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Choeur - Page 42

  • Amour impérial

    l’empereur et son fils,catherine pallaro,judith gueyfier,didier  jeunesse,conte chinois,transmission,héritier,avril 2022« Il était empereur. Son palais était somptueux. Son empire immense. Son peuple l’aimait »

    Bleu profond, vert d’eau, lilas, ces couleurs nous sautent aux yeux et illuminent Lempereur et son fils , édité chez Didier Jeunesse de Catherine Pallaro (texte) et Judith Gueyfier (dessin). Le crayon de l’illustratrice fait apparaître en douceur des personnages aux traits expressifs et au regard intense. Derrière l’apparente simplicité du geste apparaît la consistance du dessin, tout comme la petite histoire s’amplifie, prend de la hauteur et nous touche durablement.

    « Mais chaque jour, à l’heure où ses conseillers venaient lui rendre visite, une ombre passait sur son visage »

    Un empereur bon règne avec sa femme sur son royaume. Il est aimé du peuple mais il n’a pas d’héritier. Malgré les réticences de ses conseillers il décide d’adopter un enfant plutôt que de répudier sa femme. Il organise un concours pour trouver la perle rare, celui qui sera digne de lui succéder. C’est ainsi que les lecteurs découvriront ce qui est le plus important aux yeux des époux. La nature et les fleurs ont une place prépondérante dans cette histoire, loin d’être mièvre.

    « Et voici ce que vous allez faire : convoquez nos messagers, remettez-leur les graines que me femme et moi avons préparées »

    On ne se lasse pas de ce conte venu de Chine, raconté par Catherine Pallaro, et l’on ne peut s’empêcher de le relire, de méditer sur le thème de la transmission, puis de s’attarder à chaque page pour admirer toutes les subtilités du dessin de Judith Gueyfier et les petits détails que notre œil aurait loupé.

    Image: Didier Jeunesse

  • Rendre le mal Un

    La tragédie humaine, le mal persistant, viennent de la méconnaissance de notre ombre. Lorsque le mal est compris comme une ignorance de soi, nous savons que l'éducation intérieure peut s'y opposer et le diminuer”. (p.39)


    Embrasser-le-mal-couverture-349x543.jpgLe docteur Guy Ferré signe avec Embrasser le mal, paru chez l'Originel-Antoni, un court essai "contemplatif" concis, exigeant et probant, dans la lignée d'Annick de Souzenelle (Le Seigneur et le Satan) ou de C.G Jung (Le livre de Job) puisqu'il est ici question de l'ombre (les besoins infantiles de reconnaissance, d'orgueil, de jalousie, de domination, de peur...), du processus de maturation (devenir responsable ou adulte) qui résulte de sa nécessaire confrontation et de la conscientisation d'un centre autonome détrônant l'ego ou faux personnage.
    L'ouvrage est émaillé de citations de Lee Lozowick (le maître spirituel de l'auteur) ainsi que d'autres sages et philosophes de renom, lui donnant son caractère œcuménique.
    Une seconde partie plus personnelle mêle expérience et convictions sur les racines du mal en chacun (le scénario de survie souvent tyrannique, violent ou cruel du petit ego) et la nécessaire adaptation à la perte (physique, émotionnelle, psychique) d'(un) être séparé, qui ouvre un champ inconnu mais riche de potentialités (en terme d'énergies, de niveaux de conscience...).
    La question du mal (guerres, souffrances, viols...) concerne bien sûr notre part d'humanité maudite qui n'attend qu'une baiser du Vivant en nous pour se sentir aimée inconditionnellement. Croyant ou pas, c'est Dieu ou l'être en soi (ou le maître de la voie) qui a ce pouvoir de guérison spirituelle même si en délaissant la toute puissance (une blessure narcissique souvent) on se retrouve impuissant ou vulnérable à la tyrannie d'autrui. Reste à accueillir à hauteur d'homme cette faille inhérente à notre commune nature et traiter autrui comme nous voudrions qu'il nous traite puisque l'élévation est notre tâche et alliance. Cette démarche peut s'apparenter à la praxis chrétienne que peu appliquent en profondeur. Le péché représenterait alors les scories de la personne qu'il convient de brûler dans une pulsation embrassante.
    Un petit livre édifiant dont le jugement est absent et qui fortifie en soi notre capacité unitive.

     

    “Le délire de toute puissance et d'immortalité de l'homme augmenté est en réalité une conséquence mortifère de notre refus collectif d'apprendre à nous pencher sur le sentiment de perte et ainsi à embrasser le mal”.(p.92).

     

  • Les ouvriers du mieux-être

     

    tarquinio.jpegCyril Tarquinio, psychothérapeute, évoque dans "Les maladies ne tombent peut-être pas du ciel" paru chez Dunod, les liens entre traumatismes de l'enfance et santé de l'adulte, jusqu'à des cicatrices moléculaires observables par la science.
    Rien n'est anodin. Divorce, fessées, viol, harcèlement, violence verbale, suicide...ces événements honteux ou tus, parfois banalisés, se sont inscrits dans notre mémoire mentale et corporelle. Ils peuvent ressurgir à tout moment avec des symptômes physiques (prise de poids, colère, tristesse, toc...) ou psychiques (dépression, peurs irrationnelles, paranoïa...) plus ou moins maîtrisés et maîtrisables.
    Reconnaître le trauma est un premier pas vers la guérison, verbaliser (chez un thérapeute qualifié) et se soigner constituent l'assurance de ne pas reproduire la cassure sur d'autres générations.
    L'auteur, drôle, clair et lucide, déplore la disparition de vrai médecin qui ne compartimente pas son diagnostic (un organe à la fois...) mais possède une vue large, holistique de la maladie, prenant en compte l'histoire personnelle voire transgénérationnelle, les conditions socio-culturelles et l'hygiène globale de vie.
    Les psychothérapeutes essaient, quand ils ont une éthique et une conscience collective, de pallier à ce manque, en se formant aux nouvelles techniques de soins (TCC, EFT, EMDR, TSPT, kinesiokogie...) et à l'aide compassionnelle. Ce ne sont pas des guides spirituels ni des psychanalystes mais des êtres soucieux, comme Cyril Tarquinio, du bien-être de leur prochain (savoir aimer, rire, manger, prendre soin de soi, s'estimer) et de la réduction de la souffrance humaine.
    Le livre est un savant mélange de données scientifiques (un voyage sur 80 années de découvertes psychologiques), d'expériences cliniques et d'avis personnels fort à propos. Il permet ainsi une meilleure connaissance de ce métier d'aide et de ce(ux) qu'il vise.

     

  • L'amour en partage

     

    les-elucubrations-d-un-homme-paysage-radiant-bellevue-1593174001.jpg

    Dans Les élucubrations d'un homme soudain frappé par la grâce, donné en trois représentations au Radiant Bellevue de Caluire, un comédien fuit sa propre pièce qu'il a écrit et se retrouve sur un autre plateau, celui du Dernier bar avant la fin du monde (une forme de spleen générationnel ?), dans lequel il s'attarde en compagnie du régisseur (Christophe Meynet), à parler de tout et de rien. Edouard Baer compose ses élucubrations sur une base nostalgique, l'évocation de grands personnages historiques (Malraux, Bonaparte, Jean Moulin, Jésus...) ou culturels (Bukowski, Jean Rochefort, Romain Gary...) qui l'ont fasciné comme hommes ou mentors par leur parole toujours incandescente.
    Il se glisse avec émotion juste dans leurs mots ou leur corps par interstice, pour mieux leur rendre hommage et les fêter (ces fantômes inspirants) en ne cessant de s'interroger sur son rôle, son succès bâti sur ce génial ressort comique mais qu'il estime peut être trop léger, facile ou manquant de poids, de gravité ou de sérieux en comparaison : ce fameux sentiment d'imposture contrebalancé chez lui par une exigence de profondeur.
    Pourtant s'il y a quelque chose plutôt que rien, si la tendresse humaine, la malice enfantine ou le regard poétique imprègnent chacune de ses saillies (co-mise en scène d'Isabelle Nanty), c'est aussi par cette grâce qui le fait s'oublier pour se donner entièrement à l'autre, partenaire ou public, et le magnifier. Ainsi la balle revient à l'envoyeur comme un acte désintéressé et c'est la joie dans le jeu. Cet effort sur soi pourrait s'expliquer de manière métaphysique mais Edouard Baer préfère le parti d'en rire pour mieux supporter le manque, l'absence, et célébrer à sa manière l'éphémère beauté de la vie. 

    Crédit photo : Radiant

  • Sublime diversité

    Nos identités celles qu’on nous impose celles que l’on cache, Hawa N’Dongo, Nocturne, Sarak Saysouk, Grâce Ly, Aya Cissoko,Jennifer Padjemi, éditions Rageot, association Diveka, diversité, avril 2022Réunir six autrices d’horizons divers pour parler de la diversité ou plutôt raconter des histoires multiples. Tel est le pari des éditions Rageot et l’association Diveka avec le recueil Nos identités celles qu’on nous impose celles que l’on cache. Lire d’autres voix, entendre d’autres rêves, vivre d’autres sensations. Et peut-être se réjouir que ces nouvelles plumes captent si bien l’air du temps et arrivent à point nommé pour exprimer toutes les humanités qui coexistent et passent pourtant souvent à côté des radars. Ainsi, elles seront un premier pont vers des lecteurs réticents car absents des récits puis une petite graine pour de futurs écrivains et écrivaines prenant soudain confiance en eux. Seulement ces voix ne doivent pas être éphémères le temps d’un projet ou d’un concours de circonstance. Ainsi, espérons que nous suivront Hawa N’Dongo, Nocturne et Sarak Saysouk aux côtés de Grâce Ly, Aya Cissoko et Jennifer Padjemi, les membres du jury, qui partagent également leurs récits. Leurs noms deviendront peut-être familiers à nos oreilles, et pourquoi pas étudiés en classe (thèmes inspirants), partagés, pas seulement par un petit nombre d’initiés mais par chacun et chacune puisque de la diversité émerge l’unité.

    Dans ces six nouvelles , il est beaucoup question de transmission, comme Basilia, dans La poésie du Bubble tea de Grâce Ly, qui n’aime pas  son prénom et à qui sa maman n’en a jamais expliqué l’origine. Peut-être est-ce enfin le moment d’en savoir plus pour s’aimer un peu mieux ? Dans L’initiation, nouvelle théâtrale, d’Aya Cissoko, Hatouma et Massou, mère et fille, l’une née au Mali et l’autre en France, ont beaucoup de mal à se comprendre et vont faire en une nuit, le pas l ‘une vers l’autre, qu’elles n’avaient jamais osées accomplir. Lola, héroïne d’Un latte, s’il vous plaît de Jennifer Padjemi ne supporte pas d’entendre parler de colocation. En effet, elle vit mal la situation de pauvreté dans laquelle sa mère et elle vivent et n’ose pas prendre son indépendance. Enfin, Hawa N’Dongo nous raconte l’histoire d’ Astou et La photo de Classe. L’adolescente est beaucoup moins enthousiaste que ses parents à l’idée de porter un costume traditionnel pour la photo de classe du collège. Petit coup de cœur pour cette dernière nouvelle qui pourrait être lu à l’école juste avant que les flashs ne crépitent. Une manière d’être fière de ses origines plutôt que de les cacher honteusement.

    Étouffer ce qu’on est, qui on est, c’est souvent ce que font les protagonistes avant de se rendre compte à quel point cela fait partie de leur richesse et leur singularité, même si la société les laisse de coté pour cela. Dans la nouvelle de Nocturne, Hors du Terrier, Ciguë vit protégée, à la campagne, où ses préférences ne sont pas un problème. Ce n’est plus le cas en ville : lesbienne, noire, non-binaire, hypersensible, les différences dérangent et le chemin est long pour être accepté tel que l’on est. Un écho à Voyage entre les mondes de Sarak Saysouk où Sourya se sent mieux avec son avatar devant un jeu vidéo pour communiquer avec une fille de sa classe que dans la vraie vie. De peur d’être rejeté parce qu’il est autiste Asperger, l’adolescent prend les devants pour éviter d’être humilié. Heureusement les vraies rencontres peuvent tout changer. Un peu comme plonger dans une histoire touchante et vibrante, qui nous permet de regarder le monde avec une autre paire d’yeux et vous élargir la vue.

    Image: Rageot édition

  • Expédition « kaiju »

    Katsuro le titan, Eric Senabre, Laure Ngo, didier jeunesse, correspondance, godzilla, cinéma japonais, grand-père, avril 2020« Ce ne sont pas tous les grands-pères qui prétendent avoir été des Kaiju ! En japonais, kaiju, ça veut dire « bête étrange » ».

    Il y a ceux qui vouent un culte à Godzilla et autres monstres de cinéma. Il y a celles qui adorent le Japon et ses traditions surprenantes. Il y a les lecteurs en quête de récits intergenérationnels. Et puis il y a tous les autres qui sont curieux et simplement friands d’une bonne histoire. Ils seront servis, comme tous les précédents. Katsuro le titan d’Eric Senabre aux éditions Didier Jeunesse ou l’art d’embarquer son lecteur sur des sujets étonnants et prenants qui le mènent de surprise en surprise.

    Escapade au clair de lune / L’aïeul se souvient / De l’odeur du blé coupé

    Drôle, haletant, intriguant, ce roman se lit d’une traite et l’on en ressort spécialiste de super héros inconnus tel Ultraman sans y avoir pris garde. Ainsi Katsuro et son ennemi Ryo, deux grands-pères grincheux, imposent leurs obsessions et forcent leurs petits-enfants Miki et Eiji, et nous avec, à suivre leur lubie jusqu’au bout. Accompagnés par un genre de robot-infirmier ils parcourent Tokyo alors même qu’ils semblent perdre la tête et sont enfermés dans une maison de retraite contre leur gré. Cependant les deux vieillards ont eu une vie trépidante dans leur jeunesse, enfin c’est ce qu’ils affirment aux deux jeunes collégiens. Pour avoir le fin mot de l’histoire les deux amis doivent faire confiance malgré-eux à leurs grand-pères.

    « On a poussé le robot sur une cinquantaine de mètre encore. J’étais en sueur, d’autant que, comme j’ai déjà du te l’écrire, il fait terriblement chaud et humide en été, à Tokyo ».

    Grâce au récit, les lecteurs découvrent les us et coutumes japonais, le monde du cinéma, les vieux bars Tokyoïtes et la vie de la Capitale la nuit. On ne se lasse pas des petits haïkus qui ponctuent chaque moment de l’intrigue. Qui sait si, en refermant le livre, vous n’aurez pas envie de plonger dans un vieux film japonais de super-héros ou de vous trouver une correspondante nippone ?

    Arigato Eric-san Senabre !

    Image: Didier Jeunesse

  • Au coeur de la Taïga

    Non pas un rêve, un vrai monde, ton monde...


    Tigran,Shaman-La Quête,Mama éditions,Mongolie,vision,rêve,esprits,initiation,chamanisme,Avril 2022Shaman de Tigran sera une trilogie qui paraît chez Mama éditions.
    Le premier volume, la Quête, nous emmène sur la steppe mongole où un jeune français a été adopté et reconnu comme fils spirituel d'une chamane, Otharjanat. Cette dernière l'a vu lors de leur première rencontre et a su qu'il perpétuerait sa lignée car on naît chaman. Il faut dire que le héros faisait des rêves étranges, jeune, qui l'emportaient dans un tout autre monde, celui de la magie. Pas de fioritures ici, on rentre directement dans le vif du sujet.
    La Quête est l'histoire de cette transmigration d'âme, de son initiation au sein de la communauté en tant que guérisseur et de sa rencontre avec la belle autochtone Hilga, promise à un autre homme du clan mais destinée par les esprits tutélaires à une autre alternative...
    Petit livre aux courts chapitres tels des flashs, comme ceux vécus par l'auteur avec ses allers-retours dans l'autre réalité, ce premier tome est haletant et nous immerge complètement dans l'univers chamanique, ses rites, ses croyances, ses esprits, ses animaux passeurs aussi comme Arzan, le cheval grège, qui accompagne le héros dans sa quête initiatique.
    Y est introduit une réflexion sur l'espace-temps, où passé et futur s'entremêlent pour conforter le Shaman dans la maîtrise et la confiance en soi, ses pouvoirs, ses visions mais surtout sa capacité à laisser œuvrer l'esprit à travers lui.
    C'est la suite qui déterminera la saveur et la teneur du récit même si  ce premier jet se suffit à lui-même comme condensé ou essence du chamanisme.