« Nous voilà donc devant les grilles. Le vent cingle mes oreilles, celles des autres joueurs sont au chaud, là-bas, à l’autre bout de ce monde. Dans l’autre monde. Le nôtre ».
Petite lecture bonheur de la semaine, Du voyage d’Emmanuel Bourdier chez Flammarion jeunesse qui nous conte l’histoire de Geronimo. Ce n’est pas un indien des plaines mais un enfant voyageur. En effet, sa famille déménage plusieurs fois dans l’année à bord de sa caravane. Cela ne l’empêche pas de se rendre à l’école, à chaque fois une nouvelle. Évidemment rien n’est simple quand on est le nouveau, un peu étrange, voire « étranger » pour certains, qu’on change d’instit’ comme de chemise, et qu’on est le seul du campement à franchir le portail de l’école. Oui parce que la maman de Geronimo insiste pour qu’il y aille même si elle a peur autant que lui.
« Je lève les yeux à mon tour et je l’entends avant de le voir. Il faudrait que quelqu’un explique aux deux génies que ce n’est pas un moineau mais un rouge-queue. D’ailleurs, pas besoin de voir la couleur, son petit chant l’explique bien tout seul ».
Un p’tit bonhomme avec une tête bien faite qui, contrairement aux idées reçues des enfants et souvent des adultes, sait lire, écrire et s’intéresse à tout. Son nouveau maître sait briser les préjugés, tout comme Emmanuel Bourdier qui invite les jeunes lecteurs à voir les autres d’un œil différent. Ici, chacun doit s’adapter. On a tous eu cette impression que le nouveau ne veut pas s’adapter, qu’il fait exprès d’être décalé ou bien qu’il est trop idiot pour changer. En lisant cette nouvelle, on comprend par combien d’étapes difficiles et angoissantes doit passer Geronimo pour se sentir un tout petit peu «à l’aise » dans un environnement déjà soupçonneux. À l’image de la petite Méloa qui range immédiatement sa gomme quand l’enfant du voyage s’installe à ses côtés.
« -Bien. Tu as un cahier de suivi ? - Oui. - Tu sais lire ? Cette question … Est-ce que Stevie sait chanter ? - Oui, je sais. - Parfait. Si tu as du mal, demande-moi ou demande à Méloa ».
Cette histoire tout en douceur, avec des chapitres clairs, à lire à partir de 8 ans, est sublimée par l’illustration de Thomas Baas. En refermant le livre, on ne peut s’empêcher de fredonner quelques paroles de la belle chanson d’Abd Al Malik : « Si l’enfant savait voudrait-il encore grandir ? Mais on a tous les âges quand on est enfant des gens du voyage ».
Image: Flammarion jeunesse
Journal de l'invisible
Installez-vous confortablement, ouvrez grand vos yeux et soyez attentif au détail le plus infime. Voilà, vous êtes prêt à embarquer avec Catherine Meurisse à la découverte du Japon. Après Les grands espaces, où l’autrice nous conte (entre autre) son amour pour la nature et le dessin, La jeune femme et la mer, publié chez Dargaud, pourrait être la suite logique tant l’art et la nature sont entremêlés au pays du soleil levant. Comme elle, nous faisons nos premiers pas dans cet univers lointain, fascinant et « étrangement familier ». La poésie, les couleurs, la communion avec les éléments fait partie intégrante de la vie des japonais. Au fil des pages nous découvrons, comme Catherine Meurisse, le décor, les habitants et les croyances de l’île. Tanuki affable, haïkus prophétiques, visage de « femme des eaux » nous suivent et nous poursuivent dans cette quête de l’esprit du japon. Sans oublier l’humour constant de la caricaturiste.
Notre cœur, notre diaphragme, notre estomac et tous nos organes, on sait qu'ils sont là, quelque part en nous, mais nous ne les voyons pas, nous les connaissons plus ou moins. Ils doivent souvent nous rappeler leur présence, surtout si nous avons l'habitude de préférer notre cerveau pour fonctionner/vivre. Dans Rêverie carcasse, Léa Carton de Grammont a voulu mettre à plat les rapports que chacun entretient avec son corps et sa perception. La metteuse en scène a donc imaginé l'histoire d'une femme, jouée par Alice Vannier, découvrant et redécouvrant son corps tout au long de sa vie. Avec l'aide des scénographes Lucie Auclair, Aviva Masson et la costumière Cécile Laborda, elles ont créé un décor et des accessoires où chaque élément du corps est visible, tangible et devient un personnage à part entière. 

Dans "Femmes enracinées-femmes qui s'élèvent" de Sharon Blakie, publié chez Véga-Trédaniel, le constat est amer mais la solution est amour, comme toujours.