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société - Page 6

  • Une ode à la différence

    Elle pas princesse lui pas héros,Johanny Bert,Magali Mougel,Isabelle Monier-Esquis,Delphine Léonard,Maïa Le Fournou,Rama Grinberg,Jonathan Heckel,Julien Bonnet,Jérôme Thibault,Michael Ribaltchenko,Thibaut Fack,Théâtre de Romette,Théâtre de la Croix-Rousse,lyon,juin 2023.C'était la dernière de Elle pas princesse, lui pas héros, une pièce créée en 2016 par Johanny Bert et jouée en alternance par trois couples d'acteurs. Les généreux et déjantés Julien Bonnet (Nils) et Delphine Leonard (Leili en photo) ont été l'interface l'un de l'autre sans se voir, à deux endroits différent du théâtre de la Croix Rousse puisqu'ils sont les complices d'une rencontre d'enfance, racontée par chaque protagoniste séparément.
    L'écriture de Magali Mougel est très cinématographique : identités fantasques des personnages (lui a les cheveux longs, elle s'habille en aventurier...),  scène vécue et racontée par chacun à sa façon. Le spectateur est complice puisqu'il a déjà des informations lors de la seconde narration.
    Il est question de différence et d'acceptation de nos singularités par celle et ceux qui ne collent pas aux normes préétablies.
    Avec énergie et jubilation nous a été offerte cette longue (en)quête originellement décriée par ignorance (juste après Le mariage pour tous) mais qui voyagea pourtant jusqu'à New York et fut jouée plus de 800 fois (classes, médiathèques, circuits itinérants...) autant dire une épopée, notamment auprès du jeune public, toujours avide de questionnement sur l'identité, le genre et les clichés fille/garçon. Peu de pièces abordaient cette question à l'époque.
    Johanny Bert est également marionnettiste et l'on sent sa patte cartoonesque dans les postures campées par les différents personnages adultes ou enfants. Par des moyens habiles et subtils propres au théâtre (dessins, objets scolaires ou du quotidien...), l'imaginaire bat son plein et l'univers d'une classe de primaire se dessine sous nos yeux. Ni héros, ni princesse pour les autres enfants, nos deux nouveaux élèves sauront se trouver et s'apprivoiser amis, restant l'un pour l'autre de parfaits originaux.

    @crédit photo : théâtre de la Croix Rousse

  • Les enfants du rock

    Stéréo Deluxe,Philippe Decouflé,Alexandre Naudet,Violette Wanti,Aurélien Oudot,Eléa Ha Minh Tay,Olivia Lindon,Vladimir Duparc,Pierre Boileau,Baptiste Allaert,Arthur Satān,Louise Decouflé,Romain Boutin,David Lewis,Yannick Jory,Philippe Georges,Vincent Bestaven,Beatles,Beach Boys,T.Rex,Roxy Music,Devo,Queens of the stone Age,Nuits de Fourvière,Lyon,Juin 2023

    Philippe Decouflé restera dans la mémoire collective comme l'éternel artisan de la cérémonie des JO d'Albertville de 92. Son univers débridé, fantaisiste et fantastique est resté le même après 40 ans de carrière, dans Stéréo Deluxe, une proposition originale post confinement remaniée et augmentée (l'ajout notable d'un clavier et d'un chœur de cuivres pour la musique) pour le festival des Nuits de Fourvière, avec sa nouvelle co-direction (Emanuelle Durand et Vincent Anglade)
    L'esprit Rock est magnifié dans ce spectacle pour 7 danseurs (dont 3 femmes) et 7 musiciens, qui occupent la scène à tour de rôle en se démenant comme de beaux diables, Arthur Satān en tête et lead guitare, pour vivifier un public réputé plutôt sage.
    Avec humour, tendresse et folie, Philippe Decouflé malaxe l'image sulfureuse, subversive et explosive de ce courant musical. Il lui rend hommage en puisant dans ses racines (reprises revisitées des Beatles, de T.Rex, des Beach Boys notamment) tout en lui redonnant son caractère vivant, live. Les corps agiles s'agitent , dansent, virevoltent et chantent même (en chœur ou maîtres de cérémonie) pour livrer une énergie libératrice, syncopée et cathartique.
    La créativité est toujours au rendez vous, dans les costumes, les variations sur le temps (rembobinage ou accélération) ou le choix des créatures fascinantes évoluant sur scène, faisant partie pour la plupart, de la compagnie DCA (pour Diversite-Camaraderie-Agilité).
    Tous les acteurs, chevronnés, ont effectivement brillé individuellement ou collectivement, déclinant l'archétype Rock dans leur singularité (sexy, glamour, show ou performer...). Le parti pris du metteur en scène fut de se passer de trame narrative pour ne garder que la vibration brute, électrifiée d'un certain mode de vie, qui est aussi vision et attitude...un phénomène typiquement générationnel ?

    A voir ou revoir dès ce soir sur Arte Concert.

    @crédit photo : les Nuits de Fourvière.

  • Savoir discerner

     

    J.D Beauvallet,interviews,éditions braquage,les inrockuptibles,Brigitte Giraud,Mai 2023Après Passeur, l'autobiographie de J.D Beauvallet, les éditions Braquage publient un copieux livre d'Interviews phares du journaliste des Inrocks avec 21 artistes de renom (Bowie, Björk, Morissey, Bono...) rencontrés entre 1989 et 2017. Ces derniers s'y livrent comme jamais, encouragés par la pertinence et la qualité des questions mais aussi par le respect ou l'admiration (secrète) que leur vouait le journaliste.
    Ces introspections fleuve (deux heures d'entretiens en moyenne), marque de fabrique du mensuel de l'époque, étaient un luxe et du pain béni pour les enfants du rock d'alors.
    Le temps permettait un portrait plus riche, plus réel et originel en esprit, de ces futures ou déjà stars et l'on comprend mieux pourquoi elles le sont devenues. Car Interviews, outre un manuel de questionnaire à l'adresse de musiciens-compositeurs actuels, est aussi un formidable recueil de réussites de déviants d'un système (on mesure d'autant mieux leur décalage avec l'industrie du disque) et un hymne à leurs saintes différences, celles de psychés originales qui accoucheront de créateurs de rêves.
    Sans cesse ramenés a leurs œuvres ou à leur jeunesse par J.D Beauvallet, les artistes interviewés dévoilent et se dévoilent parfois des pans obscurs, cachés ou peu explorés de leur personnalité, à l'origine d'une patte, d'un style, d'une trajectoire ou d'une vision musicale.
    Cette profonde faille originelle et la foi inébranlable en un destin hors du commun est toujours porteuse d'espoir et de créativité pour des générations de jeunes (ou moins jeunes) aficionados aux futurs parcours singuliers. L'auteur sut notamment inventer d'une passion, une belle carrière riche d'aventures.
    Savoir-faire journalistique, document socio-historique, mine d'informations artistiques, révélateur de mythes...l'ouvrage propose de multiples entrées mais aussi et surtout l'essence d'un savoir-être "inrockuptible", que parfait en préface La Goncourt Brigitte Giraud.

     

  • L’art de convaincre

    Le Cœur bavard, Véronique Petit, éditions Rageot, adolescence, concours d’éloquence, cité, mixité sociale, mai 2023« -Au matin, dans l’Abribus tagué, je finis ma nuit, emmitouflée dans la doudoune jaune que je portais déjà l’année dernière ».

    Lina prépare un concours d’éloquence. Dans Le cœur bavard de Véronique Petit, aux éditions Rageot, le gagnant représente le collège Du-Bellay au niveau départemental. Sauf que l’adolescente n’a pas encore d’idée pour son discours. De plus, elle vient de la cité Maurice Ravel et la plupart de ses concurrents sont des enfants de bonne famille. À l’image de Louise, avec laquelle Lina rêve de devenir amie. L’établissement pratique la mixité sociale mais en amitié, c’est plus compliqué : leur vie de famille est à l’opposée.

    «  Le jour du spectacle, papa était en retard, mais j’étais certaine qu’il allait venir, il avait promis ».

    Un évènement va pourtant provoquer involontairement leur rapprochement. Dzovag, menacé d’expulsion avec sa mère, risque d’être renvoyé du collège et anéantir ses chances de rester en France. Soudain, Lina a une idée pour son concours d’éloquence. Peu importe que son père Anton, dépressif depuis le départ de sa mère, et ses trois frères, n’y croient pas. Elle va bousculer tout ce petit monde malgré elle et rapprocher les gens de sa cité. Même au collège, on se met à la regarder d’un autre œil.

    «  Je lui explique pourquoi les Mikoyan ont fui l’Arménie, ainsi que les deux recours déposés et rejetés ».

    Dans ce petit roman, on suit la trajectoire de Lina, qui n’a qu’un rêve: sortir de son quartier et être admise dans le « beau monde ». Véronique Petit réussit à introduire de la nuance et une réflexion sur « Qu’est-ce que réussir sa vie ? ». Les personnages qui gravitent autour de la jeune fille valent le détour : son père russe qui noie son désarroi dans l’alcool, son grand-frère Momo, qui rêve de devenir chef étoilé mais aussi son jumeau Sasha et son petit frère Vitaly ... Sans oublier Louise, écrasée par un père trop exigeant. Une histoire abordant de nombreux sujets actuels sans lourdeur ni jugements, qui plus est, donne envie aux ados de se lancer à leur tour dans un concours d’éloquence.

    « Louise s’efforce de sourire, comme si de rien n’était. Et pourtant elle a gros sur le cœur, je le vois à son sourire tremblant, à ses traits tirés. »

    Image: Rageot

  • Briser la chaîne

    On constate que toutes les disciplines, qu'elles soient biologiques ou psychanalytiques, convergent vers le même constat : des héritages ont lieu à travers les générations, à la manière de fantômes qui, d'une manière ou d'une autre, trouvent le moyen de se propager dans la descendance et dotent ainsi les héritiers d'un fardeau invisible, mais bien réel...Dans mon cas, j'étais sourde et aveugle a tout ce qu'avaient pu vivre les femmes de la famille avant que cela ne me touche très directement.( p.105)

     

    Adeline Pasteur,mon cancer quelle chance,Mama éditions,entretiens,Lise Bourbeau,Céline leroy,Jean-marc Figard,Olivia,Adeline Pasteur a 37 ans lorsque lui est diagnostiqué un cancer sévère du sein. Dans Mon cancer, quelle chance, paru chez Mama éditions, elle retrace, à l'aune de sa rémission, ce que la maladie lui a permis de conscientiser de sa vie personnelle, professionnelle et de ses liens pathologiques avec sa lignée maternelle.
    Le livre est direct, sans fioritures et fluide à la lecture. Le lecteur avance en profondeur, comme l'autrice, chapitre après chapitre, dans les phases du traitement et leur symbolique très charnelle, avec l'aide d'une batterie de thérapeutes (et médecine parallèle).
    On a le sentiment qu'elle est très accompagnée dans l'épreuve et que ce témoignage écrit importe et impacte au-delà de son entourage proche.
    A la suite d'une lourde médication en trois étapes, Adeline Pasteur fait le tri, relativise, priorise et investigue son histoire personnelle pour mieux s'en détacher. Communicante de profession elle met à jour ce désir d'écriture pour soi (bien lui en a pris !), couplé avec le bonheur de se retrouver reliée en arrêtant de répondre à des injonctions perfectionnistes.
    L'ouvrage est augmenté de quatre entretiens dont un avec Lise Bourbeau et se veut résolument une aide pour tous.tes celles et ceux qui traversent/ont traversé cette épreuve initiatique (ou d'autres que le cancer), tant elle est souvent révélatrice d'une vie à côté de soi, sans écoute sincère et approfondie de ses besoins, rêves ou identité profonde. Les maux du corps révèlent ici des (mots) non-dits et leur empreinte trace un espoir et un horizon pour beaucoup.
     

  • L'Anti-Christ c'est l'autre

    Je crois que notre génération doit savoir que la Bête de l'événement est là et elle arrive. Et qu'il s'agisse de terrorisme, de cette grande pandémie ou d'autres chocs, il faut la combattre quand elle arrive avec ce qu'elle a de profondément inattendu, implacable...
    E. Macron. Vidéo financial Times du 16 Avril 2020.

     

    Joël Schnapp,chroniques de l'anti-christ,Piranha banc,apocalypse,Joël Schnapp, enseignant chercheur au parcours atypique, publie un essai censé, sourcé et décalé (avec beaucoup d'humour) chez Piranha Banc, intitulé Chroniques de l'Anti-Christ - crises et apocalypses au 21eme siècle.
    Il se sert d'une cartographie apocalyptique traditionnelle pour décrypter ses occurrences politico-culturelles récentes, du Covid au trumpisme en passant par la guerre en Ukraine, les séries TV comme Son Of Anarchy  ou le changement climatique.
    Il révèle l'imaginaire et la syntaxe médiatique utilisés pour décrire la finance, l'environnement ou les mouvances religieuses sectaires, également le discours politique teinté de messianisme et de références à la Bête de l'apocalypse pour conjurer l'ennemi. 
    Plusieurs considérations en découlent :
    La culture ou conscience apocalyptique est présente partout en surface mais sans véritable racines symboliques ou traditionnelles. Sans implication sincère on ne manipule que des concepts.
    Le mythe du sauveur est plus valorisant humainement que celui d'"ennemi impie" mais c'est sans connaître le fameux adage "qui fait l'ange fait la bête", qui recouvre une réalité du symbole bivalent.
    Longtemps bouc émissaire, le peuple juif, messianique, est remplacé par les musulmans "terroristes" alors que l'eschatologie est véritablement le ciment du Coran, d'où la conscience qui en découle.
    Au final, l'auteur estime la crainte ou l'espoir apocalyptique moyenâgeux et y range les déçus du mondialisme dans une case sectaire (évangéliques fondamentaux par exemple) d'idéologie extrême. Or ce réductionnisme n'englobe pas les veilleurs, croyants, êtres consciencieux ou guerriers sociaux et spirituels de tous bords, pour qui l'approche d'un futur lumineux (exempt de vices, corruptions, inégalités...), versant originel de la Révélation (c'est le sens étymologique de l'Apocalypse), est une bonne nouvelle.
    Par ailleurs, et ce n'est qu'une piste, l'Anti-christ pourrait aussi désigner l'impie en soi, le mental affabulateur qui divise par exemple (le dia-bolos) et qu'il conviendrait de soumettre à plus grand que lui...
    Ce court essai probant et bien ficelé mériterait donc un plus grand développement, une profondeur de champ que les médias n'ont ni le temps ni l'envie de délivrer.

     

  • Rythmer la vie

    chasser.jpg

    Chasser les fantômes, programmé au Théâtre du point du Jour, est une tragi-comédie écrite par Hakim Bah, sur une idée originale de Sophie Cattani (Roxane). Avec Nelson-Rafaell Madel (Marco), ils incarnent un jeune couple métissé dont l'amour naissant voyage d'Afrique en France, avec tous les conditionnements et héritages historico-culturels entre les deux pays (colonisation, droit de séjour, étranger en France...).
    Un certain déséquilibre est perceptible lors de l'arrivée de Marco en France, fruit de peurs et de malentendus, que les acteurs restituent et accentuent à la perfection, jusqu'au ressentiment.
    Sur scène le batteur compositeur Damien Ravnich accompagne l'énergie de l'histoire d'amour dans ses phases radieuses ou orageuses.
    Le style syncopé, percussif et réflexif d'Hakim Bah redonne tout son sens au jeu, dans une large palette d'émotions.
    L'issue n'appartient pas à l'élan du public mais la poésie de l'ensemble se révèle à la toute fin et l'on comprend que l'enjeu transcende les corps et personnalités, qu'il est affaire d'âme.

    Entretien à l'issue de la représentation avec Sophie Cattani (7 min) :

    podcast

    @crédit photo : Théâtre du point du Jour