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Histoire - Page 23

  • La vision sans âge

    pierre turlur,trois maîtres zen,editions du relié,dôgen,ryôkan,santôka,février 2020Pierre Turlur touche juste une nouvelle fois en peignant à travers trois portraits, l'âme du Japon.

    Dans « Trois maîtres zen - le vertueux, le rêveur et le vagabond », paru aux éditions du Relié, il est question d'éveil et de transmission mais aussi et surtout de nature et de littérature : les fameux haïkus qu'ont laissés ces moines errants (qui parsèment ce livre) et l'univers féerique et bucolique qu'ils ont inspirés à l'auteur.

    Il est bon de rappeler qu’« être né de nulle part et ne cheminer vers rien » peut s'accorder avec la plus haute réalisation au sens oriental du terme, comme « toucher la voie lactée », être uni-vers…

    L'imbécile heureux (Ryôkan) ou le vaurien (Santôka) peuvent au même titre que le vertueux (Dôgen) accéder à la vision pleine, vaste et illuminative où «  le relatif et l'absolu ne peuvent être dissociés".

    Pierre Turlur a fait œuvre de création originale en partant de presque rien, quelques haïkus sauvés à travers siècles, pour les amplifier et déployer leur histoire et contexte, réveiller le cœur de la voie commune à ces trois poètes : la simplicité et le dépouillement. L'auteur a su redonner de la chair et des sentiments, de l'humanité et de la grandeur à ceux que l'on ne voit pas ou plus. Il nous fait revivre l'épopée de trois futurs Maîtres de l'assise immobile.

    « Il convient d’ élucider les métaphores de cette poésie », nous dévoile t-il page 126, et il semble avoir été bien inspiré pour retranscrire à son tour avec moult détails cette nature propre à la vérité des bouddhas « qui traduit si justement l'interpénétration des phénomènes" .

    Après la cérémonie du shiho passée (soit la transmission de maitre à disciple) et la robe de moine reçue (le Fu-jung Tao-kai) le fraichement réalisé partait à travers monts et vallées, n'emportant que l'essentiel pour glaner ça et là, pendant quelques années, l'enseignement de maitres éminents, avant de se stabiliser et d'enseigner lui-même. Une période rituelle d'errance propice à l'émerveillement des sens au contact des éléments naturels : " Les Bouddhas vivants, les Bouddhas assis, travaillent à l'effacement des traces, ils perdent leur pas anonyme dans les foules, se mêlent å l'activité du monde, se perdent dans les vallées et les forêts profondes, dédaignent les honneurs, les titres, fuient la renommée et la gloire" (p.179).

    C'est bien évidemment le liant de ces trois historiettes à plusieurs siècles d'intervalle. Les tempéraments et inclinations diffèrent, la forme des haïkus évolue avec le temps mais la vision "exempte de corps et d'esprit", "dépouillée de tout et de soi-même" reste identique à celle de l'enfant dont l'esprit est en éveil et pour qui tout est prolongement de soi.

    En Occident le maître est choyé et vénéré, auréolé de prestige par les aspirants-adultes, en Orient rien ne le distingue des autres quidams et il lui arrive de mendier sa pitance. Seul l'Enfant parce qu'il est cœur, le voit.

    Enfin il est également beaucoup question de rencontres dans ces lignes, de l'importance d'autrui comme guide ou miroir de l’Oeil, de l'omniprésence de l'univers sublimé (la vision réelle n'est-elle pas poésie ?) autour de et en soi. Ces trois histoires finissent d'une façon juste, comme un clin d’œil du grand Ordonnateur à qui sait percevoir la beauté et la richesse de Sa création, en dépit de l'ignorance et du sommeil de la masse et de leurs autorités.

     

  • Un Jung au naturel

    Sabi Tauber,Mon analyse avec Jung,La Fontaine de Pierre,Novembre 2019Mon analyse avec Jung est un recueil de notes (une sorte de journal intime de 1950 à 1961), agrémenté de dessins et courts poèmes et publié à titre posthume aux éditions La Fontaine de Pierre. Sabi Tauber, l'auteure, a rencontré, à l'âge de 33 ans, le professeur clinique lors d'une de ses conférences et sentit instinctivement qu'elle "le connaissait depuis toujours et qu'une profonde parenté la liait à lui"*. Le livre relate des douze années de rencontres avec le docteur suisse qui finit par devenir un ami très respecté du couple Tauber et de leurs cinq enfants.

    La valeur de cet ouvrage est triple :

    Il relate des dernières années du vieux sage zurichois ; il fait parler Jung et son langage diffère beaucoup de ses écrits ; enfin c'est un témoignage sur l'irrésistible aura qui l'entourait et l'adoration ou la vénération qu'il suscitait chez certaines femmes ou enfants.

    Sabi n'est pas avare de compliments à son égard tout au long de l'ouvrage et le remercie, quelques temps avant son trépas, au nom de toutes les femmes, de l'avoir aidé "à accéder aux trésors de l'inconscient...,à redonner sa place à l'image féminine de Dieu...,à retrouver sa propre nature féminine avec sa propre conception du sentiment et à vivre la vie consciemment dans l’ ici et maintenant". (p.184)

    On découvre un homme de proximité presque omniscient sur tous les sujets, en particulier dans l'interprétation des rêves, le symbolisme ou les sciences irrationnelles (Yi King, astrologie, géomancie, tarot, synchronicités...). Le livre est aussi entrecoupé d'anecdotes sur ses voyages, ses écrits ou son vécu d'être humain.

    Sabi n'hésite pas à le qualifier de "gourou" au sens de Maître spirituel car en plus d'être à l'écoute il donnait de véritables directions ou inclinaisons pour le travail intérieur en vue de la conscientisation.

    Dans ses discussions comme dans ses entretiens publics, les thèmes suivent le cours de sa pensée, flirtant parfois avec l'irrationnel ("J'ai découvert l'irrationnel et j'ai défendu le droit à la parole de l'inconscient") et il répond avec un certaine autorité à tous les sujets, graves ou anodins, profonds comme plus légers. "Nous étions tous fascinés par ses paroles...par le flux magique de sa pensée...". Ce qui peut paraître comme indigeste parfois mérite néanmoins une lecture plus approfondie pour en retirer toute la richesse.

    Pourtant Jung se défend de toutes projections à son égard, "ne voulant être ni un mythe ni un dieu mais un véritable être humain", déclarant avoir "simplement vécu ses potentialités et fait ce qu'il tenait pour juste".

    C'est son intériorité qui le poussa à écrire toute sa vie , ne réalisant des ouvrages extérieurs que dans sa maison de Bollingen où il passait du bon temps tel un ermite à l'écoute des signes de la nature et du temps.

    "générosité...merveilleuse bonté...attention...présence totale" reviennent souvent dans la bouche de la jeune protégée de Jung qui savait se rendre disponible pour les siens ("nous sommes tous reliés de manière sous-jacente. Celui qui sait plonger ressent les autres loin à la ronde") malgré un emploi du temps chargé jusqu'à la toute fin.

    Court mais dense, ce livre se bonifie et s'éclaircit à chaque lecture et l'on retient surtout que l'homme avait une forte personnalité (puissante anima)  et un magnétisme presque magique pour insuffler la vie ou remettre en mouvement le matériau psychique stagnant. Un brillant esprit s'incarna  sur cette terre, pour affaire de complétude et de transformation et qui montra la voie vers notre propre dieu intérieur...

    *les citations en gras sont de Jung, les autres en italique de Sabi Tauber

     

  • L'Islam naissant et les liens du sang.

    Hela Ouardi,Les califes maudits 2,à l'ombre des sabres,Abu Bakr,premier calife,Khalid Ibn Al Walid,Tradition,Zakat,apostasie,conquêtes,Albin michel,Octobre 2019L’Islam naissant est un âge d'or fantasmé. Les djihadistes d'aujourd'hui puisent leurs idéaux dans ce terreau sanglant (Le Prophète Muhammad disait « le paradis se trouve à l'ombre des sabres") et morbide (« des croyants qui aiment la mort autant que vous aimez la vie" dixit Khalid sur le champ de bataille) de l'islamisation de la péninsule arabique et des premières conquêtes en Irak et Syrie. Hela Ouardi possède une grande force de conviction et poursuit une démonstration radicale basée sur la tradition dans ce second volume (sur 5) des Califes maudits, A l'ombre des sabres, paru chez Albin Michel.

    Ce deuxième tome dresse une liste impressionnante de Noms, sans doute pour rester au plus près des faits et déroule un récit historique minutieux des premières mesures de l'Islam politico-religieux, dont l'extermination de musulmans ou le report de la recension du Coran. On pourrait reprocher à l'autrice de nous orienter dans ses conclusions mais depuis quelques années les recherches historiques abondent en son sens (Mohammad Ali Amir-Moezzi, Jacqueline Chabbi...) sur certains points.

    On apprend que les premiers mois du règne d'Abu Bakr, de son vrai nom Abd Allah Ibn Uthman sont marqués par des apostasies et l'apparition de faux prophètes (Masaylina Ibn Habib, Sajah...) se revendiquant inspirés et aspirant au pouvoir. Sont également déniés à ce dernier la stature de premier calife ou tout simplement sa légitimité sur le sol arabe (Il est parfois moqué car son surnom Bakr évoque la chamelle). Autorité, légitimité et même inspiration sont guettées par tout à chacun pour suivre la phase expansive de cette religion apparue avec le Prophète arabe. L'adhésion est à ce prix et les victoires de l'armée ne sont pas sans rappeler celles des hébreux, quand Dieu-la Nuée, Yahvé le Dieu des armées, était avec eux...

     

    Durant les deux années de son règne (il meurt vraisemblablement empoisonné à 63 ans), parfois éclairé par l'avis de Umar (futur second calife abordé dans le troisième tome de la série) et aidé de son bras armé Khalid Ibn Al Walid (le glaive dégainé de Dieu d'après Muhammad vivant) , il va faire régner l'ordre et l'obéissance à nouveau et imposer l'Islam et son 5eme pilier, la zakat, à une communauté grandissante hors de ses frontières géographiques.

    Dans les premiers temps de l'expansion on s'intéresse peu au Coran dans les faits mais plus à l'argent récolté sous trois formes : la zakat pour les convertis, la jizya, un impôt de capitulation, pour ceux qui abjurent et le butin (argent, femmes, animaux) de guerre dont le cinquième revient à Médine, chef lieu du commandement.

    Il faut dire que les compagnons du Prophète sont présents en tant que livres vivants et une recension aura lieu déjà du vivant d'Abu Bakr (dont ne subsiste bizarrement aucune trace…) par peur de les voir tous disparaitre au combat.

    Dans ces guerres de clans les comportements des uns et des autres sont rarement exemplaires (le plus intègre dans l'affaire reste peut-être Abou Bakr), souvent la conséquence de cœurs dévoyés (jalousie, envie, meurtre, rage...) et parfois en désaccord avec la Révélation même (notamment et toujours le traitement des femmes ou le sort réservé aux prisonniers de guerre).

     

    La Tradition sunnite fera d'Abu Bakr, au départ récalcitrant, le prophète de l'apostasie (Nabyy Al Ridda) sorte de reinventeur de la religion naissante et mythifia presque Khalid Ibn Al Walid, son commandeur des armées, alors qu'il fût dans les faits, plus proche du boucher sanguinaire (même s'il fût fin stratège) et du goujat. L'unité se fait en surface mais draine dans ses rangs beaucoup de peurs, de doutes et de sang, comme dans toute histoire de religion. Et l'on comprend mieux ici l'importance dans cette dernière religion révélée, des liens du sang.

     

  • L'Histoire de Yahvé - enquête sur le mythe divin

    ron.jpegRon Naiweld est un historien du judaïsme ancien au CNRS. Dans l'"Histoire de Yahvé" il désacralise le Nom (que l'on ne prononce pas chez les Juifs) et propose une relecture mythique de la Bible qui devient "le récit d'apprentissage du dieu".

    L'auteur étudie notamment le processus d'universalisation et de monothéisation de Yahvé dans les premiers siècles de notre civilisation avec l'émergence du christianisme et son entrée, grâce à Paul, dans la psyché de chacun.

    A l'origine de la foi monothéiste on retrouve aussi une réflexion philosophique pour insérer le mythe dans une culture dominante. Une étude passionnante qui rend le dieu plus accessible encore.

     

    Ron Naiweld répond à quelques questions de Choeur :

    Choeur : Le point de départ de l'enquête est une "sensation curieuse et désagréable du poids du pouvoir des prêtres". Finalement vous questionnez les religions monothéistes et, à titre personnel, votre foi d'enfant avec des outils d'adulte ?

    Ron Naiweld : Je questionne plus particulièrement le pouvoir que j’appelle « psycho-politique » des religions monothéistes qui n’est pas confiné au domaine de la religion. Je porte vers elles un regard admiratif et critique. J’admire leur pouvoir d’introduire dans l’esprit un maître imaginaire, et je crains leur capacité d’abuser de ce pouvoir. Enfin, je m’interroge en tant que Juif et historien des Juifs sur un phénomène que je trouve fascinant : l’universalisation du mythe biblique dans le monde gréco-romain.

     

    C : Vous faites une lecture mythique de la Bible et décrivez l'accession de Yahvé au panthéon des divinités (le monothéisme) comme une usurpation d'Identité, aidé en cela par quelques "illuminés notoires" (Philon,Paul...). Pour vous c'est un faussaire ?

    R.N : Qui ? En tout cas, je ne vois pas les choses dans les termes d’usurpation mais d’une hybridation de deux divinités, Yhwh et Dieu. Les « faussaires » seraient les êtres humains qui effacent la différence stipulée dans le texte entre Yhwh et Elohim. Je crois que cet effacement se stabilise à l’époque hasmonéenne (c’est le sujet du troisième chapitre). Puis, au premier siècle, on voit le travail d’un autre « faussaire » qui est Saint Paul, qui lit l’histoire de la création du monde en identifiant Yhwh à Elohim (comme les autres lecteurs juifs du mythe avant lui) et puis en disant que l’homme fut créé immortel et la punition de Yhwh était de le rendre mortel. Ce n’est pas l’histoire que raconte le texte de la Genèse.

     

    C : "Jalousie, rage, insuffisance intellectuelle et moralité douteuse" caractérisent Yahvé dites-vous. On a l'impression d'avoir affaire à un tyran notoire, comme peut l'être un petit enfant ou encore le "petit ego" de l'adulte. Néanmoins une intelligence est à l’œuvre chez Yahvé puisque "le motif récurrent de l'histoire de dieu, ce qui était d'abord considéré comme une menace devient, successivement, un mal nécessaire puis un outil qui l'aide à établir son pouvoir" (p.136)...

    R.N : Oui. J’offre une clé de lecture de la Bible qui y voit le récit d’apprentissage du dieu.

     

    C : Dans "Réponse à Job", Le psychanalyste suisse Jung fait également une description peu ragoutante de Yahvé comme un dieu relativement inconscient et dont la part d'ombre serait le Satan (qui persécute Job). Pour Jung il s'agit d'une alliance entre le créateur et Sa création où les deux s'entraident dans un processus de conscientisation, comme si Dieu(x) (Elohim) était encore à naître au sein de l'humanité consciente.

    R.N : Oui, on trouve la même idée de synergie entre le dieu et l’homme chez des penseurs juifs comme Hermann Cohen ou Martin Buber. C’est une idée qui s’inscrit dans la tradition philosophique qui cherche l’union des hommes dans la pensée ; une union conceptuelle qui n’appartient donc pas tout à fait au monde des apparences. Mais dans la perspective anthropologique qui est la mienne, l’union humaine, universelle, conçue par la Bible ne se trouve pas au niveau des idées mais dans la parole et dans l’histoire. Le potentiel universel du mythe vient donc de sa capacité de faire croire aux gens qu’ils vivent la même histoire. Je crois que malgré le fait que la Bible soit étudiée depuis longtemps, ce potentiel n’a pas encore été entièrement exploré. Depuis l’universalisation de ce texte dans le monde gréco-romain, on a souvent nié sa dimension mythique (et les juifs et les chrétiens, mais pas tout à fait de la même manière). On a fait oublier que c'était aussi le récit d’un dieu. Et pourtant c’est de là que vient la puissance du texte biblique (et, du coup, son intérêt pour des lecteurs qui ne sont pas croyants).

     

    C : Vous décrivez dans ce livre les étapes de l'universalisation de Yahvé, sa stratégie géopolitique en quelque sorte : Posséder un peuple (le peuple juif), une unicité politique (convertir l'Empire), une place de choix dans l'esprit de tous (mythe sur l'origine de la mort). Qu'est-ce qui caractérise selon vous le peuple juif à travers les multiples étapes de son histoire religieuse ?

    R.N : Du point de vue de l’histoire du mythe occidental que j’essaie d’élaborer dans ce livre, et les Juifs et les Chrétiens remplissent la même fonction – inscrire le mythe de Yhwh dans l’histoire. Les modes d’inscription sont différents. On peut même dire que celle des Juifs est plus avancée car elle est fixée au deuxième et surtout au troisième siècle, lorsque le pouvoir impérial se déploie de plus en plus par le discours juridique, du droit (la date de 212, l’universalisation du droit de cité romaine, est cruciale. La Mishnah, qui est le texte fondateur du judaïsme rabbinique, est composée quelques années plus tard). Le judaïsme rabbinique, comme système théologico-politique, s’élabore donc dans un autre monde que celui du premier siècle, lorsque les textes fondateurs du christianisme furent rédigés. Mais ce judaïsme-là va se déployer surtout sous l’Islam et le Christianisme, deux religions qui s’enferment dans le mythe monothéiste que le judaïsme rabbinique a déjà réussi à dépasser.

     

    C : La "monothéisation" est d'abord philosophique avant d'être universelle ?

    R.N : Dans la mesure où l’idée philosophique de Dieu est universelle (c’est le Dieu de tout, créateur de tout…), alors les deux vont ensemble. Mais si on pense à l’universalisation du mythe du point de vue anthropologique (c’est-à-dire sa diffusion parmi les êtres humains) alors on peut dire que la monothéisation est d’abord pratiquée par des philosophes avant de devenir une pratique générale. En tout cas la monothéisation n’est pas une affaire classée. Elle s’opère chaque fois qu’un lecteur aborde le texte avec des lunettes monothéistes. 

     

    C : Vous ne croyez pas au renouvellement de l'intelligence, au Verbe, soit la fonction salvatrice de Jésus-Christ aux yeux de Paul (entre autres), qui prend la voix du Maître intérieur ?

    R.N : Si j’ai écrit ce livre, c’est parce que je partage cette croyance mais je ne l’associe pas à Jésus-Christ de la même manière que Paul. C’est-à-dire – je ne crois pas que pour renouveler l’intelligence on soit obligé de croire en Jésus-Christ.

     

    C : En réfutant le pouvoir de Yahvé et donc son universalité, n'affirmez-vous pas votre croyance profonde en Elohim, le Dieu(x) originel omniscient, bon et tout puissant ?

    R.N : Je ne comprends pas la question. Tout le livre est une interrogation sur le pouvoir de Yhwh et son potentiel universel. Dans l’histoire mythique que j’essaie d’élaborer dans la première partie du livre, Elohim est l’assemblée divine qui n’est pas nécessairement omnisciente et toute puissante. C’est une autre instance, un autre personnage de l’intrigue. Mais qu’est-ce que cela veut dire, croire en un personnage ?

     

  • Black is (still) beautiful

    « America great again », non cette phrase n’est pas prononcée par Donald Trump mais par un membre du Ku Klux Klan des 70’s dans le nouveau film de Spike Lee. Ce petit détail, parmi d’autres, pointe le doigt vers l'actuel président des États-Unis. Tout en rappelant l’histoire et les dégâts causés par le Ku Klux Klan (appelé « l’organisation » par ses membres), le réalisateur dépeint également l’Amérique d’aujourd’hui toujours ravagée par un racisme ambiant où le KKK semble encore avoir de beaux jours devant lui. Il suffit de penser au rassemblement des suprémacistes blancs transformé en émeute contre des antiracistes qui causa la mort d’une jeune femme à Charlottesville en 2017. Et Donald Trump de renvoyer les deux camps dos à dos …

    Blackkklansman, j'ai infiltré le ku klu klan, Spike Lee, John David Washington, Adam Driver, Laura Harrier

    Dans Blackkkansman, un flic noir (le premier de la ville de Colorado Springs) décide d’infiltrer le KKK.  Pour cela il doit convaincre ses collègues et son patron, tout en subissant du racisme de la part de certains flics se croyant intouchables. Ces mêmes policiers violentent régulièrement les femmes et les hommes noirs pour s’amuser ! Quant aux membres du Klu Klu Klan, ils ne détestent pas seulement les noirs mais aussi les juifs, les homosexuels et les communistes. Ron Stallworth (John David Washington – oui le fils de Denzel !) et son collègue juif Flip Zimmerman (Adam Driver) risquent gros au contact de leurs « nouveaux amis » du KKK local. Ce scénario aussi drôle que glaçant pourrait rester une comédie acide si elle n’était pas inspirée d’une histoire vraie. En revoyant des scènes du film Naissance d’une Nation (1915), ouvertement raciste et en écoutant certains récits de noirs lynchés dans les années 1900, le rire laisse place à la nausée.

    Blackkklansman, j'ai infiltré le ku klu klan, Spike Lee, John David Washington, Adam Driver, Laura Harrier

    Spike Lee a beau ridiculiser, à juste titre, les membres du Ku Klux Klan, leur insondable bêtise demeure aussi dangereuse aujourd’hui qu’hier.  

    On sort du film à la fois ébloui et terrifié. On se rassure en se disant que le KKK est vraiment très loin de chez nous. Et puis on se rappelle toutes les remarques insidieuses lancées par des gens se croyant « entre bons français », certains chroniqueurs diffusant des idées nauséabondes dans les médias et autres réseaux sociaux et surtout la montée des partis populistes dans toute l’Europe : comme un air de déjà vu sur le vieux continent. Évidemment si vous croisez un membre du KKK, il vous dira que tout cela n’a jamais existé …