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Voyage - Page 6

  • Sur la terre comme au ciel

    La prédiction va enfin se réaliser, mon fils...Il lève les deux mains, paumes tournées vers le ciel comme s'il s'apprêtait à recevoir quelque chose, puis les rapproche l'une de l'autre et joint lentement les extrémités de ses doigts en direction des flammes. Aigle de feu murmure alors : "la prophétie du tigre et du jaguar". (p.133)

     

    9782845945265.jpgLe tome V de la série Shaman, parue chez Mama éditions, s'intitule Les Cieux pour mieux dévoiler ce qui ressort d'un plan prémédité en hauts lieux. L'intrigue imaginée par Tigran se recentre ici sur le couple Tangri et sa femme Hilga, sur leurs destinées chamaniques et la raison de leur rencontre.
    L'action est plus que jamais au rendez-vous avec cinq rituels/cérémonies aux effluves surnaturelles : la naissance de Sevan, fils et deuxième enfant du couple phare ; la guérison d'un ensorcellement par Tangri avec l'aide de l'esprit numineux et sacré de Marie ; la veille mortuaire de la chamane doyenne de la tribu Navajo ; la quête d'un lieu de pouvoir pour le fils adoptif de Tangri et le rite d'initiation de Hilga comme apprentie chamane.
    Les liens d'âme se révèlent encore aussi puissants que ceux des corps et cœurs. Ils tracent des destins, croisent des lignées et réalisent des prophéties, ici l'union symbolique de l'Orient et de l'Occident (chamanique).
    Cet avant dernier tome réveille également l'essence d'Hilga. Jusqu'ici mère de Seta et Sevan et réincarnation (non consciente) d'une chamane accomplie, elle se découvre clairaudiante et enclenche son potentiel de guérisseuse endormi. Son mari Tangri la redécouvre habitée de ressources animales et de pouvoirs surhumains, ce qui actualise sa compréhension du mystère de l'incarnation et sans doute aussi son désir mêlé de crainte.
    Un volume somme toute assez christique, comme un pont que l'auteur, Tigran, souhaitait peut-être tisser entre deux univers pas si éloignés l'un de l'autre que cela, n'en déplaise aux puristes de chaque bord...

     

  • L'oeil alerte d'un sur-vivant

    Partir de rien, ensemble, réussir. C'est ce que j'aime. Entreprendre. On doit toujours comprendre ce qui nous fait nous lever le matin. Mais pas des trucs comme l'argent ou la famille. Des trucs fondamentaux qui conditionnent notre bien-être quotidien. Apprendre, aider, transmettre, créer...(p.225)

     

    Guilhem Pone Gallart,Fonky Family,Un peu plus loin,Jean-Claude Lattes,la grenade,Marseille,age d'or du rap français,si Dieu veut,Art de rue,Sat,Menzo,Don Choa,Le Rat Luciano,DJ Djel,DJ Mehdi,Daft punk,maladie de Charcot,Kate Bush,Avril 2023Guilhem Gallart alias Pone, le beatmaker de la Fonky Family signe Un peu plus loin chez J.C Lattès, collection la grenade.
    Le livre suit la chronologie de ses multiples vies. De Toulouse (l'enfance)  à Marseille où il connut le succès artistique et financier pendant 20 ans, de producteur de rap à entrepreneur ou manageur dans le milieu de la nuit. Puis retour dans la ville rose pour une vie plus rangée de père de famille, musulman, engagé dans le milieu associatif local.
    L'effervescence de la cité phocéenne  entre 90 et 2010 se dessine en filigrane. L'un des berceaux du rap français bien sûr (IAM, Troisième Oeil, Bouga, Psy4...), mais aussi le code moral (le respect des anciens notamment), la fierté d'être marseillais (la bataille épique avec les anglais sur la canebière lors du mondial 98) ou encore le mélange de vices et vertus (voyous et policiers se côtoient de près), le danger et l'illégalité.
    Le témoignage de Pone est aussi précieux sur l'âge d'or du Hip Hop et la fabrication (enregistrements, mixage et mastering) d'albums mythiques de la FF : Si Dieu veut bien sûr  ou encore Art de rue. Les anecdotes fusent et on découvre ce mouvement et ses ramifications de l'intérieur, ses liens avec New York, la musique électronique ou ses contrats types (12,5 % des recettes a l'époque avec Sony). On y découvre par exemple le projet collectif de 4 producteurs (dont DJ Mehdi) pour 3 MC's (Lino, Rim'K et Le Rat Luciano) que le 11 Septembre 2001 a fait avorter...
    Un peu plus loin c'est aussi une formidable leçon de vie sur la capacité à rebondir, aller de l'avant, même lorsque le pire semble advenir. En 2015 en effet la maladie paralysante de Charcot (comme Stephen Hawking) le cloue au lit (alimentation entérale et trachéotomie) avec ses yeux pour seule voie de communication. Pone raconte aussi la détresse, la tristesse, la peur de la mort (dont il s'est affranchi) mais l'amour de la vie, la famille, les amis et la foi le reboostent pour à nouveau composer (les albums Vision, Kate and me, listen and donate), aider (site Le LSA pour les nuls), transmettre avec ce premier livre écrit sur deux ans.
    Témoin de son temps, l’œil de Guilhem a tout enregistré en conscience. Conscient d'écrire l'histoire (du rap français et de ce mouvement distillé partout), conscient de parfois jouer avec le feu et conscient de se connecter désormais à la pulsation essentielle. 
    Jamais donneur de leçon, non-dénué d'humour, passionné de rencontres et de musique (Kate Bush notamment, qui préface le livre), B.Boy depuis l'enfance, Pone possède maintenant un corps-don relié à la Source, dont l’œil resté lumineux est l'interface. 

     

  • Le chemin vers la paix

    L'amour est l'arme ultime, car il n'en est pas une (p.134)


    shaman.pngTigran étend la trilogie Shaman pour un nouveau cycle amérindien. Le tome 4, le Chemin, toujours chez Mama éditions s'axe sur l'initiation d'un jeune navajo, Élan Blanc, dans sa quête de vision pour le passage à l'âge adulte. Tangri, qui a répondu à l'appel outre Atlantique d'un grand-père d'âme, avec sa famille au complet, fait le lien, l'accompagne et le protège.
    Ce nouvel opus intègre l'homme blanc dans un processus d'unification de nations longtemps ennemies (Navajos et Comanches) et prône l'avènement d'une ère de soulèvement de la Terre-Mère avec toute femme désireuse de soigner l'homme possessif et pillard, par Ses énergies de guérison. Un processus en cours (mais pas assez souligné) et souhaitons le, durable et probant.
    160 pages de plaisir renouvelé, avec de courts chapitres comme autant d'images qui défilent, introduits par des paroles de sagesse chamaniques qui parlent à notre être intérieur, pour ne pas dire l'enfant libre en nous, qui sait et sent et dont la réintégration confère à l'Homme adulte sa pleine dimension.
    La magie opère avec cette reliance entre tous, animaux, végétaux et minéraux compris, et ces familles d'âmes recomposées donnant un sens pratique de cheminement à l'incarnation, pour mieux marquer la matière-chair de la lumière de la conscience.



    Il n'y a plus de tristesse dans la solitude. Maintenant, je sais que c'est moi-même que j'attendais. (p.162)

  • Festive communion

    familia.jpg

    Voyage musical marquant ce samedi 22 Avril au Fil de Saint-Étienne avec une nette tendance blues rock et deux groupes métissés.
    La première partie, locale avec le trio Mouss Idir (contrebasse, Oud et chant), Issouf Mounkoro (kora accoustique et chant) et Fabrice Laurent (batterie, cajon et percussions), qui ont dévoilé un set aux multiples influences d'Amérique et d'Afrique, tantôt blues, jazz ou country en brassant les langues, du djoula à l'arabe en passant par le français ou l'anglais.trio.jpg
    The sound of Sun est leur dernier projet commun enregistré à l'époque entre la France (Mouss et Issouf pour les paroles) et le Canada où vivait le batteur (mixage et production).
    Sur scène le spectre musical est plus large malgré le temps limité, laissant la part belle au plaisir et à la joie (communicative) d'être présents. Belle alchimie entre ces trois maîtres de leurs instruments dont l'amitié a permis de belles improvisations saluées.
    Le public galvanisé accueille alors Tamikrest (signifiant coalition ou avenir), version quatuor, pour la seule étape française d'une tournée internationale. Le leader et chanteur Ousman Ag Mosa (guitare) et son frère d'âme voilé Cheick Ag Tiglia, à la basse, sont des "Kel Tamajek" (ceux de la langue) ou plus communément  touarègues, partageant entre 5 pays africains, un désert et une langue commune.
    Peuple oppressé, méprisé parfois et plus récemment opprimé par l'organisation terroriste Aqmi, ils résistent par les armes mais aussi la poésie ou la musique avec le courant Ishumar crée dans les années 80, notamment le groupe Tinariwen. L'ouverture au son de l'occident avec internet a permis aux jeunes musiciens en herbe de trouver dans le blues ou le rock psychédélique des racines communes où épancher leur âme.

    tamikrest.jpgCinq albums ont suivis (Le dernier Tamotait en 2020) et plus récemment deux musiciens français, Paul Salvagnac à la guitare et Nicolas Grupp a la batterie, ont amplifié leurs (positives) vibrations pour un concert qui mit littéralement le public en transe. Leurs boucles lancinantes s'infiltrent tels des mantras dans les esprits et libèrent les corps au-delà des mots. Ousman parle bien  français mais chante en son langage berbère, le tamaschek, les maux de son peuple. En douceur et avec ce temps décalé propre aux bédouins, le groupe avance d'un seul homme et avec une force tranquille, distille dans la durée un groove hypnotique planant et dansant, qui restera dans les cœurs. Une musique chevillée au corps, pour ne pas oublier car c'est bien connu celle-ci adoucit les mœurs, en les transcendant.

    @Photos : Corinne Cardin

  • Duke-Rocca : une connexion explosive

    cimarron.jpgL'enfer ici c'est d'être honnête dans un monde corrompu (esclave moderne)

    J'ai la foi d'un condamné en attente de paroles pieuses...
    Je suis comme.un livre ouvert à la dernière page blanche
    Un jour les perdants écriront l'histoire en guise de revanche (pulsations)


    Rocca sort un album chamanique tribal, animal et viscéral. De L'oraison à La pirogue, 17 titres pour un voyage musical, historico-culturel et intérieur. Cimarron, coproduit avec feu DJ Duke (qui officiait entre autre avec Assassin) est un album concept sur l'esclavage moderne et ses portes de sortie, par un expatrié d'origine colombienne à l’œil frais et au cœur libre (d'aimer ?).

    Rap chamanique pour toute la faune urbaine
    Tes oreilles s'oxygènent
    J'ai le fleuve amazone qui coule dans mes veines
    La voix t'attire comme le chant des sirènes (la pirogue)

    Légende du rap avec la Cliqua en France et Tres Coronas en Amérique du sud, il proposait déjà avec Bogota-Paris (double cd bilingue) un rap fusion avec combos et rythmes latinos. Le boom bap bien « fat » des productions souligne la lourdeur et la moiteur de l'ambiance amazonienne avec une vision décalée, détachée et éveillée du monde moderne.

    Aujourd'hui tout le monde peut devenir célèbre
    Vu que la médiocrité se célèbre (mon idéal)


    Plusieurs écoutes n'en ternissent pas la richesse mélodique ou le phrasé verbal : si les paroles de Rocca sont des flèches, sa voix en épouse littéralement les thèmes avec l'émotion d'un pur interprète. Flow incisif et syncopé ; verbe court et découpé, imagé ; souffle enduré et endurant...une parole au service d'une libération mentale, puisque le ciel n'est pas grillagé.

    Chaque mot est calibré
    Le verbe court comme un canon scié (lamentations d'outre mer)

    Un "venin", selon l'artiste, pour ouvrir les yeux sur une réalité voilée par manque de recul ou détachement.
    Les ajouts de chœurs et instruments ici ou là (saxo, guitare, trombone, percussions ou claviers de Rocca), ajoutent de la profondeur aux instrumentales puissantes volontairement régressives et hommages au son des nineties. L'association Duke - Rocca n'est pas neuve mais cette histoire d'amitié et d'acculturation réciproque sonne avec cet album original comme une véritable claque auditive, intemporelle et incarnée, ce qui est loin d'être paradoxal.
    Trois featuring français ornent ce futur classique de rap, Benjamin Epps, Tedax Max et Youssoupha, challengers du game et dans le même esprit : rythme et "pulsation du ghetto". Dommage que Souffrance avec Mash up n'y figure pas, question de timing peut être.
    Cimarron a mis longtemps à sortir, entre temps John Duke nous a quitté (1973-2020), mais Rocca, après le deuil,  a œuvré pour le rendre encore plus actuel, musicalement et textuellement. Le titre Lamentations d'outre mer semble un ajout postérieur signé du MC seul et s'insère parfaitement dans le délire.

    Je meurs pour mon indépendance et ma liberté comme un cimarron (la pirogue)

    L'âme pro-native de Duke habite littéralement cet ultime projet. Il a su capter l'essence d'un continent de résistants, de guerriers, de minorités stigmatisées pour en faire un hymne universel de révolte face à l'oppression tyrannique de puissants...le tout porté par un MC de renom qui porte son art aux cimes, pour ne pas dire cieux.

    La tête haute prêt a défier l'inconnu
    Ils te diront que c'est impossible, que tout est perdu
    La peur est une prison
    Tu t'échappes d'elle ou tu es détenu

    Brises tes chaînes comme Django (Django)

    @Oeuvre visuelle et pochette de l'album par Francisco Rocca

  • Identité complex(é)e

     La langue de mon père,Sultan Ulutas Alopé,théâtre des Clochards Célestes,Production Bal de Loutres,Jeanne Garraud,Vincent Chrétien,turco-kurde,racisme,poids des rôles,sentiment de honte,famille,étranger en France,Avril 2023

    Dans La langue de mon père, joué au Théâtre des Clochards Célestes, Sultan Ulutas Alopé nous fait part d'un lourd passif familial (racisme turc envers les Kurdes, violence socio-culturelle, rôles imposés...) théâtralisé et digéré, avec une distance interprétative qui permet le passage de la gravité à l'humour.
    Le jeu sobre, le regard tendre et intelligent posé sur l'histoire familiale, l'écriture d'une épopée qui confine a l'universalité (être un.e immigré.e en France), donne à cette pièce co-mise en scène par Jeanne Garraud, un charme délicat pour un premier seule en scène, qui impose écoute et respect.
    La complexité d'une identité culturelle multiple et stigmatisée permet de relativiser notre situation ethno-centrée et d'ouvrir notre regard sur l'autre et sa différence.

    Entretien avec Sultan Ulutas Alopé à l'issue de la représentation du 8 Avril :

    podcast
    Image : Théâtre des Clochards Célestes

  • Le beat a encore frappé

    Le paradis c'est le réel embrassé, étreint de tout ton cœur plutôt que repoussé en tordant le nez au nom de je ne sais quelle réalité alternative soi-disant paradisiaque mais totalement imaginaire...le réel, voilà le paradis mais étreint, embrassé, avalé tout cru sans faire la grimace...(p.160)

     

    beat.jpgÉtienne Appert signe chez la boîte à bulles une nouvelle BD palpitante et hallucinée : Au crépuscule de la Beat Génération - le dernier clochard céleste. Dans ce nouvel exercice périlleux de retracer une époque mythique, il évite toute forme d'idolâtrie et présente les acteurs dans leur humanité crue englobant les contraires et paradoxes de chacun. Le Beat c'est le flow, c'est l'impro, c'est la pulsation qui advient lors de la co-naissance. Au bout de l'ego qui se donne et s'oublie, prend forme l'être au rythme soutenu, soucieux d'autrui, désintéressé, a-mental avec ses qualités de cœur, la bonté, l'innocence ou la candeur.
    Le livre se situe à la fin des années 80 quand Gilles Farcet se rend comme jeune journaliste à New York pour interroger Allen Ginsberg et s'imprégner, tout du moins comprendre l'esprit Beat ou ce qu'il en reste et l'angle choisi vaut crédit pour le témoignage de cette époque. Entre flashbacks et sauts dans le futur, Étienne Appert rend hommage à certaines de ses sources d'influence  tout en questionnant les fruits de ce mouvement. Outre le business encore actif sur les cendres fumantes de ses figures emblématiques, la poésie, les  enthéogenes, l'initiation intérieure ou encore les traces de l'homme sauvage ont encore cours dans un monde où le "Moloch" (le mental d'après Ginsberg qui en voyait sa drôlerie, à la fois très rationnel et sautant d'un sujet à l'autre sans lien apparent) s'accapare en apparence toutes les richesses. Des îlots de résistance ont fleuri épars a travers le monde pour en narrer sa beauté intrinsèque dans un "regard neuf et frais", comme celui de l'enfant.
    C'est ce regard émerveillé que porte d'ailleurs l'auteur en plaçant au centre de sa BD la "parole de Hank", comme pour redéfinir au sens Beat la sainteté (non religieuse), qui est ici l'ouverture à l'invisible esprit de vérité qui souffle sur les adorateurs de la Vie et de sa grande pulsation.
    Rendre familier est le réel talent d’Étienne Appert pour ces monstres sacrés (dont Jodorowsky en préface) rendus ici à leurs couleurs psychédéliques ou à leurs perceptions symbolico-numineuses, transcendant les portes du mental aveugle. Après les écrits des fondateurs, quoi de mieux que le dessin inspiré d'un converti pour retranscrire visuellement ce battement de cœur de l'Univers.