Fabrizio Bajec n'avait pas tout dit avec Le Point Zéro, son précédent ouvrage. Dans "Dompter le lion - un zen sauvage", paru au Mercure Dauphinois, il prend un peu plus de hauteur pour nous parler de son zen MBSR (Mystique, Bienveillant, Sauvage et Radical), qu'il pratique avec quelques acolytes en tout temps et tout lieu extérieur, les contours du Dojo n'ayant plus de raison d'être. Longtemps affilié à une forme et tradition, il s'en affranchit de temps en temps pour s'afficher koan vivant aux yeux des passants éberlués. Il faut dire que le "je" qui prend la plume "est toujours un autre qui n'existe pas", depuis le jour où il cessa de respirer...du moins en apparence.
Il se définit dès lors comme "mort-vivant", non-né, sans personne aux commandes, situant son expérience comme aussi advenue auparavant chez d'autres éveillés, le Maharshi par exemple.
Désormais porteur d'une Présence et d'un Amour sans frontières, il en fait don et témoignage au monde, comme pour mieux le défier (dévier ?) de sa finitude.
Mais ce livre est aussi un jalon sur le chemin de tout questeur de vérité, avec des étapes et passages que l'auteur a vécu ; un témoignage également de la nuit noire de l'âme plus commune aux mystiques chrétiens et un recueil de poèmes glanés au fil du temps !
Richesse paradoxale donc d'une non personne à la conscience cosmique et qui est pourtant "some body"...
Amour
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Un koan vivant
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Un adieu sicilien

Dans Paterno, une histoire sicilienne qui s'est joué au petit mais cosy Théâtre de l'Uchronie, Mariella Parisi relate la cérémonie de deuil de son père adoré et nous dépeint, avec cocasserie et perspicacité, le rituel coutumier de la péninsule sud de la Sicile concernant la veillée funéraire.
Cette "langue de verité" d'après l'actrice et autrice principale oblige à dévoiler l'ombre des gens du paraître (hypocrisie) ou d'une nation corrompue par la mafia.
Mariella Parisi endosse un nombre incalculable de personnages hauts en couleurs avec une énergie débordante et communicative et parvient, dans cette pièce hommage, à nous restituer un portrait généreux de son père défunt, sans pathos mais respectueux de l'être qu'il fut.
Pour une première en scène intimiste, Paterno a des accents socio-politique et parfois ethnologique qui confinent à l'universel. Une réussite joyeuse pour et sur un sujet tragique.Rencontre avec Mariella Parisi, à l'issue de l'avant dernière représentation (13 min) :
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Une âme déterminée

Wayqeycuna de Tiziano Cruz Marque le début du festival sens interdit et se joue au théâtre du point du jour.
Fort de son aura et succès au festival d'Avignon 2024, la salle était pleine pour cette première à Lyon, pour acclamer l'auteur et interprète vivant, vrai, présent et rayonnant, malgré un narratif triste et poignant : Il est question de la représentation de l'art indigène dans un milieu culturel à dominance élitiste (donc blanche).
Tiziano Cruz nous parle de ses racines (le plateau argentin), de son enfance, de son père, de sa sœur décédée (brutalement et sauvagement) et d'une cérémonie traditionnelle en son honneur au pays. Lui qui a su s'élever et parcourt désormais le monde comme témoin, incarne puissamment cette culture autochtone pauvre (coyas) et souvent victime des aléas politiques.
La pièce ne manque pas de spiritualité et tout converge vers une sorte d'eucharistie dont il est finalement l'agneau sacrificiel, sur l'autel du capitalisme. Un thème universel que toute minorité ethnique ou sociale peut revendiquer.
Dans un registre à forte teneur émotionnelle, l'artiste s'en sort en dansant, joyeux, avec le sourire radieux d'un émerveillé à la vie...une victoire en soi sur tout déterminisme.@credit photo : Christophe Raynaud de Lage
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La voie de MoÏse
Ce serait parce que Moïse resterait quant à lui toujours attaché à ce point immémorial en lui, depuis sa naissance placée sous le sceau de la bonté, et indépendamment de tout savoir conscient, qu'il serait apte à écouter la Voix qui parle en lui et à transmettre Ses paroles (p.131).
Avec La Voix de Moïse, paru aux éditions du Cerf, Catherine Chalier, philosophe hébraïsante, retrace l'épopée du prophète emblématique du Judaïsme.
De sa naissance à sa mort, le livre retrace les événements fondamentaux de celui qui fut élevé par la fille du Pharaon, tua un égyptien, entendit le nom et la voix de Dieu (Adonaï) dans le Buisson Ardent, annonça les dix plaies avec son frère Aaron, fit sortir le peuple hébreu d'Égypte, lui présenta la loi (les dix commandements) et l'amena à l'entrée de la Terre Promise.
Il fut aussi un géant du prophétisme qui sut parler en continu avec le Très-Haut grâce sans doute à une épure du cœur.
Il est en effet beaucoup question dans ces lignes, de ce point de vitalité divine (Sfat Émet), le point de bonté ou point intérieur (Hassidisme), présent en l'âme de chacun.e pourvu que l'égo et son frère l'orgueil n'y prennent pas toute la place.
On passe un bon moment presque intime, en compagnie de Catherine Chalier, qui enrichit sa trame de commentaires de la tradition juive (Midrash, Hassidisme, Cabale), rendant ce colosse de la religion plus humain, accessible et surtout contemporain.
Elle rappelle la fonction du juste qu'il était : prendre sur soi une part de la souffrance d'autrui, d'un peuple parfois infantile plus habitué à se plaindre qu'à guérir sa plaie.
Reste son testament, le Deutéronome, pour manduquer la parole de Dieu mais aussi la laisser nous rasséréner intérieurement à mesure que notre écoute s'affine, jusqu'à devenir virginale, exempte de toute pensée ou brouhaha mental.Lien permanent Catégories : Amour, Aventure, Fantastique, Histoire, Judaisme, Livre, méditation, Spiritualité, Voyage 0 commentaire -
Une spiritualité naturelle
Ostad Elahi explique que la condition psychique qui résulte du couplage d'une part terrestre et d'une part céleste est une condition sine qu'à non de l'activation et du développement de la raison elle-même...De cette confrontation (des contraires), comme de la friction entre la pierre et le fer, jaillit la lumière (p.38).
Le spirituel et l'universel, des éditions de la Sorbonne, propose sept études philosophiques sous l'égide d'Elie During, sur Ostad Elahi (1895-1974). Pluridisciplinaires, les essais sont complémentaires et appréhendent les univers de la spiritualité, de l'éthique et du droit, rendant hommage au parcours et à la pensée du sage iranien.
Initié à l'ésotérisme soufi dans sa jeunesse (un syncrétisme entre philosophie grecque et islam chiite), doué dans l'apprentissage du luth kurde, il choisit adulte une vie en société comme magistrat, tout en perfectionnant son art musical et l'étude des religions monothéistes.
À l'image du maître caucasien G.I Gurdjieff, il insista sur l'importance d'une raison mature (objective) pour maîtriser l'âme terrestre (soi impérieux) par l'âme céleste (l'esprit divin), discerner l'apport juste de cette âme charnelle/animale pour éviter qu'elle ne contamine trop l'individu relié (le Moi réel).
Cette "spiritualité naturelle", à l'épreuve du quotidien et loin d'une vie érémitique ou de guidance spirituelle (même s'il n'y rechignait pas), lui permit d'affiner une éthique personnelle et professionnelle, une rigueur d'esprit louable et quasi scientifique quand il jouait de son instrument fétiche et amenait le ciel à descendre systématiquement sur l'audience.
Ce penseur spiritualiste questionne et passionne encore tant l'abdication de ses plausibles destins (artiste ou guide spirituel) au profit d'une tâche plus ordinaire et ancrée au sein des affres du monde (un juge droit examine chaque cas en conscience) paraît antinomique à une vie pour Dieu. Ce fut à défaut une vie avec Dieu. -
Un bon terreau pour croître
Pour bien soigner l'être humain, il ne faut pas le prendre par "secteurs" mais dans son entier...passer d'un soin spécialisé à un soin intégral, si l'on préfère "catholique", c'est à dire "selon le tout" (p.34).
Fin lettré, coutumier des Pères de l'église, et déjà remarqué avec la Gloire des bons à rien, Sylvain Detoc revient aux éditions du Cerf avec Au bon plaisir de Dieu - l'évangile du bien-être.
Toujours vif à discerner le bon dans l'interligne de l'évangile, il nous parle dans cet ouvrage du bien-être corporel voulu par Dieu, dans son éternelle bienveillance et amour inconditionnel pour la création.
L'écriture est limpide, légère et fait bien le tour de la question. Fort d'exemples évangéliques ou d'anecdotes puisées chez les pères ou les saints de l'église, il nous rappelle les fonctions de Jésus (guérisseur des corps et du cœur avant tout) et le fameux adage "esprit sain dans un corps sain". Le repas, la toilette, les soins, l'activité physique et sportive jusqu'au sommeil, tout concoure à prendre soin de son corps pour que l'âme ait envie d'y rester. En passant il égratigne l'ancienne vision doloriste qui eut cours jusqu'à récemment, dissertant sur la chair animale dite faible par passions.
L'incarnation du Christ reste de facto un phare et un modèle à suivre, en illuminant la chair de l'esprit de sainteté et en densifiant l'esprit par une chair transfigurée via l'icône de l'Homme nouveau...pour que la joie demeure, dans un vivifiant cœur à corps (accord). -
Richesse et profondeur du mythe
Mélusine est là pour guider les femmes qui aspirent à retrouver leur fierté et la dignité de leur sexe...qui cherchent à être, à agir à partir de leur propre essence. Leur pouvoir régénérateur et créateur, puisant aux sources de la vie et de leur germe divin, est intact au fond de chacune d'elles et attend d'être revivifié (p.18)
Mélusine, fée et femme est le nouvel essai d'Audrey Fella, publié au Courrier du Livre. Il y a 20 ans paraissait Mélusine et l'éternel féminin, de la même autrice, son versant plus intellectuel, rationnel et livresque. Car entre-temps l'âme s'est déployée, quelqu'un s'est trouvé, l'intériorité s'est affinée, la personne qu'elle fut est devenue individu, reliée à un centre divin, qui est cœur.
C'est de tout cela qu'est fait ce livre, en plus d'être féministe, par le truchement d'une figure mythique lunaire et lumineuse, mi femme mi serpent, apparue sous la plume de Jean d'Arras en 1393. En peu de lignes, avec clarté et rigueur synthétique, sont exploités sa légende, sa figure, sa symbolique et son archétype initiatique, fruit d'un cheminement littéraire et alchimique.
Mélusine personnifie les nécessaires mues dans un bain salvifique et régénérateur (le Soi) afin de spiritualiser la matière égotique, pour être davantage.
Ce double de lumière peut être apparenté au corps lumineux, immortel qui se manifeste à force de frictions, souffrance volontaire ou remords de conscience, étant indifférencié chez l'homme ou la femme.
Ce germe de foi nommé Paix, Amour ou Donne, infuse sagement en certains êtres et se diffuse secrètement en tous lieux, à la fois agent et pilier d'un nouveau monde espéré de tous nos vœux.Lien permanent Catégories : Amour, Aventure, Conte, Fantastique, Féminisme, Histoire, Littérature, Livre, Spiritualité 0 commentaire
