommes", et la reconsidération des épreuves difficiles ou personnes désobligeantes comme faisant partie d'un Plan pour l'élévation personnelle.
Dans cette tâche nous sommes aidés (par l'esprit saint ou paraclet), nous sommes aimés, nous pouvons nous souvenir de notre grandeur et potentiel quasi divin, porteurs d'univers et de conscience illuminative.
Dans "Histoire de celui qui dépensa tout et ne perdit rien" paru aux éditions du
Cerf, Jacqueline Kelen s'empare de la parabole du fils prodigue et la réécrit en se mettant dans le corps et l'âme des différents protagonistes. Le fils, le frère et le père s'entend, mais aussi la mère, un vieux serviteur et plus surprenant l'ange gardien et l'ange scribe.
Nourris de lectures et de recommandations bibliques, les personnages s'expriment à la manière des psaumes, du cantique des cantiques ou encore de l’ecclésiaste, citant prophètes ou événements marquants de la Bible, ce qui donne à l'ensemble un ton enjoué, précieux et poétique et à l'écriture de J. Kelen une fluidité et un rythme proche du verbe.
Les prolongements et arguments de chacun ne choquent pas et font basculer la parabole dans une fable initiatique où tout le monde est gagnant. Après avoir choisi une vie mondaine, celle de l'homme extérieur (le vieil homme au sens évangélique), "là-bas, dans la ville bruyante, où l'on se laisse tenter, on s'amuse, on se leurre et où un jour l'âme se retrouve sur la paille", le fils cadet subit un renversement, une métanoïa et se souvient de sa lignée céleste alors qu'il patauge dans la boue avec les cochons. En se remémorant l'amour de son père, "lui reste l'essentiel, l'invisible alliance, sa parole donnée, la liberté qu'il lui a accordée...il a certes tout dépensé mais il n'a rien perdu...".
En chemin l'amour, la mort, le choc des émotions, un vécu de géant, une amplitude d'expériences ont contribué à forger une âme immortelle et un cœur enjoué à l'idée d'être re-devenu fils mais au sens de l'homme intérieur, l'homme nouvellement né.
Cette interprétation dépoussière un texte resté trop longtemps moralisateur ou culpabilisant et sonne juste comme souvent dans l'intuition de Jacqueline Kelen, que nous avions longuement interviewé en 2018 sur son parcours, à Paris.